Quand Rome Impose sa Loi
Rome n'a point jailli en une nuit pour moi, mais moi je ne suis qu'un humble droit de Rome.
Lyreai avait finalement trouvé le lieu du rendez-vous, le Sénat. Tout avait été préalablement arrangé : le lieu, l'interlocuteur, l'heure et la date.
C'est donc avec une appréhension mal dissimulée qu'elle se dirigea vers l'invitation du Sénateur en charge des affaires extérieures. Elle savait que cette rencontre était cruciale pour la paix et la prospérité de sa tribu, même si elle, préférait la voie du sang.
Lorsqu'elle franchit les imposantes portes de la grande salle où l'attendait le Sénateur, la salle d'audience, elle fut immédiatement frappée par la grandeur et la majesté des lieux. Des fresques illustrant les conquêtes de Rome ornaient les murs, tandis que d'imposantes statues de dieux et de héros semblaient l'observer de leurs yeux de pierre. Lyreai se sentit soudainement très petite et vulnérable au sein de cet univers inconnu.
Le Sénateur en question était un homme dont le nom résonnait avec une certaine gravité dans les couloirs du pouvoir. Les rumeurs le décrivaient de multiples façons, mais toutes convenaient sur un point : cet homme était un stratège politique redoutable, animé par une ambition dévorante.
Il avait pris part à la guerre civile qui avait opposé les partisans de César à ceux de Pompée. Depuis cette époque, il avait su se rendre indispensable à chaque empereur qui avait gouverné Rome, commençant par Auguste. Sa réputation de fin stratège s'était renforcée au fil du temps, et beaucoup le considéraient comme l'un des hommes les plus influents de la ville.
Lyreai le trouva assis sur une chaise, entouré de plusieurs gardes du corps. Il émanait de lui une aura de grandeur mêlée de vieillesse, ses traits durs et son regard perçant semblaient pénétrer l'âme de Lyreai.
- Madame, c'est un honneur de vous rencontrer, dit-il en la saluant d'un geste de la main.
-Je suis le Sénateur Lucius Aurelius, en charge des affaires étrangères. J'ai entendu dire que vous cherchiez à négocier un traité de paix avec Rome. Est-ce exact ?
-Le plaisir est partagé, Sénateur, répondit Lyreai, son ton restant poli mais ferme. Je suis ici pour discuter de la paix entre notre peuple et le vôtre.
Le Sénateur arqua un sourcil : La paix, dites-vous ? Que pouvez-vous offrir pour que nous envisagions une telle alliance ?
Lyreai avait anticipé cette question et sortit de sa poche une petite boîte richement décorée, issue de la collection de Séléné. Elle l'ouvrit pour révéler un bracelet finement ciselé, orné de pierres précieuses.
- Ceci est un présent de ma part, en signe de bonne volonté, déclara-t-elle en tendant le bracelet au Sénateur.
Le Sénateur prit le bijou et l'observa un instant avant de le passer à l'un de ses gardes du corps.
- Un bel objet, assurément, mais je crains que cela ne suffise pas à sceller une alliance entre nos deux peuples, remarqua-t-il.
Lyreai ne se laissa pas démonter. Elle sortit alors un parchemin de sa poche, détaillant les termes de l'accord que Séléné lui avait remis.
- Voici ce que je propose, dit-elle, en présentant le parchemin au Sénateur. Nous pouvons établir des échanges commerciaux, garantir la sécurité des voyageurs qui traversent nos terres en direction de Rome, et mettre un terme à toutes les hostilités.
Le Sénateur parcourut le parchemin avec ce qui semble de l'attention avant de le replier et de le glisser dans sa poche.
Le sénateur esquissa un sourire froid, dénué de toute amicalité.
- C'est facile à dire, mais bien plus ardu à mettre en œuvre, comprenez-le. Rome a des intérêts à défendre, des alliances à soutenir. Nous ne pouvons pas simplement accéder à toutes vos demandes.
- Je comprends parfaitement", répliqua Lyreai d'un ton calme. Nous ne cherchons pas à vous imposer nos conditions, mais plutôt à trouver un terrain d'entente qui puisse convenir à toutes les parties.
