Chapitre huit :

                                Cigarette entre les doigts, je fume en attendant l'arrivée d'Harry. Je suis rentré il y a seulement quelques heures, j'ai pris le temps d'avaler mon déjeuner en avançant la lecture de mon roman et j'ai commencé à ranger ma valise.

J'ai eu du mal à quitter ma famille, ils m'ont tous accompagné à la gare et les jumeaux m'ont fait un long et énorme câlin. Toutefois, je leur ai promis que j'allais revenir bientôt. Maman m'a fait jurer de l'appeler ce soir et de le prévenir quand je suis arrivé. Comme à chaque fois, j'ai eu un peu les larmes aux yeux et la boule à la gorge. Mais j'ai pensé au fait que j'allais revoir Zayn, mes amis de la fac et Harry, alors je me suis senti bien mieux.

J'ai également informé Zayn que j'étais rentré mais que je ne serais pas disponible avant ce soir. Je ne sais pas combien de temps je vais passer avec Harry. Pour le moment, je l'attends à l'entrée du cinéma. La séance est dans une vingtaine de minutes.

Finalement, je le vois arriver quelques secondes après, il remonte la rue et s'arrête devant moi. Je souffle ma fumée sur le côté et écrase ma cigarette. Je lui adresse un sourire qu'il me rend, doux et réservé. Ses boucles tombent sur le côté de son visage, il porte une tenue à la fois simple et sophistiquée. Sa chemise blanche, fine dont les deux premiers boutons sont ouverts, son jean noir serré qui épouse la forme musclée de ses cuisses. Il est simplement... Beau. A couper le souffle. Le mien. Et ça me laisse sans voix pendant plusieurs secondes. Je crois que je dois avoir une expression amusante, car son sourire s'étend plus encore. La chaleur qui se dégage ses émeraudes me donne encore plus chaud.

– Bonjour...

A son tour, il me salue d'un hochement de tête. Une fois devant lui, je suis plus gêné que derrière mon portable. Je crois que c'est parce que nous savons tous les deux que nos messages et cet appel l'autre soir nous ont rapprochés. Pas au point de devenir amis, mais nous ne sommes plus réellement des inconnus l'un pour l'autre. Au fond, c'est effrayant de laisser de nouvelles personnes entrer dans notre vie, on ne sait jamais si elles vont la ruiner, la rendre meilleure, la détruire ou l'illuminer. Mais on ne peut pas faire d'erreurs si on ne prend pas de risques avant tout, et parfois il est nécessaire d'affronter ce qui nous est étranger pour apprendre à réparer nos fautes.

– On va acheter les places ?

Nouveau hochement de tête, je lui souris du bout des lèvres et on entre dans le cinéma. Il y fait bien plus frais que dehors. On se met l'un à côté de l'autre dans la petit file d'attente, je glisse la main dans ma poche afin de sortir un billet et me tourne vers lui.

– Je t'invite, et tu me payeras les consommations après, si tu veux ?

Je pense que c'est un marché équitable, comme ça aucun de nous n'est gêné que l'un paye pour l'autre. Et quelques euros ou centimes de différences ne vont pas changer grand chose. Il me remercie d'un sourire et me fait comprendre par un regard que ça lui va. Lorsque notre tour arrive, je demande deux places pour notre film et la caissière m'échange mon argent contre deux tickets.

Sans attendre, on passe les faire vérifier et on se dirige vers la salle. Au bout, à droite. On s'installe côte à côte, au milieu de la pièce, ni trop près, ni trop loin du grand écran. Il y a encore peu de monde et je préfère nettement quand un cinéma n'est pas trop rempli. Je me mets finalement à parler pour combler le silence et ne plus entendre les chuchotements des quelques personnes autour ou derrière nous.

– Je pense qu'il est à la hauteur, je n'ai quasiment vu que des bons avis dessus.

Harry tourne son visage vers moi, me regarde et sourit. Il m'invite à continuer de parler sans même me le demander, par le simple pouvoir de ses yeux. Alors, je me lance dans un petit monologue sur le livre et ce que j'en ai pensé. Il semble partager mon avis parce qu'il hoche de temps en temps la tête. J'espère que ce n'est pas simplement pour être poli...

Les lumières finissent par se tamiser pour laisser défiler des pubs et des bandes-annonces des prochaines sorties. Puis elles s'éteignent et le film commence.

J'étais tellement plongé dans le film que je n'ai pas vu les une heure cinquante passer, j'ai l'impression que je viens juste d'entrer dans la salle il y a deux minutes. On sort du cinéma, en silence d'abord, puis on se dirige à pieds vers le café. Le coude d'Harry frôle mon bras lors de notre marche, je lève les yeux vers lui et il m'adresse un sourire chaleureux.

