Quand l'enfant Trahit
Vers le ciel, elle a tendu la main, Eros, dans sa tendresse, a délicatement saisi son bras.
***
Au bord du précipice, Lyreai, ébranlée et désorientée, avait délibérément entrepris le périple vers Rome, ignorant encore quel destin l'attendait dans cette cité millénaire. Elle s'était lancée dans une marche éreintante, sans répit ni halte, se réservant à peine le temps de se nourrir et de se reposer. Abandonnant tout derrière elle, elle embrassait l'idée de renaître à partir de rien.
Cette fois, elle avait choisi la route solitaire, une voie sauvage, peuplée de voleurs et de guetteurs. Il n'y avait personne pour la protéger, contrairement à sa première traversée. Cependant, la chance lui avait souri cette fois, aucun obstacle ne croisant sa route sachant qu'elle est dépourvu d'arme pour se défendre.
Après quelques jours, Lyreai avait commencé à se rétablir. Au bord d'une rivière, elle avait observé la résurgence de la couleur originelle de ses yeux, un vert plus clair mais néanmoins éclatant. Ses prunelles reflétaient aussi bien la lumière diurne que l'obscurité nocturne, et une vague de soulagement et de gratitude l'avait submergée. Ses cheveux avaient été écourtés, peut-être pendant ses moments de confusion.
Lyreai savait qu'elle devait assurer sa subsistance à Rome. Les rumeurs portées par les voyageurs évoquaient les nombreuses opportunités offertes par cette ville, mais elle ignorait par où commencer. Son intention était de trouver un emploi, même si elle ne savait pas dans quel domaine s'orienter. Elle ne possédait aucune compétence particulière, si ce n'est sa force physique et son aptitude au combat.
Néanmoins, la jeune fille qui commençait à rêver des opportunité de Rome, , rebroussa chemin à une journée de sa destination. Il lui restait une dernière tâche à accomplir. Elle avait quitté sa tribu à la hâte, après avoir complètement perdu ses esprits, effrayant tout le monde, y compris elle-même. Cependant Il lui restait une ultime obligation.
La fatigue qui l'accablait s'évaporait, et elle parcourut le chemin du retour plus rapidement, ne s'arrêtant que rarement. Le lendemain, à la tombée de la nuit, elle atteignit les frontières de sa tribu. Le silence régnait partout. Elle ne voulait ni se faire remarquer ni être vue. À pas légers, elle se dirigea vers sa couchette, sa tente. Elle récupéra sa dague et quelques babioles personnelles, sortant définitivement de ce lieu qui avait abrité ses sommeils depuis sa naissance.
Avec détermination, elle se dirigea vers la tente de Séléné, en étouffant le bruit de ses pas. Personne ne croisait son chemin, aucune de ses sœurs ne pressentait le danger approcher, et Lyreai s'en désolait.
En un instant, Lyreai se retrouva devant la tente de Séléné, écartant le rideau d'un geste décidé. Une main tenait fermement la dague, aucune hésitation ne l'effleurait.
Séléné dormait, insouciante. Lyreai, l'espace d'un instant, envisagea de lui trancher la gorge dans son sommeil, mais elle se ravisa. Séléné devait la voir, et Lyreai devait gravir sa réaction dans sa mémoire.
Elle ne pouvait partir sans sa vengeance, sans châtier cette femme qui l'avait condamnée, livrée à son fils comme une femme galante. Lyreai avait failli revenir de Rome enceinte, probablement du fils de Marcus ou de Claudio, voire des deux. À dix-sept ans, elle aurait été condamnée à élever un enfant. Si c'était un garçon, elle n'osait imaginer le sort qui l'attenderait ....
Séléné avait manœuvré dans son dos, son fils avait abusé d'elle. Lyreai est une guerrière, elle ne pardonnerait pas. Séléné ne lui dirait pas la vérité, même avec la dague sous la gorge. Elle était l'une des plus grandes guerrières de la tribu. Aujourd'hui, certes, elle avait vieilli, mais elle ne vieillait pas avec sa fierté.
