15.
Sheila
Je mentirais vraiment si je disais que l'idée qu'Ana et moi soyons jumelles m'est égale. Au contraire c'est merveilleux. Je croyais avoir été abandonnée. Je pensais le pire de ma mère et pourtant c'est une femme au grand coeur. Après tout combien seraient prêtes à faire ce sacrifice de donner son enfant à une autre, de voir cet enfant grandir de loin sans avoir la possibilité de l'entendre l'appeler maman? De rater la poussée de ses premières dents, ses premiers pas, ses rires, ses maladies, ses bêtises et j'en passe. Non elles sont rares ce genre de femme. Et je ne peux qu'être fière d'être sa fille. La vérité n'a rien du scénario obscure que je m'étais imaginé.
Ma mère ou plutôt ma tante me dévisage, sans doute en attendant ma réaction mais je ne sais pas trop quoi lui dire en ce moment précis.
- Alors ? Dis quelque chose
- Je sais pas vraiment quoi te dire, je trouve ça très honorable de la part de... de...
- De la part de ta véritable mère
- Oui c'est cela. Alors pourquoi n'en avoir jamais parlé ? Qui d'autre est au courant ?
- Personne n'est au courant ma chérie. À l'époque j'étais dévastée et troublée et je trouvais en toi mon échappatoire à la douleur de le perte de ma fille. Tu dois me comprendre j'avais peur qu'on ne t'enlève à moi. Et plus tu grandissais plus tes sourires ont eu raison de moi et j'ai finis par croire que les choses pouvaient rester ainsi mais à chaque fois Every demandait à te voir
- C'est pour ça que je passais toujours les vacances là-bas
- Exactement
Un silence s'installa et pourtant il n'y avait rien de pesant. Nous étions juste dans une sorte de phase post-traumatique.
- Et maintenant ? Lui demandai-je pensant à l'ambiguïté de la situation
- C'est à toi de le décider chérie.. mais j'espère secrètement que tu resteras avec moi rajouta-t-elle peu après
- Donc si je comprends bien il me faut choisir entre mes deux mères ? M'enquis-je outrée
- Ce n'est pas aussi grave que cela. Elle te réclame de toute façon.
Plus j'y pense et plus je comprends qu'aucune décision ne sera sans conséquence sur une partie ou sur une autre. Et maintenant que je sais tout je ne peux me permettre de blesser qui que ce soit.
- Non maman je ne compte pas me prononcer pour le moment dis-je en mordant dans mon sandwich à la sardine et au piment
Elle soupire légèrement puis sourit.
- Tu ne m'en veux pas j'espère
Je fis mine de réfléchir en me léchant le pousse dégoulinant de mayonnaise.
- Non tout partait d'une bonne intention décrétai-je finalement en remuant les épaules
- J'en suis ravie...
Elle me fixait manger en se pinçant les lèvres exactement comme si elle se retenait de dire quelque chose.
- Quoi ?
- Tu devrais faire plus attention à ce que tu manges le docteur a dit que...
- Je sais très bien ce que le docteur a dit dis-je exaspérée qu'elle remette cette histoire sur le tapis, t'as vu ? Lui dis-je en prenant des oranges dans la corbeille à fruits
- Pas besoin de prendre ce ton je le dis pour ton bien et tu le sais dit-elle en débarrassant le plan de travail
- Je sais maman je suis désolée mais tu te répètes assez souvent
- Mais si tu n'assimiles pas ce que je te dis comment suis-je censée te faire comprendre ? Dit-elle en frappant la main à plat sur le lave-vaisselle.
Comment on en est arrivé là ? On est passé du calme aux cris en un clin d'œil. C'est ce qui fait la particularité de maman. Elle est assez susceptible et a tendance à s'emporter pour un rien. Je lève les yeux au ciel avant de ranger les assiettes que j'ai utilisé dans le lave-vaisselle puis me laver les mains.
