22 au 23 décembre

22 décembre

Yuri courut jusqu'à la boutique. Il n'avait pas eu une minute à lui ces derniers jours entre l'entrainement et l'arrivée d'Otabek. Il courut à travers les allées de Stockmann et arriva juste avant la fermeture de la boutique. Une fois, le cadeau récupéré il commença à douter. Avait-il bien fait d'acheter ceci ? N'était-ce pas un peu trop... Tout en retournant chez Yakov, il réfléchissait également à la meilleure façon de lui offrir. Il en était là de ses réflexions quand il passa devant Kuznechny Market (1). Il y entra et flâna parmi les allées, prenant son temps. Il s'arrêta devant un étal et sourit. Ce soir, il allait faire une surprise à son meilleur ami.

«_ Enfin rentré gamin !

_ Ouais. Beka est là ?

_ Pas encore. »

Yuri leva les yeux au ciel aux mots de son entraineur. Il se dirigea vers sa chambre pour y déposer son sac et repartit aussitôt à la cuisine afin de préparer le repas. Il était de corvée de cuisine ce soir. Ca ne le dérangeait pas vraiment, il aimait cuisiner et Yakov était loin d'être un cordon bleu. Il hésita un moment puis se décida pour de la kacha et une salade Olivier (2).

« _ Ca sent bon ici.

_ Beka !

_ Qu'est-ce que tu prépares de bon ?

_ Kacha et salade Olivier.

_ Et les pommes ?

_ C'est pour le dessert. Va prendre ta douche. On mangera après. »

Otabek qui s'était approché pendant leur conversation s'éloigna et lui effleura la hanche. Doucement, juste un frôlement, tendre et doux. Un frisson parcourut Yuri qui eut bien du mal à ne pas saisir la main de son compagnon pour le retenir. En un geste devenu réflexe, il se mordit la lèvre. Ceci n'échappa pas à Otabek qui sourit. Il aurait bien reposé sa main sur la hanche de son ami mais il se ravisa. Il n'était pas encore temps de se dévoiler. Il avait prévu d'attendre et de finir de mettre son plan à exécution.

Ils passèrent à table une trentaine de minutes plus tard. Yuri avait préparé un véritable festin ajoutant une soupe et des harengs marinés au menu initial. Yakov le regarda faire à la fois amusé, soucieux et dubitatif. Depuis qu'Otabek était arrivé, il ne reconnaissait plus son élève qui s'était transformé en véritable fée du logis. Il avait fait le ménage et cuisiner sans protester alors qu'en temps normal il jurait et grognait tout en accomplissant ses tâches ménagères. Il ne se plaignait pas du changement loin de là et appréciait le clame retrouvé de l'appartement mais il fallait qu'il ait une conversation avec le Kazakh. Celui-ci distrayait bien trop son élève et l'épisode de la chasse aux trésors lui déplaisait.

« _ Pas de nouveaux cadeaux aujourd'hui ?

_ Pas encore Yakov.... Je me demande ce que je vais avoir aujourd'hui ? Du chocolat peut-être... »

Yuri suçota rêveusement sa cuillère sous le regard attendri d'Otabek. Yakov regarda le Kazakh et ne put s'empêcher de lui demander son avis sur la question. Peut-être celui-ci aurait le bon goût de se trahir. Il savait que c'était lui. Il le savait depuis que Viktor lui avait avoué avoir laissé entrer Otabek en novembre et sans surveillance dans l'appartement. Yuri et lui étaient absents en raison d'une compétition mais le jeune homme brun avait prétexté devoir récupérer un objet en urgence dans la chambre du Tigre.

« _ Et toi, Otabek, que penses-tu de tout ça ?

_ Eh bien... Ce sont de simples cadeaux.

_ Hey Yakov ! C'est pas méchant...

_ Yuri, ce calendrier de l'Avent ça te déconcentre ! Et...

_ Tch ! Ca va ! Je vais chercher le dessert. »

Yuri se leva énervé et alla à la cuisine. Il se demandait si finalement c'était une bonne idée d'acheter ces gâteaux. Il avait eu envie de faire plaisir à Otabek mais Yakov semblait en avoir après lui. Il avait passé le diner à lui poser diverses questions dont Yuri ne comprenait pas le sens et avait paru très agacé par la réponse du Kazakh quand ils avaient parlé des cadeaux. Toutefois, une expression l'intriguait. Qu'avait-il voulu dire en parlant de calendrier de l'Avent ? Il n'était pas familier de ce genre de chose et il se promit d'y jeter un œil ce soir. Son entraineur ne pouvait avoir utilisé cette formule au hasard. Il revint à la salle à manger avec la compote de pommes et les chak chak (3). Il fut content de son effet en voyant le regard de son meilleur ami qui reconnut immédiatement les pâtisseries.

