~Épilogue #2~

~Floch~

Debout dans un coin de sa chambre, je fixe Eren qui fait ses valises, les yeux remplis d'eau. Mes larmes me paraissent trop lourdes pour les retenir alors que l'homme que j'aime part étudier dans un cégep de Chicoutimi, soit à plus de trois heures de route. Ce n'est que pendant trois ans, mais pour moi, c'est déjà trop. Il sera tellement loin... À quoi ressemblera ma vie sans lui? J'ai souvent tenté de me l'imaginer, cependant, tout ce que j'arrive à voir est un rideau blanc et brumeux.

-Floch, soupire Eren en se retournant en ma direction. Je vais revenir souvent te voir. Je te le promets. Je ne pars pas vivre dans un autre pays.

-Il y avait d'autres endroits où tu aurais pu étudier pour devenir ambulancier.

-Il n'y a pas d'endroit plus proche. J'ai cherché... Chut, cesse de pleurer. 

Avec inquiétude, mon meilleur ami enroule ses bras autour de mon corps de manière réconfortante. Je ne peux plus me retenir, fondant comme une fontaine contre son corps chaud. Pourquoi doit-il m'abandonner? Moi, aucun métier ne m'attire pour l'instant, donc je prends une année sabbatique pendant laquelle je vais travailler dans une petite boutique de mangas. J'ai toujours rêvé de servir des clients dans un tel endroit, souhaitant recommander aux oreilles attentives mes œuvres japonaises favorites.

Eren caresse doucement mes cheveux de sa main apaisante.

-On se voit bientôt, souffle-t-il. On va aussi s'appeler souvent et faire du FaceTime, d'accord? Ce sera comme si j'étais encore à la maison.

-D-D'accord...

Mon meilleur ami pose un baiser protecteur sur mon front avant de retourner s'attaquer à sa valise. Bien que j'en ignore la raison, toute cette histoire me laisse un mauvais pressentiment.

***

Assis sur une chaise en bois inconfortable, je fixe ma coupe de vin mousseux tandis que les rigodons agressent mes oreilles. J'ai toujours aimé les musiques du Nouvel An, mais cette année, tout m'agace. Il n'y a pour moi aucune raison de célébrer. Ma vie n'est qu'un lamentable échec, un trou sans fin dans lesquels je ne cesse de m'enfoncer, priant pour qu'un bon samaritain m'envoie une corde à laquelle je pourrais m'accrocher.

Dans la foule, Eren joue à la chaise musicale avec d'autres fêtards, riant comme un fou en compagnie d'une fréquentation qu'il a ramenée pour l'occasion. Le brun dit que ce n'est rien de sérieux, qu'un amusement, mais les regards de merlan fris que cette fille lui lance m'insupportent. J'ai l'habitude de voir à son bras diverses conquêtes, cependant, après des mois sans sa présence, j'avais espoir que nous pourrions être seuls. J'avais tort. Ses promesses idiotes de garder les contacts n'étaient que des conneries, des mensonges bons à duper les idiots naïfs dans mon genre. J'y ai tellement cru... Si au début, mon ami respectait sa parole en m'appelant chaque soir, ses coups de fil se sont distancés jusqu'à ce qu'il n'en reste aucun.

Eren se fait éliminer, puis avec un sourire sur les lèvres, il se laisse tomber sur la chaise voisine à la mienne. Le garçon agrippe la canette d'alcool que je devais lui surveiller. En presque trois ans, son physique est resté le même, bien que ses muscles soient désormais saillants.

-Tu es certain que tu ne veux pas participer à la prochaine partie? s'enquiert Eren. Ce jeu n'en a pas l'air, mais c'est une vraie guerre.

-Non merci, je passe mon tour.

J'apporte ma coupe à mes lèvres afin de chasser la douleur qui se dessine sur mon visage. Cette année, j'aurais eu besoin de lui plus que n'importe quand alors que tout s'effondrait tel un château de cartes. Plus de travail. Plus d'amis. Les garçons du camp avec lesquels j'ai essayé de garder le contact ont cessé de me répondre, lassés qu'une personne comme moi requiert leur précieux temps. De toute façon, qui m'aimait réellement? J'ai cru que Bertholdt et Marco pourraient devenir mes confidents, mais mes intentions se sont avérées être à sens unique.

