~10~ Ce que je pense de toi
~JOUR #10: Reiner~
Je n'arrive pas à cerner Bertholdt.
Assis près de notre habituel feu de camp, je profite de la douce musique de joue Ymir avec sa guitare tout en jetant subtilement des coups d'œil vers le grand brun à ma droite. Ce dernier semble pensif, perdu au plus profond de ses pensées. Je sais qu'il s'est amusé pendant le combat de coqs, il y a quatre jours. Bertholdt a ri, ce que je croyais presque impossible venant de lui. Nous étions complices durant le jeu et pourtant, il m'a brusquement repoussé une fois que l'activité s'est achevée.
Qu'est-ce que j'ai fait de mal? Je veux apprendre à connaitre ce garçon et pourtant, chaque fois que je parviens à retirer une brique du mur qu'il s'est construit il en ajoute une plus grosse. C'est triste de rester enfermé avec soi-même. Mon père me dit toujours que derrière chaque carapace trop solide se cacher une personne qui a été brisée.
Est-ce ton cas, Bertholdt? As-tu été détruit?
Ce soir, je m'ennuie en compagnie des autres campeurs. Bertholdt est muet comme une carpe, refusant de répondre à mes questions d'une autre façon que par un mot à une seule syllabe. De son côté, Jean est captivé par Marco avec lequel il partage le même plaid, emmitouflé l'un contre l'autre tout en chuchotant tels des amoureux. Ils sont mignons. Depuis que le nouveau a accepté de lui pardonner l'initiation, ils sont devenus inséparables, partageant tout leur temps. Je suis heureux que mon meilleur ami ait réussi son jeu de séduction.
-Je me désigne à poser la question que personne n'ose poser depuis un moment, déclare calmement Eren, Jean, Marco, êtes-vous en couple ou simplement des amis glauques et trop collants?
Marco rougit en baissant timidement la tête tandis que Jean serre davantage le garçon contre lui.
-Pas encore, mais ce n'est qu'une question de temps, répond fièrement mon ami.
Le nouveau sourit timidement en enfouissant son visage au creux de son cou. Ils ont l'air très heureux. D'ici une journée, connaissant Jean, ils s'embrasseront de pleines bouches et sans la moindre gêne. Peut-être même sauteront-ils le pas ce soir? À leur place, je ne perdrais pas mon temps et je profiterais de la magie du camp pour foncer tête baissée dans cette relation.
-Parfois, j'ai l'impression de me trouver dans un camp gay, soupire Eren, d'abord Lili, puis Reiner, Jean et là Marco. Qui est le prochain pédé à se montrer? Ce n'est pas parce qu'on est dans un camp de marginaux qu'il faut obligatoirement explorer sa sexualité.
Près d'Eren, Floch avale de travers sa guimauve, le visage rouge. Ça doit être difficile pour lui de cacher la vérité à son idole et meilleur ami, sachant qu'ils vivent sous le même toit même en dehors de ce camp. Le roux n'est pas tombé sur la meilleure famille d'accueil et son cœur ne bat pas sur le bon garçon. Tout ce que le brun peut lui apporter, c'est de la souffrance.
Curieux de voir la réaction de Bertholdt face au commentaire homophobe, je tourne la tête en sa direction. Maintenant, à cause de Eren, il va savoir que je suis attiré par les garçons. S'il n'est pas comme moi, il va comprendre que je flirte avec lui et il s'éloignera. J'ai espoir qu'il est ouvert d'esprit, même s'il a avoué il y a quelques jours être récemment sorti avec fille pendant plus d'un an. Le sujet a été bref puisqu'il ne souhaitait pas répondre à davantage de questions.
Bertholdt grimace, puis il se lève de sa buche en reprenant son air neutre. Est-ce le commentaire de Eren qui le fait fuir?
-Je vais chercher un peu de bois, affirme-t-il avant de s'enfoncer dans le sentier menant à la réserve.
-J'y vais aussi, ajoutai-je.
Je me lève afin de suivre Bertholdt qui reste silencieux, peu concerné par ma présence. Il doit parfois trouver ma détermination à l'aborder agaçante, mais je suis incapable de baisser les bras. C'est plus fort que moi, parce que ce garçon attire ma curiosité telle une lumière attire celle d'un papillon. Il me plait et j'ai envie d'apprendre à connaitre celui qui se cache derrière ce masque de personne désintéressé. D'ailleurs, la manière dont il me repousse continuellement m'attire davantage. J'aime quand mes proies sont difficiles.
