Charles était le seul à ne pas encore avoir lu sa page du carnet. Il n'en avait pas vraiment l'envie, préférant attendre que le chagrin passe, assis au bord de la piscine de son amante décédée. Les pieds dans l'eau, le regard dans le vague, le pilote de la Scuderia Ferrari n'esquissait aucun geste. Puis comme s'il avait senti une poigne délicate sur son épaule, le monégasque prit le carnet entre ses mains et ouvrit ce dernier à la page portant son nom. Une calligraphie douce, écrite en rouge, fine et féminine, cette écriture était tout ce qu'il restait de réel à Charles.

« Charles, mon amour, mon meilleur ami, mon confident.

Je n'avais pas envie d'écrire sur toi, parce que j'aurais aimé garder notre histoire pour moi. Tu es la personne que j'ai le plus aimé dans ma vie, j'en suis certaine désormais. Tu n'as rien à envier aux autres, parce que pour moi tu es l'homme parfait. Comparé aux autres, je préfère faire comme si je m'adressais à toi, parce que Charles, je ne veux pas t'oublier. Je ne veux pas te laisser seule, je ne veux pas que tu sois triste et pourtant.

Quand on s'est rencontré, c'était au mois de novembre deux mille dix huit. Je me souviens qu'avec Jude, on était allés à Monaco pour se vider la tête, pour se changer les esprits. Je sortais de l'hôpital, on venait de m'annoncer que je plongeais de nouveau dans la maladie et puis on t'a rencontré. Parce que Jude connaissais un de tes amis je crois et voilà que je commençais à me poser des questions. Dès le départ, je me suis dit que je ne devais pas tenter quoique ce soit, parce que je ne voulais pas te faire souffrir, je savais déjà que j'allais mourir.

Mais tu es Charles Leclerc, tu n'abandonne pas, tu persévères et tu m'as montré que je pouvais aimer, même si on savait tous les deux où ça allait se terminer.

Charles, tu es une personne adorable, formidable même. Un garçon timide à première vue, puis après tu te laisses aller et tu deviens une personne drôle, souriante, solaire même. Ce qui m'a fait t'aimer dès le départ, c'est ton sourire, craquant. Tes deux petites fossettes m'ont fait fondre, immédiatement. Mais je suis tombée amoureuse de ta personnalité, de toi tout simplement, du fait que tu m'as toujours épaulée, toujours soutenue.

Tu ne peux pas savoir à quel point je t'aime, à quel point tu remplis ma vie de bonheur. J'ai aimé nos moments passés ensemble, nos baisers, nos étreintes. Chaque mots dis étaient pensés, mais ceux murmurés étaient les plus sincères. Toi, l'homme qui m'a rendu la plus heureuse.

Charles, tu es ce garçon que je n'oublierais jamais, tu as rempli ton rôle à merveille, tu as été mon premier amour, mon premier baiser, mon premier tout, avec toi, j'ai découvert ce que c'était d'aimer, de vivre avec quelqu'un, de devenir une meilleure personne. Tu m'as toujours porté vers le haut, comme mon ange gardien. Maintenant, c'est à moi de te rendre la pareille, je serais ton ange gardien, celle qui veille sur toi depuis les étoiles. Je rejoins Jules, Anthoine et Hervé, mais je ne t'oublie pas, parce que tu es inoubliable.

Je t'aime, du plus profond de mon âme, de mon cœur, de mon corps. Je t'aime comme il n'est pas permis d'aimer quelqu'un, je t'aime tout simplement. Et même dans un océan de désespoir, je continuerais de t'aimer, parce que je n'ai jamais connu un si beau sentiment que celui de poser mes yeux sur toi.

Mais, même si cela me fait du mal de l'écrire, je souhaite que tu trouves quelqu'un, que tu refasses ta vie, parce que tu le savais avant même de commencer, notre relation n'aurait pas pu être éternelle. Charles, je te connais, tu te diras que non, il est impossible de retrouver quelqu'un comme moi, il est impossible d'aimer une femme comme moi deux fois. Mais je m'en fiche, je veux que tu sois heureux, avec quelqu'un d'autre. Aime la comme tu m'as aimé, donne lui autant de bonheur que tu as pu m'apporter, montre lui à quel point tu es solaire.

C'est aussi ça, la plus belle preuve d'amour que tu peux me donner. Me prouver que tu es capable d'aimer plusieurs fois.

Je t'aime, du plus profond de mon cœur.

Tu me manques déjà.

Ton amour, Suzanne.

PS : Si tu tournes la page, tu auras la mienne, je te laisse la remplir. Même si je ne pourrais pas la lire, cela te permettra de décharger le surplus d'émotion. Je t'aime Charles, je ne t'oublierais jamais. Reste comme tu es, parce que tu es la meilleure personne du monde. »

Charles referma le carnet, pleurant à chaudes larmes, il n'arrivait pas à s'arrêter, avait  senti son cœur se briser en mille morceaux. Suzanne était partie et il ne savait pas vraiment comment gérer cette perte. Parce qu'elle aussi avait été son premier vrai amour. Il avait eu d'autres relations. Mais celle avec Suzanne avait été si pure, si douce, si courte. Un goût d'inachevé s'ancra dans sa bouche, la rendant pâteuse et âcre. Le monégasque essuya le dessous de ses yeux avant de les fermer et d'essayer d'oublier à quel point il avait mal.