Chapitre deux :

Dès le lendemain, je me rends au café. Le carnet sous la main. Mes doigts caressent distraitement la couverture en cuir abîmée et parsemée de quelques mots griffonnés. Il faut je le trouve et je sais que lui aussi va me chercher, pour retrouver son bien. N'importe qui le ferait.

Je ne l'ai pas ouvert. Je ne compte pas le lire. Ce serait totalement indiscret et irrespectueux. Ce sont sa vie, ses secrets, ses peurs peut-être même aussi. Je ne suis personne pour avoir l'audace de lui voler cela. À sa place, je n'aimerais pas non plus qu'un inconnu lise mes mots sans mon consentement. Ce serait comme violer son intimité.

Aucune personne ne voudrait qu'on lise son journal intime ou ses écrits secrets. Si jamais il veut me les montrer, me faire découvrir ses mots, il me le dira. Je suis peut-être curieux par moments, mais pas au point de m'introduire dans sa vie privée.

Mais je me suis endormi hier soir avec l'espoir de le revoir rapidement pour le lui rendre. Peut-être discuter un peu, aussi. Je ne cache pas que cela me ferait très plaisir. Autant que de revoir le faible sourire qui avait orné ses lèvres quand nous nous sommes regardés. Il était léger, mais il n'est pas passé inaperçu à mes yeux. Je sais reconnaître la beauté et il en possède une sans nom. À la fois charismatique et innocent.

Alors je l'attends, un long moment, à une table. Je bois deux tasses de thé, mange un beignet aux fruits rouges tout en lisant l'ouvrage qu'il avait l'intention d'acheter hier. Je l'ai déjà presque terminé et je compte bien lui donner, s'il se présente. Lui dire combien je l'ai adoré, lui faire partager mon enthousiasme.

Je demande à un serveur si, par hasard, il serait déjà passé, mais il secoue la tête, confus. J'attends pendant plus de deux heures, je crois. Le regard alternant entre les pages du livre et la vitre du café.

Et je décide de me rendre finalement à la librairie. Je cherche après lui parmi les clients, mais toujours rien. Cependant, je ne baisse pas les bras. Je m'installe dans un siège, dans l'angle de la porte d'entrée pour le voir arriver.

Je suis resté là jusqu'à ce que mon ventre gargouille, j'ai eu le temps de finir son livre et d'en lire un autre. Il est quatorze heures trente passé et je me décide à rentrer chez moi. Sur ma route, je m'arrête devant le café. Il y a quelques personnes, mais pas celle que je cherche. Je ne pense pas qu'il viendra aujourd'hui, malgré la perte de son carnet.

Alors, je soupire et rentre à mon appartement bredouille. Je laisse le carnet sur la table basse du salon et je m'endors en lisant.

Pour autant, je ne baisse pas les bras. Je reviens. Deux, trois jours.

Je passe mon temps libre à cela. Entre le café et la librairie. Mais toujours aucun signe de lui. Je commence sérieusement à m'inquiéter.

Au final, peut-être que ce carnet n'est pas si important à ses yeux, s'il ne vient pas le chercher ? Pourtant, il avait l'air d'être assez immergé dans son écriture.

J'ai du mal à comprendre. Et à cacher ma déception aussi. Et si en fait, il m'avait trouvé pathétique, à le dévorer ainsi du regard ? Je me sens soudainement honteux, il devait être intimidé et c'est pour ça qu'il a disparu si vite.

Puis, je pense à quelque chose que j'aurais dû faire depuis la fois où il s'est échappé subitement. Je me sens stupide de ne pas y avoir songé avant. Je m'approche d'Emily, lui tend mon plateau et ma tasse vide ainsi qu'un petit bout de papier.

– Si jamais le jeune homme de la dernière fois vient... Est-ce que tu pourrais lui donner mon numéro et lui dire que j'ai son carnet ? C'est important.

– Bien sûr. Tu penses qu'il reviendra ?

– Je ne sais pas. Disons que je ne peux pas faire mieux que ça, mais... Merci en tout cas.

Je n'ai plus qu'à attendre.

Je m'en vais, le coeur lourd. Mais avec le vif espoir qu'il me retrouvera.

Une semaine s'est étirée depuis notre rencontre, toujours rien. Pourtant, j'ai encore l'assurance que je vais avoir de ses nouvelles.

Je ne vais plus passer mes journées entre le café et la librairie cependant, j'y passe quelques heures dans la journée. Mais je pense que j'ai besoin d'air aussi. Me changer les idées et ne plus penser à lui. Il reviendra quand il en ressentira l'envie. S'il n'est pas pressé de retrouver son carnet, alors tant pis. De toute façon, il est resté intact sur la table de mon salon. Personne ne l'a touché à part moi et je ne l'ai pas ouvert non plus.

On va au skate parc avec Zayn, il me tend sa cigarette et fait quelques figures. Je le regarde depuis le banc, recrache la fumée vers le ciel. Les yeux perdus dans le vide, je ne suis même plus ses mouvements.

Il me dit que j'ai l'air d'un désespéré, que je me suis trop vite attaché à lui alors que si ça se trouve je ne le reverrais jamais. Ou alors, il reviendra prendre son carnet et c'est tout. Fin de l'histoire. Je hais au plus au point ce genre de dénouement. Je refuse de croire que c'est ce qui va m'arriver. Zayn a sûrement raison, mais je me laisse le bénéfice du doute. Je nous laisse une chance.

