Quand le Danger se Profile


Mars, de par son dédain, mon épée git, vierge. Ma gloire s'éteint.


Lyreai, ce prénom aux consonances nobles et romaines, semblait étrangement décalé pour une jeune fille à l'âme sauvage, farouche et guerrière. Lyreai portait ce nom avec une douceur qui contrastait vivement avec le regard acéré et implacable qu'elle avait cultivé depuis son enfance.

La jeune Lyreai sentit le danger peser sur son peuple, comme une ombre menaçante qui s'avançait lentement mais sûrement vers eux. Les rumeurs des guerres lointaines parvenaient jusqu'à eux, portées par les vents et les voyageurs épuisés. Elle avait entendu parler de la puissance de Rome, de sa soif de conquête et de sa cruauté impitoyable. Elle savait que si les légions romaines s'aventuraient dans leur territoire, leur tribu ne serait pas de taille à les affronter.

Pourtant, malgré cette menace grandissante, Lyreai ne cédait pas à la peur. Elle se tenait droite, fière et résolue, prête à défendre les siens jusqu'au dernier souffle. Dans cette vie dure et incertaine, elle avait trouvé une beauté sauvage et indomptable.

Les jours passaient, et les signes de l'invasion romaine devenaient de plus en plus manifestes. Des patrouilles armées avaient été repérées aux abords de leur territoire, des tribus alliées avaient été soumises de force. Lyreai sentait que l'heure fatidique approchait.

Elle se préparait donc avec une détermination inflexible, perfectionnant son corps et son esprit pour faire face à l'envahisseur romain. Elle s'exerçait aux techniques de combat les plus élaborées, maniant les armes avec une grâce déconcertante.

Cependant, alors qu'elle se consacrait corps et âme à la défense de sa tribu contre les Romains, une nouvelle inattendue vint bouleverser ses plans.

Elle fut convoquée au centre de réunion, où les sages qu'on appelle Sylvessas, celles qui méritaient le plus de respect, se réunissaient pour gouverner et diriger le clan. Autrefois, sa grand-mère avait été la cheffe principale, mais elle avait rendu son dernier souffle l'hiver précédent, laissant à Lyreai pour unique héritage une vérité sur ses origines :

Elle était issue de sang romain et sylvestre, sa mère ayant aimé un général romain. Pourtant, Lyreai ne se souciait guère de ces origines. Elle était une Sylvestre, et pour les Sylvestres, les liens du sang n'importaient guère.

Aujourd'hui, la voix principale et la plus influente du conseil était Séléné, une ancienne guerrière qui s'était élevée parmi les leurs grâce à sa cruauté, son intelligence et son impitoyabilité, les qualités requises pour être une vraie Sylvestre. Il ne restait que peu de la jeune femme dont on racontait des histoires et des légendes, car devant Lyreai se tenait une vieille, le dos courbé, à moitié aveugle, mais qui continuait à incarner la puissance du clan .

- Mon enfant, à ce jour, tu es la plus valeureuse, intelligente et puissante combattante de notre clan. En reconnaissance de ton dévouement pour protéger nos terres et nous nourrir, nous avons décidé de te confier une mission d'une importance capitale, déclara Séléné d'une voix lente et grave, en insistant sur les mots "importance capitale."

Lyreai arqua un sourcil, se tenant droite et attentive, les mains derrière son dos, jouant machinalement avec une petite dague qu'elle avait trouvée récemment dans les bois. Elle ne s'attendait pas à une mission de cette envergure. Chasser, peut-être, effrayer des voyageurs oui, mais une mission d'importance ? Elle écouta avec un mélange de curiosité et de crainte.

- Tu dois te rendre à Rome, oui, cette cité maléfique qui veut nous anéantir, nous réduire en cendres. Mon enfant, tu comprends que nous ne sommes pas de taille face à un ennemi tel que celui-là. Ta mission est de négocier la paix, la survie de ton peuple bien-aimé, le salut de nos terres.

Lyreai avait du mal à croire ce qu'elle entendait. On lui demandait de négocier avec les Romains, elle, une Sylvestre qui ne devait jamais courber l'échine devant un ennemi, ni montrer la moindre pitié ou sentiment. Séléné lui confiait la tâche la plus ingrate et humiliante qui soit.

Un bref instant, Lyreai crut percevoir un éclair de malice dans l'œil droit toujours fermé de Séléné, mais cette impression disparut aussitôt car son œil demeure fermé.

Séléné ajouta :

- De plus, parmi nous, tu es la plus douée en latin.

C'était vrai. Lyreai parlait aussi couramment le latin que sa propre langue. Sa grand-mère avait veillé à cela. Elle n'avait pas compris l'importance de cette compétence jusqu'au jour où, sur son lit de mort, sa grand-mère lui avait confié l'identité de son père, un Général Romain, surement une ordure. Lyreai avait vu dans le regard mourant de sa grand-mère que c'était un secret précieux, bien qu'elle ait gardé le nom du père pour elle, l'emportant à la tombe. Mais Lyreai savait que cela avait de l'importance, mais elle n'en comprenait pas encore toute la portée de ces mots, de cette vérité.

