Partie 5

   Ce sont là les souvenirs les plus marquants que je garde d'avant mes dix ans. J'ai continué à assister aux cours de mon école, avec encore plus d'entrain. J'ai repris ma vie, avec toujours des différences concernant mon éducation par rapport à mes voisins.
   De temps en temps, Sapian-da et mon grand-père correspondaient. Ils échangeaient quant à la vie des tribus et de la forêt - grand-père avait prit la suite de sa défunte épouse en temps que Sage vitam - mais également quant à mon évolution.
   Régulièrement, un prêtre me donnait rendez-vous afin que j'apprenne à entrer en contact avec Pan. Il s'agit d'entrer dans un état de profonde décontraction grâce à la méditation et à certaines plantes, que l'on brûle pour s'imprégner de leur fumée.
   Entrer en contact avec le dieu dont on est l'hôte ne ressemble pas à engager une discussion. Nous ouvrons notre coeur et notre esprit afin de partager nos émotions. Notre dieu peut nous répondre en transmettant de l'énergie, sous forme de chaleur ou de force. Avec de l'habitude, il peut y avoir un réel échange d'émotions, puis de sentiments. Peuvent dans certains cas s'en suivre des images, comme des souvenirs ou des idées. Les Silvastirs les plus expérimentés, la plupart étant sages, pourraient échanger avec des mots. Les dieux peuvent ainsi à la fois guider et transmettre la mémoire des nôtres sur plusieurs générations.
   En ce qui me concerne, je crois que j'ai pu recevoir des émotions aux alentours de mes dix ans. C'est un événement très rare, des pensées trop complexes pour mon âge : on s'attendait d'ordinaire qu'elles surviennent après trente ans.

   Je me souviendrai toujours - je l'espère - du jour où j'ai ressenti un sentiment provenant de Pan. J'avais presque treize ans, la veille de mon rituel de passage de Silvori à Silvastir. J'avais peur que tout ne se déroule comme prévu. Je m'étais réfugiée dans un coin de la forêt,  dans le creux d'un arbre - le même arbre sur lequel je suis assise aujourd'hui. Je me souviens avoir pleuré. Une onde de chaleur avait parcouru mon corps, et j'ai éprouvé une sensation se réconfort. Cette sensation s'accompagnait d'une confiance et d'une tendresse du dieu à mon égard.
   Quand j'en ai parlé à ma mère quelques jours plus tard, elle m'a regardé avec cet air à la fois fier et inquiet qu'elle a souvent. Ses yeux étaient légèrement plissés, les recoins de sa bouche se relevaient avec douceur et son nez se retroussait à peine. Elle m'a dit qu'elle était heureuse que je puisse vivre ces moments que d'autres n'accédaient que tard. Mais elle craignait que cela écourte mon enfance. En cela, je comprenais que les sages me donnaient plus de responsabilités qu'aux autres Silvoris de dix ans. Cependant, l'autre aspect de ce qui pouvait accélérer ma jeunesse ne me serait compréhensible que plus tard.

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