- Tout ira bien maman ne t'en fais pas. Je vais sortir j'ai quelques courses à faire je ne rentre que dans l'après midi l'informai-je avant de monter me changer
- Et on peut savoir où tu vas ? J'espère que ce n'est pas pour courir les rues à prendre des photos. Il serait temps que tu te responsabilise un peu
- Je ne vais pas prendre de photo, je vais à l'hôpital. Concernant mes " responsabilités" dis-je en mimant les guillemets à l'aide de mes doigts je les ai déjà prise. C'est pas parce que je fais pas de grandes études que je ne réussirai pas dans ma vie
Je grimpe les escaliers en furie ne lui laissant pas le temps de répliquer. Les choses sont sans surprise. Son comportement avec moi me donnerait bien envie de choisir tante Every, enfin ma mère biologique.
Brusquement lorsqu'elle à fait référence à ma santé tout à l'heure ça m'a fait penser à Leis, puis à son père et je me suis rappelée de ma promesse mais aussi de ce que je lui ai dit. Je m'assis sur mon lit afin d'établir un programme de ma journée. Déjà il faudrait que j'aille rendre visite à son père, ensuite que je lui parle ou alors j'appelle d'abord Ana puis lui. Oui on va faire ça .
J'enfile rapidement un bas de jogging noir et un pull à capuche rose poudré et, ma paire de Stan Smith aux pieds je franchis le seuil de la porte de ma chambre en prenant soin de prendre tout ce dont je pourrais avoir besoin: Téléphone, serviette de rechange, mon petit lapin en peluche, un calepin et un stylo.
Guidée par le service médical je me suis retrouvée dans une pièce semblable à celles des visites dans les pénitenciers. De part et d'autre il y avait des tables disposées en damier, des surveillants en long et en large et cette couleur de base exigé à chaque patient, une nuance de bleu-gris clair.
Je cherche dans la salle un homme pouvant ressembler un tant soit peu à Leis. Tout aurait pû être tellement plus facile si cet assistant n'avait pas été rappelé aussitôt qu'on longeait tous les deux le couloir menant à cette pièce et par conséquent au père de Leis, Luccio.
Ce sont des personnes de tout âge qui se présentent à moi. Un homme assis à une table au centre mène un tournoi de cartes il me semble. Je détourne le regard pour le porter ailleurs puis le ramène brusquement sur cet homme en remarquant un détail. L'homme de profil ressemble étonnamment à Leis. Sans plus attendre je m'avance vers lui et salue à la volée toute la table. Je m'installe à ses côtés.
- Bonjour, puis-je me joindre à vous ?
- Ah ça on ne dit jamais non à une jolie fille répondit l'homme qui distribuait les cartes jusque lors
- Merci
La partie entamée je les observais jouer tout en donnant des astuces de temps à autres à Luccio. Après plusieurs parties il finit par remporter le tournoi sous les regards étonnés de l'assemblée.
- Dites donc c'est qu'elle porte chance la petite dame
- Vous avez perdu les gars alors vos portions de steak seront pour moi s'exclama Luccio dans un rictus
Il a tellement l'air bien qu'on ne croirait pas qu'il est malade.
- Félicitations lui soufflai-je
- Merci bella .. Alors qu'est ce qui peut bien t'emmener ici ? Tu as aussi un trou noir dans ta tête ?
Je ris à sa manière de présenter les choses
- Non aucunement
- Alors c'est que vous êtes une nouvelle employée
- Non plus . On va dire que je suis votre ange gardien lui dis-je en panne d'idées
- T'en as mis du temps alors pour apparaître fit-il en m'octroyant un clin d'œil
- Oui c'est vrai j'étais très occupée avant répliquai-je en lui renvoyant son clin d'œil.
Du reste on fit connaissance et on échangea un peu sur divers sujets et j'eus le plaisir de découvrir qu'il est un homme très cultivé. Dommage que sa santé ne soit pas au beau fixe.
