Chapitre trente-et-un :
Mon esprit a du mal à assimiler les mots de mon meilleur ami. Harry... Hôpital... C'est pourtant évident, mais je suis incapable de réagir. Le souffle se bloque à l'intérieur de ma gorge, une sensation désagréable et mes yeux me piquent. Les larmes arrivent, s'agglutinent sur le bout de ma langue. Je ne reconnais pas ma propre voix quand je réponds :
– Quoi ?!
Je manque de m'étouffer, ou m'écrouler ou fondre en larmes. Je ne sais pas, je sens simplement mon cœur déchirer ma poitrine. Mes doigts tremblent autour de mon téléphone, et j'ai l'impression de suffoquer, de ne plus savoir comment respirer. Que mon cœur a arrêté de battre, et j'ai peur que celui d'Harry aussi.
– Oui, je suis avec lui là-bas...
– Mais, mais je... c'est une blague, c'est ça... ? Dis moi que c'est une blague Zayn...
Le monde se dérobe sous mes pieds, son ton est bien trop grave pour qu'il plaisante. Et je le connais, il ne s'amuserait pas d'une telle situation. Mais je ne peux pas m'empêcher de paniquer, de m'emporter et d'entendre les premiers sanglots dans ma voix.
– Je t'expliquerais plus en détail, mais il faut que tu sois là... Est-ce que tu vas y arriver, ou tu as besoin que je vienne te chercher ?
– Non, je... je... J'arrive...
– Sois prudent, laisse le haut-parleur si tu veux.
– Zayn... je ne comprends pas...
– Je vais tout t'expliquer, mais il faut que tu te calmes et que tu respires. Ce n'est pas... il n'est pas dans un état critique ok ? Mais, il est pris en charge par les médecins en ce moment-même, ils m'ont demandé d'attendre et qu'ils reviendraient avec des résultats...
Je porte une main tremblante sur mon visage, souffle tout en essayant de reprendre une respiration normale. Zayn a raison, il faut que je me ressaisisse. Même si j'ai peur, même si j'ai envie de pleurer ou de vomir. Je dois rejoindre l'hôpital et être là pour Harry. A ma place, il l'aurait fait sans réfléchir.
Alors, je tente de souffler, respirer, reprendre mes esprits et calmer les battements de mon cœur. Zayn est toujours à l'autre bout du téléphone tandis que je prends les clefs de ma voiture, mes mains tremblent quand j'essaie de mettre la clef pour enclencher le contact. Je râle, je peste à voix basse et j'entends mon meilleur ami qui me répète de ne pas m'énerver. Si je me précipite, si je prends la route en étant tendu, je risque moi aussi de me retrouver dans un lit d'hôpital. Et là, je ne serais d'aucune aide à Harry.
Finalement, je pose mon portable en haut-parleur sur le panneau de bord et me mets en route. J'écoute la voix de Zayn qui m'indique la route. Ce n'est pas long, mais ça me semble interminable. Une éternité me sépare d'Harry, qui se bat certainement entre la vie et la mort. Et moi, j'ai l'impression de m'éteindre en même temps que lui.
Je me gare sur le parking, le plus près possible de l'entrée. Je raccroche, Zayn me dit qu'il m'attend à l'accueil et je ne perds pas de temps. J'entre presque en courant, essoufflé et le cœur au bord des lèvres. Ma tête tourne déjà, j'ai chaud et mes jambes ne semblent plus supporter le poids de mon corps.
Mon meilleur ami s'avance vers moi et me prends dans ses bras, je m'écroule presque dedans et c'est comme si mon cœur avait cessé de battre. Je me recule, les yeux humides. Son teint est livide et son expression figée, ce n'est pas le moins du monde rassurant. Il pose ses mains sur mes épaules et m'emmène avec lui dans un ascenseur, puis à travers des couloirs. J'en ai assez de marcher, j'ai la nausée et je voudrais simplement voir Harry. Le voir respirer. Vivre.
Nous nous asseyons sur des sièges, dans un couloir presque vide. Au loin, il y a un autre accueil. Je tape nerveusement du pied et Zayn se tourne finalement vers moi, voyant mon impatience.
– Je devais le voir aujourd'hui... Il voulait te faire une surprise, pour fêter vos trois mois, et je suis arrivé dans son immeuble et... Il y avait les ambulances, la police... Je ne comprenais rien. Une femme âgée était là, une voisine je crois, je lui ai demandé ce qui s'est passé. Elle m'a expliqué que c'est elle qui avait appelé, parce qu'elle avait entendu crier et taper et... C'était chez Harry... Et j'ai juste...
L'émotion le prend aussi, il reprend son souffle et baisse les yeux vers le carrelage froid et blanc. Chaque mot m'enfonce un peu plus, chaque mot fait monter la rage et la peur en moi, chaque mot amène une nouvelle larme à mes paupières et m'assène un coup à la poitrine.
