Partie 4

Toute l'assemblée avait retenu son souffle. Le temps s'était suspendu durant quelques instants.

Je ne me souviens pas de ce qui s'est passé ensuite. Est-ce qu'ils ont applaudi ? Est-ce qu'ils sont restés abasourdis ? Je ne sais. Je me rappelle seulement avoir ouvert les yeux dans la couchette de ma chambre, les bras de ma mère autour de mes épaules. Elle avait les yeux humides.

Sapian-da aussi était là. Il murmurait quelque chose à mon grand-père que je ne pouvais entendre. La façon dont il s'est retourné vers moi quand il a compris que j'étais revenue à la réalité m'avait coupé la respiration. Il posait sur mon visage un regard lourd de sagesse et de connaissance. Mais je voyais bien que cette connaissance avait ses limites.

Il s'est avancé vers mon lit et a demandé à ma mère de prendre congé. Il voulait me parler seul à seule.

Il m'a demandé depuis quand je communiquais avec les animaux. Je lui ai répondu depuis toujours. C'était la vérité, d'aussi loin que je me souvienne, les animaux m'ont toujours parlé. Pas d'une manière qu'on dirait « conventionnelle », mais par un échange plus spirituel.

J'ai anticipé sa prochaine question en annonçant que la Nature m'avait enseigné la musique, la pureté, l'apaisement. Sur ces mots, j'ai posé mes petites mains de part et d'autre du visage du Grand Sage. Il a paru d'abord surpris mais a ensuite fermé les yeux. D'une légère pression de doigts sur ses tempes, j'imaginais un flux d'énergie positive parcourir mon corps, de ma poitrine à mes bras, de mes paumes à sa tête, de sa tête à son cœur.

Son visage, dont les traits étaient emplis de responsabilité et de concentration, se relâchèrent, détendus. Alors que je m'écartais, il releva doucement les paupières, et sourit. C'était un sourire apaisé et fier à la fois, bercé d'une légère incompréhension. Puis, ses yeux s'illuminèrent, comme s'il était parcouru d'une vision divine. Il a pris mes mains dans les siennes, et appelé ma mère et mon grand père, les invitant à partager ce qu'il avait découvert.

Les dieux de nos croyances sont des esprits en contact avec les êtres. Il n'ont ni apparence ni forme physique, et vivent à travers nous, nous offrant énergie et protection. Quand on les représente, c'est sous forme de sphère lumineuse, d'une couleur propre à chacun. Ils ont tous une puissance à différents degrés, comme les êtres mortels. Cette puissance peut être d'autant plus transmise au porteur de dieu que sa relation avec lui est symbiotique.

Il se trouvait que la relation que j'entretenais avec le mien dépassait celle attendue pour une jeune silvastir de mon âge. Sapian-da, qui avait les connaissances et l'expérience de toute une vie, était capable de ressentir l'aura de ceux avec qui il échangeait. Or, le mien et celui de mon dieu étaient sensiblement de la même couleur, si bien que l'on ne les distinguait qu'avec une certaine concentration. Alors que les autres êtres fusionnaient leurs deux aurae lors du passage à l'âge adulte, les miens n'en auraient pas besoin, ou très peu.

De plus, ce dieu faisait partie des puissants. On ne donne pas de noms aux dieux, car ils sont très différents de nous, et n'ont pas besoin de s'interpeller. Si on les nomme, c'est son porteur qui le fait, poussé par son intuition. Peu de gens en sont capable, et en général, ceux-ci le font après avoir vécu longtemps avec eux.

Je prononçai pourtant :

Pan.

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