Chapitre 11.

À nouveau, le château de Losthange était pris d'une effervescence peu commune. Tous les nobles du pays s'étaient rendus aux festivités qu'organisait la reine. Il y avait même les ambassadeurs de la République de Bovéa, contrée s'étendant à l'est de la chaîne des Arcs, alliés dans la lutte contre les tribus Skÿull, et du royaume de Jihilis, royaume au sud de l'Irigua, bordant la mer de jade. Sans oublier les représentants de la confrérie des marchands des îles Réïdes.

Tout ce beau monde s'adonnait aux plaisirs de la fête et Mara n'était pas en reste, évoluant avec grâce. Elle s'étourdissait dans chaque danse, au bras du comte d'Orsignac mais également en compagnie d'autres invités. Tous sortaient de ces discussions avec elle, éblouis et ravis. Elle savait trouver les mots pour réchauffer le cœur. La Meravigliosa était adorée par tous et son influence croissait au fur et à mesure de la soirée.

Avisant son partenaire de danse, qu'elle venait tout juste de quitter, près du buffet, elle le rejoignit hâtivement. Il était en grande discussion avec un chevalier, sûrement un des soldats qui combattaient au nord, contre les invasions des hordes Skÿull . L'homme avait une mine sombre. Toutefois, la duchesse ne s'en soucia guère. Ce qui déroulait au nord-est du pays ne l'intéressait pas.

Se faufilant aux côtés du comte d'Orsignac, elle posa ses délicats doigts sur son avant-bras. Aussitôt distrait, l'homme darda sur elle ses prunelles vertes, un sourire fier étirant ses lèvres. Il congédia son homme d'un vaste geste de la main avant de se saisir d'une coupe de vin.

« Alors, que pensez-vous de tout ceci ? s'enquit la jeune femme, d'un ton taquin.

Il haussa des épaules, esquissant une moue ennuyée :

— Le vin est bon, la musique passable...

À l'entente de ce ton trainant, désintéressé, Mara éclata d'un rire clair, cristallin, aussi mélodieux que les notes qui s'échappaient des instruments des musiciens.

— Vous être un critique trop sévère, mon cher...

Elle tapota son épaule d'un geste amicale avant de rajuster le filet sur sa chevelure. Le noble esquissa un léger sourire et déposa la coupe de vin qu'il tenait dans sa main.

— Vous ne me ferez pas croire que vous appréciez cette soirée, ronronna-t-il à l'oreille de la sublime femme.

— Je m'ennuie comme un loir mort. Heureusement que vous êtes là pour égayer cette soirée.

— Avouez que votre seul plaisir est de tourmenter la reine par votre présence.

Un instant, le regard perçant de la Meravigliosa glissa vers le coin de la pièce où la souveraine s'était installée, toisant les nobles de son regard sévère, entourée par toutes ses dames de compagnie. La blonde sourit avant de reporter son attention sur son amant, lui adressant le sourire le plus innocent de sa panoplie.

— Pourquoi nier quand je suis toute démasquée ?

La pétillante duchesse vola un petit four sur un plateau qu'un serviteur conduisait à la reine. Elle croqua dedans avec un plaisir évident, sous le regard amusé d'Orsignac. Tandis qu'elle savourait son met et qu'il l'observait avec attention, il ne put s'empêcher de glisser, sur le ton de la confidence :

— Vous êtes un mystère Mara. Un mystère que je découvrirai.

La sublime femme se figea un instant, presque imperceptiblement. Le coin de ses lèvres s'étira en un sourire mutin et elle susurra :

— Vous m'en direz tant... Cela ne vous suffit-il pas d'avoir mon cœur ?

— Non. Je veux tout de vous.

