Quand l'appel lui parvient I


Lyreai se tenait au seuil d'un monde en suspens, tiraillée entre l'incertitude et la peur. Depuis son expérience, elle se réveillait désormais dans des lieux inconnus, par terre, les souvenirs éparpillés tels des fragments brisés d'un miroir. ses souvenirs s'effritant comme des pétales fanés emportés par le vent.

Une métamorphose l'accablait plus que tout. Son corps était le théâtre de changements inexplicables, des altérations qui insufflaient un sentiment de malaise profond. L'un de ses yeux, jadis d'un vert limpide, s'obscurcissait peu à peu, comme happé par une ombre insidieuse. Les reflets féeriques qui dansaient autrefois dans son regard semblaient se dissiper, laissant place à une aura troublante, telle une fenêtre ouverte sur des ténèbres indicibles.

Lyreai cherchait désespérément des réponses, une explication rationnelle à ce qui lui arrivait, mais le voile qui recouvrait sa réalité devenait de plus en plus opaque.

***

Lyreai s'éveilla une fois de plus dans un endroit inconnu, étendue sur le sol dur et froid. Les contours flous de sa mémoire laissaient un vide béant, incapable de lui fournir le moindre indice sur la manière dont elle avait atterri là. C'était comme si elle avait été transportée dans un autre monde sans même en avoir conscience.

Mais ce qui la troublait encore davantage, c'était le chant sombre et mélancolique qui résonnait dans sa tête. Les notes déchirantes, empreintes de tristesse et de désespoir, s'accrochaient à son esprit, l'envahissant jusqu'à l'obsession. Elle ne pouvait pas s'empêcher de fredonner les paroles, même si leur signification lui échappait.

Lyreai se redressa lentement, scrutant l'environnement qui l'entourait. Une cave sombre et humide s'étendait devant elle, ses murs fissurés laissant filtrer un faible rayon de lumière. Malgré cette lueur pâle, l'atmosphère demeurait lugubre et oppressante.

Prudemment, elle entreprit de se frayer un chemin à travers ce dédale souterrain, se laissant guider par son instinct et une curiosité mêlée d'angoisse. Alors qu'elle avançait, des images effrayantes et cauchemardesques s'imposaient à son esprit, comme si elle était témoin d'une réalité déformée. Des créatures étranges et menaçantes, des paysages dévastés et des scènes de violence défilaient devant ses yeux, brouillant les frontières entre le réel et l'imaginaire.

Soudain, des voix familières, chargées d'une détresse insoutenable, s'élevèrent de plus loin dans la cave. Un mélange d'appréhension et de fascination morbide poussa Lyreai à se diriger vers cette source sonore, ignorant les avertissements silencieux de son instinct.

Lorsqu'elle atteignit enfin l'origine des voix, ce qu'elle vit la glaça jusqu'au plus profond de son être. Des visages familiers, Séléné, Saria, étaient pris au piège, torturés et mutilés par des créatures aussi hideuses que sans pitié. La douleur, la peur et le désespoir émanaient de chacune de leurs expressions, pénétrant le cœur de Lyreai avec une intensité insupportable.

Un cri de terreur et de rage s'échappa de ses lèvres, propulsant son corps en avant. Animée d'une force nouvelle, elle se lança sur les créatures, frappant avec une férocité qu'elle ignorait posséder. Les ennemis tombèrent sous ses coups, mais d'autres se retournèrent contre elle, leur nombre et leur cruauté surpassant ses propres capacités.

Sa vision se brouilla alors que la fatigue et l'épuisement la submergeaient. Les forces lui manquaient, ses mouvements devenaient lents et désordonnés. Les attaques des créatures la frappaient de plein fouet, laissant des marques sanglantes sur sa peau meurtrie.

Dans un dernier élan de détermination, Lyreai parvint à repousser quelques assaillants, mais sa vision se troubla davantage, la douleur l'enveloppant comme un voile obscur. Sa conscience vacilla et elle perdit connaissance.

Quand elle rouvrit finalement les yeux, elle était allongée sur le sol de sa tente. La chaleur rassurante des couvertures l'enveloppait, lui rappelant qu'elle était en sécurité. Cependant, la douleur et l'angoisse de sa vision persistaient, comme des échos d'un monde parallèle qui continuait de la hanter.