– Ils avaient enfoncé sa porte, ils ont arrêté deux gars, je ne sais pas... Je ne sais pas qui s'était, mais.. Harry était entendu sur un brancard. Défiguré... Il respirait à peine et il luttait pour garder les yeux ouverts. J'ai forcé pour le voir, j'ai dis que j'étais son ami. La police m'a laissé passé. Je lui ai pris la main, il était... Son visage était couvert de sang Louis... Il pleurait, je lui ai dis que j'étais là et qu'il était pas seul, que tout allait bien se passer et que tu allais venir aussi. Très vite...
Les larmes coulent sur mes joues, je ne peux plus les retenir. Harry était seul chez lui, et on est venu l'attaquer. Je n'étais pas là, et on s'en est pris à lui. Encore. Mais là, c'est bien plus grave que les autres fois. Parce qu'il se retrouve à l'hôpital.
Je suppose que la femme que Zayn a vu était Marguerite. Elle a bien fait d'appeler les urgences et la police. Ce n'était pas la première fois que Harry subissait ce genre de situation et je refusais que son frère revienne le voir en mon absence. Un matin, quand Harry dormait encore et que je suis allé chercher des croissants à la boulangerie, je suis passé à sa porte et je lui ai demandé un service. Contacter les numéros de secours si jamais elle entendait des bruits venant de chez Harry. Aujourd'hui, elle lui a peut-être sauvé la vie.
– Il murmurait ton prénom, à peine un souffle, mais il le répétait et il m'a demandé...
Zayn prend un sac plastique à côté de lui et le dépose sur mes genoux. Je fronce les sourcils, glisse mes doigts dessus et finalement à l'intérieur. Mes doigts tombent sur quelque chose de lisse, mais assez rigide. Je sors l'objet, et mon cœur se serre quand je vois sous mes yeux le carnet d'Harry. Les larmes troublent presque ma vue, je passe le dos de ma main contre mes joues et renifle.
– Il voulait que je te le donne, je ne comprenais pas et il insistait. Il m'a supplié, en s'accrochant à ma main, de chercher son carnet dans sa chambre et te le donner... Je ne voulais pas le laisser comme ça, il m'a prié de le faire tout de suite que c'était important... Je suis entré dans son appartement, tout le monde s'agitait autour de nous. Les policiers ont emmené les deux hommes dans leur voiture, j'ai juste eu le temps de trouver le carnet marron dont il parlait, sous son oreiller, et quand...
Zayn secoue la tête, je serre le carnet entre mes doigts comme si c'était ceux d'Hary. J'ai besoin de m'accrocher à ça, à ce petit espoir qu'il me reste. Qu'il soit encore vivant. Qu'il va se battre pour vivre et me retrouver. Je refuse qu'il m'abandonne. Je ne pardonnerais jamais, parce que c'est de ma faute. Je n'aurais jamais dû le laisser seul. Je n'aurais jamais dû croire que son frère ne viendrait jamais plus nous voir. J'avais tord.
– Je suis revenu, l'ambulance l'emmenait dans leur camion. Il respirait mal, son rythme cardiaque diminuait. Ils ont accepté que je monte avec eux, je lui ai tenu la main. Il faisait un début de coma, selon les secours... Ensuite, on est arrivé et... Je n'ai pas eu le temps de poser des questions, ils sont partis avec lui au bloc... Depuis, je n'ai aucune nouvelle...
Je baisse les yeux vers le carnet entre mes mains tremblantes, une larme s'écrase sur la couverture légèrement abîmée et je ferme les yeux. Les coups de ses mots sont durs à encaisser. Je ne peux m'empêcher d'imaginer un Harry blessé, meurtri. Physiquement et mentalement. Il doit être brisé, ses os comme son esprit. Il a dû affronter ce moment seul, certainement effrayé. Il a demandé après moi et je n'étais pas là.
C'était mon visage qu'il aurait dû voir avant de sombrer dans le coma, c'était moi qui aurait dû tenir sa main et le rassurer, lui murmurer que tout allait bien se passer, qu'il ne devait pas avoir peur. Mais je n'étais pas là.
Mes larmes redoublent, Zayn me prend dans ses bras et je serre le carnet contre mon cœur. J'aimerais que ce ne soit pas qu'un souvenir. J'aimerais qu'il termine d'écrire dedans, ce qui le rend triste ou heureux, sur ses blessures ou sur moi. J'aimerais lui en offrir un autre, qu'il continue d'écrire et ne s'arrête jamais. Parce que tant qu'il écrit, il reste vivant. Et s'il arrête, alors moi aussi je meurs.
– Ça va aller Louis, il va s'en sortir... Il est fort ton homme, hein ?
Je ne peux pas réprimer le sourire qui me vient à travers mes larmes. Zayn n'a pas tord, Harry est fort. Plus fort que moi ou toutes les personnes que j'ai pu rencontrer. Il est courageux. D'avoir supporter ça pendant des années, en silence, avec pour seul moyen de s'exprimer son carnet. A sa place, j'aurais fini par craquer depuis longtemps. Harry n'est pas un homme faible, je l'admire parce qu'il a tout encaissé et a tout gardé en lui. Mais à présent, j'aimerais qu'il puisse relâcher le souffle qu'il n'a cessé de retenir. Il doit respirer.
