Chapitre dix-neuf :

              

            Cela fait dix minutes que je tourne en rond en bas de son immeuble. Je pèse le pour et le contre une dernière fois. J'ai encore fumé une cigarette entière, en moins de quelques minutes, et il faut vraiment que j'arrête ça. Que je cesse de me bousiller la santé parce que je suis anxieux et triste.

Peut-être qu'il ne me répondra pas, peut-être qu'il n'est même pas chez lui, mais j'ai besoin d'essayer et d'avoir des réponses. Au bout de quatre jours, sans réponses à mon message, je crois que c'est normal de s'inquiéter et s'énerver. Sinon, je vais finir par sérieusement craquer. Et ça ne sera pas beau à voir. Zayn aura encore le droit de me ramasser à la petite cuillère, car je ne serais plus rien d'autre que l'ombre de moi-même.

J'ai déjà traversé tout ça, je n'ai pas envie de revivre ces moments. Je n'ai pas envie de redevenir le Louis que j'ai passé tellement de temps à éloigner et sortir de son trou. Je ne veux plus être cet homme là, pour moi et pour les autres. Personne ne m'aimait et ne me supportait ainsi.

Après avoir trépigné encore quelques minutes, j'écrase ma cigarette et appuie sur le numéro d'appartement d'Harry. J'attends plusieurs secondes, le souffle court. Et ça décroche finalement, mais ce n'est pas sa voix. C'est celle qui m'a déjà répondu la fois dernière.

– Ouais ?

– Bonjour. Excusez moi de vous déranger. C'est... Louis, je suis déjà venu il y a un petit moment pour voir Harry,je...

– Harry ne peut pas répondre.

– Il n'est pas là ?

Je l'entends soupirer, ma voix tremble un peu sous l'émotion et l'impatience. Pourquoi, au diable, Harry ne décroche-t-il jamais son interphone s'il est chez lui ?

– Si, mais il dort.

– Vous ne pouvez pas... Le réveiller et lui dire que j'ai besoin de lui parler, s'il vous plaît ?

– Ce serait pas plus simple de lui envoyer un message ?

– J'ai déjà essayé, il ne répond pas.

– Son téléphone doit sûrement être à plat.

– Depuis quatre jours ?

L'excuse ne me paraît pas assez crédible, et même un peu étrange. Harry répond toujours à mes autres messages, même si c'est quelques heures plus tard, il ne me laisse jamais sans réponse. Mais, c'est un homme totalement différent que j'ai eu l'impression d'avoir devant moi l'autre soir, une facette qui m'était inconnue. Alors, je me dis que tout peut être possible avec lui finalement. Je crois que je ne suis pas au bout de mes surprises.

– Écoute, je ne sais pas ok ? Ce ne sont pas mes affaires. Débrouille toi avec lui.

– J'aimerais bien, oui.

– En tout cas, là, il dort et il déteste qu'on le dérange. Alors, rentre chez toi et attends qu'il t'envoie un message.

– Ça vous dérangerait de lui dire que je suis venu ?

– Je lui dirais, ouais.

– Merci, au revoir...

Et la conversation se coupe là, car l'homme raccroche avant même que je ne puisse terminer ma phrase. Si cet homme, peu importe qu'il soit par rapport à Harry, est aussi impoli, je ne suis pas étonné de voir que mon petit ami l'est aussi. Je ne sais même pas si je dois encore employer ce terme, tout est confus dans ma tête et j'ai simplement envie de me rouler en boule et de pleurer jusqu'à vider mon corps de toutes mes larmes.

Énervé et frustré, je sors une nouvelle cigarette de mon paquet et mon briquet. Mais avant que je ne puisse l'allumer, j'entends des pas à côté de moi. Je suis encore devant la porte d'entrée, proche de l'interphone et je gêne le passage. Après m'être retourné, je souris à la femme âgée qui se trouve à ma gauche, un petit caddie derrière elle.

– Excusez moi, allez-y.

– Vous attendez quelqu'un ou vous voulez entrer ?