- Je ferai ce qui vous semble juste, Sylvessa, répondit Lyreai sobrement, avant de se retirer vers sa tente pour réfléchir à cette mission exceptionnelle qui l'attendait.

La nouvelle avait laissé Lyreai perplexe. Comment pouvait-elle quitter sa tribu en pleine période de conflit, alors que ses talents de guerrière étaient plus que jamais nécessaires ? Mais elle ne pouvait contester la décision du conseil. Leur voix était ferme, impérieuse. Lyreai se devait de partir.

Elle aurait voulu protester, exprimer son désaccord, mais elle savait que cela serait futile. La nuit qui suivit fut sans sommeil pour Lyreai. Elle rassembla le strict nécessaire pour son voyage, mais son esprit était préoccupé. Comment pourrait-elle survivre dans la cité ennemie ? Comment convaincre des étrangers de se battre pour une cause qui n'était pas la leur ?

Lyreai se percevait comme une créature solitaire, une âme perdue dans un monde qui ne la comprenait pas. Son apparence, son teint plus clair que la norme, marquaient cette différence qui la rendait à la fois unique et isolée. Chez les Sylvestres, le physique reflétait l'âme guerrière qu'ils abritaient, mais Lyreai, par son apparence, ne renvoyait que la beauté féminine, sa une part de fragilité. Être belle pour une Sylvestre était considéré comme une faiblesse. Parfois, elle se couvrait de poussière, comme pour effacer cette distinction qui la mettait à part.


Lyreai quitta sa tribu au lever du jour, accompagnée d'un petit groupe de commerçants et de voyageurs qui passait non loin d'eux, à qui Séléné l'avait confiée. Le voyage vers Rome s'annonçait long, mais la jeune femme était déterminée à accomplir sa mission, c'était son devoir.

Au fur et à mesure des jours, le paysage changea radicalement. Les forêts verdoyantes et les vastes prairies de sa terre natale cédèrent la place à des collines arides et rocailleuses. Les villes et les villages se multipliaient, regorgeant de gens pressés, absorbés par leurs tâches.

Finalement, elle arriva à Rome. La ville se dressait devant elle, grandiose et intimidante, avec ses rues bondées et ses majestueux bâtiments. Lyreai ne pouvait s'empêcher de remarquer les différences avec sa propre culture, ses coutumes et traditions lui semblaient étranges et lointaines.

Cependant, ce qui la tourmentait le plus, c'était la politique romaine envers les autres peuples. Elle entendait parler de conquêtes incessantes, de batailles sanglantes et de villes réduites en cendres. Elle avait le sentiment que les Romains étaient des envahisseurs impitoyables, déterminés à soumettre tous les peuples à leur empire.

Lyreai posa un pied hésitant sur le sol de Rome. Elle se sentit écrasée par l'immensité de la ville, par les colonnes de marbre et les bâtiments imposants qui semblaient toucher le ciel. Malgré cela, elle garda une apparence digne et fière. Elle se fraya un chemin à travers la foule, ses yeux verts brillant d'émerveillement, scrutant l'horizon à la recherche de repères dans cette ville inconnue. C'est alors qu'elle bouscula un homme qui marchait rapidement.

- Excusez-moi, je suis désolée, s'excusa-t-elle. L'homme la scruta de haut en bas avant de répondre avec dédain :

- Faites attention à où vous mettez les pieds, vous pourriez vous attirer des ennuis.

Lyreai arqua un sourcil, agacée par l'attitude condescendante de l'homme. Elle s'apprêtait à riposter lorsque, derrière elle, une voix inconnue se fit entendre :

- Bonjour, belle dame. Vous semblez perdue dans notre magnifique ville. 

Lyreai se retourna pour trouver un homme grand et imposant, les cheveux noir attaché en arrière, une cicatrice sur les lèvres, une autres sur la joue gauches,  revêtu d'une armure étincelante qui reflétait les rayons du soleil.

 Lyreai se retourna pour révéler la silhouette imposante de l'homme qui se dressait devant elle. Ses cheveux longs et noirs étaient soigneusement attachés en arrière. Une barbe naissante encadrait sa mâchoire anguleuse, tandis que ses yeux étaient aussi sombres que ses cheveux. Sa peau avait un teint foncé, conséquence de nombreuses heures passé sous le soleil impitoyable de Rome.

Mais ce qui attira le plus l'attention de Lyreai furent les cicatrices qui ornaient son visage. Une ligne fine et blanchâtre traversait ses lèvres. Une autre cicatrice, plus longue, marquait sa joue gauche. L'homme était vêtu d'une armure qui semblait avoir été polie avec soin, ses reflets renvoyant la lumière du soleil de manière éblouissante. Son visage rappelait quelqu'un à Lyreai, mais elle ne pourrait dire qui.