« _ Je crois que c'est meilleur chaud mais...

_ C'est quoi encore ça ?

_ Ce sont des chak chak Yakov. Des gâteaux kazakhs. Hein Beka c'est ça ?

_ Oui. C'est une pâtisserie très appréciée au Kazakhstan. Tu les as faites toi-même Yura ?

_ Nan... Je les ai achetées à Kuznechny Market. Il y avait un marchand kazakh et j'ai pris des pommes d'Almaty aussi. Je savais pas que vous produisez beaucoup de pommes là-bas.

_ Le nom « Almaty » signifie « Ville des pommes », Yura.

_ Hummm »

Le jeune Russe regarda son ami d'un air songeur. Ainsi, Almaty était la région des pommes. Et, sur le stand du marchand il avait vu les mêmes pâtes de fruit que celles reçues en cadeau. Yuri nota mentalement le fait. Il allait devoir vérifier encore une fois son tableau. Ca faisait un peu trop de coïncidences.

Plus tard dans la soirée, alors qu'il aurait du réviser ses cours, Yuri regardait attentivement le tableau des indices. Il saisit son ordinateur et commença à chercher ce qu'était précisément un calendrier de l'Avent (4). Il n'était pas familier de ce genre de chose et se plongea dans l'histoire de cet objet et de cette coutume. Il comprit par la même occasion pourquoi il aurait ses réponses le 25 décembre bien que ce ne soit pas vraiment Noël encore pour lui. Il s'interrogea une nouvelle fois sur la date choisie... Son admirateur ne savait-il pas que Noël n'était pas célébré à cette date ? Et ne savait-il pas que les cadeaux étaient échangés au Nouvel An ? Il fronça les sourcils. Pourtant, si c'était Otabek, il savait tout ça.

« _ Tu fais ta liste à Ded Moroz ?

_ Hein ?! »

Yuri, surpris, releva la tête et fixa Otabek. Celui-ci était confortablement installé sur son lit et le dévisageait. Il lui indiqua son téléphone en lui disant qu'il était tellement absorbé par ses pensées qu'il ne l'avait même pas entendu sonner. Yuri s'en saisit et lut rapidement le message.

As-tu compris ? As-tu résolu l'énigme ? Que dirais-tu de manger du chocolat pour faire une pause ? Regarde dans ton meuble à chaussures.

Yuri alla ouvrir le meuble et vida le contenu sur le sol. Les chaussures atterrirent pêle-mêle sur le sol en un joyeux désordre. Yuri ne se donna pas la peine de les ranger trop heureux de mettre la main sur le paquet et la carte. Il sautilla sur place en reconnaissant l'emballage des chocolats. Il les adorait. Il tendit le paquet à Otabek avec un sourire d'enfant ravi.

« _ J'adore les chocolats Alionka (5) ! Papy m'en achetait quand j'étais petit !

_ Oui, tu m'en avais parlé, je crois.

_ Ah oui ? Peut-être... T'en veux un ?

_ Avec plaisir Yura. Merci. Et que dit la carte ?

_ Attends, je lis. »

J'ai tant de choses à te dire

Que je n'aurai jamais fini

De te parler, de te sourire

Pour essayer, d'être compris.

Sans un mot pour son ami, Yuri attrapa son téléphone. Il envoya un message au numéro inconnu.

Merci. J'aime ces chocolats. Mais ça tu le savais déjà.

Il se redressa brusquement. Il avait entendu un téléphone vibrer. Il en était sûr. Alors qu'il se dirigeait vers la source du bruit il fut interrompu par Otabek qui tout en lui désignant la pile de chaussures lui demanda.

