~26~ Retour à la réalité

~Bertholdt~

Mon cœur est incapable de se calmer à la suite de la magnifique nuit que Reiner et moi avons passée. Contrairement à ce que j'aurais craint, le blond a su être délicat, faisant preuve d'un grand romantisme à travers ses gestes tendres. Ses baisers sur mon cou me faisaient frissonner, tout comme ses grandes mains qui découvraient mon corps avec une exquise douceur. Bien que contrairement à moi il n'ait pas encore prononcé les grands mots, chacun de ses mouvements reflétait ses sentiments, ce qui me suffit pour l'instant.

Je termine de faire ma valise que je referme avec un sourire morose, puis j'aide Reiner à faire rentrer dans la sienne ses affaires qu'il a omis de plier. Croit-il atteindre un résultat en plaçant tout n'importe comment? Voyant que nous ne réussirons jamais de cette façon, je vide ses vêtements sur son lit afin de recommencer à ma façon, permettant cette fois à la fermeture éclair de se lever. Mon blond est bordélique, mais c'est ainsi que je l'aime.

Une fois nos valises terminées, nous faisons le tour des cabanons pour nous assurer que nous n'avons rien oublié avant de sortir rejoindre les autres. C'est le temps des au revoir, l'instant que je redoute depuis des jours. Mon cœur se serre douloureusement lorsque j'aperçois les campeurs accompagnés de leur valise, se donnant pour certains des câlins en versant des larmes. Personne ne peut être insensible face à notre départ imminent. Dans quelques minutes, les parents commenceront à venir nous arracher de notre Paradis.

-Les gars, vous me promettez qu'en sortant d'ici on va continuer à se voir? espère Marco dont les yeux sont pleins d'eau. Je sais qu'on habite loin, mais Bert, je te considère comme un très bon ami, même mon meilleur. Je sais qu'on ne se connaît pas depuis longtemps, mais c'est sincère.

J'ouvre grands les yeux, étonné par cet aveu. C'est la première fois que quelqu'un me dit que je suis son meilleur ami... Excepté Annie qui a fini par m'abandonner, je n'ai jamais eu de camarade sincère. Les mots de Marco me touchent droit au cœur. Lorsque le garçon m'attire dans ses bras, je réponds timidement à l'étreinte.

-Promis, affirmé-je. On va se voir souvent!

-Merci... Tu n'as pas le droit de rompre cette promesse.

Nous nous lâchons à contrecœur lorsque Conny vient nous saluer en compagnie de sa petite amie qui se retient de ne pas fondre en larmes. Sasha parait sur le point d'exploser, les yeux rouges et les lèvres tremblantes. Sans ces gloutons pour partager mes repas, la nourriture semblera plus fade.

Dans son coin, Livai regarde les autres avec ennui, les bras croisés tandis que ses amis plus sociaux sont occupés à faire leurs adieux. Reiner et Jean ne tardent pas à le prendre pour cible, fonçant sur le petit ténébreux qu'ils serrent dans leurs bras. Ce dernier essaie de se débattre vainement, prisonnier de ce contact qu'il déteste.

-Lâchez-moi, imbéciles! grogne le plus petit.

-Tu vas nous manquer notre petit Livai!

-Je vous ai dit de me lâcher! Éloignez vos sales pattes de moi! Je ne sais pas ce que vous avez touché avec ces machins.

-Même ton caractère de cochon va nous manquer, ajoute Jean avec humour.

Cette scène m'amuse, me faisant un court instant oublier ma douleur morale. Les assaillants lâchent finalement Livai, puis j'aperçois sur ses lèvres ce que je n'aurais jamais cru voir : un sourire. Au fond, ce garçon n'est pas aussi imperturbable qu'il le laisse croire. Comment Erwin a-t-il fait pour briser le mur de glace qui l'entoure? Ce dernier s'approche du groupe pour discuter avec eux, glissant une main affective sur le dos de son amoureux. Désormais le camp terminé, ils n'ont plus à craindre de s'afficher.

