~15~ Accord douteux
~JOUR #15: Reiner~
Assis à la table de la cafétéria pour prendre pour petit déjeuner, je fixe mon assiette sans appétit, ressassant honteusement l'acte odieux que j'ai commis hier soir. Je ne suis qu'un monstre, un idiot incapable de garder sa queue dans son pantalon. Le mur de Bertholdt commençait lentement à se détruire, me laissant apercevoir la magnificence que ces briques referment. Cependant, j'ai tout gâché et me voilà projeté à la case départ.
-Bertholdt m'a dit qu'il ne viendrait pas aujourd'hui, affirme Marco en prenant place près de Jean, il est malade. D'ailleurs, pourquoi tu n'as pas été le voir toi-même? Vous êtes proches, non?
-Je préférais que ce soit toi, répondis-je, merci, Marco.
Comme je m'en doutais, Bertholdt ne désire pas me faire face et c'est pourquoi j'ai envoyé Marco prendre de ses nouvelles. Le grand brun doit me voir tel un fléau venu s'abattre sur lui, un forceur qui ne cherche qu'à conquérir son séduisant corps. Après ce que j'ai fait, c'est l'image que je mérite d'avoir dans la tête du garçon qui me plait. Je repousse en soupirant mon assiette, trop dégouté pour en avaler une bouchée. Sasha regarde la nourriture intacte avec intérêt.
-Tu ne manges pas? s'étonne-t-elle.
-Non, régale-toi.
En souriant, la fille attire sans hésitation mon assiette pour s'empiffrer dans mes restes. Au moins, avec elle dans le camp il n'y a jamais de gaspillage. À la voir ainsi être à l'aise avec son appétit gargantuesque, personne ne pourrait se douter qu'elle a déjà été la victime d'un trouble alimentaire sévère lorsqu'elle était plus jeune.
Face à moi, Jean me fixe avec intensité. Cette manière de me passer visuellement aux rayons X me tourmente, car me connaissant mieux que quiconque en ce monde, il doit lire les remords qui m'accablent.
-Qu'est-ce que tu as fait, Reiner? m'interroge-t-il sèchement.
Étonné par cette brusque question, je baisse la tête. Mon comportement est honteux à admettre devant des gens.
-Pourquoi tu penses que j'ai fait quelque chose? grognai-je, j'ai le droit de ne pas avoir faim, pour une fois.
-Je te connais, Reiner Braun et habituellement tu manges comme un porc. Ton visage piteux de ce matin, ta mauvaise humeur et l'absence de Bertholdt, je suis persuadé que tu as fait une connerie. Quand tu veux quelque chose, tu as tendance à ne pas utiliser ton cerveau. Donc qu'est-ce que tu as fait?
-Rien!
-Reiner...
Je grimace face à sa détermination à connaitre l'horrible vérité, frustré d'être forcé à me confier à Jean qui ne lâchera pas le morceau si je m'abstiens. Qui aurait pu croire qu'un simple baiser mettrait Bertholdt dans cet état? J'étais persuadé qu'il appréciait le moment, qu'il était simplement timide.
-Hier soir, j'ai amené Bertholdt se baigner au lac et je l'ai embrassé, racontai-je à voix basse.
-Mais c'est génial, s'exclame Marco, donc vous êtes ensemble?
-J'imagine que l'histoire ne s'arrête pas là, suppose froidement Jean, qu'est-ce qui s'est passée ensuite?
-Je... je n'ai pas compris qu'il voulait que je le lâche avant qu'il me morde sauvagement la langue... j'ai encore mal, tu sauras!
Jean soupire en glissant une main sur son front pour le masser, ce qui me fait sentir très petit dans mon pantalon. Si même mon meilleur ami me porte un jugement, alors Bertholdt doit me voir comme le pire homme sur Terre. Marco ne dit rien, se contentant de se concentrer avec embarras sur son repas qui semble soudainement fort intéressant.
-Donc tu l'as forcé à t'embrasser, résume Jean.
-Non! Ce n'était pas voulu, je ne savais pas. Il n'avait qu'à me dire non. Là, je passe pour le trou de cul de service.
-Et ce n'est pas le cas? Écoute, Reiner, ce camp n'est pas comme les autres. Ne me dis pas que tu n'as pas remarqué que Bertholdt est très renfermé. Si ça se trouve, il a une raison semblable à celle de Floch d'être ici et ce que tu as fait, c'est lui rappeler son passé. On ne sait rien de lui ou de ce qu'il a vécu. Dans tous les cas, forcer quelqu'un à t'embrasser contre son gré, c'est mal. Si tout ce que tu désires c'est le baiser, soit au moins patient avec lui.
-Je ne voulais pas le forcer... je te le jure. Mon but n'est pas juste de coucher avec lui.
-Ah non?
Un gout amer se répand dans ma bouche alors que mon cœur se serre sous les remords. Si même Jean, mon acolyte de jour me fait la morale, c'est que j'ai fait une terrible erreur.
