~3~ Violent souvenir

~NUIT #1: Bertholdt~

Porco me tient fermement la main, me forçant à copier son rythme rapide. Malgré mes longues jambes, je peine à le suivre sur le trottoir, manquant parfois presque trébucher contre les trous. Il ne me regarde pas, ne me parle pas. Mon cœur est lourd alors que je me demande ce que j'ai encore fait de mal. Je ne comprends pas, mais je sais qu'il est fâché. Son regard sombre ne trompe pas.

-Amour, soufflai-je, tu ne veux toujours pas me dire ce que j'ai fait? Je n'aime pas quand tu es fâché.

Il tourne enfin ses yeux en ma direction, pinçant ses lèvres avec agacement. Lorsqu'il agit ainsi, c'est qu'il se demande s'il doit parler. Mes yeux piquent à cause des larmes qui menacent de sortir. Mon cœur est serré, douloureux. Je déteste qu'il soit en colère contre moi, qu'il m'ignore. C'est le pire des sentiments qui puisse exister.

Brusquement, Porco me force à tourner sur un terrain privé entre deux petites maisons similaires, loin des regards indiscrets. Le garçon me lâche la main avant de se retourner vers moi, le visage crispé sous la colère. Dans cet état, il me fait peur.

-Tu me demandes vraiment ce que tu as fait? crache-t-il, je t'ai vu lui parler. Tu riais!

-Hein? Mais de qui tu parles?

- COLT! En sport, vous rigoliez ensemble comme si je n'existais pas! Tu t'es bien foutue de ma gueule, pas vraie? Moi, le pauvre con qui doit uniquement regarder mon amoureux s'éclater avec un autre mec! Tu devrais baiser avec lui, tant qu'à y être!

Les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les retenir. Je déteste lorsqu'il cri... Afin de le calmer, je pose délicatement mes mains tremblantes sur ses bras musclés.

-Amour, tu sais que Colt n'est qu'un ami. Il est hétéro. Tu es le seul que j'aime et tu le sais. Jamais je ne voudrais quelqu'un d'autre.

Porco semble enfin se calmer. J'espère qu'il comprend qu'il n'a pas à s'inquiéter pour quelque chose d'aussi stupide. J'ai tant voulu être en couple avec lui que maintenant que nous sommes ensemble, je n'ai aucune raison d'aller voir ailleurs. Même en essayant d'y penser, cette perspective m'horripile. Ce garçon est tout ce que je désire. Sans lui, mon bonheur n'existe pas.

Avant que je puisse réagir, une forte douleur s'étend sur ma joue et ma tête est propulsée vers la droite. Il m'a giflé... J'apporte avec stupeur ma main où j'ai mal, mais je n'ai pas le temps de faire davantage que son poing s'enfonce douloureusement dans mon ventre, me faisant perdre le souffle. Sous le choc, mes jambes lâchent et je m'écroule sur le sol dans un gémissement. J'ai tellement mal.

Un petit cri étouffé franchit mes lèvres lorsque le pied de Porco fauche mon bras de toutes ses forces, créant un élancement désagréable dans mon corps entier. Mes larmes brulent en tombant abondamment sur l'herbe qui se trouve sous ma tête. Je tremble, craignant le prochain coup. Pour un instant, je souhaiterais quitter mon enveloppe charnelle afin de ne plus rien ressentir.

-Je suis désolé, pleurnichai-je, je ne recommencerai plus. Je te le promets...

Au fond, c'est de ma faute s'il doit évacuer sa jalousie. Je suis l'unique responsable de cette violence et c'est pourquoi je dois m'excuser.

Mon petit ami cesse de bouger. Il parait hésiter, puis avec cette douceur qui lui est propre il s'agenouille devant moi afin de m'aider à faire de même. Porco essuie délicatement mes larmes avec ses doigts, un sourire affectueux sur ses magnifiques lèvres. La colère qui l'habitait s'est volatilisée, laissant place à de la tendresse. Pourquoi ai-je si mal au bras?

-Tu vois, c'est tout ce que je voulais, affirme-t-il, tu me promets que tu ne verras plus ce garçon?

-Oui, je te le promets.

-Merci. Tu sais que je t'aime, Bertholdt? Je ne veux simplement pas te partager.