Nous arrivons près du petit chède sous lequel le bois est cordé en rangées.
-Pourquoi tu m'as suivi? demande froidement Bertholdt, je suis capable de ramener quelques buches seul.
-Je me suis dit qu'à deux, on pourrait en ramener encore plus.
-Et la vraie raison, maintenant? Je ne suis pas con. Je sais que tu te donnes beaucoup de mal pour que je t'apprécie, mais pourquoi?
Bertholdt tourne ses petits verts en ma direction, curieux. Deux mètres nous séparent, mais la pleine lune vient magnifiquement éclairer son long visage, approfondissant sa mystérieuse beauté. Tout ce qui pourrait davantage l'embellir serait son sourire, celui que j'ai pu admirer lors du combat de coqs.
-Je trouve que tu sembles être quelqu'un d'intéressant, avouai-je, j'ai envie d'apprendre à te connaitre, car je suis certain que derrière ce masque de garçon impénétrable se cache une personne unique et fantastique. J'ai sincèrement envie de devenir ton ami, Bertholdt. Je ne demande rien de plus que ton amitié. Pour l'instant, je ne sais presque rien à ton sujet.
Le brun hausse un sourcil, étonné par ma franchise. Il mord sa lèvre inférieure et baisse la tête pour réfléchir à ma proposition. J'ai espoir de ne pas l'avoir effrayé.
-Je ne connais pas grand-chose à ton sujet non plus, souffle-t-il, peut-être que je te juge trop vite.
-Tu vois, ce n'est pas si compliqué! On pourrait jouer à un jeu pour briser la glace. Tu en penses quoi?
-Quel genre de jeu?
En souriant, j'agrippe une buche que je pose sur le sol de manière à pouvoir m'y assoir, puis j'invite Bertholdt à me copier. Le garçon parait d'abord hésiter, mais il finit par m'obéir docilement en prenant place près de moi. En cinq minutes, je viens d'échanger plus de mots avec lui qu'en dix jours.
-J'aimerais qu'on se dise l'impression qu'on a de l'autre, expliquai-je, je veux savoir ce que tu supposes à mon sujet sans me connaitre, quel genre de personne tu crois que je suis.
-Je vois. Pour être franc, en te voyant je dirais que tu as l'habitude d'avoir tout ce que tu veux. Tu es probablement populaire à l'école, le genre sportif qui se coltine une foule d'amis. Je dirais que tu aimes faire le clown pour attirer l'attention et tu ne sais pas quand il est temps d'être sérieux. Tu dois avoir des parents aisés qui te donnent tout ce que tu désires et tu collectionnes tes conquêtes comme des trophées de chasse.
Je grimace, choqué par l'image qu'il a de moi.
-Mes parents sont aisés, concédai-je, c'est vrai qu'ils me donnent beaucoup, mais mon père me force à avoir un travail pour comprendre la valeur de l'argent. Je me trouve drôle, mais je n'ai pas beaucoup d'amis. Des connaissances, j'en ai plusieurs, mais mon seul véritable ami depuis des années, c'est Jean. J'admets avoir eu beaucoup de petits amis depuis que j'ai fait mon coming out, mais ce n'était à aucun moment pour les collectionner. J'ai toujours cherché quelque chose de sérieux. Contrairement à ce que tu crois, je ne couche pas avec n'importe qui et surtout pas avec des inconnus. Je suis un peu insulté par la vision que tu as de moi.
-Désolé si c'est l'image que tu m'as donnée. Toi, tu penses quoi de moi?
Je le fixe droit dans les yeux afin de préparer la meilleure réponse possible sans le refroidir. J'ai peur qu'il fuie si je dis un mot de travers, mais je souhaite être honnête dans mon analyse. Bertholdt risque de le remarquer si je mens pour le ménager.
-Tu es un garçon solitaire qui as de la difficulté à faire confiance aux gens pour une raison quelconque, probablement parce que tu as été blessé, commençai-je, c'est peut-être à cause de ton ex petite amie dont tu as parlé quand Eren t'a demandé si tu avais déjà en couple? Je t'imagine dans une famille nombreuse, un peu intello et terre-à-terre.
Bertholdt ouvre la bouche, surpris par la vision que j'ai de lui. Ai-je visé dans le mille? Il baisse timidement la tête.
