Chapitre 41

   Lorsque je rouvris les yeux, une intense lumière blanche envahit mon champ de vision, et je compris que cette fois-ci, je me trouvais bel et bien dans un rêve. Je scrutais les environs. Je me trouvais dans une grande chambre, je dirais dans une vieille bâtisse, parce que les murs étaient en pierres taillées comme à l'époque du Moyen-âge. Devant moi se trouvait un lit à baldaquin très imposant façonné dans un bois sombre avec de jolis voiles prune. Je me relevais doucement car mon mal de crâne n'avait pas totalement disparu. Mes muscles étaient complètement engourdis, comme si j'avais réellement dormi sur ce sol dallé.

   Alors que je m'étirais, j'entendis des gazouillements d'enfants provenant du lit. Je me levai en me tenant au lit pour ne pas tomber, et j'eus la surprise de voir deux gros bébés sur le ventre d'une jeune femme. Oh mon Dieu, Emma ! C'était Emma ! Elle semblait dormir d'un profond sommeil, alors que les deux chérubins cherchaient à la téter pour se nourrir. L'un pris son doigt et commença à le suçoter. J'allais l'empêcher de faire ça quand la rose se mit à bouger, et se réveiller en sursaut.

   Elle semblait totalement perdue, et quand son regard se posa sur les deux enfants, un voile d'horreur envahit son beau visage pâle. Elle ne pouvait, visiblement, pas me voir. Je reculais du lit, en comprenant qu'Emma n'avait pas voulu être dans cette situation. Je percutai le mur, et ma tête me lança de nouveau. Comme si je recevais des ondes ultra puissantes qui désintégraient mon cerveau. Je me pris le crâne entre les mains avant de tomber de nouveau dans l'inconscience.

   Quand je me réveillais, il me semblait que quelques secondes s'étaient écoulées mais je ne pouvais pas le confirmer. Deux billes d'un éclatant vert envahies d'inquiétude me couvaient. Je ne pus me détacher de son regard envoûtant, je vis du coin l'œil ses lèvres bouger mais je n'entendis rien. Alors il recommença et cette fois-ci, je perçus délicieusement le son rauque de sa voix.

-Tout va bien Charline ? s'inquiéta Félix.

-Oui ; je murmurai ; enfin, je crois.

-Je suis soulagé ; il se détendit. Tu es tombée d'un coup, nous n'avons pas compris.

-Je suis partie combien de temps ? je demandai.

-Cinq minutes, je dirais ; déclara Loukas qui semblait plus calme.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? je questionnai.

-Ton cadenas s'est mit à briller et tu es tombée, inconsciente ; expliqua calmement le brun en me relevant et faisant des cercles dans mon dos.

-Je vois, j'avais mal au crâne. C'est sans doutes pour cela que je me suis évanouie.

-C'est étrange, peut-être que tu es liée à Emma ; réfléchit le ténébreux.

-J'ai rêvé d'elle. Enfin, maintenant que j'y pense, ça ressemblait à la réalité comme le rêve que nous avons tous fait ; je dis.

-Qu'est-ce que tu as vu ? demanda Loukas

   L'empressement de Loukas lui valut un regard désapprobateur de Félix, mais je le rassurais du regard en lui disant que ça allait. Je me mis à raconter mon rêve dans les détails, cela me paraissait aussi clair que le souvenir de ma journée d'hier. Sensation qui était d'ailleurs très étrange. D'habitude quand je rêvais, j'avais du mal à bien percevoir les choses pour le raconter. Souvent je mélangeais la chronologie et oubliais des détails que je retrouvais après. Mais cette fois-ci, je me rappelais exactement de ce qu'il s'était passé. Quand j'eus finis mon discours, les garçons se regardaient d'un air songeur. Ils réfléchissaient intensément au lien que mon pseudo-rêve pouvait avoir avec la réalité.

-C'est drôle, cela me fait vaguement penser à un conte que ma mère me lisait quand j'étais jeune ; dit Félix.

-Un conte ? demanda Loukas.

