Chapitre vingt-six :
Ce matin, je suis le premier à me réveiller. Harry est encore profondément endormi, lové contre moi. Sa tête posée sur mon coussin que nous avons partagé pendant la nuit, car nous ne voulions pas nous lâcher, et ses boucles tombent sur le haut de son visage ou contre l'oreiller. Je prends le temps de le regarder, passe le bout de mes doigts contre sa joue où son bleu n'est plus qu'un -très- mauvais souvenir.
Je me décide finalement à me détacher de lui et le laisser dormir. Encore nu suite à notre fin de soirée, je prends un de mes caleçons propres que j'ai ramené dans un sac et un tee-shirt à lui qui est plié sur une chaise. Après avoir enfilé cela, je fais le tour du lit afin de sortir de la pièce. Je me remarque Hercule qui est roulé en boule, somnolant, derrière le dos d'Harry. Presque collé à lui. Cette scène me fait sourire.
De bonne humeur, je quitte la chambre et laisse les deux marmottes finir leur nuit. J'ai le temps de passer rapidement sous la douche et préparer le petit-déjeuner avec ce qu'Harry a dans ses placards. Tandis que je retourne des pancakes dans une casserole, je sens des mains se poser sur ma taille et un corps se coller au mien. Je sursaute légèrement, mais un sourire prend directement place sur mes lèvres.
Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que c'est Harry. Je reconnais son odeur, son toucher, la chaleur de son corps. C'est étrange à décrire, mais je crois que ça ne s'explique pas. Je le sais, c'est tout. Son torse se colle à mon dos, ses lèvres caressent ma nuque et ses bras viennent encercler mon ventre. Quand j'ai terminé de tourner le dernier pancake, je pose une main sur les siennes.
– Bonjour Haz.
Sa voix rauque du matin me murmure un bonjour à l'oreille, il laisse sa tête reposée contre mon épaule et je sens son souffle dans mon cou. Nous sommes rejoins par Hercule qui se faufile entre nos pieds et ronronne pour demander des caresses.
– Il y en a deux qui sont très câlins ce matin dis donc.
Harry rit silencieusement contre mon cou, il l'embrasse. Je pose les pancakes dans une assiette à côté et coupe le gaz. Je me retourne, le dos appuyé contre le plan de travail et enroule mes bras autour de la nuque d'Harry. Ses boucles sont encore en batailles, il a un petit sourire fatigué comme un enfant et n'attend pas une seconde pour m'embrasser. Je ne m'en plains pas, je réponds à son baiser et il prend tout son temps pour me dire bonjour comme ça. A sa manière. Avec des gestes, plutôt que des mots.
Il se recule quand il manque de souffle, je souris en caressant sa nuque et le bas de ses cheveux. Avec ses mains toujours posées sur mes hanches, il fait des sortes de petits cercles sur ma peau.
– Si tu m'embrasses comme ça souvent, c'est Hercule qui va être jaloux.
Après avoir lâché un léger rire, Harry se blottit dans mes bras. Même s'il est plus grand que moi d'une tête, il aime se faire câliner et il est plus demandant de ce genre d'étreinte que moi. Surtout depuis le cap que nous avons franchi hier dans notre relation, j'ai l'impression qu'il est devenu encore plus tactile. Et donc, sûr de lui. Il a confiance en moi, et ça me rend heureux.
Mes doigts glissent dans ses cheveux, il pose ses lèvres dans mon cou, contre mon épaule et je frissonne. Hercule est toujours à nos pieds, son petit museau levé vers nous et il se colle à nous pour nous montrer qu'il attend aussi ses câlins du matin. Harry et lui s'apprécient beaucoup, et je commence à comprendre pourquoi.
– Louis...., il marque une petite pause et je l'écoute, j'adore ton chat, mais je préfère embrasser mon petit ami d'abord.
