~25~ Je suis prêt
~JOUR #35: Reiner~
Je meurs d'envie de bombarder Livai de questions, curieux de connaitre son explication pour le baiser que nous l'avons vu échanger avec Erwin. Les deux garçons ont toujours eu un lien particulier, mais jamais je n'aurais cru que notre chef de brigade puisse être intéressé par un garçon. Pour une rare fois, mon instinct habituellement infaillible m'a induite en erreur.
Incapable de résister à la tentation, je ralentis afin de me retrouver près de Jean et chuchoter mon idée d'attaque sur le nain solitaire. Comme lui faire sortir les vers du nez risque d'être une mission ardue, le meilleur moyen est de l'intimider avec nos statures imposantes. Mon meilleur ami n'est pas aussi bien battit que moi, mais je compense amplement son manque de tonus par ma simple présence. Personne n'a le courage de fuir devant ma capacité à faire danser mes pectoraux.
Jean accepte mon plan d'un signe de tête, puis nous accélérons pour rattraper Livai que nous prenons en sandwich. Ce dernier nous dévisage à tour de rôle avant de soupirer, agacé par nos sourires remplis de sous-entendus.
-Qu'est-ce que vous me voulez avec vos sourires d'imbéciles? crache le petit ténébreux.
-Mon cher petit Livai, nous avons d'importantes questions à te poser, explique Jean d'une voix mielleuse.
-Nous aimerions que tu nous répondes sincèrement, sans nous mentir, petit coquin.
Livai pince les lèvres lorsqu'il entend les mots: « petit coquin ». Il parvient cependant à se calmer, reprenant son habituelle expression stoïque qui semble nous donner le droit de parole. Son manque de résistance me plait. Je souris à Jean avant de me lancer :
-Est-ce que tu sors avec Erwin?
-Ouais.
Alors que je m'apprêtais à insister, je me tais, étonné par cette réponse honnête. Pourquoi avouer la vérité aussi aisément s'il sort chaque soir en cachette retrouver son bien-aimé? Si Livai avait nié, j'aurais pu lui faire part de notre découverte et procéder à une lente extraction des informations.
-Vous avez perdu votre langue? grogne le ténébreux.
-Non... je suis simplement surpris que tu approuves rapidement, expliqué-je. Si ça ne te gêne pas, pourquoi vous le cachez?
-Dois-je te rappeler que c'est notre supérieur? Nous pourrions être tous les deux dans la merde, même si je suis majeur. Si je te dis la vérité, c'est uniquement parce que demain, ce détail n'aura plus la moindre importance. Je vais partir vivre avec lui dans son appartement et notre couple sera enfin normal. Du moins, aussi normal qu'un couple homosexuel peut être vu. Et rendu là, le regard des autres, je m'en branle.
Je reste muet, me contentant de regarder Jean qui parait aussi surpris. Sous ses airs de garçon froid et impénétrable, Livai est unique et très intelligent. Puisque le sujet est clos, je retourne auprès de Bertholdt qui attend des explications. Il est tellement beau! J'agrippe sa main avec la mienne qui ne tient pas la tente et je la presse avec affection. À quoi va ressembler notre relation une fois que nous ne serons plus dans le camp? Serons-nous suffisamment forts pour survivre aux changements? J'ignore les réponses à ces questions, mais il est clair que j'ai des sentiments pour lui. Demain est un mystère en lequel j'ai confiance.
Nous débouchons sur un terrain plat en bordure d'un précipice. Je laisse tomber mes affaires dans un coin, puis je m'avance près du trou pour en admirer la vue. De cette hauteur, je peux apercevoir la forêt interminable et les hautes montagnes au loin. C'est dans ces moments que je réalise à quel point le monde est vaste. Les humains ne sont que des grains de poussière sur cette planète dont la nature est le véritable maitre.
-Ne vous approchez pas trop du précipice, ordonne Erwin. Je ne voudrais pas que l'un de vous tombe. Cette nuit, je vais faire une démarcation avec des bâtons lumineux pour que ne vous approchez pas. Soyez prudents.
J'obéis en allant rejoindre mon petit ami qui lit le mode d'emploi de la tente avec une expression confuse. Habituellement, Jean l'installe à lui seul, donc je n'ai jamais appris à le faire. Ça ne doit pas être sorcier. Sans prendre la peine de jeter un œil au plan, je jette tout le contenu du sac sur le sol, puis je laisse mon instinct me guider.
-Reiner, ce n'est pas comme ça, soupire Bertholdt. Sur le plan, il faut s'y prendre autrement.
-Les plans c'est pour les faibles. Comme ça aussi ça peut fonctionner.
-Reiner... ce piquet ne va pas dans ce trou. Tu vas briser la toile si tu continues.
-Chut, je gère.
