Chapitre vingt-huit :
Ce réveil là n'est pas aussi agréable que celui de ce matin. Il est presque seize heures lorsqu'Harry émerge. Je ne me suis pas reposé, je n'y arrive pas. J'ai passé mon temps à l'observer dormir, caresser sa peau ou lire. Même si je ne parvenais pas à comprendre un seul mot de ce que je lisais.
Harry commence à bouger dans mes bras, sa tête posée sur mon épaule et son flan contre ma hanche. Il ouvre les paupières difficilement, je baisse les yeux vers lui et embrasse son front du bout des lèvres. Ses doigts glissent sur mon torse, au dessus de mon tee-shirt, et il les pose juste à l'emplacement de mon cœur. Je n'imagine pas à quel point le sien est brisé.
Je ne peux pas non plus lui dire que je peux le comprendre ou me mettre à sa place, parce que c'est faux. Notre perception de la famille est très différente. La sienne est déchirée, sa famille lui fait du mal. Et la mienne est aimante, unie. Au fond, je crois que c'est pour ça qu'il aime passer autant de temps avec mes frères ou sœurs, ou même ma mère. Il cherche à retrouver ce qu'on lui a enlevé, ce qu'il n'a peut-être jamais eu.
Le regard d'Harry est toujours aussi triste, la fatigue s'est ajoutée. Il reste contre moi, baisse ses yeux vers mon torse et ravale difficilement sa salive. Je lui laisse le temps pour parler, quand il se sentira prêt à le faire je serais là. Je lui ai promis. Il relève finalement la tête et murmure :
– Je suis désolé que tu ais dû assister à ça...
– Tu ne me dois aucune excuse Harry, tu ne pouvais pas prévoir.
– Si, je... Je savais qu'il allait revenir et...
Un soupir tremblant sort d'entre ses lèvres et les larmes lui montent aux yeux. Je n'hésite pas une seconde à caresser le haut de son dos et le lover encore plus dans mes bras. Il secoue la tête, reprend son souffle. Je lui laisse du temps, puis je sens un poids au bout du lit. Hercule vient nous rejoindre et s'étend à côté de moi. Je caresse de ma main libre son crâne, ses ronronnements se font entendre.
Harry regarde le chat, puis lève sa tête vers moi. En plus de la tristesse, je crois pouvoir lire une once de culpabilité sur son visage.
– Tu n'avais pas à te cacher... je n'aurais jamais dû te demander de le faire...
– Je comprends, mais j'avais juste énormément peur. J'ai vu ce qu'il t'a fait Harry, tu es venu me rejoindre chez ma famille dans un état qui m'a brisé le cœur et... Je ne veux plus jamais revivre ça, ni le revoir.
– Je ne pense pas qu'il va revenir de si tôt.
– Demain ou dans trois mois, je serais là pour l'accueillir.
Ses yeux brillent, mais ce ne sont plus des larmes. Nous restons silencieux pendant plusieurs secondes. Mais il a compris, que je ne compte pas m'en aller. Même si ça veut dire que je dois passer le reste de l'été chez lui, à ses côtés. A la reprise des cours, ce sera un peu plus délicat, mais je m'arrangerais pour ne jamais le laisser seul trop longtemps.
Lentement, Harry monte une main contre ma joue, il ne me lâche pas du regard. C'est presque intimidant. Je suis déstabilisé par l'intensité de ses prunelles, le vert de ses yeux est frappant, gorgé de larmes lointaines et d'une couleur pure.
– Tu... tu vas vraiment rester ?
– Bien sûr, où veux-tu que j'aille ?
Ma question le fait sourire. Il fixe mon visage, puis mes lèvres. Elles se retroussent, elles aussi, dans un léger sourire. Et il m'embrasse sans plus tarder. Ce baiser est différent, c'est comme s'il me demandait pardon sans le formuler à voix haute.
Et même s'il a peur, même si tout semble s'effondrer sous ses pieds, même si les événements le bousculent, j'aimerai lui faire comprendre que je ne partirais pas. A moins qu'il ne me le demande. Mais à la manière dont il m'embrasse, dont il s'accroche à moi, jusqu'à en oublier de respirer, je pense qu'il ne souhaite pas que je le laisse.