Lyreai savait qu'elle ne pouvait plus ignorer les mystères qui l'entouraient.

Lyreai était submergée par les larmes, sa douleur et sa confusion se mêlant en un torrent d'émotions dévastatrices. Elle pleurait sur ce qu'elle avait été, sur la vie qu'elle avait perdue et sur sa santé déclinante. Chaque larme qui coulait était une déchirure supplémentaire dans le tissu fragile de son esprit.

La peur de succomber à la folie l'envahissait.

Elle avait tout perdu, sa tranquillité d'esprit, sa confiance en elle, sa certitude sur ce qui était réel. Elle redoutait de devenir une étrangère à elle-même.

Lyreai s'accrochait à chaque parcelle de lucidité qui lui restait, cherchant désespérément un fil conducteur dans le chaos qui l'entourait.

Dans son chagrin et sa détresse, une étincelle de résilience persistait néanmoins. Une volonté farouche de ne pas se laisser engloutir par les ténèbres.

***

Lyreai s'était éveillée à l'aurore, animée par le désir de se lancer dans une chasse. Elle avait arpenté avec détermination les vastes plaines boisées, contournant avec adresse les buissons et les rochers, jusqu'à ce qu'elle parvienne à abattre une gazelle. Elle retourna ensuite triomphalement au sein de sa tribu, arborant fièrement sa proie sur son dos. Les autres membres de la communauté l'accueillirent chaleureusement, affichant des sourires d'admiration et des applaudissements sincères.

Après avoir salué l'ensemble de l'assemblée, Lyreai se dirigea gracieusement vers sa tente, auprès de qui elle s'adonna à des ablutions et à un soin minutieux de sa chevelure. Cette dernière, d'un noir ébène, était longue et soyeuse, et la jeune femme aimait à la tresser selon différentes façons, conférant à sa chevelure une élégance unique. Une fois chouchoutée, elle sortit avec prestance, se dirigeant vers le lieu de rassemblement destiné au repas commun.

Là-bas, elle retrouva son amie Saria, qui l'accueillit avec un sourire rayonnant. Les deux femmes s'adonnèrent à de doux taquineries, narraient les aventures respectives de leur journée, échangeant avec allégresse quelques blagues.

Tandis qu'elles conversaient, Saria observa attentivement le teint pâle de Lyreai et la longueur impressionnante de ses cheveux noirs :

- Lyreai, ta peau semble plus diaphane qu'auparavant, et tes cheveux ont connu une croissance prodigieuse en si peu de temps. C'est véritablement surprenant !

Lyreai prit une brève pause, cherchant une explication plausible : Peut-être est-ce l'effet bienfaisant de l'air frais de la forêt qui confère cette nuance à ma peau, et quant à mes cheveux, ils ont toujours eu la propension à croître rapidement, répondit-elle finalement, tentant de justifier ces changements inhabituels.

Saria afficha un air incrédule. : Je crains fort que l'air frais puisse provoquer de tels bouleversements, tant sur ta peau que sur ta chevelure, en un laps de temps si réduit.

Lyreai ne put retenir un rire, consciente que Saria avait raison. Toutefois, elle se devait de dissimuler cette vérité et de préserver les apparences.

- Eh bien, il semblerait que Dame Nature ait choisi de me gratifier, mais tu as raison, je vais bientôt les couper, je ne saurais les maintenir dans cet état bien longtemps," répondit Lyreai, exprimant une confusion habilement dissimulée dans ses explications.

Saria n'affichait toujours pas une totale conviction.

Alors que Lyreai conversait avec Saria, elle se sentait entraînée vers un monde différent, loin de sa tribu et de l'endroit où elle se tenait quelques secondes auparavant.

Elle se retrouvait immergée dans un désert démesuré, baigné par une chaleur étouffante. Les dunes de sable s'étendaient à perte de vue, semblant se mouvoir gracieusement sous l'effet du vent brûlant.

Sans hésitation, Lyreai se mit en marche, avançant résolument à travers le sable ardent, sachant d'avance qui elle allait rencontré, l'inconnu aux yeux sombre. Au loin, une silhouette commença à se dessiner, émergeant lentement comme si elle s'approchait à sa rencontre. Cette vision intrigua Lyreai qui se mit à courir avec ardeur, cherchant à rejoindre cette figure.