***
La nuit est tombée, laissant place à sa douce fraicheur. Assis près du feu, je fixe avec ennui la flamme orangée qui danse sur le bois, incapable de m'amuser après ma conversation matinale avec Jean. Ma journée a été horrible puisque je me suis contenté de ressasser les faits, d'imaginer une conversation capable d'implorer le pardon de Bertholdt. J'aimerais rentrer dans le chalet et me mettre à genoux devant lui, mais je doute que de simples mots puissent réparer les pots que j'ai cassés.
À ma droite, Jean et Marco s'embrassent langoureusement, sans se soucier des regards indiscrets posés sur eux. Ils semblent filer le parfait amour depuis l'officialisation de leur couple, au point où même Eren n'essaie pas de les séparer par des blagues douteuses. Il doit avoir compris que ça ne sert à rien de s'interposer entre deux cœurs amoureux. Voir ainsi mes amis enlacés me fait ressentir une déchirante jalousie que je tente de dissiper. Si seulement Bertholdt avait répondu à ce baiser.
-Hey, Bertholdt! s'exclame soudainement Hansi, tu vas mieux à ce que je vois?
Réalisant que la femme fixe au-dessus de mon épaule, je me retourne brusquement pour regarder le grand brun qui se tient derrière moi. Que fait-il là? Mon cœur fait un agréable bond, souhaitant qu'il soit ouvert à une trêve.
-Reiner, je peux te parler en privé deux minutes? chuchote-t-il.
-Bien sûr.
Avec embarras et sans ma confiance habituelle, je me lève pour suivre le garçon qui me guide jusqu'à l'endroit où est entreposé le bois de surplus, là où nous nous sommes parlé sincèrement pour la première fois. C'est étonnant que Bertholdt accepte de m'affronter en tête à tête après l'horreur que j'ai commise. Peut-être souhaite-t-il se venger en m'assassinant froidement, loin des regards indiscrets? Ses mains qu'il tient enfouies dans les poches de son pull noir cachent peut-être un couteau acéré.
Je suis incapable d'affronter le regard de Bertholdt, même lorsqu'il se retourne vers moi.
-Je veux te parler de ce qui s'est passé hier, déclare-t-il calmement.
-Je m'en doutais... Écoute, Bertholdt, je suis sincèrement désolé. J'ai cru que tu en avais aussi envie. Je crois que j'ai mal lu les signes et je m'en sens coupable. J'aurais dû arrêter quand tu m'as repoussé.
-Oui, tu aurais dû. Je suis heureux que tu voies tes torts.
C'est le moment ou jamais de me faire pardonner et de lui monter que je ne suis pas le connard qu'il croit connaitre. Lorsqu'il le faut, m'excuser ne me fait pas peur.
-Tu n'es pas si désagréable à côtoyer, avoue Bertholdt, je ne te déteste pas et c'est pourquoi je voulais qu'on clarifie les choses.
-Venant de toi, c'est un très gros compliment que tu me fais.
Je relève timidement les yeux en sa direction, étonné que Bertholdt ne m'insulte pas. Un faible sourire rassuré se dessine sur mes lèvres.
-Je n'ai pas détesté ton baiser au début, reprend le brun, je te mentirais si je te disais que tu me laisses totalement indifférent. Cependant, je veux prendre mon temps avant de m'engager dans quelque chose et refuse de vivre un amour d'été comme on le voit dans les films à l'eau de rose. Si c'est tout ce que tu attends de moi, tu peux lâcher prise maintenant. Je ne suis pas un jouet avec qui tu peux t'amuser et encore moins quelqu'un qui va s'envoyer en l'air avec n'importe qui. Je ne couche pas en début de relation.
-Ce n'est pas tout ce que j'attends de toi. Même si l'on ne se connaît pas beaucoup, tu me plais et...
-Je n'ai pas fini. Parce que tu m'as forcé la main hier et que cela m'a montré un côté que je déteste de toi, je suis prêt à te proposer quelque chose. Pour commencer, je veux qu'on apprenne à se connaitre.
-Ça va de soi. Ensuite?
Mon cœur s'accélère sous le bonheur, me faisant sentir comme si je venais de gagner un concours important. Bertholdt arrive à me pardonner et il me laisse une chance de développer une relation. Depuis hier, l'idée qu'il accepte mon affection me paraissait chimérique.
-Je vais être le maitre du jeu, termine-t-il sérieusement.
Me propose-t-il ce que je pense?
-Ça ne me pose absolument pas de problème, répondis-je joyeusement, c'est certain que je préfère le rôle de dominant, mais si c'est absolument ce que tu veux, je suis prêt à me sacrifier.