« Comptes-tu ranger ou me laisses dormir parmi tes chaussures ? »


23 décembre

Il le regardait dormir. Il avait l'air si paisible dans son sommeil. Il replaça une mèche de cheveux derrière son oreille. Il aurait aimé laisser sa main s'enfouir dans la crinière blonde et soyeuse. Il aurait aimé se pencher et d'un baiser le réveiller mais il n'en fit rien. Il repensa à la soirée de la veille. Yuri l'avait surpris. Tout d'abord lors du diner puis lorsqu'il avait envoyé un message au numéro inconnu. Il avait déjà essayé de rentrer en contact avec son mystérieux admirateur mais ça avait été différent cette fois. C'était comme si il avait compris. Peut-être qu'il avait des soupçons. Et que faire pour aujourd'hui et les prochains jours ? Il ne pouvait plus prendre le risque d'envoyer des messages alors qu'ils étaient ensemble. Il avait été trop près de se faire prendre hier. Une petite voix ensommeillée le tira de ses pensées.

« _ 'lut

_ Bonjour Yura. Bien dormi ?

_ Oui et toi ? Ca fait longtemps que t'es réveillé ?

_ Un peu. Je ne voulais pas te réveiller en faisant du bruit.

_ Ca fait longtemps que tu me regardes dormir ? »

Otabek eut un petit rire gêné. Pris en flagrant délit ! Il éluda la question et proposa à Yuri de se lever et de préparer rapidement. Ils pourraient ainsi faire une petite promenade à moto avant d'aller s'entraîner.

Yuri peina à se concentrer pendant l'entraînement. Il réfléchissait à son fameux calendrier et à l'attitude d'Otabek depuis son arrivée. Ils se connaissaient depuis quelques années maintenant et ils avaient passé autant de temps que possible ensemble vu leurs emplois du temps. Il avait noté les tentatives de rapprochement d'Otabek. Il en avait peur autant qu'il les désirait. Ou alors il s'imaginait des choses, il n'était pas sûr de lui. Il avait tenté de lui faire comprendre ses sentiments, maladroitement certes ; mais c'était toujours mieux que rien se disait-il. Il avait néanmoins décidé de combattre sa timidité presque maladive en le surprenant ce soir. Il savait le goût d'Otabek pour les pâtisseries russes et avait l'intention de lui offrir des oreschki (6). Il n'en avait jamais fait mais ça ne pouvait pas être si compliqué que ça. Tout à ses réflexions, Yuri ne vit pas les regards amusés de ses amis qui le regardaient dériver sur la glace. Viktor se fit toutefois un malin plaisir de le ramener à la réalité en le taquinant. Il ne pouvait résister à la tentation de mettre son petit frère d'adoption mal à l'aise. Il était aussi curieux de voir si son benjamin avait deviné l'identité de son mystérieux admirateur.

« _ Yurio !! Alors tu partages avec nous tes cadeaux ?

_ Ta gueule le vieux ! Et nan t'aura pas ce que m'a offert B... »

Yuri s'arrêta, réalisant ce qu'il allait dire. Il fixa intensément Viktor pour tenter d'évaluer ce que celui-ci savait.

« _ Qu'est-ce que tu sais le vieux ?!

_ Quoi mon petit Yurio demande de l'aide ?

_ Nan ! Fais pas chier et crache le morceau ! Tu sais quoi ?

_ Eh bien que tu rougis très facilement quand on te parle d'un certain jeune patineur à la peau hâlée ...

_ Ferme là ! J'te parle pas de ça !

_ Ah mais tu parles des cadeaux... C'est pourtant évident mon cher !

_ Quoi ?! Mais de quoi tu parles ?

_ Le code postal de Barcelone, tes sucreries préférées, les poèmes... Les lieux où tu les as trouvés... A ton avis qui peut être assez proche de toi pour faire ça ? Qui te connais assez pour t'offrir tout ce que tu aimes ? A ton avis, qui se meurt d'amour pour son petit Tigre qui ne voit rien ?

_ Tu racontes n'importe quoi ! Tu sais rien en fait ! »

Yuri attrapa ses protèges-patins et se rua dans les vestiaires. Son cœur affolé battait dans sa poitrine. Le sang lui battait les tempes le rendant légèrement nauséeux. Il était en colère contre Viktor qui s'amusait beaucoup trop de la situation. Il en avait également après les autres qui semblaient tous avoir déjà compris alors que lui était dans le brouillard. Il aurait voulu crier son désarroi mais ce retint et se laissa glisser au sol. Il resta un long moment assis sur le carrelage froid tentant de retrouver la maîtrise de lui-même.

