J'avais l'impression d'être entré dans une réunion des alcooliques anonymes, et pour cause, l'on se tenait tous assis en cercle, en plein milieu du salon, sur un tapis carmin, en train d'écouter et d'étudier patiemment les autres membres de la troupe .... alors j'ai commencé parce que me taper une cuite, c'était drôle ... moi, je faisais ça pour oublier que je devais manger des carottes chez ma maman ... moi, au contraire, c'était pour plaire à une copine, même si je finissais par la confondre avec un poteau de signalisation ...

Gaël et V s'étaient réveillés 2 à 3 heures après moi et sur une idée d'Angélica, je ne la reconnaissais plus dans son rôle de froide fille fantôme de la maison, on s'était tous mis en cercle pour partager nos sensations sur ce changement ... Allô hopital psychiatrique bonjour ? J'ai une petite brochette de beaux cas à étudier ... Et depuis que nous nous étions rendu compte du changement plus ou moins flagrant chez certains, nous restions mutés dans notre mutisme ... WAAA Tu sais parler la France Mana, bravo ! ... Bon mes fesses criaient au secours de rester assis sans rien faire, je me tortillais déjà depuis un moment, autant se lever et faire un petit tour si on a rien à dire.

- Bon, vu que personne ne parle, je vais me chercher à boire. Vous voulez quelque chose ? Lançai-je sans espérer de réponse, je voulais juste me dégourdir les jambes et puis ... dire une telle phrase ici, si simple et si absurde à notre quotidien me remplissait de joie.

- Coca, dit tout de suite Angélica, comme si c'était une chose précieuse qu'elle avait repéré et gardait jalousement ... en même temps, c'est pas tout les jours qu'on pouvait boire comme on le voulait et ce qu'on voulait, elle avait bien raison.

- Un grand verre de lait ... dit Gaël d'une petite voix ... Oh du lait ... ça fait longtemps !

- De l'eau ! Ajouta Adrien comme si c'était quelque chose de nécessaire à sa survie, ce qui me fit le regarder bizarrement avant de reporter mon attention ... à regret remarquai-je ... vers V.

Oh Mana, tu te calme ! Y'a un truc qui cloche là aujourd'hui avec l'autre psychopathe ...

- Je viens avec toi, avait dit le gothique d'une voix froide.

En même temps, on pouvait n'être que d'humeur massacrante lorsque deux ailes dans son dos avaient poussées dans la nuit ... et qu'on n'était pas du tout un ange de nature ...

- Euh d'accord.

Et sur ces quelques mots, nous nous étions levés en même temps, seul le bruits des plumes de V traînant au sol dérangeait le silence et le faisait grincer des dents ... même pas une mouche pour couvrir ce bruit, c'est une honte ! ... En même temps, je le comprenais, lorsqu'on passait sa vie dans le silence et la discrétion comme nous avions du tous le faire, se retrouver accompagné d'une encombrante paire d'ailes qui devait faire plus de 3 mètres d'envergure ne devait pas être le rêve de tout le monde.

On longea un court couloir pour arriver à la fameuse pièce et le frigo sacré sans échanger un mot sans que j'évite de jeter des coups d'œil à l'attirail de V, il l'avait sûrement remarqué mais je m'en foutais un peu. Après tout, si je voulais regarder, j'en avais le droit non ? Il n'avais pas vraiment changé, sa teinture violette s'en était presque totalement allée, ne restait juste que quelques reflets irisés dans ses cheveux d'un noir sombre qui lui mangeait toujours la moitié du visage. Le reste était semblable à hier ... à quelques détails près pensais-je en regardant à nouveau les deux détails imposants : D'une couleur sombre, ils s'accordaient bien à son émotion actuelle ... mais ils avaient l'air en même temps si fragile et si doux, contrastant avec la majesté qui émanait de V depuis un moment.

Je pris trois verres et deux canettes de Coca lorsqu'il prit enfin la parole depuis le début de la journée.

- Ce sera jus de pommes pour moi.

- D'accord ...

- Qu'est-ce qu'on nous a fait ?

- Installer sur table, disséquer, métamorphoser, rajouter des trucs, injecter des substances, ... comme de braves rats de laboratoires en somme, répondis-je en ne faisant pas dans la finesse, nous n'en avions pas besoin.

- ... Crois-tu que nous sommes tous couplés aux caractéristiques d'un animal ?