– Ce n'est pas un de tes livres, Louis.

– Oui, mais c'est peut-être celui que je dois écrire.

– Tu t'entends ? Tu es vraiment niais. C'est à vomir.

– Tu es jaloux parce qu'un garçon super mignon s'intéresse à moi.

– Je te rappelle que j'ai une copine ?

Malgré mes nombreuses boutades, Zayn est un homme fidèle et très amoureux. Même s'il essaie de s'en cacher et de jouer la carte du mystère devant moi. Seulement, les gestes et les regards ne trompent pas. Je suis souvent avec eux, que ce soit à des soirée chez lui ou lors de sorties. Bien que j'ai l'impression, parfois, de tenir la chandelle, je ne peux pas renier la relation fusionnelle qui les unie depuis maintenant plus de deux ans. Je crois même qu'il a prévu de partir une semaine avec elle en vacances, cet été.

De temps en temps, je me prends à les envier. J'aimerais aussi avoir une présence à mes côtés. Quelqu'un avec qui partager mes rires, mes pleurs, mes joies, mes peines, mon lit, mon petit-déjeuner, mes livres préférés, mes dîners, mes histoires de la journées. Quelqu'un qui puisse rencontrer mes proches, mes amis, ma famille...

Ma dernière relation date d'il y a un an et demi, elle a duré six mois. Autant dire que je suis en manque d'affection et d'amour, surtout que mon ex n'était pas très friand des câlins et on se voyait très peu. Entre mes études et son travail.

Peut-être qu'au final, je suis mieux ainsi. Seul que mal accompagné. Enfin, ce n'est pas totalement vrai. Je ne suis pas seul. Zayn est là. Sa copine est là. Mes amis de l'université sont là, même si la plupart sont en vacances ou occupés par leur job d'été en ce moment. Ma famille est là. C'est le plus important, je pense. Je sais que je peux compter sur eux, quoi qu'il arrive.

C'est justement pour cela, je pense, que mon meilleur ami essaie de me protéger. Il ne veut pas que je subisse une nouvelle peine de coeur, devoir me ramasser à la petite cuillère parce que je m'attache trop rapidement aux personnes qui me plaisent. Zayn me connaît quasiment par coeur, il sait comment je suis, comment je fonctionne, alors il anticipe. Il prend les devants sur cette histoire qui me fait déjà perdre la tête. Et je ne peux lui en être que pleinement reconnaissant.

– Mais si je finis avec lui, je ne serais plus seulement à toi.

– Ah, si tu me prends par les sentiments Tomlinson.

Nos rires résonnent ensemble. On reste encore une ou deux heures ensemble, puis il m'informe qu'il part rejoindre sa petite amie chez elle. Après avoir échangé une accolade, il s'éloigne et je rentre en skate. Je m'arrête devant le café, au cas où, mais honnêtement j'ai bien peur qu'il n'y soit pas.

Je ne me suis pas trompé. Derrière le comptoir, à l'intérieur du magasin, Emily me lance un faible sourire désolé en haussant les épaules. Je lui fais un signe de la main et reprend mon chemin. Je ne fais pas le détour par la librairie, je sais déjà que cela ne servirait à rien.

Frustré, je range mon skate une fois dans mon appartement et me laisse tomber dans mon canapé. Aujourd'hui, je n'ai la force de rien. Ni de me faire à manger, ni de sortir faire les courses ou prendre quelque chose à emporter. Je n'ai pas non plus l'envie de lire.

Au loin, j'entends un miaulement et les pas de mon chat qui sort de ma chambre. Hercule me rejoint, monte sur le canapé et se love contre moi. Je passe mes doigts entre ses poils et embrasse son crâne. À défaut d'avoir du contact humain, des bras pour m'enlacer le soir ou quelqu'un avec qui partager des soirées devant une émission futile à discuter de tout et de rien, j'ai mon animal de compagnie depuis mon entrée à l'université. Et à lui, je peux lui parler autant que je veux. Il ne s'en plaint pas. J'ai même l'impression qu'il m'écoute parfois, entre ses ronronnements ou quand il fait sa toilette.

Alors, je me cale avec lui devant un film. Le premier qui passe et a l'air intéressant. Tellement intéressant que je finis par m'assoupir devant, bercé par les ronronnements de mon chat et sa chaleur corporelle.

C'est la sonnerie de mon portable qui finit par me réveiller en sursaut, je cligne des paupières et passe une main dans mes cheveux. Hercule est allongé sur mes cuisses, confortablement installé et imperturbable. Je suppose que ça doit être Zayn qui m'a envoyé une photo de lui et sa copine ou bien peut-être ma mère qui demande de mes nouvelles, si j'ai besoin de quoi que ce soit, quand je passe à la maison dire bonjour à la famille. C'est vrai, ils me manquent tous. Et je dois réserver quelques jours pour aller les voir, peut-être une semaine. Je n'ai pas d'excuses, ce sont les vacances d'été.

À ma grande surprise, ce n'est pas sur un message de Zayn que je déverrouille mon portable mais un numéro inconnu. Je me redresse correctement, Hercule se recule et miaule, se mettant au bout du canapé pour retrouver sa position de sieste. Mais je suis trop concentré sur mon téléphone pour m'occuper de lui.

Je clique sur la petite enveloppe et mets plusieurs secondes à lire le contenu.

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