« _ Tu as le droit d'aimer Yuri. Laisse juste ton cœur accueillir ce sentiment. Si tu as besoin de parler, je t'écouterai et je te promets de ne rien dire à Viktor. »

Yuuri déposa sa main sur l'épaule de l'adolescent. Celui-ci qui ne l'avait pas entendu approcher ne le repoussa pas et pour la première fois depuis longtemps se laissa aller à parler. Il n'y avait qu'avec Otabek qu'il parlait d'ordinaire mais la gentillesse et la douceur du Japonais avaient eut raison en cet instant des solides murailles qu'il avait dressé. Avant de comprendre pourquoi il le faisait il lui livra ses sentiments, ses doutes, son cœur.

« _ Mais... Et si... Il voulait pas de moi ? Si je me trompais ? Après tout... Lui c'est un homme alors que je suis qu'un ado attardé incapable de dire ce qu'il pense. Et si, il avait quelqu'un ? Et si, c'était une femme, Il m'a jamais parlé de ses conquêtes. Je sais pas si... Je vais, si ça se trouve, le dégoûter, et il va partir. Il va m'abandonner comme tous les autres... Comme mes parents... C'est peut-être pour ça qu'ils se sont fait la malle. Parce que je suis pas normal. Je sais pas si j'arriverai à supporter qu'il me laisse lui. Il... Putain ! Mais pourquoi ça me fait mal et en même temps du bien de penser à lui ? Ca se trouve j'me goure et c'est pas lui qui me fait des cadeaux ! C'est juste un putain de détraqué ! Ou alors, c'est quelqu'un qui veut me briser le cœur. Ca me briserait le cœur si lui... »

Yuri s'arrêta et tenta de refouler les larmes qui glissaient maintenant le long de ses joues pâles. Il retint à grand peine un sanglot et se cacha entre ses bras croisés sur ses genoux en une vaine tentative pour se dérober au regard de son interlocuteur. Doucement, Yuuri passa un bras autour de ses épaules. Un geste tendre qu'il s'attendait à voir repousser mais il n'en fut rien. Il consola de son mieux Yuri, si fragile, si désemparé en cet instant. Il était tellement touchant dans sa détresse qu'il en eut le cœur serré. Il se promit intérieurement de l'aider.

« _ Ne confonds pas tes parents avec ceux qui t'aiment tel que tu es. Tu es quelqu'un de bien. Maladroit, sensible et avec un sacré caractère. Tu n'as rien d'anormal Yuri. Il n'y a rien d'anormal à aimer. Pour en revenir à tes sentiments, rien ne t'oblige à lui parler ce soir et à te dévoiler. Mais rassure-toi Yuri. Otabek n'est pas le genre de personne à fuir ou à se moquer des sentiments des autres. Il t'aime beaucoup et peut-être plus que tu ne le crois. Rien ne te force à te parler tant que tu n'es pas prêt. Otabek respecteras ton rythme mais... Pour être franc. Je suis persuadé qu'il ne te repoussera pas.

_ Comment tu peux le savoir ?

_ Il y a des regards et des actes qui ne trompent pas. Tu crois vraiment qu'il quitterait Almaty pour venir s'entraîner ici s'il ne tenait pas un minimum à toi ? Il n'y a que toi qui puisses être la raison de ce changement.

_ Ah...

_ Et si tu lui préparais une surprise pour le 25 décembre ? Une soirée où vous auriez du temps pour parler rien que tous les deux ? Tu pourrais en profiter pour lui demander pour les cadeaux.

_ Mais Yakov a dit...

_ Ne t'inquiète pas pour ça. Je vais m'en charger. Et si tu rentrais ? Tu es fatigué et tu risques de te blesser si tu patines dans cet état.

_ Mouais... Merci Yuri. Je vais y aller. »

Le Russe se leva et parti sous le regard du Japonais. Pour la première fois depuis leur rencontre, Yuri ne l'avait pas violement rejeté, l'avait écouté, remercié et même appelé par son prénom. Où était passé l'adolescent rebelle ? Yuuri sourit et se promis de l'aider à surprendre l'homme qu'il aimait. Il savait qu'Otabek était l'admirateur secret et que Yuri n'avait pas à craindre un rejet. Il voulait juste lui donner un petit coup de pouce et faire en sorte que la première déclaration d'amour du jeune homme envers lui soit mémorable. Il allait parler à Viktor et les autres. Peut-être qu'ensemble ils pourraient aider ce jeune homme qu'ils aimaient tous tant.