-Tu as totalement tort, souffle-t-il.
Sans me laisser le temps de réagir, il continue :
-Je suis enfant unique et loin d'être une lumière à l'école. Je suis doué, mais uniquement dans la moyenne. Je suis solitaire, mais pas de choix. J'aime bien les gens quand ils sont sympathiques, mais j'ai de la difficulté à leur parler. J'aime vivre dans ma tête, écrire des histoires qui sortent de l'ordinaire, car le monde est parfois terriblement ennuyant. Je suis donc loin d'être terre-à-terre, comme tu le dis. Oui, j'ai de la difficulté à faire confiance aux gens. Sur cette partie, tu as raison, mais ce n'est pas à cause d'une ex petite amie. J'ai menti à Eren. J'ai UN ex petit ami avec qui je suis resté plus d'un an. Notre rupture est encore douloureuse, même si ça fait plusieurs mois.
Un sourire se dessine sur mes lèvres, soulagé de réaliser que j'avais raison à son sujet. Bertholdt aime aussi les garçons, ce qui signifie que j'ai toutes mes chances avec lui. Je suis doué pour reconnaitre les signes. Cependant, ma joie se dissipe en voyant la tristesse sur le visage du séduisant nouveau qui vient juste de se confier à moi. Doucement, je glisse ma main sur sa cuisse pour le réconforter. Le brun regarde avec étonnement ce contact sans chercher à le fuir, ce qui est un grand pas.
-Hey, les gamins, ce bois, il s'en vient? s'enquiert Livai en approchant.
-O-oui, répond précipitamment Bertholdt en se relevant, nous arrivons.
Sans m'attendre, il agrippe des buches au hasard avant de suivre Livai vers le feu. Je l'imite en remplissant mes bras musclés, fier d'avoir enfin pu en connaitre un peu plus au sujet de Bertholdt.
***
Vers 22 heures, je quitte le feu pour me poster près du cabanon réservé à Hansi et Erwin. C'est à cet endroit où le réseau cellulaire est le meilleur, me permettant de composer le numéro de téléphone de ma maison. Quand j'ai besoin de conseils sur un sujet délicat, j'en parle toujours à mon père qui ne me juge jamais. Comme il est psychologue, cet homme est le meilleur pour m'aider avec mes problèmes. À mes yeux, il est à la fois mon géniteur et un ami.
Il décroche :
-Allo? C'est toi, Reiner? C'est rare que tu appelles aussi tard.
-J'espère que tu ne dormais pas?
-Non. Je regardais Game of Thrones avec ta mère. Qu'est-ce qui se passe? Quand tu appelles en soirée, c'est que tu as besoin de parler ou de conseils.
-Tu me connais bien. En fait, j'aimerais avoir tes conseils de professionnel. Il y a un nouveau au camp qui me plait bien, mais j'ai l'impression qu'il est renfermé sur lui-même. J'ignore comment m'y prendre pour percer sa coquille sans lui faire peur, tu vois? Tu es habitué de gagner la confiance de tes clients difficiles.
L'homme écoute silencieusement, très professionnel. Il n'a jamais été choqué de savoir que je suis attiré par les garçons.
-Avant de te conseiller, j'aimerais connaitre tes intentions vis-à-vis ce garçon, déclare-t-il doucement, si tu veux jouer avec lui, ne compte pas sur moi pour t'aider.
-Je ne veux pas jouer avec Bertholdt! Il m'attire beaucoup physiquement, mais sa personnalité aussi me plait. Je veux apprendre à le connaitre, parce qu'il est spécial.
-Je vois... Quand je dois percer la coquille d'un de mes clients, je m'arrange pour lui montrer qu'il peut avoir confiance en moi, que je suis là pour l'écouter et non pour le juger. Si ce Bertholdt te plaît, à ta place j'irais doucement. Je ne sais pas ce qu'il a vécu, mais je te connais, Reiner. Tu as tendance à être brusque quand tu veux quelque chose et tu sautes des étapes. N'oublie jamais que les plus belles relations commencent par une amitié. Tu devrais lui montrer qu'il se trouve dans un camp pas comme les autres.
Je réfléchis à ce que mon père vient de dire. Il a raison, je dois devenir son ami avant de tenter de le draguer.
C'est normal que vous ne compreniez pas tout au sujet de Floch pour l'instant ^^.
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