~11~ Potentiellement amis
~JOURS #10-11: Bertholdt~
Comme le feu commence à m'ennuyer, je salue brièvement les campeurs avant de retourner au cabanon dans le but de dormir. J'ignore pourquoi j'ai choisi de m'ouvrir à Reiner, de lui admettre des choses qui ne le regarde pas. Il n'avait rien besoin de savoir à mon sujet. Le pire, c'est que je l'ai laissé poser sa main sur ma cuisse. Il a profité de ma vulnérabilité pour me toucher et je n'ai malheureusement pas détesté ce contact.
Une fois en pyjama, je me glisse à l'intérieur de mon sac de couchage, puis j'agrippe mon téléphone pour rapidement répondre aux messages que m'a envoyés ma mère. Chaque soir, elle prend de mes nouvelles, s'inquiétant pour ma santé mentale et mon bonheur. Personne d'autre ne m'écrit, pas même Annie qui rompt lentement le contact. J'étais pourtant son meilleur ami il y a peu de temps, mais j'imagine que mes problèmes personnels l'ont ennuyé. Qui veut faire partie de la vie d'un garçon mentalement instable?
Je soupire en faisant défiler mon fil d'actualité Facebook, curieux de voir ce que je manque dans la vraie vie. Mon cœur se serre lorsque j'aperçois la photo d'une jolie fille aux longs cheveux bruns enlacés par un petit blond. Celle qui a publié cette image partageait certains de mes cours dans mon ancienne école et elle se prénomme Pieck. La publication est accompagnée par la mention : « Je t'aime, Pokko ».
Ainsi donc, Porco m'a remplacé par une fille. Après tout ce qu'il m'a fait, je ne devrais pas en être triste, mais les larmes perlent malgré moi au coin de mes yeux. Ce garçon a été mon premier amour, ma première déchirure. Bien que je tente de l'oublier, nos souvenirs restent cruellement encrés dans ma tête.
Je quitte l'application, incapable d'affronter davantage de mauvaises nouvelles. Sans réfléchir, je vais dans mes contacts chercher le numéro de mon psychologue qui a eu la bienveillance de me le laisser, sachant que je vis quelque chose de difficile. Cet homme au grand cœur m'encourage à lui écrire ou à l'appeler une fois par semaine afin de continuer de m'aider de loin. Il est peut-être payé une fortune pour écouter mes jérémiades, mais je l'apprécie sincèrement. Ce spécialiste a été plus présent dans ma vie que mon père en dix-huit années, donc j'aime penser que mes problèmes lui tiennent réellement à cœur. D'ailleurs, il refuse que ma mère paie pour ce suivi par messages.
Dès qu'il répond à mon premier texto, j'enchaine en lui décrivant mon ennui, ajoutant tout de même un peu positif en commentant mon amitié naissante avec Marco. Je parle des constants propos homophobes de Eren, de ma première nuit catastrophique et de mon précédent rêve au sujet de Porco. Malgré moi, j'admets la jalousie désagréable que me fait ressentir sa mise en couple avec une fille.
Docteur B :
|Pourquoi est-ce que savoir Porco en couple te fait cet effet après tout ce qu'il t'a fait? Tu dois bien te douter que sa nouvelle petite amie a de fortes chances de subir le même traitement que toi.
Moi :
|Il reste mon premier amour... Je suis resté si longtemps avec lui que savoir qu'il m'a oublié est un peu blessant. Pourtant, je sais que je ne devrais pas en être triste. J'ai changé d'école pour ne plus le voir et je suis ici pour m'amuser. Pourquoi je n'arrive pas à m'amuser? On fait une foule d'activités et pourtant, je n'ai aucune motivation à être ici.
Docteur B :
|Je crois qu'après avoir été longtemps tenu en laisse par Porco, tu as du mal à profiter à nouveau de ta liberté. Pourtant, tout le monde n'est pas comme lui. Rien ne t'empêche de te faire à nouveau un cercle d'amis et de vivre sans comptes à rendre. Tu ne dois plus rien à personne.
Moi :
|Je ne m'en sens pas capable... En plus, il y a un garçon collant qui ne me lâche pas. Je crois que je lui plais.
Docteur B :
|Et est-ce un problème?
Moi :
|Je ne sais pas. Je ne comprends pas pourquoi il est intéressé par moi alors que je suis méchant avec lui depuis qu'on se connait. J'ai beau chercher, j'ignore comment il pourrait avoir de bonnes intentions. À sa place, je ne me choisirais pas.
Docteur B :
|Pourquoi n'essaierais-tu pas de connaitre ses intentions et apprendre à la connaitre avant de le repousser? Il peut devenir un meilleur ami que tu le crois, mais si tu mets des bâtons dans les roues de tous ceux qui t'approchent, tu seras toujours seul. C'est à toi de choisir, Bertholdt.