– Tu as aimé ?

Ma question se pose à la fois pour le film et la sortie au cinéma. Il hoche vivement la tête et il ne m'en faut pas plus pour me sentir comblé de bonheur et de satisfaction. Finalement, mon idée n'est peut-être pas si mauvaise que cela.

Je tire la porte du café et le laisse passer, il me remercie par un de ses nombreux sourires et on se dirige ensemble vers le comptoir. C'est étrange de revenir ici, là où nous nous sommes réellement rencontrés pour la première fois. Là où nos regards se sont croisés. Là où il a oublié son carnet. Là où il a accepté de me voir et où je le lui ai rendu. Là où tout a commencé, peut-être. J'aimerais y croire, que c'est le début de quelque chose.

L'odeur du café embaume mes narines, mélangée à celle des viennoiseries fraîches. Je regarde les nombreuses pâtisseries qui se présentent sous mes yeux. Les brownies, les cupcaks, les beignets, les donuts, les parts de gâteaux, les cookies, vegan ou non... Il y en a pour tous les goûts. Et ce que j'adore avec cet endroit, en dehors de l'accueil, de la tranquillité, c'est que tout est fait maison. Une des nombreuses raisons pour lesquelles j'apprécie particulièrement venir ici.

– Eh, ça te dit qu'on prenne à emporter et qu'on aille se poser au parc ? Il fait beau, autant en profiter.

Ma proposition semble ravir Harry, car il hoche la tête en souriant davantage. Notre tour à la caisse arrive rapidement, Emily m'accueille avec son air joyeux d'habitude et nous demande ce qu'on prend, son regard se pose quelques secondes sur mon voisin. Je penche pour un thé glacé aux fruits rouges et un muffin aux pépites de chocolat blanc. Un petit silence suit ma commande, je tourne les yeux vers Harry qui semble très mal à l'aise. Et je me sens totalement idiot de ne pas avoir pensé à ça.

– Montre moi ce que tu veux, je demanderais.

Pour ne pas le brusquer, je murmure afin que lui seul entende. Il m'adresse un regard à la fois désespéré et soulagé. Son bras se lève et il pointe du doigt une part de gâteau vegan et un smoothie à la mangue. Après un hochement de tête, je fais part de son choix à Emily qui encaisse et annonce le prix. Harry lui tend son billet, elle lui rend la monnaie et se retourne pour nous préparer notre goûter dans un sac en carton.

Harry m'adresse un sourire timide en rangeant les pièces dans la poche de son jean et je me contente de hausser les épaules. Je suis plutôt rassuré qu'on soit allé dans un endroit où je connais le personnel assez pour ne pas qu'Emily nous pose des questions. Elle doit avoir compris qu'Harry n'est pas le genre de personne qui dit grand chose, et je la remercie de ne pas s'en formaliser.

Elle nous tend le sac en carton et nous souhaite un bon appétit et une bonne fin de journée, je lui retourne ses formules de politesse, Harry lui sourit et on sort. Je tiens le sac et on marche vers le parc le plus proche, en silence. Mais ce n'est pas le moins du monde gênant. Quand on trouve un coin à l'ombre sous les arbres, on s'installe à même l'herbe.

Autour de nous, il y a de la verdure, un petit bout de lac, des arbres, des fleurs, des enfants, des familles, des couples, des groupe d'amis. C'est familiale et calme à la fois. Parfait pour se détendre.

J'ouvre le sac et sors d'abord la commande d'Harry ainsi qu'une serviette pour lui, puis je prends la mienne. On commence à manger en silence, du moins je suis le seul à le faire. Et je sens mes joues chauffer quand je remarque qu'Harry a ses yeux posés sur moi. Un sourire timide passe sur ses lèvres.

– Merci.

C'est tout ce qu'il me dit, dans un souffle à peine murmuré, mais je lis sur ses lèvres et j'entends son susurrement. Et je n'ai pas besoin de plus. C'est totalement suffisant. Suffisant pour qu'un sourire fend mon visage. Légèrement gêné, je baisse le regard vers mon muffin que j'ai entamé et hausse les épaules.

– C'est moi qui te remercie, tu as payé.

Il lève les yeux au ciel et découpe un bout de sa part de gâteau avant de me le tendre. Je le regarde quelques secondes puis le prend en le remerciant, encore. Cette fois, on mange ensemble et je lui propose à mon tour de goûter mon muffin ou mon thé. Il penche pour la boisson et hésite un peu à utiliser ma paille, mais je hausse les épaules en lui assurant que ce n'est rien. Une fois qu'il a prit une petite gorgée, il me sourit et se remet à manger.