Yuri regagna l'appartement plongé dans ses pensées et s'enferma dès son arrivée dans la cuisine. Il se mit à confectionner les oreschki pour son ami tout en pensant aux discussions de la journée. Si Otabek se cachait derrière tout ça il devait comprendre comment mais il devait aussi être sûr que c'était lui. Yuuri avait peut-être raison sur certains points. Mais, ça n'expliquait toujours pas le pourquoi et le comment. Il avait l'impression de se faire des nœuds au cerveau à force de réfléchir. Il fut brusquement arraché à ses réflexions quand Otabek l'interpella depuis le seuil de la porte.

« _ Que prépares-tu Yura ?

_ Des... Gâteaux. »

Otabek vint le rejoindre devant le plan de travail et sourit, admiratif. Il saisit une des pâtisseries en forme de noix, appliqua un petit mouvement rotatif et sépara les deux parties. Il porta un morceau à sa bouche et savoura la douceur de la confiture de lait et le croquant de la pâte sablée.

« _ C'est délicieux Yura.

_ Ah ?

_ Tu es très doué. Une raison particulière pour te mettre en quatre en cuisine ?

_ Je... Pour... »

Yuri hésita. Devait-il se jeter à l'eau ou attendre ? Pouvait-il tout dévoiler à son ami ? Inconsciemment, il se rapprocha d'Otabek. Il fut coupé dans son élan quand il entendit la porte d'entrée claquer. Ilse retourna et indiqua qu'il allait préparer le diner et qu'ils pourraient passer à table dans une heure. Déçu par la réaction du jeune homme, Otabek s'éloigna de lui et sortit de la cuisine. Il salua brièvement Yakov qui les observait et se rendit dans la chambre qu'il occupait avec Yuri. Il déposa sur le lit de la Fée Russe un paquet avant de s'assoir et de se prendre la tête dans les mains. Il était temps que le jeu cesse. Ses nerfs n'allaient pas tenir. Il avait réalisé un peu tard qu'il était plus facile de jouer à ce petit jeu de séduction à distance. Il se reprit et se mit en quête d'une nouvelle cachette quand il fut interrompu par la sonnerie de son téléphone.

La soirée se passa dans le plus grand calme. Yuri semblait songeur, Yakov les observait sans rien dire et ne fit aucune remarque, Otabek réfléchissait au meilleur moyen de confesser ses sentiments, et Potya passait des genoux de l'un à l'autre en quête de caresses et câlins. Quand Yuri quitta sa place sur le canapé pour aller prendre une douche, Yakov saisit l'opportunité et se tourna vers l'autre jeune homme.

« _ Alors, c'est quoi le cadeau de ce soir ? »

Otabek resta figé et dévisagea son vis-à-vis. Ainsi, il savait et avait décidé de clairement le lui faire savoir. Il n'hésita pas longtemps sachant que mentir à cet homme ne servirait à rien sinon à l'énerver. Il veillait sur Yuri comme sur son fils et n'admettrait pas de dérobades. Avec un soupir, le Kazakh abdiqua.

« _ Des bonbons Batontchiki (7) et une boîte de thé noir.

_ Tu les as planqués où ? »

Otabek se passa nerveusement la main sur la nuque. Il n'avait pas réussi à trouver le bon endroit pour dissimuler les cadeaux. Yuri avait retourné sa chambre la veille en espérant trouver les derniers paquets et les derniers indices. Il ne savait pas comment faire pour ce soir.

« _ C'est encore dans ma valise... Yura a fouillé sa chambre hier. Je n'avais pas prévu ça.

_ Tient donc ! Tu m'étonnes. Je suis moi étonné qu'il n'ait pas dévasté tout l'appartement. Donne-moi le paquet. Je vais arranger ça.

_ Merci mais..

_ Mais quoi ? T'es à court d'idée et moi je sais où il n'a pas encore cherché. Je le mets dans la bibliothèque. Il n'a pas encore fouillé là.

_ Merci. Vous n'êtes pas en colère ?

_ Je suis furieux mais aussi admiratif. Moi à ta place je me serai contenté d'un bouquet de fleurs ! »

Otabek sourit. Il n'avait pas tort sa démarche était originale. Yakov prit le paquet que lui tendit le jeune homme quand celui-ci revint de la chambre. Il le dissimula rapidement derrière quelques livres pendant qu'Otabek en profita pour envoyer le message puis tous deux reprirent place alors que Yuri revenait en grommelant car ses cheveux étaient très emmêlés. Le jeune homme les dévisagea avant de lâcher.

