Chapitre treize :

                         Les visites ne sont pas ouvertes le matin, nous avons dû attendre quatorze heures pour nous rendre à l'hôpital. Harry aurait pu repartir, mais je lui ai proposé de rester jusqu'à ce soir, parce que j'aimerais qu'il voit mon frère, mais aussi parce que j'ai quelque chose de prévu. Pour nous deux. Pour m'excuser d'avoir interrompu si brutalement notre sortie hier.

Nous entrons finalement dans la chambre, éclairé par la lumière du soleil qui lui donne un aspect beaucoup plus chaleureux. Maman est assise au bord du lit, un livre sur les genoux et Ernest est réveillée. Elle se lève quand nous arrivons tous et je laisse mes soeurs se précipiter sur mon frère pour lui faire un câlin. Quand mon tour arrive, mon coeur bat fort et je quitte les côtés d'Harry pour aller serrer embrasser la joue d'Ernest et il vient chercher ma main. Je serre la sienne et lui sourit, les larmes me montent encore aux yeux.

Mais ce n'est plus de la tristesse, c'est de la joie à présent et du soulagement. Son visage est fatigué, légèrement pâle, mais il est vivant. Il respire alors que je repose un baiser sur sa joue et il finit par me râler gentiment dessus. Maman profite que nous soyons là pour aller se chercher un café, elle nous propose quelque chose, je demande simplement un thé, Harry refuse poliment en secouant la tête. Les filles descendent avec elle pour l'aider. Le regard d'Ernest quitte mon visage et dérive derrière mon épaule, il fronce les sourcils et me demande, curieux :

– C'est qui ?

Je me redresse et me tourne vers Harry en suivant le regard curieux d'Ernest. Ma main tient toujours celle de mon frère, mais je fais un signe en sa direction pour l'inviter à s'approcher. Il attend en retrait, derrière moi, comme pour ne pas déranger. Il s'avance jusqu'au devant du lit et offre un sourire au malade. Tandis que j'allais initier les présentations, la voix d'Harry résonne dans la chambre et je pose, moi aussi, mes yeux sur lui.

– Je m'appelle Harry. Et toi, bonhomme ?

Sa voix est douce, lente. Je ne sais pas s'il a des frères ou soeurs, mais il sait s'y prendre avec les enfants. Et il a l'air assez à l'aise pour leur parler, même en ma présence. A moins que le fait que je sois là l'aide beaucoup. Mais comme moi, Ernest aime beaucoup parler.

– Ernest. Il marque une pause. Est-ce que c'est toi l'amoureux de Louis ?

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive et mes joues n'ont jamais autant chauffé, je crois que je suis rouge comme une tomate. Je baisse mes gros yeux vers mon petit frère et n'ose plus affronter le regard d'Harry. Mais je crois qu'il est aussi surpris par la question que moi. Clairement, je ne m'y attendais pas. Ernest a le chic pour faire une première conversation.

Je crois qu'il a dû écouter notre conversation avec mes soeurs et ma mère lors de notre repas de famille. Il est curieux, il comprend vite et il écoute attentivement. Forcément, comme le reste de notre fratrie, il aime me mettre dans des situations inconfortables. Sans vraiment s'en rendre compte. Mais ce sont les enfants, ils n'ont pas de filtre.

Cependant, il attend une réponse. Je cherche mes mots, secoue lentement la tête et essaie d'ignorer ma gêne, mon malaise ou les battements précipités de mon coeur.

– Non, non. C'est un... ami, comme toi et Eliott, tu vois ?

– Eliott c'est mon meilleur ami !

– Oui bon, tu as compris ce que je voulais dire.

– Ça veut dire que tu n'es plus ami avec Zayn ?

– Mais non enfin, je soupire en lui souriant, Zayn c'est mon Eliott. Il sera toujours mon meilleur ami, même si je vois d'autres personnes.

– Donc, si je joue avec Harry, Zayn il sera pas jaloux ?

Je secoue la tête en lui assurant que ça ne pose aucun problème. Ernest prend alors deux figurines posées sur la table devant lui et en tend une à Harry. Mes lèvres s'étendent en un sourire satisfait. S'il prête ses jouets, cela veut dire qu'il aime la personne en face de lui. Je laisse Harry s'asseoir sur le rebord du lit afin de pouvoir mieux parler et jouer avec mon frère. Je vais prendre place dans le fauteuil à côté et préviens Zayn par message qu'Ernest est réveillé.

Quand le reste de ma famille revient, quelques minutes plus tard, Harry se fait silencieux. Mais il ne cesse pas de jouer avec mon petit frère pour autant. Et je suis content que ça se passe comme ça.

Nous restons jusqu'à dix huit-heures les visites se terminent dans une heure mais j'ai des projets ce soir. Charlotte et Félicité décident de ne partir qu'à dix-neuf heures. Nous disons au revoir à tout le monde, je serre doucement mon frère contre moi et il me demande si je reviens le voir demain. Je ne peux que hocher la tête en souriant. J'emmène Harry avec moi, vers sa voiture et lui sourit en allant m'asseoir du côté passager.

– Tu peux encore réserver ta soirée pour moi ?