-Bertholdt?

En reconnaissant mon prénom, je détourne mon regard du couple pour me retourner vers Eren et Floch. Si le grand brun reste impassible, le roux essuie les larmes abondantes qui dévalent sur ses joues, reniflant sans cesse. Le plus détestable me tend une main que je serre poliment.

-Je suis content que tu aies été nouveau cette année, avoue Eren. J'ai adoré admirer les positions artistiques dans lesquels tu dors. D'ailleurs, ta prédiction d'hier s'est avérée fausse. Il n'a pas mouillé. Tu devrais penser à retravailler ton talent de météorologue.

- Euh... merci?

Eren parait hésiter un instant, mais il reprend d'une voix plus douce :

-Je suis désolé pour les commentaires déplacés que j'ai faits tout au long de ton séjour. Je n'ai jamais voulu blesser qui que ce soit. Floch m'a fait réaliser à quel point ça a pu te faire mal, donc j'espère que tu acceptes de me pardonner.

-Oh... ne t'en fais pas, ce n'est rien. Je te pardonne.

Pris de court par les excuses du garçon, j'ignore comment réagir autrement. Jamais je n'aurais cru qu'il ferait cet effort. Floch se jette dans mes bras pour me faire un câlin d'adieu, mouillant mon épaule de ses larmes. Même ce duo va me manquer.

Les parents commencent à arriver et je ne tarde pas à voir la voiture de ma mère approcher. La tête basse, je rejoins mon petit ami qui agrippe mes joues entre ses larges mains chaudes.

-Je t'écris dès que j'arrive chez moi, d'accord? propose-t-il.

Je hoche positivement la tête avant de coller une dernière fois mes lèvres contre les siennes. En rompant le baiser, Reiner me laisse m'éloigner. Chaque pas en direction du véhicule à ma mère me donne l'impression de marcher sur de fines lames acérées, me guidant vers la brutale réalité. Ma mère me manque, mais je ne suis pas prêt à partir.

Alors que je pose la main sur la poignée du coffre arrière, j'entends Reiner hurler :

-Bertholdt!

Inquiet, je me retourne vers mon petit ami qui court en ma direction. Sans me laisser réagir, il m'entoure de ses bras imposants.

-Je dois te dire quelque chose avant que tu disparaisses, souffle-t-il. Pardonne-moi de ne pas avoir eu le courage de te répondre hier, mais je suis désormais prêt... Je t'aime, Berthodlt Hoover.

Mon ventre se tord agréablement lorsque j'entends ces grands mots. Il l'a dit. Mon cœur s'accélère et un sourire béat s'étire sur mes lèvres. Reiner retire de son bras un petit bracelet brun tressé qu'il porte toujours, puis il l'attache à mon propre poignet.

-Garde ça pour moi, d'accord? Je veux que tout le monde sache que je suis l'homme le plus chanceux du monde en ayant su charmer quelqu'un d'aussi fantastique. J'aurais préféré te laisser un sweat-shirt, mais il est au fond de ma valise... Je vais te le donner la prochaine fois qu'on se voit!

-Je t'aime aussi et je vais garder précieusement ce bracelet. Ce que je vais dire est peut-être quétaine, mais j'ai déjà hâte de te revoir.

Depuis quand ne me suis-je pas senti si bien, sincèrement aimé? Ce que m'offrait Porco lorsque nous étions ensemble, ce n'était pas la même chose. C'était une relation malsaine, animée par la peur. Je comprends aujourd'hui l'erreur que j'ai commise en croyant que c'était cela, l'amour. Personne ne devrait jamais se sentir prisonnier de son couple, s'effacer pour la jalousie de son partenaire. 

Reiner sourit avant d'agripper mes joues et recommencer à m'embrasser langoureusement, témoignant par ce geste sa passion. Mes mains serrent son chandail que je refuse de lâcher, craignant de voir celui que j'aime disparaitre. Cette sensation indescriptible me rappelle celle de notre tout premier baiser.

