29.

Sheila

Un mois et demi que je pourrais dire que tout va pour le mieux. Leis et moi sommes au beau fixe, Ana s'en sort très bien à l'Université, Ado aussi. Mon travail m'a notamment permis de m'enrichir de nouvelles connaissances qui me seront certainement bénéfiques à l'avenir et là je parle autant de personnes que de culture. En effet je suis cette fois logée dans une sorte d'auberge pour jeunes communément appelée ici *Jugendherberge*. C'est assez charmant car il s'agit là d'une location dirait-on surveillée. Un charmant couple d'écologistes, entre autres grands propriétaires terriens met à notre disposition leur maison. Nous avons droit à un service d'entretien, deux repas chauds par jours et le wifi bien évidemment. Néanmoins les règles sont strictes personne ne rentre ni ne sort après 22h. Ça c'est pas prêt de me concerner. Malgré les plaintes de mes voisins et bailleurs Katja( qui se lit Katia) et de son époux Fritz je ne sors que très rarement de mon antre.
Katja est une russe d'origine ayant trouvé l'amour aux côtés du beau et intrépide Fritz Wolkenkratzer pendant les années 80 alors qu'ils menaient un combat acharné pour les droits des populations de la RDA qui se sentaient inférieurs à celles de la RFA beaucoup plus développée. Il s'en était suivi des manifestations en 1989 pendant lesquelles ils s'étaient perdus de vue. Pour l'un comme l'autre ce fut un déchirement puisqu'ils ne s'étaient pas encore déclaré ouvertement l'un envers l'autre. À la chute du mur de Berlin alors que la fête battait son plein dans toute l'Allemagne, ils se sont retrouvés et depuis lors ils ne se sont plus séparés.
Mes autres voisins constitue une bande de préados en quête d'aventure. Ils sont parfois très bruyant et agaçant mais le fait est qu'avec eux on ne s'ennuie jamais.

Je me trouvais sur la terrasse de la cour arrière, le regard rivé sur la mer au loin. La plage de Rügen est de loin le meilleur paysage que j'ai eu à visiter depuis mon arrivée en Allemagne. D'autant plus que nous sommes rendus au mois de Mars. Les températures sont douces avoisinant les 22° et le soleil qui tape légèrement ne peut que faire accroître la beauté de tout ceci. Je me demande quand je recevrai la prochaine lettre de Leis. Depuis un moment on s'adonnait à ce petit jeu de lettres, de temps en temps j'y glissais une photo de moi. Beaucoup diront certainement que notre relation est des plus étranges, je n'en disconviendrais sûrement pas c'est peu commun ce que lui et moi vivons. J'ai foi au moins que de beaux jours nous sont réservés pour très bientôt. Je ne sais pas concrètement ce que Leis prévoit de faire mais je sais que ça ne saurait tarder.

- Vous prenez un café avec moi ? Demanda Katja en s'asseyant près de moi
- Un thé je préfère merci..

Les allemands et le café c'est une véritable histoire d'amour. Fritz et sa femme pourraient en boire 3 litre la journée et ça ne les dérangeraient pas. Moi qui pensais que leur passion était la bière.

- Vous vous plaisez ici Sheila ? Demanda à nouveau Katja en ramenant un plateau chargé de nos boissons et de quelques confiseries
- Oui énormément, votre cadre est assez apaisant
- Et votre travail il avance bien?
- Oui j'ai pu faire de magnifiques prises ces jours-ci dis-je le sourire aux lèvres
- J'en suis ravie ! Dit elle en posant sa main sur la mienne

Katja est tout juste dans la cinquantaine mais les frasque de sa vie un peu trop mouvementée ont laissé des marques indélébiles sur son visage. Sa peau est toute flétrie et striée de rides par endroit. Néanmoins elle n'en démeure pas moins charmante. Ses boucles parfaitement blanches retombent en cascade dans son dos et encadrent par la même son visage ovale.