– Merci Louis... Pour tout ce que tu fais, pour moi, murmure-t-il en se détachant de ma bouche.
– Quel genre de copain je serais si je laissais tout ça se produire en sachant la vérité ? Je ne suis pas parfait, mais je peux au moins être quelqu'un de bien.
– Je ne te mérite vraiment pas.
– Ça, c'est à moi d'en juger Haz. Et je pense que tu es sacrément incroyable, et que si une personne devrait se sentir chanceuse ici, c'est bien moi.
Il lève les yeux au ciel, se retenant de sourire. Je viens déposer un chaste baiser sur ses lèvres pour l'empêcher de protester. Puis je rétorque ensuite, en me mordant la lèvre pour ne pas rire :
– Quoi ? Je dis seulement la vérité. J'ai peut-être été parfois un petit diable pendant mon enfance, mais si j'ai bien retenu une chose que ma mère m'a appris, c'est que je ne dois jamais mentir.
– Je dois remercier ta mère, alors.
– Oh non, elle serait bien trop contente et fière. Ne lui donne pas des raisons en plus de t'adorer.
Harry hausse un sourcil, son sourire s'étend cette fois jusqu'à dévoiler ses fossettes. Je passe un bras derrière ma tête, laissant Hercule se reposer à côté de nous. Mon autre main caresse toujours le dos d'Harry, il pose son menton sur mon torse et m'observe. Il attend apparemment que je continue sur ma lancée, son regard me lance des interrogations et m'incite à expliquer davantage.
– Tout le monde t'apprécie, Harry. Ne joue pas l'innocent, tu le sais très bien. Ernest et Doris ne parlent que de toi, ma mère m'envoie des messages pour savoir comment tu vas depuis... l'incident, et mes sœurs me demandent si tu as un Facebook ou un Twitter pour te suivre partout. Elles exigent des photos de nous deux, parce que nous sommes trop mignons selon leurs dires, je lève les yeux au ciel. Je pense surtout qu'elles parlent de toi. Ça ne te suffisait pas de m'avoir moi, il fallait que tu charme toute ma famille aussi mh ?
Je laisse échapper un rire léger, Harry me fixe un long moment, muet. Il parle avec ses doigts. Ses doigts qui glissent contre ma joue, dans mes cheveux, ma nuque, et finalement vient chercher ma main derrière ma tête. Il lie nos doigts ensemble, nos regardent suivent ses mouvements. Puis, il dépose ses lèvres sur mes phalanges, secoue doucement la tête.
– Il n'y a que toi que je veux.
Un sourire étire mes lèvres, il me dit cela d'une voix calme et avec tellement de sérieux que mon cœur cesse de battre l'espace de quelques secondes. Mes joues chauffent, je crois que je rougis. De mon pouce, je caresse ses doigts et serre doucement sa main en retour.
– Tu m'as déjà. Depuis longtemps, avant même notre baiser sur la plage. Je ne m'en rendais juste pas encore compte. C'est idiot... je pouffe, je crois que tout le monde le savait plus ou moins sauf nous. Zayn savait que j'étais, inconsciemment, attaché à toi, Félicité me poussait à faire le premier pas, et ma mère était au courant que...
Que je t'aimais déjà. C'est ce que j'aurais voulu dire, ce qui me pendait aux lèvres. Mais je ne sais pas, ça ne semble pas le moment propice pour poser des mots concrets sur tout ce que je ressens. J'ai peur aussi que ce ne soit trop tôt pour lui. Après tout ce qu'il a vécu, hier, ces dernières semaines, ce n'est peut-être pas ce à quoi il veut penser.
– que quelque chose se passait entre nous. Je pense que nous n'étions pas vraiment discrets non plus. La fois dans la cuisine, quand elle est entrée alors qu'on était en train de s'embrasser, il rit en me regardant et grogne même un peu, elle nous avait bien vu. Mais elle n'a rien dit, elle n'a rien fait. Elle attendait que je vienne de moi-même lui parler de toi. L'instinct de maman, certainement. Elle doit avoir des pouvoirs magiques, un truc dans le genre, elle a toujours su quand l'un de nous avait un copain ou une copine avant même qu'on en parle.
