Chapitre 25

  Cléa, Irène, Lou-Anne et moi-même, nous dirigeâmes vers notre classe pour assister au cours de latin. Bien que nous ne voulions pas quitter Agnès qui semblait traîner des pieds en allant vers sa salle de classe avec Juliette. Nous n'eûmes pas le temps de tergiverser que la professeure nous accueilla déjà pour faire sa leçon. Nous nous installâmes à nos places et j'eus la surprise d'avoir Félix, derrière moi, Emma et Loukas étant derrière lui. J'en frémissais d'avance, ce qui ne passa pas inaperçu aux yeux de ma meilleure amie, qui me fit alors un sourire en coin. Le bon côté du latin était que l'on avait le libre choix de nos places, donc le plan de classe n'était jamais le même d'une séance à une autre.

   Le cours débuta et madame Luis nous proposa un énième exposé sur la mythologie romaine, donc elle nous laissa toute l'heure en autonomie. Alors que mon groupe d'amie discutait de notre sujet, je sentis un regard peser sur mes épaules puis une main se poser sur ces dernières. Je me retournais complètement vers mon interlocuteur en lui souriant de toutes mes dents.

-C'est pas bien de déranger une fille qui travaille ! je dis malicieusement.

-Ah parce que tu appelles ça travailler ! répliqua-t-il en lorgnant sur ma feuille vierge avec son petit sourire en coin.

-Il ne faut pas se fier à ma feuille, j'ai tout dans la tête ! je répondis en montrant cette dernière de l'index.

-Je n'en doute pas ! il rit. Enfin, ce n'est pas le sujet que je voulais aborder ; il continua avec beaucoup plus de sérieux ; tu vas bien ?

   Je vis dans ses yeux que son inquiétude était sincère. Mon cœur se réchauffait à l'idée qu'il s'était fait du mouron pendant toute la récréation. Je lui fis mon plus beau sourire pour le rassurer mais cela n'eut pas l'effet escompté. Il fallait dire que je n'étais pas complètement sincère. Même si la situation était mieux ainsi, Mercedes m'avait blessée.

-Ça va ! je dis.

-Tu ne pourras pas me la faire à moi ! il fit d'une voix cinglante. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

-Mercedes nous a fait une nouvelle scène et cette fois-ci, elle a été trop loin... je soupirais.

-Qu'est-ce qu'elle a encore fait ? il souffla las.

-Elle s'est crue le centre du monde et a trompé Peter dans ses paroles ; j'expliquais.

-C'est pas nouveau ça, il s'est passé autre chose n'est-ce pas ?

   Je ne savais pas pourquoi je gardais le suspens, il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert et son regard brillant qui me perçait me le prouvait. Je poussai un long soupir avant de continuer.

-Agnès a craqué, et ça ne lui a pas plu alors elle l'a insulté de lâche, de jalouse et de fille insipide et sans intérêt ; je grognais en me remémorant ses paroles.

   Je le vis se tendre et une étincelle d'irritation pour Mercedes dansait dans ses yeux. Je lui fis un petit sourire contrit pour lui dire qu'au moins tout était terminé maintenant, et je le vis se détendre. C'était sans compter l'intervention de Lou-Anne qui n'avait pas loupé une miette de notre conversation.

-Et tu sais pas le pire ! Elle a insulté Charline tandis qu'elle défendait Agnès !

   La mâchoire de Félix se crispa et son regard se fit dur quand il le posa sur Lou-Anne.

-Comment ça « insulté » ? il lâcha.

-Elle l'a traitée de, je cite, « laideron » ; elle expliqua.

   Les poings de Félix se fermaient sur la table et une rage immense assombrissait ses iris. J'étais impressionnée de le voir dans cet état pour moi. Il n'avait presque pas réagi quand j'avais précisé que mon amie s'était prise des injures, mais quand il a su que j'avais été la cible à un moment, son comportement a changé du tout au tout.

-Je te jure que si elle croise mon chemin, je lui montrerais ce qu'est un laideron à l'aide d'un miroir ! il persifla en fixant le mur derrière moi du regard.