Ses mots me font réfléchir, puis je le remercie avant d'éteindre mon téléphone. Tout en fixant le plafond, je cherche une solution à mon actuel problème. Mon psychologue a raison. Reiner peut devenir un ami, donc je dois me montrer plus gentil envers lui.
***
Le lendemain après-midi, Erwin et Hansi nous guident jusqu'au lac afin de faire du pédalo. Dès que nous approchons des petits bateaux bleus à pédales qui sont alignés sur la rive en graviers, Reiner s'empresse de m'offrir de partager son embarcation le temps de l'activité. Comme Marco passe tout son temps avec Jean depuis leur réconciliation, j'accepte et nous allons dans le cabanon où se trouvent les gilets de sauvetage. Ce que les campeurs appellent « hors du mur » est beaucoup moins effrayant de jour que de nuit, mais je préfère ne pas y rester trop longtemps depuis l'horrible initiation.
Reiner cherche une veste de sauvetage à sa taille, mais aucune n'est assez grande pour s'attacher au-devant de ses pectoraux gonflés. Je ris, amusé par cette scène.
-Aucun ne veut s'attacher, marmonne le blond en tirant des deux côtés de la tenue, je ne suis pas si gros que ça, quand même!
-Pas gros, tout simplement trop musclé, rectifiai-je, attends, je vais en chercher un plus large.
Avec un sourire moqueur, je me penche pour chercher dans les gilets restants. Les autres campeurs sont déjà partis, nous laissant seuls dans le minuscule cabanon de l'horreur. Reiner n'est pourtant pas le seul garçon à posséder une carrure massive.
-Essaie celle-ci, déclarai-je en lui lançant une veste plus large.
Le blond retire l'habit qu'il essayait jusqu'à maintenant, puis il enfile celui que je lui ai trouvé. Reiner doit forcer, mais la fermeture éclair finit par monter.
-C'est très serré, mais au moins, ça s'attache, remarque-t-il, je me sens comme un saucisson là-dedans.
Amusé par sa comparaison grotesque, je continue de rire sous le regard satisfait de mon potentiel futur ami. Nous agrippons l'un des pédalos que Reiner tire seul jusqu'à l'eau grâce à sa force impressionnante et nous montons chacun de notre côté. La dernière fois que j'ai embarqué dans un tel bateau, j'étais encore au primaire, donc je laisse mon acolyte nous commander, l'aidant seulement à pédaler pour avancer. Les autres groupes sont déjà loin sur le lac, nous laissant à l'écart. Cette tranquillité me plait, mais je brise le doux silence pour poser une question qui me perturbe :
-Dis, Reiner, ça ne t'insulte pas quand Eren fait des réflexions homophobes? Moi, j'ai beaucoup de difficulté à le supporter.
-Je me suis habitué à son langage cru. Il ne veut pas être méchant. Même si ça peut te paraitre dingue, Eren a une bonne raison d'être à ce camp, comme nous tous. Il n'est pas celui que tu crois qu'il est.
-Il ne veut pas être méchant, même lorsqu'il parle à Livai? J'ai l'impression que les commentaires de Eren le blessent beaucoup même s'il ne veut pas le montrer. Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que ce soit comme ça?
Reiner grimace en fixant l'eau, hésitant à me répondre. Je ne suis pas aveugle et je sais qu'il s'est passé quelque chose pour que leur relation soit si tendue. Peu importe les raisons de Eren qu'il a d'agir en abruti, rien ne lui permet d'intimider Livai. Mon regard insistant convainc le blond qui soupire :
-Si j'en parle, j'ai l'impression de trahir Livai. En même temps, tout le monde était là, donc ce n'est pas un secret... À ce camp, on se dit tout. On est une famille de marginales soudée et personne n'est ici sans raison.
Pourquoi faudrait-il une raison pour intégrer un camp d'été? Je fronce les sourcils, pas certains de comprendre ce que Reiner essaie de me dire. Cependant, je choisis d'ignorer ces faits et me concentrer sur l'histoire en lien avec le petit ténébreux.
-Donc il s'est vraiment passé quelque chose entre Livai et Eren? essayai-je, promis, je n'en parlerai pas.
-Tu sais, Livai est un garçon particulier. Ici, on ne se soucie plus de son caractère, car on sait qu'il a un TOC. Je ne parle pas d'une petite obsession, mais il est vraiment malade. Je l'ai déjà vue nettoyer dix fois le même meuble parce qu'il voyait encore de la poussière. C'est pour ça qu'il est dans ce camp depuis qu'il est petit, pour essayer de s'améliorer et être entouré de gens qui ne le jugeraient pas.