- Dites moi Katja ça vous ennuierait que je vous prenne en photo ? M'enquis-je
- Oh mais c'est ... je n'ai jamais eu à poser pour un photographe
- Ça n'aura rien de formelle je vous le promets
- Ok mais alors dois-je me changer ?
- Non certainement pas dis-je appréciant d'un regard scrutateur son habillement

En effet son chemisier de toile fin rose orangé ouvert aux deux premiers boutons associé à son petit foulard à motifs fleuris bleu marine, jaune, rose, noir et vert lui donnait vraiment beaucoup d'éclat.

- Bon d'accord obtempéra celle-ci

Suivant mes directives elle s'installa de façon à recevoir le peu de soleil présent en plein visage.

- Suis-je sensée faire comme ça ou alors ... dit-elle en essayant des poses classiques
- Écoutez moi Katja, soyez simplement naturelle

Elle se détendit enfin et je pû faire quelques prises. Son mari arriva derrière elle et je m'arrêta.

- Bonjour mademoiselle Tanon dit-il en me faisant un sourire
- Bonjour Fritz, avez vous passé une bonne nuit?
- Agréable oui, vous avez reçu un paquet de la poste ce matin dit-il en coulant un regard malicieux sur son épouse
- Ce doit être votre amoureux dit elle tout sourire

Je ris et pris le dit paquet allant me réfugier dans ma chambre pour le découvrir. Au lieu d'une lettre comme je m'y attendais je ne vis qu'une petite carte au dessus du-dit paquet. Dessus était marquée une adresse avec une hé en lettres dactylographiées. Je jetai un coup d'œil au verso et lu : hâte de te revoir, fais moi plaisir porte ceci. Je fondis littéralement en comprenant qu'il s'agissait de Leis. Je me jetai ensuite sur le paquet et découvrit à l'intérieur une robe comment dire...osée ? Déjà que je ne suis pas une habituée des robes? En plus de cela il n'a rien oublié. Une paire d'escarpins maron foncé à talons carrés transparents, des bijoux en or. Mes yeux sortent littéralement de leurs orbites devant tant de brillance.Revenons en à la robe en elle même. Une robe marron, munie d'un décolleté assez plongeant dans le dos. A l'avant c'est beaucoup moins extravagant, mais sans avec  ma forte poitrine ça n'arrange rien mais alors rien du tout. Leis pourquoi vouloir m'imposer un tel supplice ? J'essayais tout de même la robe et ce fut encore pire que ce que je pensais.

Bien des heures après j'en étais là, affalée sur mon lit à vadrouiller sur les réseaux sociaux à répondre aux messages sans vraiment y prêter grande attention. L'heure de vérité était arrivée. Il est 17h et je suis attendue pour 18h. Je filai à la salle de bain après quoi je me maquilla légèrement et enfilai tout ce qu'il y avait dans les paquets. Je mis au dessus mon manteau kaki et le ferma afin de dissimuler la robe. Je sortis et dis au revoir à mes hôtes et emprunta un taxi qui me laissa sur un sentier étrange. Je descendis et le payai tout en lui demandant où je me trouvais avec le peu d'allemand que je maîtrisais et je n'obtins pour seule réponse que j'étais à l'endroit indiqué sur la carte. Je pris le chemin du sentier et avançai. Au fur et à mesure j'avais comme l'impression d'aller tout droit dans un cul de sac. Puis j'aperçus une table et un Leis de dos. Je poussai un cri de ravissement. Le lieu était nul doute très idyllique. Nous nous trouvions sur une falaise. Leis se tourna vers moi et me sourit. Il avait quelque chose de changé, une moustache.

- Je vous trouve des plus charmants monsieur Sanchez dis-je d'emblée
- J'aimerais en dire autant de vous mademoiselle Tanon mais vous vous êtes obstinément appliquée à vous cacher sous ce déplaisant manteau

Je ris intérieurement et ne fis cependant aucun geste. Alors il s'approcha de moi et tout en gardant son regard soudé au mien défis l'un après l'autre les boutons de mon manteau avant de le repousser pour que celui-ci ne termine sa course au sol, sur la verdure. Son regard brûlait toutes les parties découvertes de mon corps. Au travers de ses épais cils je pus distinguer un éclat vif.

- C'est bien au delà de mes attentes dit il en me décochant un sourire satisfait

Une minute plus tôt je brûlais d'envie de me cacher au moyen de mes bras, mais le regard avec lequel il m'enveloppait m'en dissuada. Je me sentie désirée ce qui fit naître une envie de jouer de mes atouts.