Sur le moment de partir je lui promis de revenir ravie du moment passé avec lui. Il était plus de 15h et j'avais terriblement faim. Je m'arrêtai dans un fast food pour manger et m'installai sur une table au fond. Je fixais d'un oeil scrutateur le menu.
J'avais passé ma commande et pour passer le temps je décidais d'appeler Ana question de faire un débriefing. J'ai hâte de lui dire que nous sommes jumelles.
Je lance l'appel mais en vain. Elle ne décroche pas. Déterminée à lui parler j'appelle Ado.
- Ado ?
- Sheila je comptais justement t'appeler
- Ah oui pourquoi ?
- Ana ne t'aurait pas appelé par hasard ? S'enquit-il
- Non j'essayais de l'appeler d'ailleurs. Que se passe-t-il ? Dis-je commençant à trouver cela inquiétant
- Nous sommes sans nouvelles d'elle Shei.. Elle est sortie hier avec ce Jorge ou je sais plus comment et on ne sait pas où ils sont passés
- Non mais ? Vous avez cherché à la géolocaliser ou alors aller voir chez ce mec, ses amis ?
- Nous sommes en train de le faire mais lui aussi a disparu
- Où est-ce qu'ils étaient précisément demandai-je
- Dans la même boîte où je vous avait emmenées
Ça me rappelait bien des choses. Surtout la facilité avec laquelle Leis avait fait vider la salle.
- Oh mon dieu! Faites qu'il ne lui soit rien arrivé
- J'espère surtout pour elle qu'il ne s'est rien passé avec lui ou un quelconque autre gars
- Comment tu peux penser à une telle chose dans cette situation ? Dis-je un peu vexée
- Je l'espère c'est tout
- Ok fais moi signe si t'as du nouveau lâchai-je avant de raccrocher
Je suis un peu déçue qu'il pense cela de sa sœur, enfin de la mienne aussi. Elle a beau être une dure à cuire elle n'en démeure pas moins une fille sage et elle sait très bien ce qu'elle fait.
Je me demande bien ce qui a pu lui arriver. J'espère que ce n'est rien de grave, que ce soit juste une longue fin de soirée.
Mon hamburger, mes frites et mon pot de glace sont toujours dans le même état que lorsque le serveur les a disposé sur ma table une demi-heure plus tôt. J'ai faim certes mais le fait est que je stresse pour elle. Il est 16h43 et toujours silence radio de sa part. Le pire c'est que je ne puisse rien faire pour aider à la chercher aussi loin.
Peut-être que Leis lui pourra m'aider ? Mais comment avec ce que je lui ai dit ? Au pire je pourrais m'excuser. Sans plus attendre je l'appelle
Il décrocha et je n'entendis qu'un souffle d'abord.
- Leis?
- Sheila répondit-il sur la même intonation
- Comment tu vas ? Dis-je ne sachant pas trop par où commencer
- Je croyais que je ne devais plus avoir aucun contact avec toi répondit-il sans faire cas de ce que je venais de dire
- Pardonne moi pour ce que je t'ai dit Leis. Je n'ai pas à te juger sans vraiment te connaître
- Non tu as raison je ne suis pas un homme assez bien pour toi répond il lassé
- Non ne dis pas ça s'il te plaît j'ai été dure avec toi, mais je veux bien qu'on essaie quelque chose toi et moi
- Tu le dis aujourd'hui mais demain tu auras changé d'avis
- Non je suis sincère Leis je veux te connaître c'est juste que dernièrement je suis stressée
- Pourquoi ? Que peut-il bien y avoir de stressant dans ta vie cariña dit il plus détendu après un petit moment de silence
- J'ai appris la vérité sur mon identité, puis ma sœur qui disparait
- Ta sœur a disparu ?
- Oui enfin ma cousine, ou ma sœur c'est confus, bref j'étais avec elle le soir où l'on s'est rencontré, elle vit en Havane
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