C'est à son tour de sourire, il dépose un baiser sur mon menton et le son bout de nez froid contre ma joue. Je ferme les yeux, me laisse submerger par notre étreinte, ses gestes et son souffle qui caresse ma peau. Mon cœur bat si vite, je suis certain qu'il peut l'entendre et le sentir tellement nous sommes proches.
Si j'étais certain que ça ne le ferait pas fuir, je lui aurait chuchoté à un je t'aime à ce moment-là. Parce que c'est ce qu'il mérite. Être aimé. Par moi, ma famille, d'autres personnes qui sont ou pourraient entrer dans sa vie. Il ne peut pas se battre seul.
Au bout de quelques minutes, je le sens bouger contre moi. J'ouvre les paupières, il tend le bras, prend son portable sur la table de chevet et le met sous son nez. Je l'observe taper avec ses pouces sur son écran, puis il me tend son téléphone.
D'Harry à Louis :
Imagine, si je n'avais jamais oublié mon carnet.
Ses quelques mots me font sourire, je me mords la lèvre et baisse les yeux vers lui. Nos doigts se sont déliés pour qu'il écrive son message, mais il se met maintenant à caresser ma hanche en dessous de mon tee-shirt. Je le regarde fièrement, hausse les épaules.
– Oh, ne t'en fais pas pour ça Haz. Je t'avais repéré bien avant à la librairie, à faire le tour des rayons. Le seul problème aurait été de te retrouver, parce que je ne t'avais jamais vu là avant.
– Tu m'aurais cherché ?
– Dans tous les cas oui, mais on a fini par se retrouver, alors... je pense que ton carnet était un petit coup de pouce. Je t'ai couru après tu sais ? Quand tu étais parti de la librairie, que tu avais laissé le livre que tu voulais acheté sur une table, je l'ai pris, je l'ai payé et j'ai essayé de te rattraper. Mais tu étais déjà hors de vue. Puis, je suis revenu tous les jours à la librairie, au café, avec ton carnet sous le bras en espérant que tu viennes le récupérer, et me retrouver.
C'est de manière un peu plus intimidée qu'Harry me regarde cette fois, il tient son portable d'une main et caresse toujours ma peau chaude de l'autre. A chaque fois, il provoque les mêmes sensations chez moi, celle de me sentir pousser des ailes, de me sentir invincible.
A nouveau, ses lèvres retrouvent les miennes. Un baiser lent et que je voudrais éternel. Lorsqu'il se recule, un sourire se dessine sur son visage. Il déverrouille son téléphone, tape encore quelques mots.
D'Harry à Louis :
Je peux t'emmener quelque part ?
Où il voudra, l'enfer, le paradis, je le suivrais. Je hoche la tête lentement, il me vole un dernier baiser et se redresse. La chaleur de son corps me manque déjà, mais il me tend sa main pour m'inciter et m'aider à me relever.
Nous décidons d'aller prendre une douche, chacun notre tour. Harry s'éclipse dans la salle de bains, je vais ranger le bazar au salon. Le verre explosé au sol, les livres éparpillés, la table renversée. Je prends un balais, un sac poubelle, et ramasse les plus gros morceaux en évitant de marcher dedans ou me couper. J'ai le temps de tout mettre en ordre et passer un coup d'aspirateur dans le salon et au bord de la cuisine.
Harry revient au moment où je range ses outils de ménage, il me sourit et me remercie en m'offrant un baiser plus tendre que jamais. Je l'informe que je file vite fait sous la douche. En effet, je suis assez rapide. Je m'habille simplement, arrange mes cheveux et rase totalement ma barbe de deux jours. Quand je rejoins Harry et lui dis que je suis prêt, il passe sa main contre ma joue imberbe et douce.
– Une vraie peau de bébé. Magnifique.
Après avoir déposé un baiser sur le coin de ma bouche, souriante, il prend ses clefs. Nous mettons nos chaussures, je prends mon portable avec moi au cas où et nous sortons ensemble de son appartement. Nos doigts se lient automatiquement alors que nous quittons l'immeuble ensemble. Il ne me lâche la main que lorsque nous arrivons devant une voiture en bas de la rue.
Harry sort ses clefs de sa poche, appuie sur un bouton et il m'ouvre la portière de sa voiture bleue nuit et je le remercie.
