Partie 3

Je me démarquais des autres. J'apprenais plus vite, je comprenais du premier coup, je portais un regard différent sur le monde. Je crois que c'est mon regard qui a le plus marqué mon entourage. J'ai les yeux d'un vert si foncé qu'il se confond presque avec le noir de mes pupilles. On y voit dès le plus jeune âge une mysticité y briller.

J'étais constamment dans mes pensées. Je créais mon propre monde dans mon esprit, un univers qui n'appartenait qu'à moi.

Contrairement à ce que tu pourrais croire, je n'ai commencé à parler que très tard, à l'âge de six ans. Je ne crois pas que je n'avais rien à dire, mais plutôt que j'avais tellement à raconter que je ne savais pas par où commencer. Alors je m'exprimais par la musique, que j'ai découverte par moi-même. Ma mère a pleuré la première fois que j'ai sorti un son de ma bouche. J'avais chanté l'air de la berceuse qu'elle me fredonnait le soir avant de dormir. Je l'avais accompagnée du chant des oiseaux, qui offraient un fond sonore en harmonie avec ma voix. Je crois que tout le village a entendu ma prestation.

Le jour de mes six ans, lors de la fête de l'équinoxe de printemps, une estrade avait été plantée pour le discours que devait prononcer ma grand-mère. Mais depuis quelques semaines, elle était faible et malade. Nous espérions tous qu'un miracle ait lieu et puisse la rétablir. Mais il n'en fut. Son âme a quitté son corps dans la journée, et tous les Vitam ont prié pour qu'elle repose en paix. Sapian-da, le Darbor, Grand Sage et sage Da'vin, avait rejoint la cérémonie du décès de Nala-vi.

Chez nous, la mort ne signifie pas la fin de la vie mais son prolongement naturel. Quand notre corps meurt, il nourrit la terre, qui nous nourrit et nous offre sa protection à son tour.

Notre croyance réside en des dieux vivant chacun en nous, êtres de la nature. Ils vivent en nous, et nous guident tout au long de notre vie. Ils ne sont pas qu'en les Silvastir, mais aussi dans les animaux, les plantes. Nous vivons en symbiose avec eux, bien qu'ils n'influent pas sur nos choix. Ils font la force de notre caractère.

C'est ce qui fait pour nous l'égalité des espèces et le cycle de la vie. Quand un être ne vit plus, son âme est dispersée autour de son corps et elle continue à vivre dans la mémoire et le cœur de ses proches. Son dieu, quant à lui, part en quête d'un nouvel hôte, dont il a besoin pour subsister.

C'est pour cette raison que nous ne sommes pas aussi tristes que vous lors d'un deuil. Bien sûr, nous sommes tristes, mais pas de la même manière. Ce n'est pas son esprit qui nous manquera, mais sa présence corporelle.

 Lorsque son linceul est apparu sur l'estrade, je me souviens que Sapian-da a discouru sur la vie de ma grand-mère telle qu'elle a été et telle qu'elle sera. Il a béni son âme. Quand il a accompli son geste, je suis montée le rejoindre, et les bruits de la forêt, les vent et les feuilles, les pépiements d'oiseaux, les murmures des animaux se sont intensifiés dans une douce mélodie commune. Je chantai alors, sur l'air de la nature.

Je crois n'avoir prononcé aucune parole, aucun mot. Seulement le son de ma voix, comme l'instrument du morceau de la nature. L'instant a duré, autant que pouvait mourir le soleil, dans sa descente jusqu'à la nuit.

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