- Tu aimes ce que tu vois j'espère
- Tu n'as pas idée
- Tant mieux car tu n'es pas près de me revoir ainsi répliquai-je en me saisissant de sa main qu'il me tendait
- N'en sois pas si sûre

Il m'entraîna jusqu'à la table et me tira la chaise en parfait gentleman. Je pris le temps d'admirer le paysage autour de nous. Il suffisait de se pencher légèrement pour voir la mer en contrebas. À cette heure ci teintée des derniers reflets du soleil elle arborait des nuances bleutées dorées d'orangées. Je regrettais presque de n'avoir emporter mon appareil photo. Le panorama serait incroyable. Une langue de sable blanc et fin à vu d'oeil s'étendait le long de la mer. Émerveillée je reportai mon attention sur celui pour qui mon cœur n'avait plus de secret. Il me fixait lui aussi, non me dévorait du regard. Intimidée j'abaissa le mien.

- Tu es magnifique Sheila, tellement magnifique murmura-t-il d'une voix rauque que je ne lui reconnaissais pas
- Merci mon chéri
- Dis le encore demanda-t-il dans un sourire enfantin
- Quoi donc?
- Ce petit nom
- Mon chéri ? Mon amour ? Mon cœur ? Fis-je d'une voix quelque peu coquine tout en inclinant ma tête l'air enjôleur

Il se leva brusquement et vînt me faire lever à mon tour avant de capturer voracement mes lèvres. Il en a mi du temps dites donc. Je savourais ce baiser subjuguée par son ardeur et ces lèvres qui m'avaient manquées.

- La soirée s'annonce prometteuse dit Leis en mettant fin à notre baiser

On se rassit et Leis découvrit les couverts. Tout ce qui s'y trouvait m'avais l'air alléchant. Il nous servit du vin et enfin on passa à table tout d'abord dans le silence.

- Tu retourneras bientôt à Miami? S'enquit-il
- Oui d'ici deux semaines. J'ai hâte de retrouver Ana.. Oh Leis dis moi toi comment tu comptes faire ? Je ne sais rien de tes plans ni de ce que tu entreprends à présent
- Ne te soucie pas de cela, mais bientôt très bientôt tout ira très bien je te le promets dit-il en me saisissant la main
- Cesse de faire cela Leis, tu me mets tout le temps à l'écart fis-je en déposant ma serviette de table
- Ne t'emporte pas s'il te plaît, si je ne te dis rien c'est juste pour te protéger. Plus tu en sais, plus tu es exposée
- Mais exposée à quoi Leis ? Qu'y-a-t-il de nouveau à découvrir ? Nous sommes un couple merde ! On est censé tout partager et ça passe par tout y compris ça dis-je au bord des larmes

Il le remarqua et vînt s'accroupir face à moi, un genou à terre.

- Pardonne moi mon amour, je ne pensais pas que ça t'affectais autant

À l'entente du petit nom qu'il me donna j'eu un frisson, bien que je l'ais moi également utilisé. Mais Leis c'est Leis alors venant de lui ?

- Tu as froid ? Nous ferions mieux d'aller ailleurs
- Oui tu as raison, en plus je n'ai plus d'appétit

Il se leva sans un mot et m'aida à remettre mon manteau. Suite à quoi il passa un bras autour de ma taille pour m'agripper fermement à lui. Qui est sensé nettoyer tout ça pensais-je en jetant un dernier coup d'œil à la table. Comme lisant dans mes pensées Leis me fit savoir qu'il y avait un service qui s'en chargerait.

On refis le chemin jusqu'en route que nous longeames dans un silence pour le peu pesant. Il m'invita à entrer dans une voiture de sport reluisante grise. Une fois installés, il posa sa main sur la mienne et guida les deux sur sa cuisse.

- Je ne voulais pas que les choses se passent ainsi, crois moi. Je voulais pour une fois t'offrir une soirée, à ta hauteur. Tu es tellement...

Il se tut et démarra soudain l'air nerveux. Mais que t'apprêtais tu à me dire Leis ?

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