Un frisson dévala sa nuque. Ainsi donc, le vaillant jeune homme comptait découvrir ses secrets. Plus d'un s'y étaient risqués. Tous avaient échoué. La perspective de voir ce brave chevalier emprunter la même voie l'amusait grandement. Le voir s'évertuer à creuser un passé qui resterait à tout jamais enfoui provoquait en elle une satisfaction presque sadique. Toutefois, elle n'en laissa rien paraître.

— Eh bien demandez ! Je répondrai peut-être...

Il lui lança un regard d'abord suspicieux. Mais sa curiosité était trop grande, elle pouvait lire dans son regard la quantité de questions qui y tournaient.

— D'où venez-vous ? interrogea-t-il, avec une certaine prudence.

— D'Irigua.

— Et avant cela ?

— Des îles Réïdes.

D'Orsginac fronça des sourcils. Il s'était douté que sa sublime amante ne lui aurait pas facilité les choses. Elle aimait bien trop jouer. Et cela, il l'avait compris au moment même où il avait posé les yeux sur elle. La séduire ne s'était pas révélé aisé. Et c'est ce qui l'avait attiré. Un défi à sa hauteur. Puisqu'elle refusait de donner plus de détail sur cet aspect-là, il allait diriger leur petit jeu sur un autre tableau.

— Êtes-vous veuve ?

Pour la première fois, le masque d'impassibilité et de jovialité éternelle de la duchesse se fendilla. Il crut déceler une ombre dans son regard. Une ombre amère, dangereuse. L'ombre d'un regret. Mais elle se reprit aussitôt et dévoilant ses dents en un sourire, elle secoua la tête de gauche à droite.

— Non.

— Vous aviez dit sans mensonge.

— Et je n'ai pas menti.

Mara soutenait le regard du noble, sans ciller, avec une telle détermination qu'il fut bien obligé de la croire.

— Célibataire alors ? tenta-t-il.

— Il est évident que non puisque je suis avec vous.

Il ouvrit la bouche, prêt à répliquer. Mais au même instant, son regard croisa celui d'une ombre, dans un coin de la pièce. Deux prunelles aussi sombres que les ténèbres le fixaient, avec une étrange rage.

Aleksi.

À moitié dissimulé par la pénombre, se tenant comme toujours en retrait, il toisait le nouvel amant de la Meravigliosa en esquissant un étrange rictus. Ses doigts effleuraient le pommeau de son épée, presque menaçant.

Le noble fronça des sourcils. Se tournant vers la dame qui continuait de rafler les sucreries qu'elle pouvait trouver, il s'enquit, d'un ton un peu brusque, empli de dédain :

— Votre valet est-il obligé de vous suivre ?

Mara se redressa, surprise par la question du jeune homme. Un morceau de pate de fruits entre ses doigts, elle darda sur lui son regard interrogateur. Puis ses pupilles glissèrent vers les ténèbres où se dissimulait son homme de main. Et enfin, dans son regard, s'alluma l'étincelle de la compréhension.

Un soupire lui échappa. Ah les hommes... S'ils ne lui étaient pas si utiles, il y a bien longtemps qu'elle se serait débarrassée de leurs jalousies et de leurs orgueils. Mais d'un autre côté, ils étaient si amusants... Elle prit son temps pour déguster la sucrerie entre ses doigts tandis que le comte se tendait un peu plus à ses côtés, fébrile. Puis elle murmura, d'une voix douce, presque cajoleuse :

— Ce n'est pas moi qu'il suit mais ma fille. C'est son protecteur...

D'Orsignac tiqua. Loin de le convaincre, la réponse de sa compagne ne faisait que renforcer l'impression que le mercenaire lui avait déjà laissée. Celle d'un homme dangereux et ambitieux, qu'il se devait de garder à l'œil. Car depuis le début, Aleksi semblait tout faire hormis réellement surveiller Freyja.

Sur un ton narquois, il s'enquit :

— Pourquoi aurait-elle...

— Voyons, mon cher... le coupa-t-elle aussitôt, captant son regard du sien. Vous ne me ferez pas croire que la cours de Navarie est sans danger pour les délicates colombes.