 À peine avait-elle posé le pied à Rome qu'elle attirait déjà l'attention de ces hommes.

- Je suis Marcus", se présenta-t-il en s'inclinant poliment devant elle. "Et vous êtes... ?

- Lyreai, répondit-elle avec prudence.

- Un nom magnifique pour une femme magnifique, répliqua-t-il, un sourire en coin. Puis-je vous offrir une visite guidée de Rome ? Je suis sûr que vous allez adorer ce que je vais vous montrer.

Lyreai sourit poliment à Marcus, mais déclina son offre. Elle avait d'autres priorités à Rome et ne voulait pas perdre de temps à flâner dans les rues de la ville. Marcus parut un peu déçu, mais se contenta de lui souhaiter une bonne journée avant de partir. L'homme arrogant, lui, avait disparu aussi rapidement qu'il était apparu.

Lyreai se distinguait clairement des Romains par son apparence. Vêtue d'une simple tunica, une jupe rustique tissée à partir de fibres végétales, une tenue rudimentaire. Elle l'avait orné d'une ceinture rouge qu'elle avait trouvé sur le chemin, à laquelle elle avait accrochée mille et une babiole, dont une fiole d'eau, quelques feuilles d'herbes pour les soins, et une bourse d'argent remise par Séléné, qu'elle devait utiliser avec parcimonie.

Elle portait également un corsage assorti à sa tunica, drapé élégamment autour de ses épaules bronzées par le voyage. Mais elle ne put s'empêcher de remarquer qu'elle était moins vêtue que la plupart des personnes qui l'entouraient, mettant en évidence une légère cicatrice autour de son nombril, cadeau de sa chienne qui avait disparu récemment. Même en levant les bras, le bas de ses seins était visible.

Cela la mettait légèrement mal à l'aise, mais elle décida de mettre de côté cette préoccupation et continua à marcher dans les rues, cherchant son lieu de rendez-vous. Elle scrutait chaque coin de rue à la recherche d'indices, mais malgré tous ses efforts, elle ne trouva rien qui ressemblait à la description qu'on lui avait donnée. Frustrée, elle décida de faire une pause et s'assit sur un banc pour réfléchir à sa situation.

C'est alors qu'elle entendit une voix derrière elle. 

- Eh bien, eh bien, si ce n'est pas la belle Lyreai !

C'était l'homme qu'elle avait jugée d'arrogant, celui qu'elle avait bousculé plus tôt. Il ne lui laissa pas le temps de répondre, s'installant à côté d'elle. La ville parait immense, mais elle ne voit que les mêmes personnes, à croire qu'elle est suivie !

- Comment se fait-il que je vous trouve seule ici ? demanda-t-il d'un ton presque moqueur. Je croyais que vous étiez en train de visiter la ville avec mon ami Marcus. Je suis Claudio, au fait.

Lyreai se raidit légèrement, mais tenta de rester calme :

-  Je ne suis pas intéressée par une visite guidée de la ville", répliqua-t-elle. "Je suis ici pour affaires.

- Des affaires ? dit Claudio en souriant.  Vous êtes une femme mystérieuse, Lyreai. J'aime ça.

Lyreai, méfiante à l'égard de cet homme qui se permettait d'être aussi familier avec elle, s'éloigna légèrement sur le banc et leva les yeux au ciel dans une prière silencieuse. Elle se demandait comment il avait appris son nom, mais supposa que c'était l'œuvre de ce Marcus.

Mais malgré ses réserves, elle comprit qu'elle pourrait avoir besoin de son aide. Claudio, bien qu'arrogant, semblait connaître la ville. Elle décida donc de jouer le jeu.

 Eh bien, si vous voulez m'aider, vous pouvez commencer par me dire où se trouve cet endroit qu'on appelle le Sénat.

Claudio éclata de rire : 

- Vous êtes directe, j'apprécie. Mais je crains de ne pas pouvoir vous aider. Je suis ici pour mes propres affaires.

Lyreai soupira : Très bien, je me débrouillerai seule alors.

Claudio se leva et lui fit un signe de la main: 

- Bonne chance, Lyreai. Je suis sûr que nous nous reverrons bientôt.

Lyreai le regarda s'éloigner, soulagée d'être seule à nouveau. Elle était intriguée par cet homme à l'allure de soldat, avec sa toge blanche et ses cheveux blonds légèrement bouclés. Il avait la carrure d'un guerrier, un corps sculpté dans la pierre. Elle se demandait ce qu'il cachait derrière son attitude hautaine et surtout son regard azuré qui semblait légèrement plaintif, mais ce n'est peut être qu'une impression après tout.

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