Porco avance son visage pour m'embrasser avec amour. Sa main se glisse sur ma joue et même si la douleur continue de remplir mon corps, je réponds au baiser. Le garçon que j'aime m'a pardonné, c'est tout ce qui compte. Dans toute relation, il faut savoir faire des sacrifices pour ne pas rendre sa moitié jalouse. J'aurais dû éviter de rire avec Colt. Je ne vais plus lui adresser la parole.

-Il est mort vous croyez?

Je fronce les sourcils en entendant cette voix étrangère. Inquiet à l'idée que quelqu'un ait assisté à la punition que m'a affligé mon petit ami, je romps le baiser. D'autres personnes parlent, mais je ne parviens pas à les voir :

-Vu sa chute, je suis certain qu'il s'est brisé le cou. Plus de temps à perdre, il faut cacher le corps. Qui me suit?

-La ferme, Eren. C'est peut-être grave.

-Bon, si on ne peut plus rigoler à la fin.

-Il faut peut-être aller chercher Erwin? Il saura quoi faire, lui. S'il s'est brisé quelque chose, on ne doit pas le bouger.

Le visage de Porco se brouille, s'effaçant lentement alors que le décor se métamorphose, s'assombrissant. Le gazon sous mes genoux endoloris devient plus solide et les maisons se volatilisent, laissant bientôt place à une totale pénombre. Seul mon terrible mal de bras perdure. J'ouvre mes yeux.

Je sursaute en tombant nez à nez avec Reiner qui me fixe de beaucoup trop près. Perdu, je m'empresse de reculer, grimaçant lorsque j'utilise ma main blessée pour bouger. Si ce souvenir m'est apparu comme un rêve, pourquoi fait-il toujours aussi mal?

-Il est réveillé, remarque Reiner, il a l'air de pouvoir bouger.

Je réalise avec surprise que les autres garçons du chalet sont hors de leur lit afin de m'observer avec inquiétude dans leur pyjama ou en simple caleçon. Sommes-nous la nuit? Je me trouve actuellement sur une surface froide, donc plus dans ma couchette. Pourquoi suis-je sur le sol? Ma tête bourdonne sous l'incompréhension.

-Je continue à dire qu'il ne faut pas le bouger, répète Jean, ça pourrait être dangereux. J'ai vu ça dans une émission.

-Ce n'était qu'une petite chute, réplique Eren, Lili tombe de plus haut en sautant du trottoir.

Ce dernier lui lance un regard glacial, prêt à lui faire payer cette insulte. Floch s'empresse de se placer entre les garçons afin de protéger son meilleur ami une nouvelle fois, les bras tendus de chaque côté de son corps en guise de bouclier. Si une bagarre débutait, j'ai l'impression qu'Eren laisserait le roux faire tout le travail sans chercher à l'aider. J'aimerais qu'on m'explique... Réalisant que je suis perdu, Reiner répond à ma question muette, toujours accroupi devant moi :

-Tu es tombé du lit dans ton sommeil. Est-ce que tu as mal quelque part?

-Oh... Mon poignet.

J'aurais dû échanger de place avec Marco lorsqu'il était encore temps. En une semaine, le nombre de fois où je me réveille sur le sol est impressionnant. Il faut croire que même une petite barrière au bord du matelas ne m'empêche pas de me jeter en bas. C'est honteux d'ainsi réveiller tout le monde dès la première nuit au camp. 

Je recule précipitamment mon poignet lorsque quelque chose de froid l'entoure. Qui a permis à ce blond de poser ses mains sur moi? Je ne lui ai échangé que quelques phrases durant la journée. Reiner me regarde avec embarras.

-Calme-toi, je veux simplement m'assurer que tu ne t'es rien brisé, explique-t-il.

Se prend-il pour un spécialiste en poignet cassé? Après hésitation, je le laisse observer ma blessure de plus près. Rien n'est plus insupportable qu'être touché sans avoir donné ma permission, surtout lorsqu'il s'agit d'étrangers. Reiner observe attentivement l'endroit douloureux, essayant de faire bouger ma main. Une grimace se dessine sur mes lèvres alors que je me retiens de l'insulter. Ça fait très mal!

-On devrait aller à l'infirmerie, propose-t-il, ça ne semble pas cassé, mais un petit bandage peut aider.

-Depuis quand es-tu médecin? se moque Jean.

-Depuis que je me suis tapé tous les Dr. House en deux semaines. Donc tu me suis à l'infirmerie?