— Vous êtes cynique.

— Je sais que c'est ce qui vous plait.

Il s'empara de la main de la jeune femme pour baiser délicatement ses doigts, rivant ses yeux d'un vert profond sur elle. Ce misérable valet pouvait bien la convoiter tant qu'il voulait, c'est lui, le comte d'Orsignac, qui la possédait !

— J'ai trouvé un adversaire à ma hauteur, murmura-t-il contre sa peau, d'une voix rauque, un rictus grivois aux lèvres.

Tandis qu'il se relevait, elle lui offrit un sourire resplendissant.

— Je n'ai jamais prétendu vouloir vous faire concurrence sur ce tableau, minauda-t-elle.

Avant que le comte ne puisse lui répondre, une nouvelle voix s'éleva à leur côté, avec révérence et respect :

— Votre Grâce...

Mara fit volteface pour toiser le serviteur qui s'inclina face à elle, l'invitant à poursuivre d'un signe du menton.

— La reine vous fait mander auprès d'elle.

— Par les tous dieux ! Que me veut encore Béatrice... s'exclama-t-elle, esquissant une moue ennuyée.

Elle n'avait pas de temps à perdre auprès de cette souveraine méprisable qui avait tenté de l'espionner. Peut-être qu'en ne voyant pas revenir son espion, l'ours navarienne avait choisi d'opter pour une attaque plus frontale. Mais la duchesse en doutait sincèrement.

Le valet ne répondit pas. D'Orsignac haussa des épaules avant d'ironiser :

— Peut-être vous demander où avez-vous acheté votre délicieuse toilette ?

— J'en doute.

L'homme s'approcha d'elle pour lui glisser, sur un ton licencieux :

— C'est dommage, moi elle m'intéresse grandement.

Elle leva le visage dans sa direction, plongeant aussitôt son regard dans le sien. Pas un instant, elle ne cilla. Ses doigts glissèrent le long du torse du chevalier, rajusta le col de sa veste de velours avant de chatouiller sa barbe naissante.

— Soyez sage et je vous laisserais me l'enlever, souffla-t-elle, la respiration erratique.

Un éclat de convoitise s'embrasa dans le regard du noble. Ses traits se crispèrent un peu plus et Mara pu admirer l'étendue du désir qu'il avait pour elle et l'effet qu'elle provoquait sur lui.

Le serviteur à côté d'eux avait viré cramoisi. Il se racla la gorge et reprit, d'un ton un peu paniqué :

— Madame, la reine attend...

Rompant le contact visuel avec son amant, elle se décolla totalement de lui, réinstaurant une distance convenable. La dame leva les yeux au ciel et soupira :

— Et bien, j'arrive. Je vous laisse, Orsignac. Nous n'allons pas faire attendre sa majesté plus longtemps.

Le jeune homme reprenant ses esprits, interrogea :

— Ne désirez-vous pas que je vous accompagne ?

La paupière de la duchesse tressaillit mais pas un instant, elle ne cessa de sourire.

— Ne vous en faites pas, je crois qu'une discussion entre femmes s'impose.

Elle n'avait pas besoin de la présence d'un homme pour tenir tête à la souveraine. Quand bien même son nouvel amant était-il riche, beau et fort, elle se débrouillait très bien sans lui.

— Je vous retrouve tout à l'heure.

Sans plus lui jeter un regard, elle suivit le serviteur qui la conduisit jusqu'auprès de Béatrice de Navarie, entourée par ses demoiselles de compagnie, qui caquetaient comme des poules dans leur basse-cours.

Comme toujours, la souveraine portait une toilette somptueuse, bleu et or. Un ours était brodé en fils doré sur le carré de tissu qui couvrait sa poitrine et sa jupe était si imposante qu'elle couvrait le trône entier. Sans parler de la majestueuse collerette en dentelle qui s'ouvrait en éventail derrière son chignon strict. Toutefois, pour tout bijou, elle portait autour du cou, en pendentif, les saints anneaux de la Foi : deux cercles entrelacés, l'un en or, l'autre en argent.