Son petit ami. Je ne savais pas que ce mot pouvait faire vibrer mon cœur jusqu'à ce que j'entende Harry le prononcer. Ses mots laissent sans voix. Il doit se rendre compte de mon silence, inhabituel, et se redresse, mais en restant collé à moi. Ses lèvres déposent un baiser sur ma joue rosée et je souris.
– J'aime bien.
– Le bisou, ou le fait que tu sois mon petit ami ? Il me demande avec un air amusé et doux à la fois.
– Les deux. J'aime beaucoup les deux.
Nos bouches se retrouvent encore une poignée de secondes, rapidement interrompues par les miaulements du chat et surtout le gargouillement de mon ventre. Harry laisse échapper un rire limpide qui me fait toujours quelque chose au cœur. Il se charge de remplir nos tasses de thé, je rapporte les pancakes à table avec de la confiture du réfrigérateur et de la pâte à tartiner.
Le déjeuner se fait dans le calme, Hercule vient sur mes genoux et je le caresse entre deux gorgées de café. Il miaule pour avoir un bout de pancakes, mais je ne cède pas. Ce chat mange déjà bien assez avec sa propre nourriture. Harry me regarde faire en souriant, puis caresse son crâne quand il se lève pour débarrasser.
C'est exactement le genre de moments que je veux vivre tous les jours. Une petite routine dont je ne me lasserais pas.
Harry commence à faire la vaisselle, je me lève pour aller nourrir Hercule quand la sonnerie d'entrée résonne dans l'appartement. Je tourne les yeux, vois le corps d'Harry se tendre et ses gestes se figer. Ça sonne encore, trois fois de suite, de manière précipitée.
– Tu... Tu veux que j'y aille ?
Je propose à Harry qui se ressuie finalement les mains pleines de mousse, il secoue la tête. Son visage est crispé et vide à la fois, il ne me regarde plus. L'ambiance dans la pièce a basculé, lourde et glaciale à présent.
– C'est peut-être Marguerite....
Encore une fois, il secoue la tête. Je n'essaie pas de le contredire, mais je m'inquiète réellement. S'il a peur comme ça, c'est bien pour une raison. Et j'ai peur. Pour lui, parce qu'au fond je pense savoir qui se trouve derrière cette porte.
Cette fois, on toque fortement contre le bois de la porte. Puis une voix s'élève. Ce n'est pas Marguerite. Je la reconnais. Froide. Celle de l'interphone. Mon sang ne fait qu'un tour.
– Harry, bouge toi viens m'ouvrir, tes clefs sont derrière je peux pas entrer !
Mon cœur s'emballe, c'est lui. Cet homme qui m'a ouvert et qui a menacé d'appeler la police si je ne partais pas, alors que je souhaitais simplement parler à Harry. Je tente de m'approcher de lui, de dire quelque chose pour le dissuader d'aller ouvrir. La sonnerie se fait encore entendre, il tape fort contre la porte, comme s'il essayait de la démolir sous ses coups. Sa voix est énervée, j'en ai presque des frissons.
Mais Harry se tourne vers moi avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il me dit d'aller me cacher dans la chambre. Je ne comprends rien, pourquoi devrais-je me cacher ? Je ne peux pas le laisser seul avec cet homme, peu importe qu'il soit de sa famille ou non. Je ne peux pas le laisser seul en sachant ce qu'il lui a déjà fait. Je secoue la tête et proteste, mais Harry n'est pas de cette avis. Il encadre mon visage entre ses mains et me force à le regarder.
– Lou... S'il te plaît, fais ce que je te dis...
– Non, je... On peut appeler la police, il ne pourra rien te faire. Tu n'es pas obligé d'ouvrir, tu n'as pas à...
– Louis, sa voix se fait plus haute que la mienne et il m'interrompt, fais le. Pour moi, pour mon bien, et le tien... Il ne peut pas te voir ici, tu comprends ?
