Chapitre vingt-trois.

          Au bout d'un moment, je ne pouvais plus cacher à ma mère la nature de ma relation avec Harry. Il est depuis deux jours avec nous et elle me lance déjà des regards significatifs dès qu'elle le peut, avec son sourire de maman qui me laisse entendre qu'elle a compris. Mais elle attend que je sois prêt à en parler et ne me presse pas. C'est cela que j'apprécie le plus chez elle, elle ne force jamais qui que ce soit à se confier, mais elle instaure une confiance pour nous montrer qu'elle sera toujours là pour nous écouter.

En même temps, nous ne cherchons pas à être discrets non plus. Je crois que parfois je le fixe beaucoup trop longtemps pour que ce soit simplement amical, il m'arrive aussi de glisser ma main dans son dos lorsque nous faisons une balade le long de la plage ou bien sans aucune raison. Elle sait que nous dormons ensemble et je crois qu'elle nous a surpris en train de nous embrasser dans la cuisine. Harry a rougi jusqu'aux oreilles quand la porte s'est ouverte sur elle, alors qu'il m'embrassait entre deux tasses de thé brûlantes. Mais elle n'a rien dit, elle nous a simplement adressé son sourire. Son sourire que je reconnais bien.

Je profite donc qu'Harry soit parti se laver et que Zayn soit aux courses avec Félicité et Charlotte, ainsi que les jumeaux devant a télévision, pour enfin aborder le sujet avec ma mère. Elle accroche du linge dans le jardin, je m'avance et prends un tee-shirt pour l'aider. Épingle en main, elle étend les vêtements que je lui donne. Je me lance :

– Maman...

– Oui ?

– Tu sais, pas vrai ?

Un petit sourire se creuse sur le coin de son visage, je sais que je n'ai pas a stressé pour ça parce que ma mère m'a toujours accepté comme je suis, moi ou mes sœurs et frères. Tous ses enfants. Mais, elle a su très tard pour mon dernier copain, elle m'a vu souffrir à la fin de ma relation parce que mon ex m'a abandonné. Elle a récupéré un fils au cœur brisé, qui ne ressemblait pas à celui qu'elle a élevé. Je n'ai pas envie de lui infliger ça à nouveau.

– Qu'est-ce que je devrais savoir, mon chéri ?

– Pour Harry et moi, je me racle la gorge, tu as compris non ?

Elle termine d'accrocher le jean que je tenais dans mes mains quelques secondes avant et remet ses cheveux en arrière. Puis, elle se tourne vers moi et son regard n'est que douceur. J'ai l'impression d'avoir à nouveau cinq ans et de revenir de l'école avec un dessin pour elle ou une image parce que j'ai eu une bonne note.

– Je ne sais pas, c'est à toi de me dire si j'ai compris les bonnes choses, Lou.

C'est sa façon à elle de gentiment me pousser à mettre des termes plus clairs sur mes mots et ne pas avoir peur de les dire. Je fais une grimace en récupérant un soutient-gorge et ma mère rit avant de l'accrocher.

– Tu... On est ensemble, c'est mon petit-ami. Pas depuis longtemps, mais voilà je... Je tiens énormément à lui.

– Et il tient énormément à toi aussi, ça se voit mon cœur. Il te regarde comme si tu étais la huitième merveille du monde. Je l'ai deviné depuis la première fois qu'il a mis les pieds ici, il ne te lâchait pas des yeux.

Je me mords la lèvre en retenant un sourire trop béat, mais ça n'échappe pas aux yeux de ma mère qui remet une de mes mèches en place derrière mon oreille. Elle accroche les derniers vêtements, je lui porte le panier vide à l'intérieur de la maison. Les jumeaux jouent devant la télévision, et je pense qu'Harry est encore dans la salle de bains, sinon il serait descendu pour se joindre à eux ou me trouver.

– Alors, ça ne te dérange pas ? Je lui demande quand nous prenons place sur les chaises dans le jardin.

– Je ne vois pas pourquoi. Harry est un garçon charmant, très poli et intelligent. Ça se voit rien que dans la manière dont il te regarde qu'il veut te rendre heureux et prendre soin de toi. Et, en tant que mère, c'est tout ce que je demande pour mon fils. Quelqu'un qui l'aime et le respecte.