Un signe religieux que Mara ne pouvait s'empêcher de toiser avec dédain.

Pourtant, dissimulant son mépris à merveille, elle plongea dans une superbe révérence qui mit en avant l'impressionnant décolleté de sa robe iriguoise verte et bleue :

— Votre majesté...

Elle n'attendit pas la reine pour se relever. Ce geste de pur défi provoqua aussitôt une vague d'agitation chez les dames de compagnie qui parurent pour certaines, être à deux doigts de défaillir. Quelles idiotes, songea la Meravigliosa. Ces jeunes filles n'étaient pas prêtes de se faire une place dans ce monde à un tel rythme.

Toutefois, la maîtresse des lieux passa outre l'insulte, et se contenta de demander, d'un ton sec et méprisant :

— La soirée vous plait-elle, duchesse ?

— Tout à fait charmante, votre altesse.

Charmante. Comme un piquenique en bord de lac. Cela n'avait rien à voir avec les bals absolument somptueux qu'elle-même donnait au manoir du bois de la reine.

La souveraine n'était pas assez naïve pour passer à côté de l'insinuation de sa rivale. Penchant légèrement la tête sur le côté, elle esquissa un rictus dédaigneux qui ne fit ni chaud, ni froid à la merveilleuse duchesse. Tout le mépris que cette femme lui envoyait n'était qu'une preuve de plus qu'elle avait atteint presque tous ses objectifs en ce royaume. On ne méprisait de la sorte que ce que l'on craignait.

— Je vois que vous êtes accompagnée par le comte d'Orsignac.

— Oui, votre majesté. C'est un homme...

Charmant ?

Le sarcasme dans le ton de la reine manqua de faire rire la Meravigliosa. Hé bien ! Il semblerait que Béatrice pouvait être capable d'humour... Ses lèvres grenat s'étirèrent en un sourire mutin et elle ronronna :

— Tout à fait.

De nouveau, une vague de murmures s'éleva de la part des suivantes de la souveraine qui leva la main d'un geste froid, les interrompant. Elle se redressa un peu plus sur son trône. Ses yeux froids toisèrent la blonde qui demeurait impassible. Ce fut d'un ton glacial, presque à contrecœur, qu'elle lâcha, du bout des lèvres :

— Trêve d'hypocrisie et de mensonges entre nous, duchesse. Je ne vous aime pas. Et je sais que c'est réciproque.

Ne pas aimer était un euphémisme. Mara pouvait lire dans les prunelles sombres de son interlocutrice une haine profonde. Toutefois, elle ne s'était très certainement pas attendue à ce qui suivit :

— Il est temps de régler définitivement ce différend.

Elle se crispa. Après l'épisode de l'espion, cette phrase résonnait étrangement comme une condamnation. Régler ce différend ? Comment comptait s'y prendre Béatrice ? Méfiante, elle s'enquit :

— C'est une menace ?

— C'est une main que je vous tends, dame Meravigliosa. Je vous pardonne toutes les odieuses calomnies que vous faites courir à mon sujet.

La duchesse dut faire preuve de toute la retenue du monde pour ne pas pouffer devant le ton cérémonieux qu'avait employé la reine. Des calomnies ? Elle n'avait jamais eu besoin de se répandre en ragot ou de s'abaisser à un tel niveau. Mara était au-dessus de tout cela. Elle voyait plus haut, plus loin.

Ce n'était pas elle qui répandait des rumeurs. Ce n'était pas elle qui avait envoyé un espion chez sa rivale.

Toutefois, elle se contenta de garder le silence, haussant simplement un sourcil, les lèvres pincées. C'était cela ou éclater de rire.