Sieg et Mikasa, deux membres de ma famille, ont essayé de m'aider après que la boutique de mangas où je travaillais a fermé ses portes. Ils ont vu que cette perte m'affectait beaucoup, tout comme l'absence de Eren, donc ils m'ont convaincu de m'inscrire sur une application de rencontre nommée « Tinder ». Je devais oublier l'homme que j'aime et comprendre que jamais ce ne serait réciproque. Avec toute ma volonté, j'ai essayé de trouver un jeune homme à mon gout. Malheureusement, tout le monde parait fade en comparaison à mon meilleur ami.

-J'ai su pour la boutique où tu travaillais, déclare Eren. Je suis vraiment désolé, je l'ignorais avant que Sieg me le dise. Je sais que tu adorais cet endroit. Tu t'es retrouvé un travail?

-Pas encore. Rien ne m'intéresse pour l'instant... et je ne me vois pas aller à l'école, finalement. Pour étudier quoi? Ça ne sert à rien quand on n'aime rien.

-Floch... Tu sais, j'ai presque terminé mes stages et...

-EREN!

Le brun est coupé par la voix désagréable de la fille qui l'accompagne. Comme cette dernière vient juste d'être disqualifiée au jeu de la chaise musicale, elle se jette dans ses bras pour lui voler un câlin, plaquant la tête de Eren entre ses seins proéminents. Manque-t-elle de gêne? Les dents serrées, je prends une gorgée de vin pour me calmer.

-Tu ne vois pas que je discute avec Floch? grogne mon ami. On ne s'est pas vus depuis longtemps, donc j'aimerais que tu nous laisses seuls un moment.

Il la repousse gentiment, ce qui parait déranger l'étrangère qui me lance un regard dédaigneux.

-J'ai aussi besoin d'attention, affirme la fille. Tu m'as amené ici, donc assumes ton choix. Je ne connais personne sauf toi.

-Je t'ai amené juste parce que tu ne faisais rien de mieux! On n'est pas ensemble. Rentre-toi ça dans le crâne.

Voyant que la discussion dégénère, je pose ma coupe vide sur un meuble, puis je me lève afin de quitter la cuisine. Il y a trop de gens dans cette maison, surtout des personnes ivres. Je les contourne la tête baissée jusqu'à la porte-patio par laquelle je sors, me retrouvant sur un petit balcon. Le froid hivernal frappe mon visage de ses griffes glaciales, mais je ne bronche pas, appréciant la sensation des flocons de neige qui viennent s'écraser sur mes joues. Le calme nocturne est plus agréable que le chahut de l'intérieur.

-Fais attention, tu pourrais attraper un rhume si tu restes dans ce froid.

Accompagnant ses mots, quelqu'un dépose un manteau sur mes épaules d'un geste délicat. Je me retourne curieusement vers Eren qui me sourit. Portant lui-même qu'un simple pull rouge, il est mal placé pour me conseiller. Je ressers tout de même le vêtement sur moi, touché par cette marque affective. Même après tant de temps, il prend soin de moi. 

-Tu n'es plus avec ta petite amie? soufflé-je. Elle va souffrir du manque d'attention si tu n'es pas avec elle. J'ai l'impression qu'elle aime se montrer.

-Ce n'est PAS ma petite amie. C'est juste une fille avec qui je m'entends habituellement bien, mais ce soir, elle pète les plombs! Je suis désolé de l'avoir amené. Je croyais que ce serait juste sympa pour elle de ne pas être seul pour le Nouvel An.

-Peu importe.

Je pose mes bras sur le parapet enneigé en admirant le village illuminé de toute part. Le temps des fêtes a l'avantage d'être accompagné par de magnifiques décorations qui mettent de la magie même dans les lieux les plus ternes. J'adore cette période. Je sens le regard de Eren sur moi.

-Tu te souviens quand on était petits? demande-t-il. Papa se déguisait en Père-Noël pour nous donner nos cadeaux. Mes parents n'ont jamais fait de favoritisme, même si Sieg et moi étions leurs enfants biologiques.