– Moi aussi, c'est tout ce que je veux.

Après avoir soufflé ces mots, je baisse les yeux vers l'herbe en dessous de nos pieds en affichant un sourire léger. Ma mère s'approche de moi et passe ses bras autour de mon corps pour me faire une étreinte, bien que nous soyons tous les deux assit dans nos chaises. Je la serre en retour contre moi et ferme les paupières. Elle caresse mon dos, pose un baiser sur ma joue puis se recule au bout d'une petite minute.

– Fais quand même attention à toi, d'accord ?

– Promis maman. De toute façon, Zayn le garde déjà bien à l'oeil.

– Mais il l'apprécie aussi.

Je hoche la tête, parce que je sais que malgré sa prudence envers Harry et notre récente relation, Zayn fait tout pour s'entendre avec lui. Ils ont joué ensemble avec les jumeaux, ils s'amusent parfois à me charrier en se mettant à deux contre moi. En se levant le premier matin, Zayn lui a demandé si je ronflais, Harry m'a regardé en coin avant de se mettre à rire. Et ça a suffit à créer un début de complicité entre eux. Et je suis content que ce ne soient pas des rivaux ou qu'ils se détestent pour une quelconque raison.

– Tu l'aimes ?

La peau de mes joues rougie et je baisse les yeux vers mes doigts en jouant avec. Ma réaction est suffisante pour que ma mère déduise une réponse par elle-même. Mais je crois qu'elle n'avait pas réellement besoin de ça pour en être certaine. C'est assez évident qu'Harry est moi sommes attachés l'un à l'autre, peut-être pas encore de l'amour, pourtant ça s'en rapproche drôlement.

Et c'est aussi une manière pour moi de reconnaître mes sentiments envers Harry. Personne ne me l'a demandé directement, et j'ai surtout gardé ce sujet pour ma propre réflexion. Une chose est sûre, quand je suis avec lui je ne souhaite être nul part ailleurs. Il me fait rire, sourire, nous avons nos différences mais aussi beaucoup de points communs qui nourrissent toujours diverses conversations.

A côté de cela, je sens aussi que, petit à petit, Harry s'ouvre plus à moi et me laisse le plaisir d'entendre davantage sa voix. Au fil des jours, il devient plus à l'aise et confiant, même si nous devons encore travailler sur de nombreuses choses.

– Ce n'est pas interdit d'être amoureux Louis, tu sais. C'est la meilleure chose qu'il puisse t'arriver, si tu trouves la bonne personne.

Je hausse les épaules et passe une main dans mes cheveux. Ma mère pose la sienne sur mon bras et le caresse lentement. Elle connaît mes histoires d'amour passées, elle sait à quel point j'ai pu souffrir à cause de mes ruptures, elle sait aussi à quel point je m'attache trop rapidement aux personnes que je rencontre. Mais avec Harry c'est différent, je sens que c'est réciproque et ça fait du bien de se sentir aimé en retour.

– Je ne connais pas encore Harry assez bien, mais ça se voit qu'il tient tout autant à toi. Tu ne devrais pas le laisser filer.

– Je ne compte pas le faire, à moins qu'il me le demande lui-même.

Ma mère me sourit et embrasse mon front, j'ai juste le temps de passer mes bras autour de ses épaules et on se relève ensuite. Nous retournons au salon et Harry est assis dans le canapé, Ernest sur ses genoux et Doris contre lui qui parle en agitant ses petites mains. Nous nous approchons curieusement, et je ne peux retenir mon sourire quand je vois celui dessiné sur les lèvres d'Harry. Les jumeaux le regardent avec des yeux qui brillent et toute l'attention du monde.

Quand ils nous remarquent, Ernest me tend une main et trois regards têtes sont tournées vers nous, notre mère se met à rire alors que Doris prend la parole :

– Maman, Harry il peut me mettre du vernis sur les ongles aussi comme lui s'teuplait ?