C'est peut-être ma chance, je joue avec ma cigarette entre mes doigts et offre un léger sourire embarrassé à la femme aux cheveux blancs. Elle me regarde avec un air curieux, mais sa voix est douce. Un peu comme celle de ma propre grand-mère.

– Je... Je cherchais à parler à un ami à moi, Harry. Harry Styles ?

Je me suis souvenu de son nom de famille, inscrit à côté de son numéro d'appartement pour y sonner. Le visage de la femme s'illumine et elle m'offre un grand sourire.

– Oh oui, ce jeune homme est absolument charmant ! Il m'aide tout le temps à remonter les courses et il me propose d'aller chercher mon courrier pour que j'évite de descendre un étage. Toujours très souriant et poli.

Ce semble bien être la description du Harry que je connais, en effet. Ça me serre le cœur de penser au fait qu'il est à quelques pas seulement de moi et que je ne peux pas le voir. Ni même lui demander des explications, simplement parler. Je ne veux rien de mal et je ne demande pas la lune non plus.

– Mais, continue la vieille dame en fronçant les sourcils, il n'est plus sorti de chez lui depuis quelques jours. Du moins, je ne l'ai pas croisé comme j'en ai l'habitude chaque matin. Son courrier s'accumule dans sa boîte aux lettres et j'ai été toqué hier pour prendre de ses nouvelles, mais il n'ouvre pas. Je m'inquiète, parce que l'autre soir j'ai entendu des cris venant de son appartement, il de disputait avec quelqu'un je crois.

– Il vit seul ?

– Oui, normalement. Mais cela fait un petit moment qu'un homme vient souvent ici.

Je hoche la tête et elle doit remarquer mon inquiétude et mon questionnement, parce qu'elle m'offre un sourire compatissant. Elle sort un badge de sa poche et ouvre la porte. Mais, alors que je m'apprête à la remercier et le saluer, elle m'ouvre le passage et m'invite à entrer.

Surprit de sa grande confiance, j'entre en la remerciant plusieurs fois. À sa place, j'aurais refusé qu'un inconnu entre dans mon immeuble. Elle doit sûrement se rendre compte que je suis sincère et que je veux réellement voir Harry, que je le connais. En échange de sa gratitude, je lui propose de porter son caddie tandis que nous montons les marches. Je lui dépose ses affaires au sol quand nous arrivons au premier, elle me remercie, m'indique qu'il habite à l'appartement au bout du couloir à droite. Je la remercie encore et l'entends ouvrir sa porte, alors que je sonne à celle d'Harry.

D'abord, aucun bruit. Puis, le verrou qui tourne, la poignée qui se baisse et la porte s'ouvre. Ce n'est pas Harry, mes espoirs tombent à l'eau. Je suis face à un homme légèrement plus vieux que moi, ou que lui, peut-être dans les trente ans. Il ne présente que son visage, dans l'ombre de l'appartement et de la porte, un pied et ses épaules. Son regard est noir, il me glace presque le sang et je dois m'y prendre à deux fois pour formuler une phrase correcte.

– Je... Désolé de vous dérange une nouvelle fois mais..

– Encore toi ?

Son ton est encore plus dur et froid qu'à l'interphone, j'en suis déstabilisé deux petites secondes. Il doit certainement se demander de quelle manière je suis parvenu à entrer. Il regarde derrière moi et autour dans le couloir, sans pour autant sortir de l'appartement ou bouger la porte à moitié fermée déjà.

– J'ai vraiment besoin de parler à Harry.

– Tu comprends rien ou quoi ? Je t'ai déjà dit qu'il dort.

– Je peux attendre.

Quand je suis déterminé, je ne lâche pas l'affaire. Et j'ai réellement besoin de mettre les choses au clair. L'homme doit le sentir, parce qu'il souffle et serre les dents.

– Et moi, je vais appeler les flics si tu ne pars pas dans les cinq minutes qui suivent.