Je secoue la tête, parce que non je ne comprends rien. Mon cœur bat à mille à l'heure, j'ai les mains qui tremblent et la rage au ventre, mélangée à de la peur. Je ne veux pas aller me cacher, l'air de rien, et écouter cet homme entrer dans la maison. Peut-être lui faire du mal.
Le regard qu'Harry me lance est suppliant, humide, dévasté. Il est presque en pleurs, et j'ai l'impression que toute la joie a été aspiré de mon cœur. Il pose son front contre le mien, prend un souffle tremblant. Son pouce caresse ma joue, je ne le quitte pas des yeux.
Derrière la porte, l'homme insiste encore. Il appelle Harry, lui ordonne de se dépêcher d'ouvrir, sonne sans arrêt. Mais j'essaie de me concentrer sur la voix d'Harry, lente et chevrotante :
– Vas dans ma chambre, il n'y va jamais et je me débarrasse de lui aussi vite que je le peux... d'accord ?
– Je ne peux pas, je... J'ai peur pour toi et...
– Je te jure que ça ira Lou, d'accord ?
Ses yeux cherchent les mien, je retiens mon souffle mais je finis par soupirer et hocher la tête. Je sens, au fond de moi, que si je ne lui obéis pas, ce sera pire. Il semble paniqué, autant que moi. Hercule tourne autour de nous, la sonnerie se fait plus insistante encore.
Avant de me laisser prendre la route de sa chambre, Harry pose ses lèvres sur les miennes et m'embrasse comme si sa vie en dépendait. Je n'aime pas le goût qu'a ce baiser. Je mets quelques secondes à réagir, à me détacher de lui et me rendre dans la chambre. Hercule dans mes bras qui miaule.
J'y vais à reculons, mais je rentre dans sa chambre, ferme à moitié derrière moi. Les coups cessent, j'entends les clefs tourner dans la porte. Et rapidement la voix qui s'élève encore. L'appartement n'est pas bien grand, je peux tout écouter. Pratiquement entendre la respiration d'Harry.
– Qu'est-ce que tu foutais ? Tu dormais encore à midi ?
Son m'agace déjà, je dois me retenir de venir au salon et lui ordonner de sortir d'ici. Ce n'est pas chez lui après tout. Harry a tous les droits de lui refuser l'entrée.
Mon chat se débat dans mes bras, alors je le pose sur le lit et m'assois à ses côtés. Ma jambe bouge toute seule, je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur. S'il lui arrive quelque chose, alors que je suis là, je ne me le pardonnerais jamais. Je me dois d'agir en tant que petit ami, c'est mon rôle de le protéger et de le faire sentir en sécurité et aimé. Et avec cet homme, peu importe qu'il soit de sa famille ou non, Harry est loin de l'être. Heureux.
Je tends l'oreille, je perçois un peu de grabuge. J'ai le cœur qui bat à tout rompre, il me fait mal et je crois que je serre un peu trop mes doigts autour des poils d'Hercule.
– C'est toi qui a fait tout ça ? Tu sais cuisiner maintenant ? Et mes bières, t'en a racheté ?
Du bruit de vaisselle, je pense qu'il parle des restes de pancakes que j'avais commencé à emballer dans une assiette afin de les mettre au réfrigérateur.
– Qu'est-ce que tu fais là ?
La voix d'Harry. Il parle pour le première fois depuis que cet homme est entré, sa voix est vide mais elle tremble un peu aussi. Je le sens. Mon corps se met à faire de même. Je n'aime vraiment pas rester caché ici, à attendre que les mots l'atteignent et à espérer qu'Harry soit épargné.
– Parce que j'ai plus de droit de venir, c'est nouveau ?
Son ton est encore plus sévère, je me mords la lèvre. Un silence suit, je retiens mon souffle comme si je risquais de le briser en faisant trop de bruit.
– La dernière fois que je suis passé, il y a quelques semaines, tu m'as pas ouvert. T'étais pas là ?