-Je me souviens qu'il me faisait peur, mais tu me tenais toujours la main pour me réconforter. Un jour, tu lui as même arraché sa fausse barbe pour me prouver que je n'avais rien à craindre. C'était mignon.

-Ouais... Je t'ai toujours protégé, mais cette année, j'ai échoué. Je... Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu être là pour toi alors que ça n'allait pas. Entre les stages et mes derniers cours, je manquais de temps. Je te comprends d'être en colère, mais je ne veux pas te perdre.

Me prenant par surprise, le garçon enroule ses bras autour de mon corps pour me serrer contre lui. D'abord confus, je finis par répondre à l'étreinte, heureux de sentir cette chaleur qui m'avait tant manqué. Ai-je été égoïste de ne pas comprendre? Mon cœur se serre douloureusement.

-Tu ne me perdras jamais, soufflé-je. Je tiens beaucoup trop à toi. Je... Je suis aussi désolé de ne pas avoir compris.

-Floch, l'an prochain, je veux aller dans le nord pour mes débuts comme ambulancier. On m'offre un travail très intéressant. Je passerais un mois là-bas où l'on peut m'appeler 24heurs sur 24, après, j'ai un mois de congé. J'ai déjà commencé à regarder les appartements. Ce n'est pas le meilleur endroit, mais ça paie bien et c'est une bonne expérience.

-T-Tu compte encore partir? Tu ne reviendras jamais?

J'éloigne mon visage de son cou pour le regarder avec panique, terrifié à l'idée de le perdre pour toujours. Le nord, c'est encore plus loin. Même s'il a six mois de congés par années, ce n'est pas rien. Eren semble voir la panique dans mes yeux, car il passe l'une de ses mains glacées sur ma joue.

-Je veux que tu m'y accompagnes, avoue-t-il. Tu n'as plus de travail, donc tu pourras très bien t'en trouver un là-bas. On pourra y vivre ensemble, comme ça, je pourrai toujours prendre soin de toi. On sera ensemble.

Mes yeux s'ouvrent grands et ma mâchoire tombe. Mon rythme cardiaque accélère follement alors que je tente d'assimiler la demande de Eren. Nous allons vivre ensemble.

***

Le nord du Canada est un lieu où la température est difficile. Bien que le court été soit agréable, l'interminable hiver est pénible. Il fait atrocement froid et plus d'une fois, Eren et moi avons dû nous enfermer dans notre appartement à cause d'horribles tempêtes de neige, enroulés dans des couvertures épaisses devant le poêle.

Pourtant, même si la vie ne ressemble en rien à ce que j'ai connu, je n'ai jamais été aussi heureux.

J'ai trouvé un petit travail dans un restaurant que j'adore et comme il y a peu de gens dans notre village, je connais presque tous les clients qui vivent temporairement dans le nord pour gagner de l'argent. Ils sont gentils, me faisant sentir à ma place parmi eux.

Eren n'est pas souvent appelé à travailler, donc nous pouvons passer beaucoup de temps ensemble dans notre appartement chaleureux. La bâtisse n'est pas la plus récente ou la plus belle, mais nous en avons fait notre chez-nous, développant nos propres habitudes. Ici, c'est nous deux seuls contre le monde, loin de la réalité que nous avons toujours connue. Nous nous sommes rapprochés.

Ce soir, je fais la vaisselle en attendant le retour de mon meilleur ami qui a été appelé pour aller sur le lieu d'un accident. Lorsque je l'entends arriver après plusieurs heures, je cours l'accueillir, mais je me fige en voyant son visage démoli. Le brun fixe le sol avec tristesse et dès qu'il a terminé de retirer ses chaussures, il fonce se blottir dans mes bras. Ma main va instinctivement caresser ses cheveux, soudainement inquiet.

-Quelque chose ne va pas? m'enquis-je.

-Hum... la victime était un petit gars... Je n'ai rien pu faire.

Comprenant la situation, je guide mon meilleur ami jusqu'à notre lit que nous partageons. Au début, nous avons commencé à dormir ensemble à cause du froid, mais c'est finalement devenu une habitude. Je n'arrive plus à trouver le sommeil sans sa chaude présence. Eren s'allonge sur le matelas, m'attirant contre lui. Front contre front, je continue de jouer dans ses cheveux pour l'apaiser.