Je crois que mon niveau d'énervement vient d'augmenter d'un coup. Je ne suis pourtant pas impoli ou méchant, je ne comprends pas pourquoi il me parle de cette façon et pourquoi il refuse que j'entre. Peut-être qu'il n'a jamais entendu parler de moi, peut-être qu'Harry n'a jamais mentionné mon nom, mais il pourrait au moins aller lui dire que je l'attends à la porte.

Mes poings se serrent et je suis partagé entre l'indignation et la surprise.

– Mais je...

– C'est du harcèlement là mec.

– Quoi ? Je demande en fronçant les sourcils.

– Ouais, tu sonnes en bas, tu montes ici, tu insistes...

– Je souhaite simplement avoir des réponses, c'est important, et...

– Bah quoi que ce soit qui vous concerne, s'il voulait t'en donner il t'aurait déjà répondu. Tu n'as rien à faire ici, dans tous les cas.

– Mais c'est son appartement ! Je hausse le ton et me retiens sérieusement de ne pas lui hurler dessus.

– Justement, t'as aucun droit de venir te pointer à sa porte et insister comme tu le fais. Alors, je te le répète une dernière fois, tu pars ou j'appelle la police.

Un soupir s'échappe de ma gorge, je ravale la colère qui monte en moi et tourne le dos. Je m'éloigne rapidement de cette porte, avant que je ne m'emporte pour de bon. Je ne souhaite pas avoir affaire aux autorités. Tant pis, je n'aurais pas mes réponses de cette manière ni aujourd'hui.

Je me dirige vers l'escalier et la porte de la vieille dame s'ouvre, elle m'offre un sourire triste et je passe une main dans mes cheveux, énormément frustré.

– Je suis désolé jeune homme, j'aurais aimé pouvoir vous aider...

– Ne vous inquiétez pas, vous en avez déjà fait beaucoup.

Son air désolé me fait presque mal au cœur, je déteste me retrouver coincé dans cette situation de funambule au dessus du vide. J'ai peur d'y tomber et de ne jamais pouvoir et savoir remonter à la surface. Et j'ai l'impression que chaque seconde qui défile, chaque seconde qui m'éloigne d'Harry, me pousse dans ce trou immense.

Zayn a certainement raison, je devrais attendre qu'il fasse le premier pas. Mais ça me tue, ce silence m'assomme et me détruit à petit feu. Je suis impuissant et pathétique, fixer mon téléphone toute la journée et devoir attendre un signe de sa part.

– Mais je n'aime pas voir les gens tristes... Venez prendre une petite tasse de thé !

– Oh non merci, je ne voudrais pas déranger...

– J'insiste. Je n'ai pas souvent de la visite, à part ma fille et le docteur, alors un peu de compagnie ne me ferait pas de mal.

Et moi non plus. Je la remercie encore et entre dans son appartement. Elle ferme la porte derrière moi et directement un chat s'approche et vient se réfugier contre elle. Je souris tandis qu'elle me présente Alceste, son petit félin, un vrai froussard. Mais une fois que je commence à caresser son dos, il ne me lâche plus et miaule pour que je ne m'arrête pas.

Son appartement est petit, à peine plus grand que le mien. Il est décoré par de vieux meubles vintages et en bois, des plantes et des tas de bibelots. Elle m'invite à m'asseoir à table, prépare deux tasses de thé et ramène une petite assiette de sablés. Pendant ce temps, elle me raconte sa vie. Cette femme me connaît depuis à peine quelques minutes et elle me parle comme si j'étais de sa famille. Je lui offre des sourires, des remerciements alors qu'elle me laisse choisir un gâteau et mon sachet de thé.

Elle me pose quelques questions sur ma vie, je lui parle de mes études et toute ma famille. Elle semble fasciné, elle m'a expliqué qu'elle a une sœur qui est morte il y a cinq ans, et que sa fille n'a jamais souhaité avoir d'enfants, alors elle se retrouve souvent seule depuis la mort de son mari. Alceste reste collé à moi, je lui donne un minuscule bout de sablé.