- C'est-à-dire ? ... Mi-homme, mi-thon ... Le résultat magique !!!

- Je ... dois être une sorte d'oiseau, Angélica un serpent ou un reptile, Gaël je pencherai plus pour un félin ...

- C'est vrai que ses muscles ont légèrement fondu, c'est plus de la souplesse à présent et il semble avoir des crocs ... mais c'est vague comme supposition.

- Tu n'a pas remarqué qu'il semble avoir un peu plus de fourrure et des yeux plus perçants ?

- Les tiens aussi ...

- Comme les tiens, même si je dirais plus malicieux et dangereux que perçants.

- Ah oui ?

- On a l'impression que tu pourrais nous tendre tous un piège et nous avaler sans autre forme de procès ... EH OUAIS ! MOI JE SUIS DANGEREUSE AHAHAH !

- Crois-tu que je sois la seule à être dangereuse dans cette baraque ?

- Non ... mais tu parais regarder plus loin, plus stratège qu'illuminée je dirais ...

- Je suis une parfaite illuminée je t'assure, le coupais-je avec un sourire que seul moi pouvait comprendre ... et les idiots qui pourrissaient mon cerveau en permanence ... EH !

- AHAHAH ! Même Adrien ne l'affirme pas ! Ahahah ! Éclata-t-il d'un rire sauvage, me faisant sursauter et presque renverser la bouteille de lait par terre même s'il ne sembla pas le remarquer.

- Mmmm ... commentais-je en admirant son hilarité communicative qui me fit bientôt rire aux éclats à ses côtés.

Ça faisait du bien de se détendre un peu après la tension de ces derniers jours ... ça te l'a dit Jacky.

Résultat, nous sommes arrivés bien 20 minutes plus tard, les joues rouges et les yeux brillants avec nos boissons à la main. On ne nous posa pas de questions mais je sentais les regards curieux pointer vers nous ... ah non très chers ! Pas de duo promis, et encore moins de partouzes à présent ! ... Mon regard fut encore attiré par Adrien (on lui avait attacher un aimant ou quoi ? ) qui semblait se dessécher sur place, et plus je le détaillais, plus je réalisais qu'il semblait vraiment mal. Sa peau avait viré au noir au bout des doigts, il paraissait ne pas pouvoir se déplacer du canapé et ses yeux me regardaient avec peur devant ce qui lui arrivait. Sans réfléchir, je m'étais placé à côté de lui et l'avait aidé à boire avec précaution, remarquant au passage que la peau de son cou était craquelée par endroit, comme asséchée. Je repensais à ce qu'avait dit V et me demanda si Adrien avait fusionné avec une espèce aquatique ... pas le thon s'il vous plaît, je ne voudrais plus jamais en manger par la suite ! ...

Une fois qu'il eut bu, tout redevint normal sauf son air de petit toutou reconnaissant qui me dégoutta bien vite de l'avoir aidé, le pire c'est que je savais qu'il ne me lâcherais plus maintenant ... enfin, c'est pas si mal, non ? ... Mana ! T'es vraiment sérieuse ?! ... au secours ! ...

- Tu n'aurais pas une hormone implantée dans le corps toi ? Finis-je par dire, agacée par le débat musclé qui se déroulait dans ma tête.

- Peut-être. C'est peut-être pour ça que tout le monde me regarde comme un bout de viande à croquer, non ? Renchérit-t-il.

- Ah ...

Un concert de ''Ah'' avait suivi sa remarque et je compris que je n'étais pas la seule à le regarder comme une grosse sucette qu'on veux gagner. Mais pourquoi donc étions-nous tous si affectés par sa présence ?

- Mais tu es la seule à le montrer ainsi, dit-il comme pour conclure.

- Mmmm, dis-je, incapable de penser au pourquoi du comment de cette histoire, un peu gênée.

- Peut-être est-elle plus sensible à cette hormone ? Demanda Gaël, un regard bienveillant pour moi sur son visage où sa poussée de pilosité avait augmenté sa barbe et l'épaisseur de ses cheveux.

Je m'apprêtais à répondre quand je sentis qu'on tirait sur une corde imaginaire dans ma conscience, ce n'était pas la même corde qu'Angélica et Adrien tout à l'heure mais c'était la même sensation. 

Quelqu'un est là ?