Légèrement suspicieux, il hoche tout de même la tête et démarre sa voiture, une fois que nous sommes tous les deux attachés. Je lui indique alors la route, il suit mes instructions sans dire quoi que ce soit. J'espère sincèrement que mon idée va lui plaire. Nous roulons pendant plus de vingt minutes, je le laisse mettre la musique, mais assez bas pour qu'il puisse entendre ma voix lorsque je lui montre la route.

Finalement, le paysage se dessine et je souris. Je lui montre le parking où se garer. A peine sortis de la voiture, nous pouvons sentir l'air marin. Seulement à quelques mètres. Mais avant d'y aller, je le guide entre des rues piétonnes, il me suit silencieusement en observant autour de lui. Le temps est encore chaud et agréable ce soir, le soleil trouve son chemin entre les trous des maisons et éclaire notre passage.

Nous arrivons dans l'avenue commerçante, où se trouvent toutes les petites boutiques artisanales et rustiques. Je voulais d'abord faire un arrête ici pour montrer l'originalité de cette ville en bord de mer. Des boulangers, des restaurants, des minuscules galeries d'artistes peintres, des librairies anciennes, de la poterie, des fleuristes, des échoppes de jeux de sables pour enfants, des jouets en bois... Nous faisons le tour de deux librairies, un magasin vintage, une friperie, trois petites galeries d'art et Harry prend les coordonnées des artistes sur les cartes à disposition.

Il est presque dix-neuf heures trente quand nous terminons notre visite. Au départ, je voulais l'emmener au restaurant, mais je préfère réserver cela pour un autre soir. Lorsque nous serons de retour en ville. A la place, je lui propose une pizza à partager, en bord de mer. Il en a l'air tout à fait ravi, nous faisons notre choix dans la file d'attente.

Et c'est avec le carton encore chaud d'une grande pizza hawaïenne et deux bouteilles d'eau que nous nous dirigeons vers la plage. Comme j'avais tout prévu, je sors de mon sac à dos une grande serviette que je dépose sur le sable. Sans attendre, nous dégustons notre repas en regardant les vagues autour de nous. Il y a peu de monde, nous sommes tranquilles et c'est très calme. Je me ressuis la bouche avec une serviette en papier, après avoir mangé ma part, et relève les yeux vers Harry.

– Mon frère t'adore déjà.

Son visage se tourne vers le mien, il hausse un sourcil en souriant et je prends une gorgée d'eau avant de continuer.

– Il ne prête pas ses jouets facilement, s'il le fait c'est qu'il te considère comme quelqu'un de bien et qu'il t'aime beaucoup.

– Il me connaît à peine...

– Parfois, il suffit d'un seul regard.

Mon sang pulse dans mes oreilles et mes joues quand je me rends compte de la phrase qui vient de sortir d'entre mes lèvres. J'utilise sérieusement ce que ma soeur m'a dit un peu plus tôt, concernant Harry. Pour cacher ma gêne, je me racle la gorge et détourne le regard vers la mer. Le soleil disparaît et tombe doucement à la surface de l'eau. Tout paraît plus calme, plus différent. Ce n'est plus la frénésie, les cris des enfants, l'éclaboussement des vagues. Je me croirais presque devant une autre plage. Pourtant, c'est celle que j'ai toujours connu. J'y venais souvent en étant enfant, nous nous y baignons avec mes soeurs et mes grands-parents.

Tous mes souvenirs sont ancrés ici, et je suis ravi de les partager aussi avec Harry. Pour changer de sujet, je me mets à raconter des anecdotes sur les étés que je passais là. Allongé sur le sable à dévorer mes romans et me baigner dans l'eau tiède, lorsque les rayons brûlants du soleil la réchauffe. Nous terminons la pizza, les dernières parts sont devenues froides maintenant. Harry m'écoute avec toute l'attention du monde, il se met parfois à sourire quand je lui raconte certaines histoires drôles.

Ce n'est que vers vingt deux heures trente, quand le jour s'est définitivement couché, que nous nous allongeons sur la couverture pour observer les étoiles dans le ciel. Bercé par le doux bruit des vagues qui s'échouent lentement sur le sable, je me prends parfois à fermer les paupières et je me crois alors dans un rêve. Hier encore, je pensais être plongé dans un véritable cauchemar après avoir appris qu'Ernest était à l'hôpital. Et ce soir, je suis étendu sous les étoiles, après avoir mangé une pizza délicieuse, avec Harry. Ma vie peut être calme, reposante et du jour au lendemain très mouvementée. C'est pour ça que je l'adore.

A presque vingt trois heures, nous nous décidons à nous lever. J'ai parlé quasiment toute la soirée, Harry doit en avoir assez de m'entendre raconter mes histoires. Il m'aide à remballer la couverture, va jeter la boîte de pizza et nos bouteilles vides. Je le rejoins sur le quai et sors simplement une cigarette et mon briquet. Je m'autorise à fumer au bord de la mer, parce que j'aime cet endroit plus que tout. Elle contient les réminiscences des moments les plus heureux de ma vie. Après ma dernière rupture, en plein milieu d'une peine de coeur, je suis venu pleurer à chaudes larmes ici. Zayn s'était joint à moi, il m'avait fait rire comme jamais. C'est également sur cette étendue de sable que Doris a fait ses premiers pas et que Charlotte a eu les résultats positifs de ses examens de fin d'année.