Un hochement de tête de la part de notre seule parent et il en faut peu à Doris pour descendre du canapé et courir pour prendre la main de maman et lui demander de venir chercher les flacons avec elle dans la salle de bains. Ernest reste contre Harry et joue avec une figurine, je prends place à côté d'eux et baisse furtivement le regard vers les doigts d'Harry, coloré d'un joli bleu électrique. Je lui souris en relevant la tête et il pose une main sur ma cuisse.

Doris ne tarde pas à revenir en tenant précieusement contre elle la trousse avec tous les vernis de notre mère et ses plus grandes sœurs. Harry retire alors sa main, toujours souriant et je me recule pour laisser une place à Doris qui se glisse entre nous. Ernest ronchonne un peu mais se dégage des bras d'Harry, mais se console rapidement en venant dans les miens. Du coin de l'oeil, je vois notre mère s'éclipser dans la cuisine et je prends la télécommande pour changer la chaîne de télévision.

Harry prend beaucoup de plaisir et d'attention à recouvrir de vernis les ongles de ma sœur, elle le regarde avec des yeux presque aussi brillants que les miens. Tout le monde tombe sous son charme. En même temps, pour ma défense, il est inhumain de lui résister. Ses prunelles brillantes, son sourire radiant, ses petites fossettes, ses boucles qui partent dans tous les sens et épousent son visage... Puis, il est calme, patient et attentif aux autres, aussi bien les enfants que les adultes.

– Louis, ici la Terre !

Je cligne des paupières et sors de mon moment d'absence, je tourne la tête et découvre Zayn à côté de moi, debout derrière le canapé. Mes sœurs terminent de porter les sacs des courses en cuisine et je me racle la gorge. Mon meilleur ami aborde une mine amusée et même Ernest me regarde de façon intriguée. Je vois les yeux d'Harry se lever furtivement vers moi et l'ombre d'un sourire passer sur son visage.

– Ouais, pardon... ?

Zayn se retient de rire et me demande, une nouvelle fois donc, si je souhaite venir faire du jet-ski avec lui cette après-midi. J'accepte immédiatement et mon ami propre aussi à Harry de venir, mais il refuse gentiment et dit qu'il va rester ici pour s'occuper des jumeaux et se reposer. C'est vrai que depuis qu'il est arrivé, je passe quasiment tout mon temps à ses côtés et quelques heures avec Zayn ne me feraient pas de mal.

Nous mangeons tous ensemble, Doris montre fièrement ses ongles à tout le monde. Harry est très minutieux et doué, en effet. Je vais me changer dans la chambre pour enfiler un short de bain en dessous de mes vêtements. Je descends au salon, Harry est dans le canapé avec Ernest qui fait la sieste contre lui. Le reste de ma famille est dehors, en train de bronzer ou jouer dans le jardin. Zayn m'attend dehors. Je dépose un baiser sur le coin de la bouche d'Harry, il me sourit et caresse ma joue.

Le temps de la route à pieds jusqu'à la mer, Zayn et moi fumons une cigarette. Il pense repartir d'ici deux jours, retrouver Maëva et me laisser profiter d'Harry. Je lève les yeux au ciel et il m'adresse un sourire narquois. Au fond, je sais qu'il est très heureux que nous nous soyons retrouvés, il souhaite simplement me protéger du mal qu'on pourrait me faire ou que je pourrais m'infliger indirectement.

Nous arrivons à la plage, il se dirige vers le stand de jet-ski et nous nous équipons d'un gilet de sauvetage. L'homme en charge de la location nous explique comment s'en servir, même si nous en avons déjà fait il y a quelques années. Nous montons sur les jet et nous lançons directement dans une sorte de petite course.

Je crois que nous restons bien deux heures là-bas, après avoir profité d'une balade sur l'eau, nous sommes allés boire une bière en terrasse d'un café.

– Harry m'a dit que tu lui avais donné l'adresse...

– Ouais, il avait l'air d'avoir vraiment besoin de toi. Et, je ne supportais plus de te voir au fond du trou comme ça. J'ai réellement voulu lui hurler dessus, mais il n'est pas méchant. Je le sais. Je lui laissé une chance, je crois que j'ai eu raison au final...

Je souris à mon meilleur ami et tourne mon regard vers lui, il porte son verre à ses lèvres en observant la mer.