-Oui, ça s'appelait Le Soleil, la Lune et Thalie ; commença à narrer le brun ; ça parlait d'un seigneur et de son épouse qui avait une fille nommé Thalie. Pour savoir son avenir, ils avaient appelé des devins et ces derniers lui avait prédit qu'elle se piquerait le doigt avec une épine et perdrait la vie. La jeune princesse grandit et un jour, elle se piqua le doigt. Bien que le roi ait brûlé tous les matériaux épineux du royaume, et comme la prophétie le dit, elle tomba morte sur le sol. Le seigneur décida de la conserver dans un de ses châteaux secondaires et de l'oublier à tout jamais ; il raconta en mouvant ses bras. Mais un jour, un roi qui chassait par là, découvrit la belle endormie et comme il l'a trouva si belle, il l'a viola ; il expliqua avec une moue dégoûtée. Ce qui est impardonnable et dégueulasse, en passant. Ainsi neuf mois plus tard, des jumeaux sortirent du ventre de la jeune princesse, et l'un d'entre eux téta son doigt ce qui enleva l'épine empoisonnée et réveilla sa mère. A la fin la princesse tombe amoureuse du roi qui l'a violé, ce que je ne comprendrais jamais.

   A la fin du discours, Loukas et moi le regardions avec une mine dégoûtée et un peu choquée. Je n'avais jamais entendu cette histoire que je ne m'en plaignais pas.

-Ta mère te racontait ce genre d'histoire ?! je m'exclamais un peu choquée de la dureté du conte.

-Ouais, enfin, elle l'enjolivait mais c'était surtout pour la morale qu'elle nous le racontait ; sourit le conteur.

-Mais si ce que tu dis correspond à ce que Charline a vu, cela veut dire que... il s'arrêta en réalisant la suite de sa phrase. Qu'Emma va se faire violer et aura des enfants ?? C'est horrible ! paniqua Loukas.

-Je ne suis sûr de rien, mais ce que Charline nous a raconté ressemblait à ce conte ! il essaya de le rassurer.

-Comment aurait-il fait pour aller dans un livre. Toi seul à ce pouvoir ; j'intervins.

-Je n'en sais rien, mais pour être sûr, il vaudrait mieux aller voir par nous-mêmes ! formula le brun.

   Je hochais la tête, d'accord avec ce qu'il disait. Loukas semblait l'être également, une pointe de détermination s'était ajoutée à son regard turquoise. Emma comptait vraiment beaucoup pour lui. D'un commun accord, nous nous dirigeâmes en courant vers le CDI. Je ne pense pas que ça dérangera quelqu'un que nous n'allions pas en cours. Après tout les profs, comme les élèves, semblaient être dans un état second.

   Dans la pièce où les livres s'étendaient sur les murs, nous trouvions rapidement le rayon conte, et le livre en question. Il s'agissait d'un livre poche blanc avec une image doré d'un homme avec une moustache à la Hercule Poirot. Il me semblait que c'était l'auteur du conte qui était représenté.

   Je remerciais quand même le CDI, qui avait un fond de livre particulièrement fourni. Félix posa le livre sur une des tables de la pièce. Nous nous mîmes autour de lui en attendant qu'il dise quelque chose.

-Vous êtes sûr de vouloir venir, je ne suis jamais entré dans un livre avec quelqu'un d'autre ; expliqua le brun.

  -Oui, tu as besoin de nous ! je dis.

-En plus, on doit rester ensemble et soudé ! remarqua Loukas en faisant référence à mes paroles de tout à l'heure ce qui me mit du baume au coeur.

-Par contre, je dois vous prévenir que l'on risque de changer le cours de l'histoire ; nous prévins Félix.

-Ce n'est pas grave, ce ne sera pas la première histoire changée ; articula Loukas avec une voix ferme qui ne laissait aucunes réponses.

   Félix prit une inspiration ainsi que nos mains, il souffla profondément pour se concentrer et ouvrit le livre au bon chapitre. Il commença à lire le passage précédent l'arrivée du roi et donc du viol de la jeune princesse ce qui nous empêchera de contrer le roi si notre hypothèse s'avérait vraie.

-"Quand on eut frappé assez longtemps, il fit apporter une échelle de vendangeur, voulant pénétrer lui-même en la maison et voir ce qu'il y avait dedans"

  Nous fûmes baignés dans une lumière ambrée qui sortait du livre de conte. Félix resserra son emprise sur nos mains comme s'il avait peur que l'on disparaisse pour toujours. Ce qui se passa par la suite fût inimaginable. Nous fûmes téléportés dans un autre monde. J'eus la nausée le temps de notre voyage. C'était comme si j'avais pris des montagnes russes sans bouger.

   Nous nous retrouvions dans la même chambre que j'avais vue un peu plus tôt. La seule différence était que les deux bambins n'étaient pas encore là. Quand Loukas vit Emma, il voulut se précipiter vers elle. Mais au même moment, un homme apparut à la fenêtre et entra dans la chambre.

-Gabriel ! je tonnais, emplie de haine pour lui.