Le bruit agressant d'un klaxon de voiture nous force à mettre un terme à notre échange. C'est ma mère.

-On se revoit bientôt, affirme Reiner avant de me laisser partir.

-Oui.

Je mets ma valise dans le coffre arrière de la voiture, puis j'embarque du côté passager auprès de ma mère qui dévisage mon petit ami. C'est embarrassant, mais Reiner reste tout de même devant le véhicule, prêt à me regarder m'éloigner.

-Je ne vais pas te demander si tu t'es amusé cet été, déclare ma mère. Après près le baiser auquel je viens d'assister, j'ai facilement la réponse... C'est ton petit ami?

-Oui. Il s'appelle Reiner.

-Je vois. J'espère que ce Reiner est un bon garçon qui prend soin de toi.

-Ne t'inquiète pas pour ça.

***

Deux semaines se sont écoulées depuis mon retour et je commence à peine à m'y habituer. La chambre qui était autrefois mon refuge parait silencieuse, impersonnelle. La solitude que je ressens en m'endormant seul le soir est douloureuse, me rappelant à quel point la vie en communauté m'a plu. Même les ronflements irréguliers de Marco m'aideraient à trouver le sommeil.

Reiner me manque. Occupé à préparer son départ pour l'université qui se trouve à une demi-heure de chez moi, il n'a pas encore pu me rendre visite. Cependant, nous nous téléphonons tous les soirs afin de discuter. Le son apaisant de sa voix rend son absence plus supportable, même si je meurs d'envie de me sauter dans la voiture et aller le voir sans attendre. Ma mère m'a offert de l'inviter à souper ce dimanche et il a accepté. Depuis, je compte les jours avec impatience. 

Depuis mon retour, je n'ai pas senti la nécessité de contacter mon psychologue. Lorsque je ne me sens pas bien, je préfère tout raconter à Reiner qui m'écoute et me conseille sans se plaindre. Ce garçon a changé ma vie. Grâce à sa présence, je sens que je n'aurai plus jamais besoin de l'aide d'un professionnel. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, je souhaite lui rendre visite afin de lui montrer mon évolution psychologique. Cet homme a été une figure paternelle dans ma vie décevante, un soutien précieux. Bien que je ne sois qu'un simple client, je tiens à ce qu'il puisse comprendre la raison de l'arrêt de ma thérapie.

-Tu ne vas pas aller le voir les mains vides, s'exclame ma mère en me voyant enfiler mes souliers. Amène-lui au moins la tarte au sucre que j'ai préparée!

-Maman... On n'amène pas une tarte à n'importe qui! C'est juste bizarre. Les gens font seulement ça dans les films.

-C'est poli! Prends cette tarte et donne-lui de ma part. Sinon je ne te laisse pas partir avec la voiture. C'est la mienne, je te rappelle. Je choisis qui la conduit.

Je pince les lèvres avec agacement en agrippant la tarte que me tend ma mère. Gêné à l'idée d'offrir ce dessert, je le pose sur le siège du côté passager en entamant le trajet vers la maison de mon psychologue. Ce dernier reçoit ses clients dans le sous-sol afin de les mettre à l'aise, donc je connais le trajet comme ma poche.

Après une trentaine de minutes à travers divers villages, je tourne dans la luxueuse ruelle où vivent les gens aisés. Entouré par d'imposantes maisons modernes, j'ai toujours trouvé cet endroit impressionnant, bien qu'inaccessible pour la classe moyenne. C'est en voyant les larges murs en briques grises de la maison de mon psychologue que je comprends à quel point régler des problèmes rapporte beaucoup d'argent. Les cas comme le mien sont une mine d'or.

Une fois stationné près de la voiture sport qui dort dans la cour, je grimpe sur le balcon en béton pour appuyer sur la sonnette, ma tarte à la main. C'est la première fois que je ne passe pas par la porte du bureau, donc une légère angoisse s'installe. Si ça se trouve, il trouvera ma visite déplacée.