Il fait certainement référence au séjour qu'Harry a passé chez moi, quand il est venu me voir avec ses bleus, dans un état pitoyable et inquiétant. L'envie d'appeler la police me démange les doigts, mon portable est posé sur la table de nuit à portée de main. Je pourrais le faire. Mais j'ai promis à Harry de le laisser gérer ses problèmes. Même si je n'ai plus envie de le retrouver roué de coups.
Harry doit certainement hocher la tête, car l'autre voix continue :
– Où est-ce que tu traînais encore ? Hein ? Je croyais que tu sortais jamais, que t'avais peur d'aller dehors ?
Hercule s'approche de moi et pose sa tête sur mes cuisses. Je ne fais même pas attention à lui, mon attention est obnubilé par la conversation qui se déroule en bas. Ou plutôt le monologue. Je n'entends pas la voix d'Harry répondre, il doit certainement être effrayé, et s'écraser. Pour l'avoir eu devant moi, j'admets que cet homme est imposant. Physiquement et mentalement, il ne se laisse pas marcher sur les pieds.
– Tu vas encore faire ton muet c'est ça ? J'en ai assez de ton petit jeu, t'es plus un gosse Harry putain, grandis un peu... ! T'as jamais été capable d'être fort et viril... tu sais ce que c'est au moins ? Ou tu comptes rester un faible et un pleurnichard toute ta vie ? Regarde, t'as encore mis ton vernis de tapette là, t'es sérieux ?
Aucune réponse. Je dois sérieusement me contenir pour ne pas descendre et faire une scène. Comme Hercule, je pourrais sortir mes griffes moi aussi. Ses paroles me donnent la nausée, je me demande comment Harry parvient à supporter cela depuis des mois, ou des années. En tout cas, il se trompe, Harry est fort. Le plus courageux des hommes que je connaisse. A sa place, je serais déjà au fond du trou.
– Quoi, tu vas encore chialer ? Oh allez, t'as jamais su faire que ça, pleurer et te cacher dans ton armoire ou sous tes couvertures dès qu'il y avait un problème... Mais tu sais quoi ?
Une dizaine de secondes passent. Elles semblent interminables. Mon cœur n'a jamais battu aussi vite, j'ai le souffle en suspend et je serre mes doigts autour de la couverture.
– Le seul problème, depuis tout ce temps, c'est toi Harry. Tu as des problèmes, tu les crée toi-même et tu es un. Si notre famille n'a jamais fonctionné, si elle s'est effondrée, c'est uniquement de ta faute. Parce que, tout s'est dégradé depuis ta naissance. Mais toi tu t'en es jamais aperçu, car t'es... différent. Tu n'as jamais été comme nous, tu n'as jamais fait partie de la famille. Tu parlais pas, tu n'avais aucun ami, tu passais ta journée dans tes cahiers, tes livres ou avec ta musique, et en plus il fallait que tu sois un putain de pédé... T'es juste... Une honte. Tu me dégoûtes, tu m'as toujours dégoûté. Encore plus depuis qu'elle est morte. Par ta faute.
– Arrête...
– Parce que j'ai tord ? Tu le sais, il hausse le ton, tu le sais qu'elle morte à cause de toi ! T'es un bon à rien, un monstre... Si elle était encore là, elle t'aurait abandonné aussi. T'as jamais été son fils...
– C'est faux... C'est faux elle...
– Mais regarde-toi t'es pitoyable ! Tu ne fais rien de ta vie, t'as aucun avenir, aucune qualité ! Je sais même pas encore ce que tu fais en vie, tu aurais dû crever à sa place...
Je sens les larmes dans la voix d'Harry qui essaie de protester, son souffle qui se coupe et le mien aussi. Mon sang ne fait qu'un tour, je ne réfléchis pas et je me lève précipitamment. Hercule a peur, il bondit sur le lit, je rejoins le salon. Je n'ai jamais respiré aussi vite, et je crois que mon cœur s'est envolé tellement il bat activement.
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