Ai-je vraiment le choix? Sans répondre, je me lève du sol afin de suivre le garçon dont les muscles saillants sont moulés dans son t-shirt blanc. Reiner a un beau corps et il semble aimer le montrer, ce qui reflète sa vanité silencieuse. Il a beau sourire, se montrer gentil, mon avis à son sujet est déjà constitué. Je n'aime pas les m'as-tu-vue dépendant du gym qui collectionnent les conquêtes comme des trophées de chasse. Outre, c'est ce qu'il semble être.

Silencieusement, nous quittons le chalet sous les regards curieux. Il ne pleut plus, mais l'atmosphère reste humide. La météo a prédit un été chaud et j'espère qu'ils auront raison. 

-Au fait, je m'appelle Reiner Braun, affirme le garçon pour faire la discussion, je ne sais pas si tu le savais, donc je préfère me présenter.

-Je sais. Tu l'as dit, hier.

-Mais tu aurais pu l'oublier!

-J'ai bonne mémoire, merci.

Le blond n'essaie plus de parler jusqu'à ce qu'on entre dans une petite bâtisse sur laquelle est inscrit : « infirmerie ». Je l'ai vu en arrivant hier, mais je n'aurais jamais cru la visiter si tôt. Nous pénétrons dans la pénombre de la minuscule et unique pièce. L'endroit ne contient qu'un lit d'apparence inconfortable, des chaises et quelques armoires dont la peinture couleur crème est écaillée. Ce lieu est désolant.

-Assieds-toi, je sors ce qu'il faut, déclare joyeusement Reiner, je suis souvent venu ici. L'an passé, Eren a « accidentellement » reçu le pied de Livai en plein visage et j'ai dû venir désinfecter la plaie. Je crois avoir bien fait mon boulot. Tu aurais dû voir la colère de Floch qui voulait le venger. Il est trop intense, mais on s'y fait.

J'évite de commenter son histoire, préférant me contenter de m'assoir sur le lit. Tout comme son apparence l'indiquait, il est dur comme de la pierre et probablement malpropre. En continuant de raconter des anecdotes dénuées d'intérêt, Reiner cherche dans les armoires en désordre. Pourquoi m'aide-t-il alors que nous sommes des inconnus? Il devrait me laisser seul. Mon poignet ne fait déjà presque plus mal.

-Tu viens d'où? s'enquiert Reiner.

-Mahr. C'est une ville à deux heures d'ici, donc tu ne dois pas la connaitre.

-Sans blague? Bien sûr que je la connais! J'habite à quelques minutes seulement de là-bas! Je croyais que Jean et moi étions les seuls à venir d'aussi loin. Ouais, nous venons de la même école. C'est mon meilleur pote depuis le primaire. Chouette, non?

Un large sourire sur les lèvres, Reiner se place face à moi, un rouleau de bandages blanc dans les mains. Il me demande de lui tendre le bras, ce que je fais d'un geste perplexe. Ce garçon parait faire n'importe quoi... J'ai souvent été blessé et il faut être idiot pour penser soigner une possible foulure avec un simple pansement. Son incompétence dissimulée par une fausse expertise m'agace terriblement.

-Est-ce que tu sais ce que tu fais? grognai-je.

-Bien sûr! Comme je t'ai dit, j'ai regardé tous les Dr. House. Tu ne me fais pas confiance?

-Je ne te connais pas...

-Pourtant, je t'ai dit que je m'appelle Reiner Braun, donc nous nous connaissons. Tu vas voir, ici nous sommes comme une grande famille. Tu vas vite t'y habituer et apprendre à nous apprécier. Pourquoi es-tu venu dans ce camp si tu as peur d'un inconnu?

Tout en parlant, il enroule mon bras avec le bandage d'une manière absolument inutile. Croit-il réellement que ce gaspillage sert à quelque chose? Il doit être plus idiot que je le craignais.

-C'est personnel, répondis-je froidement, et toi? Pourquoi tu es là?

-À ce que je vois, tu n'es pas très ouvert à discuter. Ça tombe bien, j'adore les garçons mystérieux. Ça me donne encore plus envie de te connaitre. Tu me tiens ça pendant que j'attache?

Je fronce les sourcils en posant mon doigt à l'endroit que le blond m'indique. Le ton charmeur qu'il a utilisé est déplaisant, confirmant l'hypothèse que j'ai à son sujet. J'ai hâte de retourner dormir, car mon mauvais rêve m'a vidé de mon énergie, tout comme ma chute et ce réveil brutal. Sans mon café matinal, je n'ai pas la motivation de discuter avec un étranger trop bavard.

Ce Reiner est bizarre.

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