Prenant sa moue pour une forme de soumission, la monarque reprit :

— Et en signe de paix, afin de mettre un terme à ce conflit puéril qui n'a que trop duré et qui divise ma cour, nous allons unir nos deux maisons.

Un instant, elle marqua une pause, laissant le temps aux mots de faire leur effet. Et lorsqu'elle vit l'éclat de la compréhension s'allumer dans le regard de son interlocutrice, elle finit par lâcher, achevant le suspens :

— Votre fille épousera mon fils.

— Pardon ?

Le mot avait échappé à la Meravigliosa dans un grondement sinistre. Tous ses traits s'étaient tordus en une grimace qui métamorphosa presque son visage. Une rancœur et un rejet profond marquaient son expression. La proposition de la reine venait de se heurter à un mur qui semblait indestructible.

Loin de s'en soucier, Béatrice répéta :

— Côme épousera Freyja à la fin du mois, pour le jour sacré de la Foi.

— Pourquoi accepterai-je une telle union que ni ma fille, ni moi ne désirons ?

Un silence stupéfait gagna la petite assemblée de la reine. Personne n'avait jamais osé lui parler de la sorte. La duchesse la bravait, sans craintes, avec un mépris cinglant. La force de son refus était trop surprenante pour tous. Certes, l'animosité entre les deux femmes n'échappaient à personne mais de là à refuser une si prestigieuse union... Cependant, la souveraine ne se laissa pas intimider par le regard transperçant de la rhünoise.

— Freyja ne peut rêver meilleur parti que l'héritier de Navarie ! Quant à vous, cela vous apportera l'insigne honneur de rejoindre la famille royale.

Un honneur... Cela dépendait pour qui. Mara ne semblait pas partager cet avis. Pourtant, elle fit un effort et, prenant sur elle, tenta d'apaiser son ton lorsqu'elle interrogea :

— Et qu'en pense votre fils ?

— Il fera ce que je lui ordonnerai.

Une garce castratrice ! Voilà ce qu'elle était... Ce pauvre garçon se porterait bien mieux sans sa tyrannique génitrice. La duchesse le plaignait presque. Cela-dit, s'il voulait devenir un véritable roi, un jour, il allait devoir s'affranchir de la tutelle de sa mère. Ou alors, il était condamné à toujours être le pantin d'une femme.

La Meravigliosa se redressa dans une attitude un peu plus digne. D'une voix plus maîtrisée, moins agressive, elle siffla :

— Qu'avez-vous à gagner avec un tel mariage ? Je ne suis qu'une étrangère. Je n'ai qu'un titre et aucune terre en votre royaume.

— Je pense avant tout à la paix et à l'harmonie. Ce mariage mettrait fin à notre discorde et enchantera toute la Navarie. Et puis, j'ai toujours aimé votre fille. Sa bonté et sa beauté font d'elle un joyau à la pureté rare. Son âme est bénie par le dieu juste et ses saints !

Tandis que celle de Mara devait très certainement, à ses yeux, être damnée par les démons.

Une chose qui n'était pas tout à fait fausse.

Mais la duchesse n'était pas dupe. Certes, Béatrice avait toujours montré de l'affection envers Freyja. Mais ce n'était très certainement pas la raison de ce projet d'union. Il y en avait d'autre, d'ordre bien plus politique.

Tout d'abord, la Meravigliosa était plus riche que la reine elle-même. Mais surtout, cette dernière cherchait avant tout à exercer son contrôle sur elle et à trouver un moyen de pression. Avec Freyja comme héritière au trône, la mère de la jeune fille ne pourrait plus agir comme bon lui souhaitait avec elle. Elle serait empêchée. Or, Béatrice savait que sa rivale exerçait de plus en plus d'influence en Navarie.

Le pouvoir...

Voilà quel était l'enjeu derrière cette tractation. Un bras de fer entre une reine désireuse d'asseoir un peu plus son autorité et une duchesse ambitieuse et futée. Par le mariage, l'une tentait d'annihiler la puissance de l'autre.