– Merci Zayn, vraiment. Sans toi, je ne sais pas où on en serait...

– Je sais, je suis l'homme de la situation, dit-il en retenant un sourire, pourquoi tu crois que tout le monde m'adore ?

Nous rions ensemble et je lui tape gentiment l'épaule. Je le serre rapidement contre moi lorsque nous nous levons, il me sourit. Nous avons fumé en longeant la digue et sommes rentrés peu de temps après.

Charlotte joue avec les jumeaux dans la petite piscine gonflable, notre mère bronze au soleil et Félicité est sortie avec des amis. J'interroge ma mère du regard pour savoir où se trouve Harry, elle me sourit et montre l'étage du doigt. Je laisse Zayn aller profiter du jardin à son tour et monte les escaliers jusqu'à la chambre que nous occupons Harry et moi.

J'entre et je le trouve allongé dans le lit, les yeux fermés, les boucles en désordre autour de son visage et un livre sur son torse. Sa bouche est entre-ouverte, il respire paisiblement tandis que son torse se soulève au rythme de son souffle. La fenêtre est ouverte, le rideau tiré mais il est assez opaque pour faire entrer de la lumière. Je peux ainsi voler quelques secondes à l'observer dormir.

Finalement, je m'approche avec un sourire aux lèvres et me glisse dans le lit contre lui. Je prends le livre pour le poser sur la de chevet derrière lui et passe mes bras autour de son ventre. Il bouge un peu, soupire et je vois ses yeux s'ouvrir. Je pose un baiser sur sa nuque et il se tourne vers moi, ses mains tracent un chemin jusqu'au bas de mon dos, en dessous de mon tee-shirt. Ses lèvres partent à la recherche de mon cou, il le couvre de baisers et je passe mes doigts dans ses boucles.

– Ta peau a un goût salé, murmure-t-il chaudement contre ma mâchoire.

– Oui, je suis tombé deux fois à l'eau. Zayn est un mauvais perdant.

– C'était bien ?

– Très, on a beaucoup ris, merci. Et toi ?

Harry relève les yeux vers moi, il regarde autour de lui et je m'autorise à caresser sa joue. Je sens sa jambe glisser entre les miennes et son pied reposer contre ma cheville. Un sourire se dessine sur ses lèvres et il hausse les épaules.

– Sieste.

– Effectivement, tu dormais comme un bébé. C'est bizarre, je crois que tu ronfles aussi...

Sa main tape gentiment mon épaule et j'ai à peine le temps de rire qu'il capture mes lèvres dans un baiser long et lent. Sans attendre, j'accroche mes doigts à ses boucles et il me renverse complètement sur le dos pour presque s'allonger sur moi. Après ça, j'ai du mal à réfléchir et penser à autre chose que son corps contre le mien, la chaleur qui émane de sa peau et les caresses lascives de nos langues. Forcément, ses gestes font s'éveiller et remuer des choses à l'intérieur de moi, tout mon corps s'électrise et j'ai l'impression que mon estomac prend feu. Surtout lorsque ses grandes mains se faufilent sous mon tee-shirt pour caresser mes hanches.

Je crois qu'au bout d'un moment il se rend compte de l'effet qu'il produit sur moi, parce qu'il se recule. Même si j'ai encore envie de sentir sa bouche sur la mienne, je ne proteste pas et décale mes doigts sur sa nuque. Et je peux enfin reprendre mon souffle et mes esprits, il semble bien que j'ai oublié où je me trouvais pendant ces quelques secondes. Mes joues chauffent et Harry me regarde en se mordant la lèvre, gêné. Je suis, à mon tour, un peu timide.

– Désolé...

– Ce n'est rien. J'aime bien.

– Moi aussi, c'est juste... il baisse le regard. Je ne suis pas prêt à...

– Je sais Harry, je sais. Moi non plus, ne t'en fais pas. Pas maintenant, je lui souris et continue, pas avec ma famille dans les parages en plus. Ils ne connaissent pas l'intimité ou le fait de toquer à une porte avant d'entrer.