L'homme blond qui me sert de psychologue ouvre la porte, étonné de me voir. Contrairement à nos rendez-vous, il ne porte pas un habit chic. Son t-shirt large et ses cheveux dépeignés le rendent moins intimidant.

-Bertholdt? s'étonne-t-il. Qu'est-ce que tu fais là? Pourquoi tu as une tarte dans les mains?

Je baisse les yeux vers le dessert qui me donne l'air stupide, honteux de ne pas l'avoir oublié volontairement dans la voiture.

-Je... Je viens vous dire que je ne vais plus avoir besoin de rendez-vous, expliquai-je timidement. Merci sincèrement pour tout ce que vous avez fait pour moi, mais j'ai rencontré quelqu'un dans le camp où vous m'avez envoyé. Il est mon petit ami et il m'aide beaucoup. Grâce à lui, je me sens mieux. Il me rend heureux.

-Ah oui? sourit-il. Je suis très heureux pour toi, dans ce cas. Donc tu aimes beaucoup ce garçon? Il est sincère avec toi?

-Je crois qu'il l'est et oui, je suis amoureux. Avec lui, j'ai le sentiment que tout est possible. Je sens que c'est le bon...  Au fait, la tarte est un cadeau de ma mère.

Je lui tends la tarte qu'il prend en riant. Il connait le caractère de ma génitrice. Mon psychologue s'apprête à ajouter quelque chose, mais nous sommes interrompus par la voix d'un garçon :

-Papa, as-tu vu s'il reste du beurre de peanuts? J'aimerais me faire... euh... Bertholdt? Qu'est-ce que tu fais là?

Je me fige en fixant mon petit ami qui s'approche de nous, les sourcils froncés. Portant un simple jogging, il tient un couteau à beurre dans une main et une tranche de pain dans l'autre. Pourquoi est-il ici? Reiner s'avance pour m'embrasser, mais je n'arrive pas à répondre, perturbé. Mon cerveau bouillonne d'incompréhension.

-Papa, c'est mon petit ami que je t'ai parlé, s'exclame Reiner. Bert, voici mon père. Tu peux l'appeler Clark, il déteste se faire vouvoyer. Je ne savais pas que tu allais venir aujourd'hui! Avoir sus, j'aurais rangé ma chambre... Tu vas avoir mal aux yeux. Ne hurle pas en voyant le désordre.

-M-Monsieur Braun est ton père?

-J'ai dit de l'appeler Clark! Ouais, pourquoi? Tu es tout pâle... ça ne va pas?

Mon regard se promène entre mon petit ami et le docteur Braun, incapable de me rendre à l'évidence. Pourtant, en y repensant, ils ont les mêmes cheveux et le même nom de famille. Reiner m'a déjà avoué que son père exerce ce métier, donc comment ai-je pu ne pas faire le lien? Cet homme connait tellement de choses à mon sujet! Va-t-il aimer que quelqu'un comme moi fréquente son fils? Il connait tous les détails de mon ancienne vie amoureuse, même certaines choses au sujet de mes relations sexuelles. J'ai envie de vomir.

-Je crois qu'on a plusieurs choses à se dire autour de bon café, propose Clark. Oh, et juste avant que tu te poses la question Bertholdt, je suis heureux que tu sois l'amoureux à mon fils. Je pense que tu es le meilleur garçon qu'il aurait pu trouver.

Mettant fin à mes doutes par sa sincérité, je souris faiblement. Ça me touche que cet homme m'offre sa bénédiction tout en connaissant le pire à mon sujet. Reiner parait confus, ne comprenant pas pourquoi je connais son père. Comment réagira-t-il face à cette impressionnante coïncidence?

Quelles étaient les chances pour que mon petit ami que j'ai rencontré dans un camp soit en fait le fils de mon psychologue, un homme envers qui je témoigne un profond respect? Était-ce le destin? Peut-être que Reiner est une personne envoyée dans ma vie afin de m'aider à passer à travers de rudes épreuves?

Je suis impatient de voir ce que l'avenir nous réserve encore comme surprise.

Les épilogues arriveront un à la fois!

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