– Gentleman.
Je glisse ces mots qui le font sourire jusqu'aux oreilles, avant de m'asseoir du côté passager. Une fois derrière le volant, il attend que nous soyons bien tous les deux attachés pour démarrer le moteur. La musique se lance dans la radio, il baisse le son et ouvre les vitres de chaque côté.
La légère brise chaude d'été caresse la peau de mon bras posé sur le rebord baissé de la vitre, je regarde dehors, puis tourne la tête vers Harry. Le haut de son corps est éclairé par les rayons du soleil, c'est définitivement trop beau pour être une simple coïncidence. La lumière dorée embrasse sa peau, la lèche et j'ai la vive impression qu'il est plus brillant encore que le soleil.
Harry finit par remarquer que je le fixe un peu trop longtemps, il tourne rapidement le regard vers moi à un feu rouge et me sourit. Sa main glisse sur ma cuisse, je caresse ses doigts du bout des miens. Et il ne me lâche que pour enclencher des vitesses ou conduire dans un virage.
Nous finissons par nous garer devant un cimetière. Entouré de grandes grilles noires. Je me détache, Harry coupe le moteur, regarde ses clefs entre ses mains. Je lui laisse le temps de formuler ses mots, prendre sa respiration. Pour l'aider, lui montrer mon soutient, je pose ma main sur son genou et je le vois sourire.
– J'ai quelqu'un à te présenter.
– D'accord, je te suis. Quand tu voudras.
L'intonation de sa voix est triste, mais je vois que ça le touche que je sois là, avec lui. A ses côtés. Je n'ai pas besoin de demander qui nous sommes venus voir, la réponse me paraît évidente. Harry sort de la voiture et je le suis. Sans attendre, je prends sa main, il serre mes doigts et je regarde autour de nous. C'est silencieux, calme, respectueux. Il n'y a que trois personnes dans le cimetière.
– Je me sens bête de venir les mains vides, j'aurais dû ramener des fleurs...
A ma remarque, Harry secoue doucement la tête en souriant. Il lève nos mains pour embrasser le dos de la mienne et nous entrons dans la première allée. Nous marchons en silence le long du chemin en gravier. L'endroit est sinistre, comme l'est tout cimetière je suppose. Je n'y ai mis les pieds qu'une fois, à l'enterrement d'une des cousines de ma mère. Personne n'en garde un bon souvenir.
Harry s'arrête devant une pierre tombale grise, mes yeux se posent directement sur l'inscription. Anne Styles. Il y a une petite photo posée, dans un cadre, au milieu des deux bouquets de fleurs colorées. En regardant de plus près, je reconnais le visage ce qui doit être Harry tout petit. A peine cinq ans, et sa mère qui le tient tendrement dans ses bras. Ils sourient tous les deux, mon cœur se serre à l'intérieur de ma poitrine et je caresse les doigts d'Harry.
Il m'adresse un sourire triste, ses yeux ne se détachent pas de la tombe. Au bout d'un moment, il s'agenouille, en tenant encore ma main, alors je fais pareil. Nous restons silencieux un long moment. Harry a besoin d'un moment de calme et de réunion avec sa mère. Je ne m'impose pas, je mets simplement ma tête contre son épaule, et lui ses doigts contre la pierre, qu'il frôle au passage.
– J'ai un grand regret...
La voix d'Harry n'est qu'un murmure, à peine audible, mais moi seul peur l'entendre. J'écoute ses mots, tandis qu'il prend son temps pour chercher les bons et s'exprimer. Parfois, il marque des pauses, reprend son souffle, respire simplement.
– Ma mère a toujours su que j'étais attiré par les garçons, je lui ai dit assez rapidement. J'avais quinze ans environ... Et, il n'y a rien que je ne pouvais lui cacher. Elle m'a accepté comme je suis. Et je sais qu'elle... Elle voulait rencontrer mon premier copain, celui qui me rend heureux. Je n'ai jamais eu...
Je relève la tête quand je le sens prendre une grande inspiration, il tourne son visage vers moi et je serre encore ses doigts. Il ravale sa salive, ferme les paupières brièvement puis me regarde droit dans les yeux.