Je reste bien presque deux heures chez elle, mais je décide de ne pas déranger plus longtemps. Je l'aide à débarrasser, malgré ses protestations, la remercie pour tout. Elle me dit de revenir quand ça me chante, et je crois que je suis me suis fait un nouvelle amie.

– Et Louis...

– Oui ?

– Ne vous en faites pas, la prochaine fois que je croise Harry je lui dirais que vous êtes venu le voir.

– Merci beaucoup, Marguerite.

On échange un sourire, je lui fais un signe de la main et descends les marches qui me mènent dans le hall et, finalement, dehors. Je souffle, m'éloigne sans jeter un regard en arrière. Ça me fait mal de me dire que je laisse Harry de cette manière, que je le quitte si proche du but et encore sans réponse.

Avant de rentrer à mon appartement, et broyer du noir, je passe à la librairie. J'y reste presque une heure, je vogue entre les rayons sans vraiment savoir quoi prendre et je me pose dans un fauteuil pour lire. C'est calme et je ne pense plus à rien sinon les mots que je lis. Je ne le finis pas, mais ce n'est pas grave parce que je l'achète et je l'emmène avec moi.

Mon appartement est silencieux, vide. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Forcément, je vis seul. Je m'installe dans mon canapé en soupirant et sors mon portable. Toujours aucune nouvelle d'Harry. J'envoie un message à Zayn et il me dit qu'il arrive.

Il ne lui faut pas plus d'un quart d'heure pour l'entendre sonner. Je lui ouvre et il ne me pose pas de question, il a compris que je n'allais pas bien quand je lui demandé s'il était libre. Et là, il n'hésite pas pour me prendre directement dans ses bras. Je me sens déjà un peu mieux. Certes, j'ai connu pire, mais j'avais réellement l'impression qu'Harry était un garçon bien.

Nous nous installons dans mon canapé, devant un épisode de série que nous suivons ensemble. Le silence s'installe durant quarante minutes, et c'est au moment du générique que nous commençons à parler. Je lui raconte mes péripéties d'aujourd'hui, en terminant sur ma rencontre avec Marguerite. Une bonne nouvelle, au moins. Il me sourit et passe un bras autour de mes épaules pour me serrer contre lui doucement.

– Tu sais ce qui te ferait réellement du bien ?

Je relève ma tête vers lui et l'interroge du regard. Zayn et moi avons toujours été proches physiquement, nous nous sommes toujours pris dans les bras, il a souvent posé sa tête sur mes cuisses quand nous fumions des joints dans mon jardin ou dans le parc, à une époque nous nous faisions la bise aussi. Et, même après que j'ai évoqué ma sexualité avec lui, il n'a jamais brisé ce lien entre nous. Je dirais même qu'il est devenu plus fort. Et je suis heureux qu'il ne soit pas devenu l'un de ces amis qui m'éloigne en ayant peur que je veuille tenter quelque chose avec lui.

– Retourner voir ta famille. Ce serait mieux que passer tes journées ici à te morfondre et fixer ton téléphone en attendant un stupide message. Tu ne crois pas ?

Encore une fois, Zayn a raison. Sans m'en rendre compte, c'est exactement ce dont j'ai besoin pour ne plus penser à ce qui me rend triste. Ma famille. Revoir mes frères et sœurs, ma mère et l'endroit où j'ai grandi. J'aurais peut-être dû faire ça depuis le début, plutôt que d'en arriver à ce point là. Ça m'aurait évité de rencontrer l'homme odieux qui m'a ouvert la porte d'Harry.

– Oui, je vais réserver un train pour demain matin. Tu viens avec moi ?

– Je te rejoins après demain, j'ai un repas avec mes beaux-parents demain midi.

Je prends mon portable en hochant la tête et choisis le train de dix heures, j'arriverais justement pour l'heure du repas. Cette fois, je ne prévois pas de jour de retour. Mon meilleur ami a raison, je ne peux pas continuer comme ça.

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