-Oh ; hoqueta-il de surprise ; comment... je ne pensais vous revoir de sitôt ! se reprit-il avec une voix pleine de médisance.

-Il ne faut pas nous sous-estimés ; gronda Loukas dont la haine et le mépris étaient décuplés.

-Bon, je m'occuperais de toi plus tard ma belle ; dit-il à l'intention d'Emma qui dormait paisiblement.

   Gabriel dégaina une épée de sa ceinture, Loukas bouillonnait de colère tandis que Félix dans un éclair de lucidité fit une remarque intelligente.

-Euh, on n'a pas d'épées pour se battre. Comment on fait ?

-Oups ; je lâchais malgré moi.

   Le jumeau maléfique de notre ami blond s'élança vers nous en brandissant son épée tranchante. Dans un instinct de survie, Félix se plaça devant moi, Loukas se protégea de ses bras tandis que je fermais les yeux pour encaisser le coup. Mais rien ne vint, j'ouvris un œil avec prudence, et vit une sphère de la même couleur que le jade nous recouvrir totalement. Gabriel semblait enragé et regardait ce bouclier d'un mauvais œil. La lumière provenait des mains de Loukas, qu'il regardait, d'ailleurs, avec stupéfaction.

-Je crois qu'on a trouvé ton pouvoir Loukas ! remarquait Félix.

-Peut-être mais on fait quoi maintenant, je ne vais pas rester éternellement comme ça ! lâcha le concerné en se concentrant davantage.

-Son pouvoir... je réfléchissais. Je sais !! je criais alors que Félix me regardait sans comprendre. Que trois épées apparaissent et que, Loukas, Félix et moi, devenons les meilleurs escrimeurs de ce monde! je demandais en claquant des doigts.

   Je fus soulagée de voir que mon don fonctionnait parfaitement ici aussi, car trois épées de fer apparurent devant mes yeux. J'en donnais une à Félix et me positionnais aux côtés de Loukas.

-A trois, tu baisses ton bouclier Loukas, et toi Félix, tu l'attaques. Pendant ce temps, je te donnerais ton épée ; j'ordonnais d'une voix ferme. Notre objectif : le repousser loin d'Emma !

-OUI ! s'écrièrent les deux garçons.

-Un, deux... trois !

   Tout se passa très vite, Loukas fit disparaître le bouclier qu'il avait créé. Félix fonça sur son adversaire qui ne s'y attendait pas. J'eus à peine le temps de penser que la bulle protectrice devait être également insonorisée. Je donnais l'épée au blond et nous rejoignions Félix. Je criais à Loukas de partir protéger Emma tandis qu'on s'occupait de Gabriel. Nous nous lançâmes dans une bataille acharnée.

   C'était grisant de se battre avec des aptitudes que je n'avais habituellement pas. J'avais l'impression d'être dans un roman chevaleresque ou un film d'action. Gabriel faiblissait assez rapidement. Logiquement à deux contre un, il n'avait pas une chance. Toutefois, nous nous épuisions aussi. Je sentais que le pouvoir que je nous avais conféré diminuait pour tendre à disparaître. Mais je ne pouvais pas me laisser abattre. Nous étions à deux doigts de l'avoir. Alors que je m'apprêtais à l'atteindre, je m'arrêtais net. Une voix m'avait dit d'arrêter, je ne pus m'empêcher d'y obéir.

-Retourne-toi et abats ton ami ; me souffla la voix dans ma tête alors que je croisais le regard azur de mon ennemi.

   Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Mon corps se retourna de lui-même et je me mis en garde contre Félix. Je ne contrôlais plus rien. Ce dernier me regardait avec incompréhension et je lui répondis par un regard effrayé. Je ne pouvais pas me battre contre lui. Je ne voulais pas, mais mon corps engagea un combat contre lui. Bien que je résistais, je ne pouvais pas l'en empêcher. Félix me fixait dans les yeux.

-Qu'est-ce qu'il t'arrive Charline, je suis de ton côté ? dit-il.

-Je ne sais pas, je...je ne contrôle plus rien... je déclarais.

   Déstabilisé, Félix perdit l'équilibre et tomba sur l'arrière train. Je vis Loukas accourir, mais il s'arrêta comme figé. Mon bras brandissait l'épée pour donner le coup fatal à Félix. Une panique monstrueuse m'envahit. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas qu'il meurt. Pas alors que j'avais tant de choses à lui dire, à commencer par mes sentiments.

-NOOOOOOOOOOOOON !!!!!!! je hurlais de désespoir.

To be continued ...

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