Zayn caresse mon dos, ma nuque. Je pleure contre son cou et nous restons ainsi jusqu'à ce que je me calme un minimum. Quand mon souffle semble revenir à la normale, je me redresse tout en poussant un soupir douloureux. Je baisse le regard vers mes doigts qui ne quittent plus le carnet, je le serre de toutes mes forces et prie dans ma tête pour qu'Harry se réveille. J'espère que, de là où il est, il peut m'entendre.
– Il voulait que tu le lises... Le carnet.
Aux mots de mon meilleur ami, je tourne la tête vers lui tandis que mes sourcils se froncent.
– C'est pour ça qu'il demandait à ce que tu l'es, il m'a dit : c'est pour Louis, il doit le lire, c'est important, il comprendra... Je suppose que tu sais ce que ça veut dire ?
– Oui, je souffle en y croyant à peine.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
Son ton est inquiet, je passe mon pouce contre une marque sur la couverture marron et secoue lentement la tête. Ce n'est pas un simple carnet où il écrit des histoires, où il raconte sa vie de tous les jours, les mots à l'intérieur ne sont pas à prendre à la légère. Je ne les ai jamais lu, mais je le sais. Parce qu'Harry a tout le temps cette expression concentrée et sérieuse quand il écrit dedans, comme si c'était la dernière fois et qu'il devait choisir ses phrases méticuleusement.
– C'est son journal intime, Zayn. Il y écrit tout ce qu'il n'ose pas dire, j'ai... je ne sais pas si je peux lire ça... si j'en ai le droit...
– Je ne suis personne pour parler à sa place, je ne le connais pas... mais il avait l'air de beaucoup y tenir. Plus qu'à sa propre vie. Et... il doit te faire sacrément confiance pour te le laisser entre les mains. Je pense qu'il avait une bonne raison pour me demander de le trouver et te le donner.
La situation me ferait presque sourire si elle n'était pas si grave. J'ai l'impression de retourner quelques mois en arrière. La première fois que nous nous sommes rencontrés, quand il a perdu son carnet. Il avait peur de le laisser dans les mains d'un inconnu. Et aujourd'hui, il me le remet parce qu'il veut que je le parcours. C'est moi qui suis effrayé maintenant. Je ne sais pas si j'en suis capable, je ne sais pas si j'en vaux la peine, je ne sais pas si j'ai le droit d'explorer ainsi son intimité, ses pensées les plus secrètes.
Mais Zayn n'a pas tord, il a certainement une bonne raison, sinon il ne m'aurait pas demandé une telle faveur. J'ai l'impression d'avoir le poids du monde sur mes épaules. Je pousse un léger soupir et passe une main tremblante dans mes cheveux.
Une infirmière en blouse blanche passe dans le couloir, je me redresse et lui demande des nouvelles concernant Harry. Elle semble surprise que je l'aborde aussi abruptement, mon ton est précipité et paniqué, peut-être direct, mais j'ai besoin de réponses. Je ne pourrais pas tenir des heures ainsi. Zayn se lève aussi, mais elle nous regarde tous les deux avant de doucement secouer la tête. Elle ne peut pas nous renseigner, et nous conseille de se rapprocher de l'accueil au bout du couloir pour plus d'informations.
Tandis qu'elle s'éloigne, nous remontons le couloir pour se mettre devant l'accueil. Zayn a déjà essayé de demander à une infirmière avant moi, mais on a pas pu le renseigner.
– Bonjour, j'aimerais savoir ce qui en est de l'opération d'Harry Styles, il a été pris en charge il y a moins d'une heure.
– Vous êtes de la famille ?
– Non, je suis son petit-ami.
– Désolé, mais nous ne pouvons donner des informations qu'aux membres de sa famille.
– Mais il n'en a pas ! Il n'a personne, vous comprenez ?
Mon ton s'élève, je sens la main de Zayn se poser sur mon épaule et mes doigts se serrer autour du carnet. L'hôtesse me regarde avec un air désolé, me répète encore une fois que ce sont des informations confidentielles et qu'elle ne peut rien me dire. Elle nous indique d'attendre le retour du médecin pour obtenir des informations en plus. Je prends une grande inspiration, marmonne un remerciement et nous retournons à notre place.
Je serre le carnet contre moi, la gorge nouée et le cœur lourd, au bord des lèvres. Les larmes tarissent à nouveau mes joues, Zayn passe un bras autour de mes épaules et me prend contre lui. J'ai l'impression de ne plus appartenir à mon propre corps, de ne plus exister. J'aimerais que tout s'arrête, me réveiller de ce cauchemar, serrer Harry dans mes bras, embrasser son visage, sa bouche et lui avouer enfin que je suis tombé amoureux de lui au premier regard.
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