Puis je me mets à parler du film, je lui fais part de mon point de vue, de la beauté des scènes et du script qui est resté assez fidèle aux dialogues et aux événements du livre. Ce n'était ni trop long ni trop court. Le directeur n'a pas bâclé son travail et a laissé l'histoire se construire au même rythme que celui du livre. Même si, en définitive, je pense que la lecture de l'oeuvre reste plus détaillée, mais transposer l'écrit en film permet de se figurer directement les images qu'on a pu avoir à la lecture. Les paysages, les musiques, les couleurs...

Comme à son habitude, Harry m'écoute parler et acquiesce parfois d'un signe de tête. Puis, quand il a envie de plus s'exprimer, il m'envoie un message. Je crois qu'il n'est plus gêné de le faire maintenant, il a compris que ça ne me dérange pas. Que son silence n'est pas un obstacle à notre relation. Il a dû assimiler également que je suis parfaitement capable de combler le silence par moi-même et de faire une conversation sans avoir besoin de la réponse claire de mon interlocuteur. J'ai toujours été très bavard et expressif, parfois un peu trop. Aux yeux de certains, ce peut être un défaut de me voir parler autant. Mais je pense que dans ce cas-ci, c'est un avantage. Si j'étais plus timide et réservé, il y aurait eu fort peu de chance qu'un lien quelconque se tisse entre Harry et moi.

Je lis ses messages avec un sourire et il me regarde avec la même expression sur le visage. Il m'en faut peu pour reprendre le cours de ma pensée, tout en grignotant ou en sirotant mon thé entre deux phrases. Au bout d'un moment, je cesse de parler de films ou de livres. J'ai peur que ces sujets ne l'ennuient. A la place, je lui montre des photos de mes derniers jours de vacances chez moi. Quelques unes à la mer, Doris et Ernest qui font les pitres, Félicité et Charlotte qui ont accepté de poser ensemble pour une photo sur la plage, l'anniversaire des jumeaux, ma maman avec ses parents, et un cliché en formant paysage de toute notre famille que la cousine de notre mère a prise lors de la fête d'anniversaire.

En réalité, je ne sais pas pourquoi je lui montre tout ça. Il s'en fiche peut-être de savoir qu'Ernest était couvert de la tête au pied de peinture verte ou que Doris tenait fièrement son kit de bricolage pour enfants. Mais quand je tourne la tête vers lui, il regarde avec attention l'écran, un sourire tendre sur le coin des lèvres. Je le vois lever son propre portable et le mien vibre entre mes doigts, je lis les quelques mots.

D'Harry à Louis :

Tu as une famille magnifique. Vous êtes tous rayonnants.

Légèrement intimidé, je le remercie. Nos yeux s'accrochent, les sourires ne quittent pas nos visages et je me rends compte que nous sommes soudainement très proches. Un peu trop peut-être. J'ai dû me rapprocher de lui afin de lui montrer les différents clichés et il s'est également penché vers moi, au-dessus de mon épaule, à quelques centimètres seulement. Son corps ne touche pas le mien, mais il n'en est pas très loin, et je sens la chaleur en émaner, réchauffer le mien d'un coup.

Et ça ne me dérange pas. Parce que je n'amorce aucun geste pour me reculer, je n'avance pas non plus pour autant. Lui comme moi, on reste en suspend. De près, sa beauté est encore plus subjuguante. Je remarque la complexité de son regard, la couleur changeante de ses yeux en fonction de la lumière du jour, les quelques grains de beauté sur ses joues et son cou, la légère moustache au-dessus de ses lèvres. Harry est un homme tout à fait charmant et cultivé, dont la personnalité et le physique m'attirent irrévocablement.

Ce moment ne doit durer qu'une poignée de secondes, mais ça me semble une éternité. Je retiens mon souffle et mes joues chauffent. Parce que, je ne peux pas la cacher, j'ai envie de l'embrasser, de goûter ses lèvres et lui faire comprendre qu'il me plaît. Je ne sais pas si c'est réciproque, mais j'aime y croire. Croire que son regard qui descend jusqu'à mes lèvres m'invite à venir les poser sur les siennes. Mais nous sommes brutalement interrompus lorsque quelque chose atterrit sur mes jambes.

Tiré de mes songes, je me redresse dans une position correcte en sursautant. Un ballon de foot roule de ma cheville quand je tourne la tête et quitte des yeux, à contre coeur, le visage surpris d'Harry. Un enfant arrive en courant vers moi, je me redresse et lui relance son ballon qu'il vient sans aucun doute chercher et il s'excuse puis me remercie.