Je glisse la cigarette entre mes lèvres et enclenche le briquet, mais avant même que je ne puisse le porter au bout pour l'allumer, elle s'échappe de ma bouche. Surpris, je relève les yeux vers Harry qui détient à présent ma cigarette entre ses doigts. Je crois qu'il veut m'embêter, car un sourire amusé se dessine sur ses lèvres. A mon tour, je souris et secoue la tête de droite à gauche. J'essaie d'attraper la cigarette, mais il lève les bras et se recule d'un pas. Évidemment, je suis maintenant trop petit pour pouvoir la saisir.

– Harry, rends moi ça !

En vain, je tente de paraître fâché. Mais son air victorieux ne fait que s'accentuer et je lâche un petit grognement agacé. Je tends à nouveau le bras pour récupérer mon bien, Harry n'a même pas besoin de lever le sien plus haut, je ne l'atteint pas. C'est une défaite cuisante. Mais je persiste, je m'approche et me lève sur la pointe des pieds, il rit en me regardant et passe la cigarette dans son autre main derrière son dos. Je cherche à la prendre, il tourne sur lui-même et son rire résonne dans l'air. Il ressemble à un enfant, j'aime le voir heureux et détendu comme ça.

– Allez, Harry ! S'il te plaît...

– Ce n'est pas bon pour toi.

– Ça ne l'est pour personne. Puis, je ne fume pas tant que ça, je te ferais dire ! Je peux quand même m'autoriser une ou deux fois par jour.

– Non.

Ses mots s'accompagnent d'un sourire hilare, ses yeux brillent et se plissent légèrement sous son air joyeux. Je m'avance encore pour l'attraper, écrase le bout de son pied sans faire exprès et m'excuse. Ma réaction le fait rire, il aime s'amuser de moi et me taquiner. Je constate que, l'air de rien, il peut être très malicieux et laisser tomber ses barrières. Je découvre un Harry plein de candeur et d'innocence. Une nouvelle facette que j'apprends très vite à apprécier.

Je râle encore sur lui, entraîné dans son petit jeu. Il sait que je plaisante et je ne suis pas réellement fâché contre lui. C'est agréable d'oublier ce qui se passe autour, je ne me concentre que sur Harry dont le rire communicatif parvient à mes oreilles. Je prononce son prénom de manière faussement agacée, me rapproche encore de lui. Il fait passer la cigarette dans son autre main, et finalement je parviens à avoir une emprise. Mes doigts se referment sur les siens et je touche un bout de la cigarette qu'il tient fermement entre les siens.

A ce stade, je pense qu'elle est écrasée et que je ne pourrais plus la fumer. Je ris encore, mon torse frôle à présent le sien, je ne me suis pas rendu compte avant que nous étions si proches. J'ai à peine le temps de relever la tête vers lui qu'il se penche vers moi et ses lèvres se posent délicatement sur les miennes. C'est d'abord une simple pression. Pris de court, je garde mes paupières ouvertes quelques secondes et je crois aussi que mon coeur cesse de battre l'espace d'un instant. Harry attend un signe, un geste de ma part pour savoir s'il peut continuer. Mais à la place, c'est moi qui prend le dessus. Je ferme les yeux, glisse ma main libre sur sa nuque et laisse nos lèvres bouger ensemble.

Sa main à lui se place dans le creux de mon dos, à peine une caresse mais elle brûle ma peau à travers mon tee-shirt. J'ai totalement oublié la cigarette, la mer, le bruit des vagues qui nous entoure ou notre fausse petite chamaillerie. Tout ce que j'ai en tête, c'est Harry. Sa bouche contre la mienne, ce baiser qui dure à peine une poignée de seconde mais qui dans ma tête semble s'étendre à l'infini. Je crois que j'ai arrêté de respirer, parce que lorsqu'on se sépare -trop rapidement à mon goût- je suis essoufflé. Mes joues doivent être rouges et je n'ose pas regarder Harry tout de suite. J'ai peur de lire dans ses yeux que notre baiser ne lui a pas plu, pourtant je sens aussi son souffle chaud et irrégulier contre mon visage. Je voudrais poser ma main sur son torse pour savoir si c'est réciproque, si son coeur bat au même rythme frénétique que le mien.

Nos doigts sont toujours à moitié liés autour de la cigarette, mon regard se concentre sur eux et je parviens en fin de compte à l'avoir. J'arbore un sourire victorieux, un peu timide aussi, et lève mes yeux vers Harry. Il me regarde avec tellement d'intensité et de douceur que je sens mon ventre se retourner, encore.

– Merci.

C'est tout ce que je parviens à dire, dans un murmure, en brandissant la cigarette entre nous, du bout des doigts. Un sourire se dessine sur ses lèvres et je sens que je n'ai pas uniquement gagné cette petite bataille entre nous. Je viens de créer un nouveau souvenir sur cette plage.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top