Lyreai ignorait ce que Séléné avait négocié avec les romains à son égard, mais elle s'en fichait. Elle voulait savoir comment Séléné avait rétabli la vue. Elle pensa à Amarante, puis secoua la tête en se disant que c'était impossible.
D'un geste rapide et maîtrisé, elle saisit le col de la robe de Séléné, la soulevant légèrement de son oreiller. Séléné ouvrit brusquement les yeux, surprise. Sous le voile de l'obscurité, elle chercha le visage de son agresseuse.
Les traits de Lyreai se dévoilaient sous le regard de Séléné, la surprise laissant place à un calme presque prévisible. Un sourire, à peine esquissé et insaisissable pour Lyreai, naissait sur le visage de Séléné. Elle semblait s'y attendre.
Lyreai rompit avec la vulnérabilité qu'elle avait revêtue, une intensité haineuse dansant dans ses yeux, accompagnée d'un dégoût inaltérable envers cette femme. Aucune parole, aucune justification n'était nécessaire à cet instant. Les regrets, les reproches, peut-être plus tard. Actuellement, tout ce que Lyreai désirait, c'était lui ôter la vie sans cérémonie.
- Tu n'es pas aussi fragile que tu voulais le paraître. Je n'ai jamais douté de cela. Tu aurais dû être ma héritière, diriger notre tribu, mais tu as choisi la trahison.
Lyreai maintenait sa main fermement autour du col de Séléné, la tenant de derrière, tandis que l'autre main maintenait la dague juste sous sa gorge. Séléné, contrainte dans cette position, tournait son visage vers Lyreai.
- Je ne regrette pas mes choix. Si c'était à refaire, je n'hésiterais pas. Tu aurais dû donner naissance à l'héritière du clan, le sang de mon sang. Tu as gâché l'opportunité d'engendrer une fille de mon fils. Peut-être te manque-t-il un peu d'intelligence après tout.
Lyreai resserrait davantage sa prise sur le col de Séléné. Elle connaissait les risques de son geste. Si elle était capturée, ses propres sœurs la condamneraient à une mort atroce. Elle était sur le point de s'attaquer à leur leader sacrée.
- Je ne regrette rien. Si c'était à refaire, je ferais de même. Tu aurais dû être la mère de mon héritière.
Lyreai ressentait la tentation de crever à nouveau les yeux de Séléné, l'idée de lui ôter ce sens qu'elle avait récupéré, mais c'était trop risqué. Une telle action déclencherait l'alarme, la condamnant à une traque sans merci. Lyreai devait opter pour une fin rapide, étouffer les cris de Séléné, puis disparaître dans l'ombre, à tout jamais.
Lyreai, dans l'obscurité, gardait ses dents serrées, ne laissant transparaître ni hésitation ni remords. Elle ne répliqua pas aux reproches de Séléné, se contentant de la fixer violemment, la dague prête à accomplir son rôle.
Séléné, dans cette position inconfortable, finit par briser le silence instauré par son interlocutrice
-Si tu crois que cela te libérera de tes tourments, alors vas-y. Mais sache que même dans la mort, tu ne trouveras pas la paix que tu cherches.
Les paroles de Séléné, ne touchent pas lyreai . Elle savait que cette femme, même dans l'agonie, tentait de la manipuler.
Puis, Lyreai passa à l'acte. D'un geste précis, elle enfonça la dague dans sa peau, étouffant tout cri qui aurait pu s'échapper des lèvres de Séléné. Les yeux de cette dernière s'emplirent momentanément de douleur, puis s'éteignirent progressivement.
Lyreai relâcha son emprise sur le col de Séléné, la laissant doucement glisser vers le sol. Une goutte de sang macula le sol, les vêtements de Lyreai et la dague.
Sans perdre de temps, Lyreai s'éclipsa dans la nuit. Elle connaissait les conséquences de ses actions, et la tribu ne tarderait pas à découvrir la disparition de Séléné. Lyreai devait s'éloigner au plus vite et le plus loin possible.
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