Semaine 1 : Le récit fantastique
La petite Léa ne croyait plus en grand chose.
Elle ne croyait plus au Père Noël, ni à la Petite Souris.
Elle ne croyait plus au bonheur.
Elle ne croyait plus aux mensonges de Papa quand il disait que Maman allait guérir.
Parce que Maman n'allait pas guérir.
Quand on passe ses journées à l'hôpital, et que à chaque fois on a l'air encore plus inquiet, c'est bien qu'il y a un problème.
Maman n'allait pas guérir, non. C'était trop tard maintenant.
Maman allait mourir.
Personne ne l'avait officiellement dit à Léa.
On ne dit pas des choses comme ça à des petites filles de cinq ans.
Au contraire, on arrête subitement la conversation quand elle arrive, et on dit d'un ton triste qu'on cache derrière un faux sourire que tout va bien, qu'il ne faut pas s'inquiéter et que c'est une conversation de grande personne.
Léa en avait marre de protester, de crier, de pleurer.
Alors elle obéissait et allait parler à Doudou Lapin, sa peluche, dans le jardin.
Elle le savait, cet être qu'elle chérissait tant n'était qu'un bout de tissu dégoûtant.
Léa savait beaucoup de choses qu'une petite fille du même âge ignorait.
Mais la petite Léa préférait encore parler à Doudou Lapin, bien qu'il ne lui réponde jamais, qu'à un adulte, qui lui mentirait à coup sûr, à grand coups de sourires mielleux et de "tout va bien".
Oui, Doudou Lapin n'était qu'un bout de tissu inutile, mais les discussions avec lui étaient plus réelles qu'avec un de ces menteurs appelés "adultes".
La petite Léa ne croyait plus en grand chose.
Et encore moins à ce que disaient les adultes.
Elle sursauta en sentant brusquement un souffle glacial derrière elle.
Elle ne se retourna pas.
Léa n'avait plus peur. Elle n'était plus triste. Elle n'avait plus mal.
- Bonjour, petite Léa.
La petite fille ne répondit pas. La voix qui venait de parler était une voix d'homme, douce et bienveillante.
- J'ai pas le droit de parler aux inconnus.
À vrai dire, Léa se fichait de ce qu'il pouvait lui arriver.
Elle se rappelait vaguement de Maman lui ordonnant de ne pas parler aux gens qu'elle ne connaissait pas d'un air très sérieux.
- Qu'est-ce que tu fais dans mon jardin ? demanda finalement la petite fille, ignorant volontairement les ordres de sa mère.
- Je suis venu pour t'aider. Mais ce serait plus pratique si tu te retournais pour me regarder, tu ne penses pas ?
Un autre ordre caché sous un ton doux.
C'est pour ça que Léa haïssait tant les adultes.
Ils semblaient si gentils en apparence, mais mentaient et donnaient des ordres.
C'était injuste.
- Petite Léa... je sais que tu ne supportes pas la façon dont certains adultes mentent. Je veux bien essayer de t'aider, mais il faudrait que tu te retournes.
Léa accepta à contrecœur.
Elle détestait cette sensation, mais une petite part d'elle même faisait aveuglément confiance aux adultes.
C'était ce tout petit détail qui faisait encore d'elle une enfant.
Elle écarquilla les yeux en découvrant l'homme derrière elle.
Il semblait avoir une trentaine d'années, et portait une simple tenue de ville.
Mais le plus étrange était sans aucun doute le fait qu'il était à moitié transparent, et qu'il flottait en l'air à une dizaine de centimètres du sol.
- Que... Qu'est-ce que vous êtes ?
L'homme sourit gentiment. Son sourire n'était pas un sourire forcé comme celui de Papa, mais un vrai sourire, ce que Léa n'avait pas vu depuis longtemps.
Elle avait oublié à quel point c'était agréable de voir un véritable sourire.
- Je suis un fantôme. Je suis mort il y a quelques années, et je...
Il fût interrompu par Léa.
- Ne dites pas n'importe quoi. Les fantômes, c'est comme le Père Noël ou la Petite Souris. Ça n'existe pas.
L'homme sembla surpris d'entendre de telles paroles de la part d'une si petite fille.
- Tu ne crois pas en grand chose, dis-moi...
- Ça sert à rien. Tout ce que les adultes disent est faux.
L'homme rit face à sa réponse :
- Je dois l'admettre, les adultes mentent très souvent. Mais, pour leur défense, c'est souvent pour des bonnes raisons.
- Quand on tient vraiment aux gens, on ne leur ment pas.
L'homme souriait toujours, mais son sourire était un peu triste.
- Je ne te demande pas de me croire. Simplement de m'écouter. Tu veux bien ?
Léa hésita une seconde, puis hocha la tête, serrant Doudou Lapin contre elle.
L'homme sembla agréablement surpris, et expliqua :
- Comme je te l'ai déjà dit, je suis un fantôme. Je suis mort il y a dix ans, de la maladie dont ta maman souffre. Ça s'appelle le cancer.
Léa écarquilla les yeux.
Elle savait que Maman avait le cancer. Elle l'avait écouté, deviné...
Mais c'était la première fois que quelqu'un lui expliquait vraiment les choses telles qu'elles étaient.
L'homme continua :
- Je voulais simplement te dire... c'est vrai que moi, je suis mort du cancer. Mais ça ne veut pas dire que ta maman aussi. Je suis mort il y a dix ans, et beaucoup de choses ont évolué entre temps, y compris la médecine. Je suis convaincu que ta maman va réussir à être soignée.
Léa ne croyait pas aux paroles des adultes.
Et pourtant, elle croyait cet homme.
Il mentait sûrement sur le fait qu'il soit un fantôme.
Il mentait aussi sur le fait qu'il était mort il y a dix ans.
Mais... il semblait dire la vérité sur Maman.
En tout cas, Léa voulait le croire.
Pour la première fois depuis très longtemps, elle voulait croire en quelque chose.
La petite fille releva les yeux vers l'homme, mais celui-ci avait disparu.
Est-ce qu'elle avait rêvé ?
Malgré ses doutes, elle était convaincue que non.
Dans ses bras, elle tentait toujours ce vieux bout de tissu qu'elle avait stupidement appelé "Doudou Lapin".
La petite Léa ne croyait plus en grand chose.
Elle ne croyait plus au Père Noël, ni à la Petite Souris.
Elle ne croyait plus au bonheur.
Mais elle croyait aux paroles de Papa quand il disait que Maman allait guérir.
Parce que Maman allait guérir.
C'était le plus important.
*****
Voilà pour mon premier rendu d'écriture !
Le thème était : une rencontre entre un personnage irréel et un personnage rationnel.
Alors... honnêtement j'aime bien, mais c'est très clairement possible que je sois hors sujet 😅
J'espère que non...
Bonne journée à tous !
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