À mesure qu'elle avançait, la silhouette prenait forme, se révélant être un temple imposant dressée au cœur du désert. Lyreai se sentait irrésistiblement attirée par cette majestueuse structure, comme si quelque chose de puissant l'appelait depuis son intérieur.

Une fraîcheur émanait de l'obscurité qui se dégageait de l'intérieur, invitant Lyreai à poursuivre son exploration.

Elle avançait sans se soucier de sa destination, laissant son instinct guider chacun de ses pas. Elle ressentait dans chaque fibre de son être l'appel de l'inconnu, l'enfant d'Émèse.

Soudain, elle réalisa ce qu'elle venait de penser. Elle avait évoqué l'enfant d'Émèse, bien qu'elle fût persuadée de ne pas connaître cet inconnu ni même d'avoir la moindre connaissance sur ce qu'était Émèse. Pourtant, elle venait de le nommer ainsi à l'instant, ignorant comment cette information lui était parvenue.

Lyreai arriva aux abords d'une grande salle. Elle s'approcha doucement et là, elle le vit : l'inconnu, cet enfant d'Émèse qui perturbait ses nuits et son sommeil. Il était assis par terre, les jambes croisées, la tête entre ses mains, apparemment endormi. Lyreai se faufila doucement dans la salle. L'inconnu ouvrit les yeux, sursauta, se dressa sur ses pieds. Lyreai se figea à sa réaction, n'avançant plus.

Puis, c'est l'inconnu qui fit le pas, tentant de s'approcher d'elle. Il semblait confus, mais heureux de la voir, comme si un miracle s'était produit. Hélas, le monde autour de Lyreai tournoya, vacilla, et s'évanouit à nouveau.

Lyreai se trouve de nouveau face à Saria, dont le regard était empreint d'une étrangeté déconcertante.

Saria, plus terrifiée que simplement inquiète, prit la parole d'une voix tremblante :

- Que t'est-il arrivé ? Tes yeux... Je ne sais pas comment l'expliquer, mais soudain tes pupilles ont perdu leur éclat, comme si ton esprit s'était détaché de ton corps."

Lyreai, effrayée par la situation et l'expression inquiète de Saria, chercha instinctivement à dissimuler et à mentir sur ce qui venait de se passer. Elle ne savait pas combien de temps elle avait quitté la réalité pour se retrouver plongée dans ce rêve étrange. Devait-elle lui avouer de quoi il s'agit ? Elle-même était confuse quant à la signification de tout cela.

Elle répondit malgré tout d'une voix tremblante pour apaiser les craintes de son amie :

- Oh, j'ai été prise d'un étourdissement. C'était éprouvant, mmm.. c'est lié à mes menstruations. J'ai ressenti de vives douleurs et tout... Ne t'inquiète pas, cela s'est apaisé."

Saria, incrédule, ne pouvant croire ses oreilles, répliqua : "Mais tes yeux... Ce n'est pas l'apparence d'un simple étourdissement. On aurait dit que tu étais possédée ou je ne sais quoi. Et puis, tu n'as pas vécu ces mêmes tourments lors des dernières lunaisons."

Lyreai, se sentant acculée et ne sachant plus comment s'en sortir, continua de maintenir sa version afin de tenter de dissiper cette situation embarrassante : "Eh bien, voilà, ces affres se sont renouvelées... C'est ce qui m'a déstabilisée et affaiblie. Ne t'inquiète pas, cela va mieux à présent. Quant à mes yeux, c'est sûrement dû à la lumière solaire, et tu n'as pas remarqué que mes pupilles n'ont pas changé."

Par la suite, Lyreai prit congé, ne disposant d'aucun autre argument en sa faveur, laissant Saria plus perplexe que jamais, se questionnant sur la véritable nature de cet événement troublant.

****

Au-delà du désert brûlant, Le Nil coule éternellement.

Ses eaux apportent la vie, Et son souffle porte l'esprit.

De Memphis à Thèbes, Les dieux règnent en maîtres.

Anubis et Isis veillent sur les âmes, Et Rê guide le soleil sur son chemin.

Dans ce pays de mystères et de légendes, Où les pharaons sont immortels,

Je sens que j'ai déjà foulé ces terres, Dans une autre vie, peut-être.

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