-Hein? Mais tu es con ou quoi? Je ne parle pas de sexe. Tu ne m'as pas entendu tantôt quand je t'ai dit que je ne me donne pas à n'importe qui? Quand je dis le maitre du jeu, je veux dire que j'aurai le total contrôle sur ce qu'on développera. Je ne supporterai aucun rapprochement sans que je le demande et je choisis moi-même si je t'accorde ma confiance ou pas. Je refuse que tu tentes quoi que ce soi sans mon accord.
Un sourire machiavélique se dessine sur les jolies lèvres de Bertholdt lorsqu'il termine d'expliquer son accord, me faisant frissonner. Il semble se languir d'être mon maitre, de pouvoir me contrôler tel un pantin. Je désire ce garçon plus que tout, donc je ne peux refuser la chance qu'il m'offre. Je le connais à peine et pourtant, j'aime sa compagnie et l'écouter parler. Il est mystérieux et toujours intéressant malgré sa timidité ou son attitude parfois glaciale. Son corps me donne envie de croquer sans crainte dans le fruit défendu, de le découvrir sous tous les angles.
Le problème, c'est que j'ai peur d'avoir de la difficulté à rester patient. J'aime quand les choses sont rapides et claires. Lorsque quelqu'un me plait, je n'hésite jamais à lui rouler une pelle et à m'envoyer en l'air si possible. Je suis un taponneux. Même avec mes amis, j'aime les toucher, car c'est naturel pour moi. Ai-je déjà résisté à taper les fesses rondes de Jean? Non, donc comment vais-je pouvoir rester distant de Bertholdt qui m'attire cruellement?
Je mordille ma lèvre, hésitant. Dans le pire des cas, si cette relation platonique me déplait je pourrai y mettre un terme.
-Si j'accepte, toi et moi on devient quoi? m'enquis-je.
-De simples amis à moins qu'avec le temps je décide que tu mérites plus venant de moi.
-Je vois... Dans ce cas, devenons amis Bertholdt Hoover.
Je lui tends une main qu'il serre d'un geste amical, scellant de ce geste notre étrange accord. Si cette situation permet à Bertholdt de faire abstraction de mon comportement douteux, ainsi soit-il. Ce côté joueur qu'il me fait découvrir me plait beaucoup bien qu'il fasse ainsi de moi son pion.
Nous retournons ensemble au feu passer le restant de la soirée en compagnie des autres campeurs. Désormais que notre dispute est enterrée, mon corps semble plus léger et je peux profiter du calme présent dans mon cœur. J'ignore de quoi sera fait demain, mais j'ai espoir que Bertholdt succombe prochainement à mon charme. S'il veut d'un brave chevalier courtois, je le deviendrai. Pour lui, je suis prêt à faire tous les efforts du monde, même continuer à me contenter d'imaginer ce qu'il cache sous tout le tissu qu'il porte.
Le soir, avant de nous coucher, j'entends pour la première fois Bertholdt murmurer un faible : « bonne nuit » avant de s'enfouir dans son sac de couchage. Il est adorable. C'est en pensant à son magnifique visage que je sombre dans les bras de Morphée.
De petites tapes sur ma joue me sortent douloureusement du monde des songes. J'ouvre difficilement les yeux, surpris d'apercevoir Jean à califourchon sur moi. Torse nu et la respiration saccadée, il me fixe avec intensité, me laissant perplexe.
-Est-ce que tu as des capotes? s'enquiert-il précipitamment.
-Euh... la proposition me plait, mais tu as déjà un petit ami et moi j'essaie de gagner la confiance de Bertholdt. Excuse-moi, mais je me dois de refuser.
-Pas pour nous, imbécile! Je sais que tu en as toujours sur toi et Marco m'attend à l'infirmerie.
-Oh, l'infirmerie? Petit coquin. Regarde dans mon sac, sinon fais ce que tu as à faire sans. Tu ne vas pas mettre Marco enceinte et il doit être puceau, donc c'est sans danger.
-J'ai vidé toutes les pochettes de ton sac et je n'ai rien trouvé. Ce n'est pas moi qui tiens à en mettre une, tu sauras!
-Si je t'en donne une, tu cesses de crier, marmonne une voix près de nous.
Nous nous tournons vers celui qui a parlé, bien que la fatigue m'empêche de tout comprendre. Pourquoi me dérange-t-on dans mon si agréable sommeil? Jean descend de mon lit pour foncer vers Livai qui fouille dans sa valise. Il sort un préservatif qu'il tend en grimaçant à mon meilleur ami, visiblement agacé d'être dérangé. Depuis quand notre nain de compagnie a-t-il ce genre de chose sur lui?
-Maintenant, fiche-moi la paix, crache le ténébreux.
-Merci encore, Livai!
-Évite de le répéter.
Jean hoche positivement la tête avant de courir sans discrétion hors du chalet. Je me replace confortablement pour dormir, jaloux de devoir attendre de mon côté. Au moins, Bertholdt en vaut la peine.
J'adore vraiment travailler sur cette histoire ^^!
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