Quand je me retourne, Harry est aussi debout. Il se frotte les mains et je ramasse le sac en carton vide où nous avons jeté nos déchets. Dans un accord silencieux, on remonte jusqu'à la sortie du parc. Je jette le sac dans une poubelle et glisse les mains dans les poches de mon jean. J'ai le sentiment que ce ballon a jeté un froid entre nous, après ce moment assez intense que nous avons partagé pendant à peine dix secondes. Le contact le plus intime que j'ai eu avec une personne depuis un moment déjà. Peut-être que je me précipite trop, que je me fait des idées, que j'imagine des scénarios que j'aimerais être réels. Peut-être qu'Harry n'est pas le moins du monde attiré par les hommes, peut-être qu'il a une petite amie, un copain, une fiancée ou qu'il ne cherche personne, que sais-je.

On s'arrête finalement dans la rue du café, je me retourne vers Harrry et il tient son portable entre ses doigts. Ils pianotent quelques secondes dessus et à peine lève-t-il son regard vers moi que mon téléphone vibre.

D'Harry à Louis :

J'aimerais t'acheter un livre.

Ce n'est rien du tout, simplement un livre, mais ça me redonne de l'espoir et un sourire. Je pense qu'il veut me rendre la pareille, quant à l'ouvrage qu'il avait voulu acheter la première fois que je l'ai vu à la librairie. Je hoche la tête et on se dirige justement là-bas. Sans un mot, je le suis entre les étagères, je le regarde parcourir les rayons et les titres des yeux. Il doit être tombé sur ce qu'il cherche, car il s'arrête et prend un livre.

Le livre qu'il me tend m'est inconnu, tout comme l'auteur. Je lis le résumé, assez bref et concis mais qui attise tout de même ma curiosité de lecteur avide de nouveautés. Ses yeux scrutent mes réactions et je lui fais savoir que je connais pas, il semble fier et m'adresse un sourire satisfait.

– Mon livre préféré.

L'air de rien, ça me fait toujours un effet étrange d'entendre sa voix. Je n'en ai pas de nombreuses occasions, et les rares fois où j'ai pu avoir l'opportunité de l'écouter ce n'était que des murmures. Pour autant, ce n'en est pas moins agréable.

Et, soudainement, ce livre me tient encore plus à coeur alors que je ne l'ai même pas encore ouvert, alors que je n'ai encore lu aucun mot. J'espère sincèrement ne pas le détester. J'aimerais faire plaisir à Harry en lui disant que j'ai adoré ce roman autant que lui.

On passe à la caisse, la femme derrière le comptoir nous salue et encaisse l'achat. Harry lui tend quelques pièces et elle lui rend la monnaie. Avant même qu'on ne soit dehors, il me donne le livre et je le remercie encore. L'attention me touche beaucoup. Je crois que je vais terminer mon roman en cours ce soir et commencer celui-ci dès que possible.

Côte à côte, on marche jusqu'au bout de la rue et on s'arrête. Il semble plus gêné et je me permets de regarder son visage juvénile et ses joues rosées. Quand il relève ses yeux émeraudes vers moi, je comprends qu'on va se dire au revoir et que notre sortie prend fin ici. Je suppose qu'il a d'autres choses à faire que rester à mes côtés toute la journée.

– Merci.

– Merci.

Nos rires ne tardent pas à résonner en harmonie, alors qu'on vient de prononcer ces mots en même temps. Harry passe une main dans ses boucles brunes, on se regarde comme tout à l'heure au parc. Mais nous sommes moins proches, alors je ne me sens plus aussi attiré par ses lèvres. Pourtant, je ne serais pas contre le fait de déposer un baiser sur sa joue, sa pommette.

Seulement, je crois que c'est trop tôt et ce serait surtout déplacé sans lui avoir demandé son accord avant. Je me contente d'y rêver et de l'imaginer tandis que nous nous saluons à distance. Il hoche sa tête, je lui fais un signe de la main en souriant. Je l'observe faire demi-tour, son regard baissé vers son portable. Le mien vibre et je me dépêche d'aller voir son message.

D'Harry à Louis :

Bonne lecture, et merci pour ce moment.

Je retiens le sourire bien trop niais qui pointe sur le bout de mes lèvres et serre le livre entre mes doigts. A la place, je relève la tête vers sa silhouette qui s'éloigne. Et la dernière chose que je vois de lui, c'est le sourire irrésistible qu'il m'offre. 

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