Harry se détend et lâche un petit rire, mes yeux se portent sur sa fossette qui apparaît sur le coin de ses lèvres. Je le trouve encore plus adorable chaque seconde qui passe, et un jour il aura ma mort à me rendre niais comme ça. Du bout des doigts, je me mets à caresser sa joue rosée. Cette fois, il se penche et dépose un baiser plus chaste sur mes lèvres.

Nous nous enlaçons plusieurs minutes. Avec la fenêtre ouverte, la voix de Zayn nous parvient aux oreilles, rapidement suivie des rires des jumeaux et du bruit de la piscine. Je souris, le regard vers le plafond et les doigts qui caressent les cheveux d'Harry. Sa tête est posée sur mon torse et ses bras entourent mes hanches. Au bout d'un moment, je pense qu'il s'est rendormi, mais il se redresse finalement et pose ses lèvres sur ma joue. Je l'interroge du regard en souriant, il tend le bras et attrape le livre qu'il était en train de lire avant que le sommeil ne l'attrape.

Je comprends sans même qu'il ne me le demande et, après s'être blottit contre moi, je reprends la lecture où il en était. Je ne connais pas le début de l'histoire, c'est un peu déroutant, mais peu importe. Au fond, je crois que c'est devenu un rituel entre nous. Cette lecture. C'était d'abord pour lui, mais au fil du temps je me rends compte que ça m'est bénéfique aussi. Quand il reste près de mon corps, son souffle chaud contre mon cou, ses mains sur mon ventre ou nos doigts liés, son sourire durant un passage amusant ou romantique. C'est ce dont j'ai besoin. Harry à mes côtés, le voir heureux, le rendre heureux.

– Harry... ?

Ma voix s'élève cinq minutes après que j'ai fini la lecture du livre, il relève ses yeux vers moi et m'incite à parler, silencieusement.

– Tu n'as jamais pensé à... porter plainte ?

Son corps se tend d'un coup contre le mien suite à ma question. Je regrette presque immédiatement de lui avoir demandé cela, d'avoir lancé le sujet, parce que son sourire disparaît et les étoiles dans ses yeux se meurent. Mais j'ai encore des centaines d'interrogations sans réponses, j'essaie d'y aller petit à petit, à son rythme. Seulement, je m'en fais réellement pour lui.

Une fois que nous quitterons ma maison d'enfance, qu'est-ce qui me garantit qu'il ne sera pas à nouveau en danger ? Qu'il ne reviendra pas me voir avec des bleus ou un visage en sang ? Qu'il se mettra à pleurer dans mes bras et me demander de le protéger ? Je ne peux pas omettre l'hypothèse que ça se reproduira. Je ne sais pas de ce qu'il en est de cette personne qui lui a fait du mal. Et j'aimerais le savoir en sûreté. Parce qu'il me l'a avoué lui-même, par écrit, il a peur de rester chez lui. Et cette situation n'est pas acceptable. Elle ne peut pas durer plus longtemps.

– C'est... le seul parent qui me reste Louis, je... je ne peux pas...

J'entends sa voix qui tremble et je prends mon portable sur la table de chevet pour lui permettre d'écrire dessus. Il cligne des paupières et prend mon portable entre ses doigts, j'embrasse son front et il se met à pianoter sur l'écran pour m'expliquer par écrit ce qu'il essaie de dire.

Il me le redonne, je lis ce qu'il a inscrit dans mes notes avec appréhension.

« Je ne peux pas porter plainte contre le seul membre de ma famille qui me reste. Je n'en ai pas la force... Même si je le déteste, même s'il me fait souffrir, même s'il ne m'a jamais aimé, même si je ne signifie rien pour lui, il est tout ce qu'il me reste de souvenir de mon passé... Et, je n'ai pas envie d'avoir d'autres ennuies ensuite, j'ai peur qu'il vienne me trouver et m'atteindre autrement. »

Pendant quelques secondes, je reste soufflé par ses mots. Je suis incapable de lui donner une réaction immédiate. Son regard est triste, vide, je sens ma poitrine se soulever de douleur et de peur. Moi aussi, j'ai peur. J'ai peur pour Harry, qu'il lui arrive des accidents pires encore. Fatales même. Cette pensée fait naître une boule dans ma gorge et je ravale ma salive difficilement pour parler.