Mon petit ami pince les lèvres, agacé que je ne l'écoute pas. Le plan entre les mains, il continue d'essayer de me dire comment faire, mais je l'ignore. Je ne suis pas un débutant! Plus d'une fois, je me trompe dans ma construction, ce qui m'oblige à recommencer. N'est-ce pas en commettant des erreurs qu'on apprend? Toutes les autres équipes ont terminé, sauf nous.
-Si tu m'avais écouté, on aurait déjà terminé, grogne Bertholdt.
-Pas la peine de te plaindre! On s'amuse, non?
En guise de réponse, mon petit ami me lance un regard glacial, puis il prend ma place pour monter la tente. Tout en m'empêchant de l'aider, il suit le plan et réussit à achever la construction. Même lorsqu'il est de mauvaise humeur, Bertholdt est mignon. Cette attitude me rappelle celui qu'il était à son arrivée au camp, avant que notre relation débute.
Quelques bisous suffisent à calmer mon séduisant amoureux. Nous passons la soirée autour du feu qu'a préparé Erwin, même si l'ambiance est plus morose que d'habitude. Tout le monde redoute le moment des adieux. Plusieurs verseront des larmes, peut-être même moi. Ces gens-là sont mes amis depuis des années. J'ai grandi avec eux. Chaque été était mon échappatoire grâce à ces personnes uniques qui mettaient de la lumière dans ma vie. L'an prochain, je veux m'inscrire pour être chef de brigade.
Vers minuit, je pars à ma tente avec Bertholdt puisque plusieurs vont se coucher. Mon cœur fait mal lorsque je pense que c'était notre dernière soirée en groupe. D'un geste habituel, je retire mes vêtements pour me glisser sous les sacs de couchage en caleçon. Mon petit ami et moi les avons accrochés ensemble pour avoir plus d'espace. Bertholdt me copie en se faufilant dans mes bras et je le serre avec force, profitant de cette douce étreinte.
-Reiner? souffle-t-il. Je voudrais m'excuser.
-Pourquoi tu t'excuses?
-Pour avoir été méchant avec toi au début... j'aurais dû être plus doux en sachant que tu essayais simplement d'être gentil. Je suis désolé pour ça.
-Tu n'as pas à l'être! J'aime avoir du défi. J'ai aimé devoir gagner ton cœur.
Le garçon relève ses yeux en ma direction, un faible sourire sur ses lèvres à peine visibles dans l'obscurité de la tente. C'est notre dernière nuit ensemble avant le retour à la réalité... Je m'inquiète beaucoup pour Bertholdt. Ce dernier s'est beaucoup confié à moi et je sais qu'il n'a aucun ami sur qui compter à l'extérieur du camp. Son père ne s'est jamais occupé de lui, sa mère est surprotectrice et il suit un psychologue depuis qu'il a laissé son ex. Étrangement, être le client d'un spécialiste est ce qui parait le plus l'embarrasser.
Mon propre père exerce ce métier et même si le secret professionnel l'empêche de me raconter des choses, il m'a déjà confié que la plupart de ses clients n'ont rien de fou. Ce sont seulement des gens qui sont perdus et qui cherchent de l'aide pour retrouver leur chemin. J'espère pouvoir moi-même servir à Bertholdt de guide vers le bonheur.
J'avance pour l'embrasser chastement avant de simplement garder nos fronts collés.
-Je suis prêt, souffle Bertholdt.
-Prêt à quoi? m'étonné-je.
-Je veux m'offrir à toi ce soir, pendant que nous sommes encore dans notre petit monde à nous. Je m'inquiète pour notre relation quand nous serons sorties de ce camp, mais en ce moment, je suis certain d'une chose. Reiner, je suis amoureux de toi. Je... je t'aime.
Je reste figé face à ces mots qui me sont dédiés. Il m'aime. C'est quelque chose de tellement difficile à avouer pour la première fois, mais lui, il me le dit avec confiance et sincérité. J'ai souvent été en couple, cependant, jamais je n'ai dit ça. Je n'ai même jamais pensé prononcer ces syllabes que je ne ressentais pas. Pourtant, avec Bertholdt c'est différent. Nous sommes bien ensemble et lorsqu'il me touche, une agréable sensation se répand dans mon ventre. Mes pensées lui sont souvent dédiées et je souris quand il rit.
Je me suis beaucoup plus attaché à lui que ce que j'aurais cru.
-Tu n'es pas obligé de répondre maintenant, ajoute Bertholdt. Je voulais simplement que tu le saches.
Sur ce, il s'avance vers moi pour m'embrasser. Je lui rends le baiser avec affection, glissant mes mains derrière sa tête pour l'amplifier. Il est vrai qu'au début, si je voulais être avec lui, c'était surtout puisqu'il m'attirait sexuellement. Cependant, maintenant que je le connais, tout est différent. J'en veux davantage.
Ce soir, je ne m'enverrai pas en l'air comme j'en rêve depuis longtemps.
Ce soir, je vais lui faire l'amour.
Hey! ^^ Il ne reste que un chapitre! Préférez-vous que je publie les trois épilogues ensembles ou une seule à la fois?
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