« _ Vous avez des têtes de coupables !

_ Au lieu de dire des bêtises décroche ce téléphone ! Il sonne !

_ Ouais, c'est bon... »

Yuri ignora l'appel de Viktor pour se concentrer sur ses messages. Il répondit vaguement à Georgi et Mila, préféra attendre avant de répondre à Yuuri et ignora royalement ceux de Viktor. Son attention se porta enfin sur celui de l'inconnu.

Maintenant que tu as pris goût à la lecture, que dirais-tu de choisir un nouveau livre ?

Perplexe, il se dirigea vers la bibliothèque. Il regarda les rangées de livres correctement alignées. Il n'osait pas prendre un des livres dans la bibliothèque de Yakov. Ce n'est pas qu'il n'aimait pas lire, en vérité, c'était juste que rien ne le tentait parmi la sélection. Précautionneusement, il tira le livre le plus proche, lut le titre, Le Bracelet de grenats et autres nouvelles d'Alexandre Kouprine. Il sursauta quand Yakov lui fit remarquer que c'était un bon choix. Une belle histoire d'amour bien que triste. Il conseilla dans la foulée Premier amour de Tourgueniev et Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig qui étaient juste à côté. Le rouge aux joues, Yuri prit les différents ouvrages et il remarqua enfin un paquet qui ne semblait pas avoir sa place ici. Il posa les livres sur la table basse avant de s'en emparer. Il l'ouvrit un lâcha un petit cri de contentement.

« _ Qu'est-ce qu'il y a Yuratchka ?

_ Je... C'est un cadeau ! Génial des bonbons Batontchiki et du thé noir. C'est mon thé préféré ! Il y a une carte aussi.

_ Et ça dit quoi ? »

Bien que gêné, Yuri lut le poème à voix haute.

Je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d'amour; je ne sais plus si je vis, si je mange, si je respire, si je parle; je sais que je t'aime

Il se mordit la lèvre et rougit violement.

« Je vais faire du thé. »

Il courut plus qu'il ne marcha vers la cuisine où il s'enferma.




Avant tout je vous souhaite une très belle et heureuse année

Comme toujours vous trouverez les références des textes cités ainsi que toutes les explications quant aux lieux, pâtisseries et plats, traditions etc. Dans ce chapitre, j'ai essayé de mettre au maximum la pâtisserie et les confiseries russes à l'honneur.

Les images utilisées pour illustrer les différents chapitres ne sont pas ma propriété. J'avais oublié de le préciser, c'est chose réparée.

Poème 22 décembre : Maurice Carême, J'ai tant de choses à te dire

Extrait du 23 décembre : Lettre d'Alfred de Musset à Georges Sand

(1) Kuznechny Market : marché de Saint-Pétersbourg où sont vendus fruits, légumes, charcuterie et diverses spécialités russes. Il est aussi possible d'y trouver des spécialités turkmènes, géorgiennes, kazakhes etc.

(2) Kacha : bouillie à base de céréales concassées ou de légumineuse.

Salade olivier : salade à base de pommes de terre, de légumes, de cornichons et de cervelas. Salade très populaire et notamment servie au Nouvel An.

(3) Chak chak : gâteau frit au miel originaire du Kazakhstan.

(4) Le calendrier de l'Avent est une tradition venue d'Allemagne et apparue au XIXème siècle. Bien que très répandue en Europe ou plus largement en Occident, elle n'est pas répandue en Russie.

En Russie, Noël est avant tout une fête religieuse qui est célébrée par les Orthodoxes les 6 et 7 janvier.

Les cadeaux sont échangés au Nouvel An. Ils sont apportés aux enfants par Ded Moroz (Grand-père Gel) aidé de sa petite-fille et assistante Snegourotchka. Le Père Noël n'existe pas.

(5) Chocolats Alionka : chocolats fabriqués depuis les années 1960. L'emballage représente une petite fille avec un foulard sur la tête et est caractéristique de cette marque. Alionka est un diminutif affectueux du prénom Aliona.

(6) Oreschki : gâteaux à pâte sablée en forme de noix et fourrés à la confiture de lait.

(7) Bonbons Batontchiki : bonbons en forme de petites buches. Ils ont un goût de praline, de cacahuète et de chocolat.

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