– Mais tu ne peux pas vivre comme ça... C'est inhumain, tu vas finir par craquer ou te retrouver dans une situation plus grave encore.

Je pense au corps d'Harry étendu, inerte, respirant à peine. Je pense à des membres brisés, des côtés fêlées, des larmes sur ses joues, du sang séché. Je ne peux pas me retirer ces images de la tête. Elles me terrifient.

Harry ne dit rien, il me regarde, les lèvres serrées. Il reprend le portable et efface ce qu'il a tapé pour marquer une nouvelle phrase.

« J'ai l'habitude de vivre ainsi, j'ai arrêté de croire que ça pouvait s'améliorer. »

Mon souffle se bloque un instant, je dois retenir ma voix de trembler et les larmes d'atteindre mes yeux. Il ne manquerait plus que je me mette à pleurer devant lui, Harry n'a définitivement pas besoin de ça. Il lui faut du soutient, du courage, de la confiance, de l'amour. Lui montrer qu'il n'est pas tout seul.

Parce que suis là moi, et s'il n'en a plus la force, je peux me battre pour lui.

– Ça fait combien de temps que ça dure ?

– Trop longtemps...

Je soupire et il se mord la lèvre, l'air coupable. Sa main monte contre mon torse, au-dessus de mon tee-shirt et il caresse ma peau à l'emplacement de mon cœur. Je baisse les yeux vers lui et prends possession de ses lèvres. Harry me rend mon baiser, mes bras se resserrent autour de lui et je l'enlace.

C'est lui qui met fin à notre échange et me fait prendre conscience que je suis en train de pleurer. Ses doigts effleurent ma joue humide, je ferme les paupières brièvement quand il dépose quelques baisers dessus, pour sécher les larmes. Il me regarde, passe sa main dans mes cheveux et secoue la tête.

– Ne pleure pas...

Sa voix n'est qu'un murmure. Son front touche le mien et je sens encore les gouttes salées dévaler le long de mes joues. Je ne peux pas les retenir. Je suis triste et apeuré. J'aimerais sauver Harry du monde entier, lui montrer qu'il a le droit de se tirer de cette situation et être heureux.

Ça doit faire des années qu'il subit ces souffrances, ces coups, ces moments de peur de d'impuissance. Des années à supporter la douleur en silence. Et quand je le regarde, je me demande bien quel monstre pourrait lui vouloir du mal. Certes, je ne connais pas encore Harry par cœur, il a beaucoup de choses à son sujet qui me sont encore inconnues et secrètes. Mais, je suis persuadé qu'il n'est pas un homme mauvais. Il ne mérite pas ce sort là, personne ne doit être placé en victime. Prendre plaisir à faire souffrir les autres est un acte de cruauté, et il n'est en aucun cas acceptable.

C'est pour ça que tant que je serais là, à ses côtés, je refuse qu'Harry reste coincé dans cette situation. Je ne peux pas supporter de savoir qu'il souffre et de ne rien pouvoir faire. Je ne peux pas non plus fermer les yeux sur la violence dont il est victime.

Harry murmure mon prénom et je le regard enfin, à travers mes yeux humides de larmes. Elles se sont un peu calmées sous ses caresses. Nos rôles s'inversent parfois, c'est à lui de me rassurer et m'empêcher de pleurer.

– Écoute-moi...

Je hoche la tête, ses doigts frôlent ma joue, je frissonne. Son regard se fait plus doux. De sa main libre, il vient entrelacer nos doigts et reprend :

– Louis, tu es la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie... Je suis heureux quand je suis à tes côtés, réellement heureux.

Depuis que je l'ai rencontré, je sais que Harry a du mal à s'exprimer à voix-haute. Et là, c'est lui qui me laisse incapable de parler. Ses mots me secouent et ce serait mentir de dire qu'ils n'ont pas fait battre mon cœur un peu plus vite.

Un sourire se forme sur ses lèvres, il se penche alors et m'embrasse avec tellement de tendresse que j'ai l'impression de voler sur un nuage. Et je n'ai plus aucun doute sur ce que je ressens à son égard.

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