~2~ Un simple intrus
~JOUR #1: Bertholdt~
Marco pose sa main sur la poignée rouillée de la porte, puis nous pénétrons dans le chalet fait entièrement de bois. L'intérieur est petit, contenant simplement dix lits superposés garnis de coffres où ranger nos affaires. Le minimalisme de la bâtisse me rappelle drôlement un dessin animé que je regardais quand j'étais petit, soit l'île des défis extrême. L'émission racontait l'histoire d'adolescents inscrits dans une émission de télé-réalité où ils devaient faire des défis dangereux dans un camp et s'éliminer autour d'un feu. À cet âge, je rêvais de me retrouver dans un tel endroit. Pourtant, maintenant que j'y suis c'est moins impressionnant.
Quelques garçons de mon âge sont déjà arrivés et ils défont leur valise tout en discutant. La plupart semblent déjà se connaitre, ce qui m'intimide davantage. S'incruster dans un groupe d'amis, c'est encore plus difficile qu'être entouré de nouveaux. En essayant de faire profil bas, je me dirige vers un lit superposé encore vide, suivi par Marco qui parait décidé à le partager avec moi.
-Tu préfères dormir en haut ou en bas? proposé-je par politesse.
-Je préfère dormir en bas. Je ne suis pas très à l'aise avec les hauteurs.
Je pince les lèvres, perturbé par son choix. Mon problème de somnambulisme risque de poser problème si je dors en hauteur, mais je n'ai pas le courage de contredire mon unique potentiel futur ami. Avec un peu de chance, je ne ferai aucune crise nocturne pendant mon séjour dans ce camp et les autres campeurs n'auront pas l'occasion de se moquer de moi. Plus d'une fois par semaine, je me réveille dans une position farfelue ou encore, je change de pièce dans mon sommeil. Ma mère craint qu'un jour je me blesse, donc elle a installé une sécurité pour enfant devant l'escalier afin que je n'y tombe pas.
Après avoir lancé mon sac de couchage ainsi que mon oreiller ultra mince anti-allergène sur mon futur lit, j'y grimpe par l'étroite échelle. Ma grandeur m'aide beaucoup dans ce genre de situation, même si je déteste avoir plus d'une tête de haut que la plupart des gens tout en ayant un corps élancé. Parfois, lorsque je me regarde dans le miroir je réalise que j'ai l'apparence d'une asperge.
Les garçons déjà arrivés cessent de parler, posant sur nous leur attention. Peut-être que si je ne les regarde pas, ils ne m'adresseront pas la parole? Le nouveau silence est uniquement brisé par le bruit que fait un garçon au crâne rasé qui mange des croustilles tout en me fixant avec curiosité avec ses énormes yeux jaunes qui me rappellent ceux d'un hibou.
-Vous êtes nouveaux? s'enquiert-il entre deux bouchés.
-Oui, répond timidement Marco. Pas toi, j'imagine?
-Nope. Personne ici ne l'est. Il n'y a jamais de nouveau à notre âge, c'est pourquoi on n'est pas nombreux.
-Oh, je comprends mieux. J'imagine qu'à notre âge, les gens ont moins envie de passer leur été ici. Hum... J'imagine que vous êtes déjà tous amis?
Sans leur montrer que la conversation m'intéresse, j'écoute tout en plaçant correctement mon sac de couchage. En ce moment, je suis l'intrus dans leur cercle d'amis, ce qui ne risque pas de m'aider à m'ouvrir aux gens. Mon psychologue a eu tort en me conseillant cet endroit. Tout ce que ce camp m'apporte, c'est une terrible angoisse qui me donne mal au cœur. Je veux partir loin de ce chalet.
-MES CONS FAVORIS! s'exclame un garçon en pénétrant dans le chalet, Arminou, j'espère que tu m'as laissé la place du haut.
-Ce n'est pas moi qui suis censé dormir avec toi cette année, Eren? s'enquiert un roux qui le suit, on c'était dit que...
-Floch, tu peux dormir seul comme un grand. Ne fais pas ton difficile.
Le grand brun qui a crié traverse en courant la pièce avant de se jeter sur le lit au-dessus d'un blond à la coupe champignon. Il laisse tomber sa valise sur le sol sans délicatesse alors que le dénommé Floch, dont la chevelure rousse est coiffée en bataille, le suit avec le visage piteux. Ce dernier s'installe seul dans l'une des places vides.
-Ah, la dureté de ces foutus lits m'avait manqué, affirme le brun, qu'est-ce que mon pauvre dos ferait sans ces charmantes briques?
-Jager, cesse de gueuler, grogne un garçon, tu me casses les oreilles.
Présent depuis le début, cet étranger est assis sur son lit et il joue sur son téléphone. Son regard couleur acier dont la froideur est accentuée par la profonde noirceur de ses courts cheveux est posé sur Jager. Même assis, je peux percevoir sa taille potentiellement inférieure à celle de tous les autres.