– Tu es le premier, Louis. Pour tout. Tu es toute mes premières fois, je ne suis jamais sorti avec personne, je n'ai jamais été intime à ce point avec quelqu'un, je n'ai jamais tenu une main, caressé une cuisse et... Même si ça m'effraie totalement de me lancer là-dedans, je sais que je n'ai pas à avoir peur avec toi. Tu me fais confiance, tu me donnes confiance en toi, en moi, en nous et... Personne n'a jamais fait la moitié de tout ce que tu fais pour moi, Lou. Je ne sais pas si tu le sais, si tu t'en rends compte mais... Tu es extraordinaire. Parfois j'ai...
Un petit rire, presque silencieux, sort de sa bouche. Pourtant, il n'y a pas l'once d'un sourire sur son visage. Je ne l'ai jamais vu aussi sérieux. Je ne l'ai jamais entendu parler aussi longtemps non plus. Et ça me rend fier. Qu'il fasse autant d'efforts pour moi. Qu'il se sente assez à l'aise en ma présence pour libérer sa parole.
– J'ai l'impression que je vis dans un rêve, que tu es un de mes fantasmes et... Et que quand je vais me réveiller, je me rendrais compte que rien de tout ça n'est vrai. Toi, nous...
– Harry, je souffle, je suis là. Je suis réel.
– Je sais, c'est juste... Nouveau. Tu me rends réellement heureux et vivant et... je me sens en sécurité avec toi, vraiment, tu...
Son regard retourne sur la pierre devant nous, ses lèvres se serrent entre elles. Quant à moi, je sens mon cœur battre à tout rompre à l'intérieur de ma poitrine. C'est agréablement douloureux. Une douce torture. Je sais que pour Harry, c'est difficile et nouveau de se confier. J'ai compris assez vite qu'il n'était pas du genre à entretenir de longues conversations, c'est plus souvent moi qui la fait d'ailleurs. Mais ça ne me dérange pas de parler seul, parce je sais qu'il m'écoute et qu'il ne fait pas semblant. Il m'écoute et il enregistre ce que je dis, il n'oublie pas.
Alors, forcément, je suis touché qu'il me livre toutes ces paroles aujourd'hui. Je crois que les larmes me montent aux yeux. Nous n'avons jamais eu de problèmes ou de honte à pleurer l'un devant l'autre, c'est naturel. Et nous avons compris que c'est en étant ainsi vulnérable que nous nous rapprochions plus encore.
Ma mère m'a toujours dit qu'il n'y avait aucune raison qu'un garçon ne pleure pas ou cache ses larmes. Et elle a raison, nous sommes tous des êtres humains avec nos forces, nos faiblesses, nos qualités, nos défauts, nos courages et nos peurs. Pleurer n'est pas un signe de faiblesse ou de fragilité. C'est admettre que nous sommes capable de ressentir. Sans ça, sans les larmes, nous finissons par exploser. J'ai essayé, après ma dernière relation, de cacher ma tristesse à ma famille et mes proches. Et je suis littéralement tombé au fond du trou. Pleurer, c'est aussi accepter que nous ne pouvons pas nous battre seul dans la vie.
Harry serre mes doigts, pose quelques secondes son front contre le mien. Puis, il murmure pour nous deux :
– J'aimerais te présenter à elle, tu veux bien ?
Un sourire orne mes lèvres, je souris et le regarde à travers mes dernières larmes que je sèche. Après mon hochement de tête, il me sourit à son tour.
– Maman, sa voix se brise sur la fin et je caresse sa main pour lui donner du courage, maman... Louis est venu avec moi aujourd'hui. Tu sais, tu le connais, je t'en ai parlé déjà...
Ses joues se colorent légèrement de rouge, je souris en coin et pose mon regard sur la tombe, moi aussi. Comme si je m'adressais à elle. Sa mère. Je la rencontre, et je sais qu'Harry y tient fortement, que c'est sacré à son cœur. Il aurait aimé que je connaisse sa mère, comme il peut connaître la mienne. Je peux comprendre cela, j'aurais voulu la même chose à sa place.
Je le laisse parler, parce qu'il n'a pas besoin d'être interrompu. Il sait ce qu'il fait, il sait que je suis là, tout près de lui, à écouter ses murmures tremblants de sanglots.