-J'ai souvent assisté à des morts, mais c'est la première fois que je vois un enfant mourir, avoue Eren. Je croyais être fort, mais je lui ai dit qu'il s'en sortirait. Il est mort sur le chemin de l'hôpital. Je n'ai rien pu faire.

-Oh... Tu sais, Eren, je suis convaincu que tu as fait tout ce que tu pouvais. Ne te sens pas responsable. Tu l'as aidé.

Eren ne dit rien, faisant simplement glisser son visage dans mon cou. Il reste ainsi un moment dans le silence avant d'affirmer à voix basse :

-Ça fait un moment que je pense à un truc... J'aimerais qu'on fasse comme mes parents faisaient, qu'on adopte des enfants en difficultés. Je crois que toi et moi, on serait une bonne famille d'accueil. On quitterait le nord pour se trouver une vraie maison. Tu en dis quoi?

Je cligne plusieurs fois des yeux, perplexe. Que sommes-nous aux yeux de Eren pour qu'il ose m'offrir de fonder une famille avec lui? Depuis que nous sommes dans le nord, il n'a pas fréquenté de fille et nous agissons à la manière d'un couple très complice, partageant même notre lit.

-Eren, soufflé-je. Je sais que ce n'est surement pas le moment et même si c'est une idée qui me plait, je voudrais une réponse avant d'accepter. Hum... Je suis quoi pour toi?

Seul le silence me répond. Croyant d'abord l'avoir embarrassé avec ma question déplacée, je m'apprête à rompre le malaise lorsque je le sens trembler contre mon cou. Quelque chose de mouillé y coule et avec inquiétude, j'agrippe le visage de Eren pour le regarder dans les yeux. Des larmes glissent sur ses joues. C'est la première fois que je le vois ainsi. Est-ce la mort de ce petit garçon qui l'affecte à ce point?

-Tu dois me prendre pour quelqu'un de fou, Floch, pleurniche-t-il. Je te comprends d'être confus, car je le suis aussi. Tu ne peux même pas imaginer à quel point je me pose fréquemment cette question. J'aimerais tant y avoir trouvé une réponse.

-Eren...

-Je... Je n'ai jamais été attiré par les mecs. Je ne sais même pas si ça peut m'exciter, mais toi... toi, je... je veux te protéger plus que quiconque. Quand j'étais loin, je pensais toujours à toi. Je me demandais ce que tu faisais, comment tu allais, si tu voyais quelqu'un. Depuis qu'on vit ensemble, les craintes que j'ai toujours eues se sont confirmées. Je crois que je t'aime. Ouais, moi, le mec qui a toujours jugé les homos, j'aime un mec! Ironique, non?

Il se force à sourire, mais ce geste ne fait que détruire son visage déjà décomposé par les larmes. Eren m'aime... Cet aveu est si soudain, inadapté à la situation et pourtant, ces mots me comblent de bonheur. Depuis quand est-ce que j'espère entendre ces paroles sortir de sa bouche? Mon cœur se tord agréablement alors que mes propres yeux se remplissent d'eau, ému. C'est un rêve. Je croyais cet instant impossible et pourtant, Eren vient de m'admettre être amoureux de moi.

-Je ne sais pas ce que je serai capable de faire pour l'instant et ce qui me sera impossible, continue Eren. Je... Je veux continuer la vie que j'ai avec toi. Je trouve qu'on est bien ensemble et je...

Incapable de le laisser achever sa phrase, je plaque mes lèvres contre les siennes, tremblant. Eren ouvre grands les yeux, étonné par ce geste brusque. Depuis quand est-ce que je me retiens de sauter sur sa bouche séduisante? Le baiser a un goût salé à cause de nos larmes, mais dès que mon ami y répond, il devient le meilleur que j'ai jamais connu.

L'homme que j'aime m'aime en retour.

J'aurais pus écrire une fanfiction complète sur ce couple, mais je dois m'arrêter. Désolé du retard! Ce chapitre est beaucoup plus long que les autres... mon amour pour le EreFloch est évident! XD

J'ai commencé à écrire une fanfiction Eruri nommé « le monde immortel » si des gens sont intéressés ^^. C'est une histoire fantastique!

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