-Tiens, salut, Lili, réponds simplement le brun, tu m'as manqué aussi.
Le dénommée Lili marmonne quelque chose d'incompréhensible avant de plonger à nouveau son attention sur son téléphone, ce qui fait rire le brun. Son regard se pose sur Marco et moi, puis un large sourire se dessine sur ses lèvres. J'espère qu'il ne cherchera pas à me parler. Afin d'esquiver la potentielle conversation, je fais semblant de replacer mon oreiller.
C'est l'arrivée de deux autres garçons dans le chalet qui reporte le moment où je devrai ouvrir la bouche. Le premier dont les cheveux bruns pendent au sommet de son long visage se fige en remarquant Jager. Il grimace :
-Merde, Jager, j'espérais que tu ne serais pas là cette année!
Le brun se contente de lui répondre par un simple doigt d'honneur qui parait offusquer celui qui a parlé. Agacé, le nouvel arrivant fait un pas en sa direction, mais la main du grand blond musclé qui l'accompagne l'empêche de continuer.
-Ne commence pas déjà, Jean, recommande en souriant le blond, chaque année c'est la même histoire entre vous. Ça devient lassant.
-Je n'y peux rien s'il est con!
-EH, QUI T'A PERMIS DE TRAITER EREN DE CON ?! se mêle Floch en se levant de sa couchette.
Les deux garçons l'ignorent comme s'il n'avait pas parlé, puis ils s'installent sur l'un des lits superposés restants. Le pauvre roux attend toujours de se faire répondre, prêt à défendre son ami, mais le petit blond à la coupe champignon lui fait signe de s'assoir avec lassitude. Peut-être n'est-il pas beaucoup aimé dans ce groupe?
-Dites, les mecs, vous avez remarqué qu'il y a deux nouveaux? les questionne le garçon rasé de plus tôt.
J'aurais préféré qu'il se taise afin que je puisse rester un simple fantôme dans le chalet, sans le besoin de faire la conversation avec qui que ce soit ou me forcer à aborder un faux sourire. Les deux derniers garçons à être entré posent leur regard curieux sur nous.
-Comment vous vous appelez? demande curieusement le musclé.
-Je m'appelle Marco Bodt, affirme ce dernier, si je suis là, c'est pour un ami. Il parait que les gens sont très sympathiques, ici.
-On est tous très sympathiques, réplique avec fierté Jean, au fil des années, on s'est arrangés pour que ceux qu'on n'aime pas partent par eux-mêmes. Pas vrai, Reiner? Tu te souviens de la fois où l'on a glissé des araignées dans le sac de couchage d'un type? Il criait comme une fillette et il se débattait dans tous les sens. Le pauvre. Malheureusement, Jager est une tâche incapable à faire disparaitre.
Reiner, qui s'avère être le grand blond, se contente de sourire en se remémorant ce souvenir qui me terrifie. S'ils ne m'aiment pas, j'ai peur qu'ils me réservent le même supplice. Je déteste les araignées, tout comme les serpents, la noirceur, les abeilles... Ma liste de phobies est si longue qu'il est facile de me traumatiser avec peu. Comme j'ai un caractère difficile et que je suis différent, les chances que je sois rejeté sont énormes. La douleur dans mon cœur s'amplifie.
-Et toi, tu t'appelles comment? s'enquiert Reiner à mon intention.
-Bertholdt Hoover. Moi, je suis ici uniquement pour passer du bon temps.
-Alors tu es au bon endroit! Mes meilleurs souvenirs proviennent de ce camp.
Si ses souvenirs sont comme celui que Jean vient de rencontrer, nous ne risquons pas de bien nous entendre. Je n'ai pas envie de me lier d'amitié avec des gens qui pensent avoir le droit de faire la loi sans se soucier du malheur qu'ils créent. Ce genre de comportement, c'est répugnant et loin d'être hilarant contrairement à ce qu'ils semblent penser. Les autres garçons se présentent avec entrain, même si je peine à me souvenir de tout. Le prénom de Jager est Eren, le rasé se nomme Connie, le blasé sur son lit est Livai, le roux est Floch, le blond à la coupe champignon est Armin. Il y a aussi un grand blond moustachu nommé Mike dont l'apparence me rappelle curieusement celle d'un gros chien ainsi qu'un garçon châtain physiquement banal appelé Moblit.
La conversation est interrompue par le désagréable bruit d'une sirène qui me fait sursauter. Mon corps se fige, perturbé par cette alarme qui ressemble à s'y méprendre à celle utilisée pendant la guerre, lorsqu'il y avait des pluies de bombes incendiaires. Peut-être sommes-nous réellement attaqués? Les garçons habitués au camp se dirigent sans panique vers la porte d'entrée.