– Je te l'avais promis qu'il viendrait, parce que je sais que c'est... lui. Lui ou personne d'autre. J'espère que de là où tu es, tu peux voir à quel point il me rend heureux. Quand tu es parti, j'ai eu l'impression de tout perdre, que tout s'écroulait, je suis resté coincé dans le noir très longtemps et... et tu sais, j'ai peur du noir, maman... Mais, Louis est arrivé. Louis, c'est la lumière et il a tout... tout rallumé en moi.
Harry s'exprime, lentement, trouve les mots adaptés à ce qu'il veut exprimer. Il parle et c'est exactement comme si je n'étais pas vraiment là à ses côtés, comme s'il elle se tenait devant lui. Et, encore une fois, je comprends. Il a besoin de s'accrocher à ça, à son souvenir, à la seule réminiscence qui lui reste d'elle. Je n'ai pas perdu ma mère, un jour cela arrivera, et je sais déjà que je serais dévasté à jamais. Forcément, ça laissera une trace en moi. Parce qu'elle est la femme qui m'a mise au monde, élevé, aimé. La femme qui a fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Et si elle est fière de moi, alors elle peut l'être d'elle aussi. Parce qu'il y aura toujours une part d'elle en moi. Comme il y aura toujours une part d'Anne dans Harry.
– Et je sais... Je t'ai promis que je le ferais, que je... continuerais. J'ai longtemps cru que j'étais mort au fond, moi aussi, quand toi tu es parti mais... Ce n'est pas totalement vrai. Louis a réveillé tout ce qu'il y avait d'endormi en moi et... je me sens vivant, maintenant... Je sens que je peux y arriver, maman. Je peux y arriver avec lui.
Après avoir soufflé ses dernières paroles, il tourne son regard vers moi. Ses yeux sont à la fois vides et remplient de larmes. Les miens sont tout aussi humides, je passe mon pouce contre sa joue humide et le prend dans mes bras. Il lâche ma main pour m'attirer contre lui et me serrer plus fort que jamais. Je respire son odeur, je crois que je mouille aussi son tee-shirt. Son corps tremble contre le mien, il sanglote et s'accroche à moi. Je caresse son dos, ses cheveux, lui murmure que je suis là, que je ne partirais pas.
Ses mots sont puissants, douloureux et à ne pas prendre à la légère. Il les a choisi soigneusement, et je sais que je n'ai plus le droit de l'abandonner ou de lui faire un jour du mal. Pas que j'y compte, mais parfois c'est inconscient. Et j'ai compris que ma présence dans sa vie était plus qu'une envie, c'est un besoin. Il a besoin de moi pour continuer. Pour y arriver. A être heureux. Et je peux lui promettre ça, je peux le lui donner. Le bonheur, la sécurité, la confiance, l'amour... Tout ce dont il a été privé depuis tout ce temps.
– Merci..., il souffle à mon oreille entre ses larmes.
– Merci à toi.
Harry se redresse, passe le dos de sa main contre sa joue. Les sanglots sont passés, sa lèvre inférieure tremble encore un peu et ses yeux sont humides. Mais ça ira, parce que je suis là. Il m'interroge du regard, je lui adresse un fin sourire et susurre :
– Merci de me laisser entrer dans ta vie.
– J'aurais aimé que tu la rencontres, il me souffle, elle t'aurait adoré.
– Je suis certain que moi aussi, c'est déjà le cas pour son fils alors...
– Tu m'adores... ?
– Oui, je le regarde droit dans les yeux et parle le plus sérieusement du monde, je t'adore.
Ses yeux brillent, il reste sans voix. J'ai le cœur qui bat à m'en faire mal à l'intérieur de la poitrine. Nous restons un moment à nous fixer ainsi. Parce que, je crois que ce que je viens de lui dire est plus fort encore qu'un je t'aime. Un souffle fébrile s'échappe finalement de sa bouche, il me reprend dans ses bras, c'est à mon tour de le serrer. Même si je crois que ça marche dans les deux sens.
Quand on se détache, il prend ma main et on se relève. Il me dit que nous reviendrons ensemble mettre de nouvelles fleurs sur sa tombe. Je le remercie et ajoute qu'il est adorable sur cette photo. Il lève les yeux au ciel, j'embrasse sa tempe en me mettant sur la pointe des pieds.