Le sénateur Lucius hocha la tête, un regard dédaigneux fixé sur Lyreai :
- Vous semblez être une diplomate astucieuse, mais cela ne suffira pas pour convaincre le Sénat. Vous devez nous montrer votre sérieux dans cette démarche, que vous êtes prêts à faire des concessions pour parvenir à la paix.
Lyreai inspira profondément, cherchant à se donner une contenance et confiance :
- Nous sommes disposés à faire des concessions, mais nous avons également des exigences. Nous ne pouvons pas accepter une paix qui bafoue nos droits et notre souveraineté.
Le sénateur se leva de son siège, faisant craquer ses vieilles articulations.
- Je suis d'accord avec vous. Pour atteindre la paix, nous devons tous être prêts à faire des sacrifices.
Il fixa Lyreai d'un regard intense, mais quoi que ironique, puis soupira :
- Cependant, je ne peux pas accepter une paix qui ne garantisse pas la sécurité de Rome et de ses citoyens et surtout qui nous n'apporte rien, ce que vos proposez, nous pouvons l'accomplir sans votre aide.
- Je comprends vos préoccupations, mais nous ne sommes pas vos ennemis. Nous sommes des gens qui cherchent une vie meilleure pour nous-mêmes et pour les générations à venir. Donnez-nous une chance de travailler ensemble, et vous ne le regretterez pas, déclara Lyreai avec une conviction déclinante. Elle n'appréciait guère la tournure de la discussion ni le ton du sénateur. Elle n'est pas une diplomate.
Le sénateur demeura silencieux pendant un moment, puis hocha lentement la tête et répondit seulement de manière à se débarrasser d'elle :
- Très bien, jeune fille. Nous allons entamer des discussions sur la paix."
À cet instant, Lyreai prit conscience de la futilité de la situation. Tout ceci n'était qu'un jeu, une farce cruelle jouée à ses dépens. Elle devait admettre que ce personnage ne la prenait pas au sérieux, elle, une simple sauvageonne venue plaider pour la paix et la justice ! Elle avait su dès le départ qu'elle serait humiliée, mais elle avait gardé espoir. Elle était encore une enfant de seize ans, et le fonctionnement du monde lui échappait en grande partie.
Pourtant, elle pouvait clairement voir le divertissement dans les regards des gardes romains, le sourire du vieil homme qui ne pouvait dissimuler son amusement. Tout cela n'était qu'une pièce de théâtre, une comédie bien orchestrée, et sa tribu en était consciente. Séléné le savait également. Cette réalisation fit grincer les dents de Lyreai.
Les Romains ne négociaient pas, ils imposaient leur volonté par la force et la violence. Ils avaient déjà remporté la victoire avant même que la guerre ne commence, et il n'y aurait pas de bataille, seulement une répression brutale. Ils étaient bien trop nombreux, trop organisés, trop puissants pour être vaincus. Alors, pourquoi avait-elle entrepris ce voyage risqué, qui l'éloignait de sa terre natale pour la livrer aux mains de ces prédateurs impitoyables ?
Que cherchait Séléné à travers tout cela ?
Lyreai sentit un frisson glacial lui parcourir l'échine en voyant le sourire condescendant sur les lèvres ridées du vieux sénateur.
- Vous nous considérez sans doute comme des insectes que vous pouvez écraser sous vos pieds, n'est-ce pas ? prononça-t-elle d'une voix aussi neutre que possible.
Le sénateur répondit d'un ton indifférent, mais mesquin :
- Hélas, tu es bien naïve... Nous ne négocions pas avec des tribus de sauvages comme la tienne. Quel intérêt ? Vous serez facilement écrasés sous notre fer."
Lyreai serrait les poings. Les Romains étaient trop puissants, leur empire trop vaste.
Elle baissa la tête et murmura, "Alors, pourquoi nous avez-vous invités ici ? Pourquoi nous avez-vous fait venir si vous saviez que vous n'alliez rien nous offrir ?"
Le sénateur haussa les épaules toujours avec indifférence.
"Pour vous montrer la grandeur de Rome. Pour vous rappeler que vous n'êtes rien."
Lyreai garda le silence, sachant que la conversation était terminée. Lentement, elle fit demi-tour, sentant les regards moqueurs des gardes romains peser sur son dos, et quitta la salle du Sénat, laissant derrière elle l'ombre de la défaite et de l'amertume.
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