Mara ricana. Ici comme à Rhün, les filles n'étaient que des pions.

Au sein du cercle, on les mariait aux hommes qui s'apprêtaient à accueillir un démon, afin de servir de balance, d'équilibre. Telle était la loi. En Navarie, pour nouer des alliances et empêcher les conflits. Rien ne changeait, qu'importe en quel royaume, en quelle contrée du continent l'on se trouvait.

Les femmes devaient se battre pour imposer leurs volontés.

— J'imagine que je ne peux décliner votre offre... ricana-t-elle, d'un ton amer.

— Ceci est un ordre. Acceptez ou quittez ma cour.

Le coin des lèvres de la duchesse tressaillit et nul ne put savoir si elle se retenait de grimacer ou de sourire. Elle semblait se contenir. Un instant, seul le silence suivi l'ultimatum de la dirigeante du royaume.

Ceux qui avaient ouï la conversation ne savaient qu'en penser.

La célèbre Mara Meravigliosa allait-elle céder ? Ou bien allait-elle refuser à la reine ce qu'elle demandait et quitter la Navarie ? Nul ne pouvait le prédire, d'autant plus lorsqu'elle fixait sa rivale avec cet air aussi impénétrable, plus dur que le diamant.

Puis, à la surprise de tous, ses traits s'affaissèrent et elle finit par abdiquer, crachant presque avec sarcasme :

— Dans ce cas... il sera fait selon vos désirs, votre majesté.

Une lueur victorieuse scintillait dans les prunelles de Béatrice. Elle semblait savourer ce qu'elle considérait comme une victoire sur sa rivale. Après tout, ne venait-elle pas de faire plier cette... Meravigliosa à ses exigences ? C'était un moment unique. Elle en avait tant rêvé. Désormais, elle pourrait lui imposer sa volonté. Désormais, elle pourrait la contrôler et enfin récupérer tout le pouvoir qui lui avait échappé. Se rasseyant confortablement sur son trône, elle la congédia, froidement :

— Vous pouvez disposer. Les noces auront lieu à la fin du mois. »

Mara plongea à nouveau dans une révérence avant de tourner le dos à la souveraine.

Mais alors qu'elle s'éloignait, la grimace amère qui tordait ses traits depuis l'annonce de la reine se dissipa peu à peu. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire victorieux tandis que dans son regard océan s'était allumé une flamme ardente. Tête haute, elle toisait les nobles qui s'écartaient sur son passage.

Une satisfaction intense s'était emparée d'elle et il lui semblait qu'un souffle brûlant et surnaturel la poussait désormais. Ce n'était pas elle qui portait la couronne, et pourtant, en cet instant, le pouvoir coulait dans ses veines, telle la plus euphorisante des drogues.

L'araignée tissait lentement sa toile...

Et Béatrice de Navarie venait de se laisser piéger par le premier fil de soie. 

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Bonjour à tous et à toutes ! J'espère que vous allez bien ^^ J'avais presque oublié que nous étions dimanche ! Et qui dit dimanche, dit chapitre du cercle des Merveilles ! 

Et quoi de mieux qu'un bal royal dans le palais de Losthange ? On y chante, on y danse, on y boit et surtout, on y complote ! Et la reine semble avoir des projets... Tout comme Mara. Mais difficile de savoir qui tire réellement les ficelles en Navarie 😇  En tout cas, cela promet en matière d'évènements pour la suite : toujours plus de bals, de fêtes, de belles robes... Joie ! Mais encore faut-il que Freyja accepte...

Et que pensez-vous de ce "charmant" Orsignac si empressé auprès de notre belle duchesse ?  Le beau chevalier se méfie d'Aleksi... À tort ou à raison !

J'espère que ce chapitre vous a plu ! 

À la semaine prochaine, passez une bonne fin de weekend ! 

Aerdna 🖤

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