Nous retournons à la voiture, mais Harry ne prend pas la direction de chez lui. Je crois qu'il a besoin de prendre l'air avant de s'enfermer entre les murs de son petit appartement. Il se gare non loin du parc, nous nous y rendons à pieds, main dans la main. Harry nous achète à tous les deux une glace, il goûte mon cornet à la pistache et je l'embrasse en prétextant vouloir directement goûter la lavande sur ses lèvres. Si Zayn était là, il serait certainement en train de se moquer de moi en me disant que je suis devenu trop niais et romantique. Mais ça fait sourire Harry comme un enfant, et il n'y a rien de plus beau.
Tout en dégustant notre glace, nous allons prendre place en dessous de l'arbre qui est devenu notre sorte de lieu de détente dès que nous mettons un pied dans ce parc. C'est un endroit à l'ombre, au calme, un peu reculé et proche d'une petite rivière. Le son de l'eau qui coule, des enfants qui rient et des oiseaux qui chantent est apaisant. Je suis allongé au sol, Harry s'est installé à mes côtés, sa tête contre mon épaule et mon bras étendu derrière sa tête. Ma main caresse ses boucles, sa joue et il est tellement plus apaisé que tout à l'heure, ce matin, qu'il semble presque dormir.
– Lou...
Son murmure me sort de ma contemplation, je cligne des paupières, il me regarde et je l'interroge d'un signe de tête. Il tourne finalement la sienne vers le ciel au-dessus de nous. Bleu clair, sans nuage. C'est beau à regarder, presque autant que la mer. Même si je préfère de loin les coucher de soleil.
– C'est de ma faute.
Je fronce les sourcils, baisse la tête vers lui car je m'étais prit à regarder moi aussi le ciel azur et dégagé de l'été. Lui, ne le lâche pas des yeux. Je demande, perdu :
– Quoi ?
D'abord, je vois sa poitrine se lever quand il prend une inspiration légèrement tremblante. Puis son visage qui se tend, se ferme. Il n'est plus du tout apaisé, je crois en fait qu'il réfléchissait à ce qu'il s'apprêtait à me dire maintenant.
– Si elle est morte, c'est de ma faute.
– Harry, non...
– Louis, il m'interrompt gentiment, tu as besoin de savoir la vérité et...
– Non, tu n'es pas obligé Haz, tu le sais...
– Oui, mais tu me dis énormément de choses sur toi et moi... ce n'est pas juste Louis.
Je ne veux pas qu'il se sente contraint de me raconter des souvenirs, des secrets parce que moi je suis une vraie pipelette. Bien sûr, il y a encore des tas de sujets et d'aspects de ma vie que je n'ai pas encore abordé avec lui. On a toute une vie pour découvrir une personne, quand on a trouvé la bonne. Et je sais qu'Harry l'est.
Et ça me rend triste s'il se sent forcé. Je sais que j'ai exigé quelques réponses ou explications de sa part lorsqu'il est parti de chez moi sans aucune raison, mais c'était un cas à part. Cependant, il secoue la tête et ferme les yeux.
– Je me sens prêt, Louis. Je veux te le dire, parce que... Je te fais confiance et... à part mon frère et mon père, personne n'est au courant et... J'ai besoin aussi de partager ça avec toi.
– D'accord, je t'écoute Haz. Mais si jamais...
– Oui, je sais, il me coupe encore avec douceur. Je ne me sens pas obligé de quoi que ce soit, Lou.
Ma gorge se noue, j'embrasse tout de même son front et le serre contre moi. Harry soupire, pose une main sur ma poitrine. Je le vois ensuite fouiller dans sa poche, il sort son portable. Il n'est pas prêt à en parler à voix haute, alors il écrit. Il écrit pour moi, pour lui aussi. Parce que je sais qu'au fond, ça le libère un minimum. Ça enlève un poids de son cœur.
Alors, je me tais, je caresse sa nuque et je le laisse s'exprimer dans ses notes, en regardant le ciel. Quand il me tend son téléphone, ses yeux se noient dans les larmes. Je lui adresse un sourire réconfortant, puis me mets à lire. Le cœur serré comme si j'étais sur le point de le perdre.
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