Il marque une pause avant de reprendre :
-L'an dernier, la rumeur courait comme quoi Livai avait un faible pour Eren. Il ne l'a jamais dit à voix haute, mais il était toujours timide en sa présence et il agissait de manière adorable. Lors de l'un de nos derniers feux de camp de l'été, Eren a décidé de s'amuser avec cette situation. Je crois qu'il avait parié avec Armin qu'il pourrait le charmer s'il le voulait... Bref, il a passé la soirée à flirter avec Livai et à faire des sous-entendus gênants. Ça n'a pas du tout plus à Floch qui a fini par coucher avec Jean deux jours plus tard, mais ça, ce n'est pas le sujet. À la fin de la soirée, Eren lui a fait une fausse déclaration d'amour devant tout le monde, dans le genre très quétaine et romantique. Livai ne savait plus où se mettre, tu comprends... Il était convaincu que ses sentiments étaient réciproques.
Reiner pince les lèvres, honteux de raconter cette scène.
-Eren lui a tendu la main pour l'inviter à le rejoindre devant tout le monde, continue le blond, Livai s'est avancé pour l'embrasser, mais c'est là que Eren a commencé à rire, à se moquer et lui dire qu'il est naïf d'avoir pu croire qu'il était lui aussi « pédé ». C'est la première fois que je l'ai vue pleurer... Il s'est enfui et l'on ne l'a pas revu de toute la soirée. Depuis, c'est la guerre entre eux. Tu te rends compte que même Floch n'est pas du côté de Eren sur ce coup? Il a vraiment dépassé la limite.
J'écoute toute l'histoire avec colère, choqué d'apprendre que le brun peut se montrer aussi cruel. Reiner n'ose pas me regarder, surement gêné de ne pas avoir eu le courage de protéger le petit ténébreux lorsqu'il aurait fallu un héros. Comment quelqu'un peut-il à ce point manquer de compassion? Outré, je me lève d'un bond dans le pédalo.
-C'EST DÉGELASSE! tonnai-je, je savais que Eren était un crétin, mais à ce point, ce n'est même plus de la stupidité. C'est lui que vous auriez dû forcer à quitter le camp! On n'a pas besoin de quelqu'un d'aussi méchant avec nous!
-Parle moins fort, chuchote Reiner, les gars ne sont pas loin et ils risquent de t'entendre.
-Je m'en fiche de savoir s'ils m'entendent! J'ai envie de dire à Eren ma façon de penser et...
Je m'arrête dans mon élan lorsque Reiner tire le bas de ma veste de sauvetage pour me forcer à m'assoir sur mon siège. Aurait-il peur de me voir tomber? Sous la rage, je n'ai pas réalisé que je fais vaciller le pédalo à cause du poids désormais mal réparti. J'ai mal pour Livai, imaginant très bien ce qu'il a dû ressentir lors de cette humiliation publique.
-Je trouve répugnant de voir des gens s'amuser avec les sentiments des autres, expliquai-je plus calmement, ça ne se contrôle pas. Il faut respecter ce que les autres ressentent, ce qu'ils pensent et ce qu'ils sont.
-C'est ce que je pense aussi, conclut Reiner, Eren est con, je ne l'ai jamais nié. Cependant, il a aussi certaines qualités qui lui font mériter sa place ici.
-Peu importe ses qualités, ça n'excuse en rien sa cruauté. Au fait, désolé d'avoir crié. Ce n'est pas contre toi que je suis fâché.
-Je le sais et ne t'en fais pas, j'ai trouvé mignon de te voir défendre les intérêts d'un autre.
Je hausse un sourcil, étonné par la fin de sa phrase. Moi, mignon? Jamais je ne me suis considéré comme tel, complexé par mon physique de géant gringalet. Intimidé par son compliment, je baisse les yeux, les joues brulantes. Un frisson parcourt mon corps lorsque Reiner pousse délicatement l'une des courtes mèches foncées qui pendent sur mon front. Depuis quand n'ai-je pas envie de le repousser lorsque ce garçon me touche?
Son doigt descend délicatement le long de ma joue et je ne bouge pas, me contentant de lever mes yeux pour croiser son regard. Jusqu'à maintenant, je ne l'avais pas remarqué, mais ses iris sont d'une magnifique couleur dorée. Ça lui va très bien, ce qui me trouble.
-Hey, les gars, vous avez oublié comment pédaler? remarque Jean avec amusement.
Je sursaute avant de me retourner vers le bateau de Jean et Marco qui foncent en notre direction, suivi par Conny et Sasha, puis par Floch et Eren. En voyant ce dernier, mon cœur se remplit de haine. J'aimerais tellement lui faire payer sa stupidité.
Vous pensez quoi de Eren? ^^
À votre avis, qu'est-ce que ce camp a de particulier? C'est nouveau dans cette version de l'histoire.
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