Si tu vis près de ma forêt d'origine, tu as peut-être déjà entendu parler des Silvastir. Je sais qu'il existe quelques contes qui mentionnent vaguement notre culture, mais ils sont tellement rares que la probabilité que tu en aies la connaissance est moindre.
Si je dois faire une comparaison, nous sommes apparentés physiquement aux nymphes des bois et au dryades. Mais nos ressemblances avec elles s'arrêtent là. Les nymphes sont superficielles à souhait et les dryades n'ont pas d'autre intérêt que de rester plantées près de leur arbre.
Pour faire une description physique de mon peuple, j'utiliserai des points communs avec ta race. Nous avons une taille plus élancée et moins dure que la vôtre. Nous avons le sang et la peau verts, dus à la présence de chlorophylle. Cette chlorophylle nous permet de ne dégager ni chaleur, ni odeur particulière. Enfin si, nous avons chacun une odeur différente, mais elle ne se démarque pas avec netteté de notre environnement qu'est la forêt. Si vous n'avez pas l'habitude de nous croiser, vous ne pourrez jamais nous sentir. Sauf si vous êtes herbivores. Mais toi, si tu es un humain comme les autres, tu dois manger également de la viande animale. Et même si tu as décidé d'avoir un régime spécial sans chair, votre corps a été habitué à la chasse, et à sentir l'odeur du sang depuis des générations.
Nous, nous ne chassons que quand il est vraiment nécessaire. On préfère se nourrir de végétaux. On apprend à manier l'arc et les flèches, pour se protéger contre d'éventuels prédateurs, mais nous faisons en sorte de les utiliser le moins possible. Notre souplesse et notre rapidité nous permettent d'obtempérer pour le camouflage. Il faut dire que notre peau verte, nos cheveux plus foncés, nos ongles bruns et nos vêtements faits de feuillages nous aident à passer inaperçus chez nous.
De ce fait, nous ne pourrions en aucun cas passer inaperçus chez vous. Nous avons des oreilles en pointe, des yeux en amande, le visage plus fin que le vôtre. Nos pieds sont habitués à marcher nus. Je n'ai jamais compris, d'ailleurs, comment vous pouvez être à l'aise dans vos chaussures. C'est une chose qui m'intrigue. Un d'entre vous m'a dit que c'était utile quand il fait très froid notamment. Nous, dans la forêt, nous avons un climat auquel nous nous sommes adaptés, donc nous n'avons pas ce problème.
Tu comprendras certainement en lisant mes descriptions la raison de l'enchantement de l'objet que tu as entre les mains. J'y relate notre fonctionnement de vie, nos aptitudes, et nos secrets. Et les dieux seuls savent combien nous préférons rester cachés.
Je n'aurai donc aucun mal à t'avancer nos coutumes et notre patrimoine. Ne pense pas que c'est parce que je pense que ce cahier est entre de bonnes mains, non que ce ne soit pas le cas. Je te rappelle que je ne sais pas qui tu es. J'ai seulement confiance en l'efficacité des sortilèges que je lance.
Revenons sur mon physique. Tout ce que je t'ai décrit correspond à mon peuple. Mais pas à moi. Enfin, pas entièrement. Pour l'expliquer, il me faut remonter avant ma naissance. Et pour remonter avant ma naissance, il faut que j'éclaircisse certains points.
Il y a cinq tribus majeures chez les Silvastir. Chaque tribu n'a pas de chef – nous détestons la hiérarchie – mais un Sage. Chaque tribu a sa signification particulière, et ceux qui y vivent, à partir de leur entrée dans la société, à 13 ans, sont accordés à placer un suffixe désignant sa tribu. Je parlerai de cette cérémonie plus tard, là n'est pas le sujet.
Les cinq tribus sont les Da'vin, les Luz, les Namen, les Venvi et les Vitam,
respectivement natifs de la Sagesse, de la Lumière, de la Nature, de la Vie et de l'Énergie. Leurs silvastirs sont dotés d'un suffixe derrière leur prénom, de la première syllabe du nom de la tribu. Ainsi, la Sage des Namen s'appelle Silvia-na.
Mon peuple vit dans l'harmonie de la nature, et dans l'égalité entre tous, que nous soyons homme, femme, enfant, animal ou végétal. Dans cette optique, nous accepterions n'importe qui ayant besoin d'une couche ou d'un couvert ; mais il y a quelques exceptions. Vois-tu, nous vénérons des dieux différents des vôtres, et pour nous l'âme de la Vie réside dans le Silven, l'Arbre Sacré au cœur de notre forêt. Dans notre langue, c'est l'Arbre de la Vie.
Ce n'est pas un simple arbre. Il est très ancien, et très massif. C'est un chêne plus vieux encore que la forêt qui s'érige autour de lui. Dans son cœur réside une magie antique, capable de guérir tous les maux. Il est notre point de repère, et autour de lui est bâtie notre capitale. Nous nous réunissons là-bas pour les fêtes religieuses et les grandes cérémonies. Chaque cycle, une tribu différente réside à ses cotés, pour que l'on veille sur l'arbre et qu'il veille sur nous. Le sage devient alors Grand Sage et beaucoup de décisions sont prises avec son accord bienfaiteur.
Malgré la pureté non contestable du Silven, des races telles que la tienne ont voulu se l'approprier pour tenter d'en tirer profit. C'est pour cette raison que nous nous méfions des étrangers, même si nous ne leur voulons aucun mal.
Quoi qu'il en soit, une Silvastir, Nucia-vi à l'époque, avait croisé le chemin d'un humain comme toi. Il disait s'être égaré et chercher un asile où pouvoir se reposer et panser ses blessures. La jeune femme, d'abord sceptique, accepta d'offrir son aide, sans rien lui demander en retour. Elle l'accompagna jusqu'à chez elle, où elle résidait avec son père. Celui-ci n'était pas ravi, loin de là, mais il avait confiance en sa fille, qui avait déjà fait ses preuves.
Mais l'humain resta, même après être complètement rétabli. Il apprit avec un engouement certain à vivre comme et avec ses hôtes. Il commença bientôt à partager une relation amoureuse avec Nucia. Malheureusement, il s'avéra très vite que la raison de sa venue n'était pas innocente. Il fut arrêté en train d'essayer de cartographier l'emplacement du Silven.
L'étranger se fit enfermer en attendant sa sentence. Il avait infiltré notre peuple, trahi ses hôtes et tenté de découvrir les secrets des Silvastir dans le seul but de vendre ses informations aux siens.
Celle qui fut son amante dit tout pour qu'il ne soit pas exécuté. Tuer n'était pas dans nos habitudes, mais il avait franchi les limites de notre courtoisie. Nucia-vi réussit à faire céder sa grand-mère, le sage de la tribu. Pour ce faire, elle renonça à son titre de Vitam, en échange de la condamnation à l'exil de celui qui fut son amant.
Il en fut ainsi, et depuis ce jour, la jeune femme resta en écart de la société, refoulée comme celle qui avait mis en péril ses frères. Sa grossesse ne tarda pas à être découverte. On la pointa du doigt de plus belle. Lorsqu'elle donna naissance à une petite fille, celle-ci fut surnommée « l'Hybride ».
Elle avait la peau pâle, d'un verdâtre clair. Ses cheveux verts tiraient sur le brun. Ses oreilles en pointe étaient beaucoup moins marquées. À la base de sa nuque se dessinait ce qu'on pensait à l'origine être une tâche de naissance.
Il n'y avait aucun doute quant à son origine paternelle.
Tout comme sa mère, elle fut mise à l'écart, mais pas pour les mêmes raisons.
Cette petite fille, c'était moi.
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