-C'est l'alarme de rassemblement, nous explique Reiner, on s'habitue au bruit avec le temps. Vous n'avez qu'à me suivre.
Les organisateurs de ce camp auraient pu choisir une alarme qui n'est pas associée à une catastrophe. À mes yeux, c'est déplacé d'avoir opté pour cette sirène abominable qui peut rappeler aux victimes de guerre des horreurs qu'elles ont vu et subit. Marco et moi suivons le groupe, restant à l'arrière afin d'éviter de nous tromper de chemin. Ce camp est un véritable labyrinthe.
Au centre de la clairière réservé aux gens âgés de 16 et 19 ans, un grand cercle en buches entoure une petite construction en pierres qui doit servir de cuve pour un futur feu. Deux adultes dans la vingtaine nous y attendent, dont un grand blond à la carrure massive qui pose avec sérieux ses yeux bleus sur chaque campeur. Son visage pourtant séduisant est obstrué par un énorme pair de sourcils qui contraste avec son physique de prince charmant typique.
Près de lui, une fille à lunette sourit idiotement. Sautillant légèrement sur place, cette dernière parait follement excitée à l'idée de commencer un nouvel été. Ses cheveux bruns sont attachés en une queue de cheval bâclée, laissant tomber négligemment plusieurs mèches autour de son visage aux traits disgracieux.
Assises sur les buches, les filles du chalet voisin au nôtre sont déjà arrivées. Certaines viennent nous rejoindre en nous voyant arriver, heureuses de retrouver de vieux amis. Je les ignore, peu intéressé par de nouvelles rencontres, puis je m'assois. Contrairement à une chaise, du bois brut c'est très peu confortable pour les fesses.
-Un peu de silence s'il vous plait, ordonne le blond à gros sourcils.
Les campeurs obéissent docilement, probablement intimidés par sa voix grave. Cet homme possède un charisme impressionnant.
-Merci, reprend-il, je suis heureux de reconnaitre le visage de la plupart d'entre vous, même si nous accueillons cette année des nouveaux. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Erwin Smith, le responsable des garçons du bataillon d'exploration. À ma droite, il s'agit de la responsable des filles, Hansi Zoe. Je sais que vous les connaissez, mais nous sommes obligés de vous rappeler les règles du camp.
-Premièrement, commence Hansi, il est interdit pour vous d'aller sur le terrain des brigades spécial et de la garnison, sauf sous permission spéciale. Ils ont de huit à quinze ans, donc leurs parents pourraient ne pas aimer qu'ils côtoient des adolescents et de jeunes adultes. Aussi, vous n'avez pas le droit d'aller en forêt sans notre autorisation et encore moins de quitter le camp. Cette année, je veux éviter que quelqu'un se perde.
-Le soir, après le couvre-feu, aucun garçon ne doit se trouver dans le cabanon des filles et vice-versa. Si ça arrive, nous sommes dans l'obligation de vous sanctionner.
-Si vous avez peur de laisser des garçons avec des filles pour la nuit, vous devriez envoyer Lili dans l'autre cabanon, se mêle Eren, perso, je n'oserais pas me changer devant lui.
Certains rient, mais je ne comprends pas l'humour de cette réflexion déplacée. Le visage de Livai s'assombrit et il se lève, les poings serrés. Par réflexe, Floch s'empresse de se placer devant Eren, prêt à recevoir le futur coup du petit ténébreux à la place de son ami. Il est idiot d'ainsi se sacrifier alors que lui, il n'a rien dit de blessant à son égard.
-Livai, reste assis, le retient Erwin, tu sais que Jager n'en vaut pas la peine. La prochaine fois que j'entends une réflexion de la sorte sortir de ta bouche, tu passeras la nuit hors du mur. Me suis-je bien fait comprendre?
Le sourire moqueur de Eren s'efface brusquement, laissant place à une lueur de peur. Hors du mur? Je fronce les sourcils, perdu dans le charabia utilisé dans ce camp pour définir les lieux. Si le brun craint cet endroit, il s'agit probablement d'un isolement servant de sanction pour ceux qui enfreignent le règlement.
La réflexion que Eren a lancée à Livai était clairement une flèche homophobe. Le garçon aux cheveux couleur corbeau est-il attiré par les garçons? Si le brun a su faire rire certains campeurs, alors ils ne sont pas aussi ouverts d'esprit que je l'espérais. Il est préférable que j'évite de mentionner ma propre orientation sexuelle si je veux éviter les moqueries.
À partir de maintenant, si l'on me le demande, j'aurai UNE ex-petite amie.
Vous avez vus quel personnage j'ai ajouté pour mon plaisir? *^* N'hésitez pas à laissez vos avis sur cette réécriture ^^!
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