   Je lui pris la main pour qu'il se calme. Au contact, ses yeux rencontrèrent les miens et ils se radoucirent. J'étais heureuse qu'il prenne ma défense et qu'il réagisse ainsi. Malheureusement pour nous, nous dûmes reprendre notre travail à cause de notre professeure qui venait de nous sermonner. Je me sentais étrange, mais mon sourire ne voulait plus partir de mon visage. Ma meilleure amie me regarda en souriant avant de s'approcher de mon oreille pour me chuchoter.

-Tu ne peux pas me dire qu'il n'y a rien de plus entre vous deux maintenant.

   Elle était fière d'elle, elle s'attendait sûrement à une telle réaction de la part de Félix et c'était probablement ce qui l'avait poussé à agir de la sorte en lui révélant ce que Mercedes m'avait dit. L'heure passa rapidement par la suite, tout comme la suivante. La fin de la journée m'occupa et fit passer le temps aussi vite que l'éclair. Pendant la pause, j'avais été très occupée à prendre soin d'Agnès et de Louise, qui se torturaient l'esprit. Quand j'eus conscience du temps qui était passé, j'étais dans mon car à saluer nonchalamment mes amies d'un signe de la main.

    Je pris mon livre mais mes pensées se dirigeaient vers cette folle journée. J'avais réalisé quelque chose d'important aujourd'hui, j'avais enfin tourné une page de mon histoire sentimentale. Je me sentais plus légère et sereine. Alors que le car s'arrêtait à un arrêt, j'entendis les garçons faire du brouhaha dans le fond, je me tournais pour voir qu'ils charriaient tous un petit blond que je ne connaissais pas. Je me détournais de leur tapage avant de voir Peter qui me regardait avec attention. J'inclinais ma tête sur le côté pour lui demander implicitement ce qu'il avait à me fixer.

   Contre tout ce que j'aurais pu m'imaginer, il prit son sac, regarda furtivement le chauffeur pour savoir s'il regardait ce qu'il se passait à l'arrière. Avant de s'élancer dans le couloir pour venir s'asseoir à la place libre juste à côté de moi. Je le regardais avec étonnement, puis je vis que ses amis étaient tout aussi ébahis. Peter n'avait jamais été très proche de moi. Certes, nous avions passé le primaire et le collège ensemble, et à cette époque, on s'entendait bien. Mais il n'y avait jamais eu une quelconque relation entre nous, bien qu'il aurait pu être mon premier petit copain à l'école élémentaire mais que je m'étais lâchement défilée.

   Je continuais de le fixer sans en revenir, et il me transperçait de son regard bleuté.

-Quoi, j'ai bien le droit de venir te parler ! se défendit-il comme s'il avait fait une bêtise.

-Oui, oui, je n'ai pas dit le contraire, tu me prends juste au dépourvu ! je me justifiais.

   Je repris mes esprits et compris sans peine le sujet de cette prochaine discussion.

-Je suis désolé ; il dit en baissant le regard.

-De ?

-Pour ce qu'elle t'a dit ! il répondit.

   Je voyais bien que le simple fait de dire son nom lui paraissait insurmontable. Je le comprenais, moi aussi j'aurais été aigre si j'avais entendu mon copain dire ce qu'elle avait dit.

-Ce n'est pas à toi de t'excuser ; je fis doucement.

-Je sais mais je me sens un peu coupable ; il me regarda de nouveau dans les yeux.

-Tu n'as pas à l'être, ça aurait fini comme ça de toutes façons, que tu sois en embuscade ou non ; je soupirais, fataliste. Je ne m'attendais juste pas à ce qu'elle nous insulte.

-Je ne m'attendais pas à ça non plus, la facette qu'elle a révélé aujourd'hui me dégoûte ; il lâcha et je perçus de la honte.

-Tu n'as pas à avoir honte d'elle ; je le consolais. Elle jouait parfaitement son rôle quand elle était à tes côtés et je pense que tu n'aurais jamais pu voir l'envers du décor si tu ne nous avais pas espionnées !

-Elle est vraiment... il soupirait pour retenir une insulte. Je vais la quitter.

-Cela va de soi ! je levais les yeux au ciel, contente qu'il prenne conscience de la vraie nature de son ex-petite amie. C'est pour me dire ça que tu es venu me voir ! je lui demandais.

-Je me sentais coupable alors je voulais m'excuser ; il signala avant de continuer. Et je voulais te parler d'autre chose.

   Le regard qu'il me lançait me troublait, il semblait perdu entre deux mondes à la recherche de la vérité. Mais au fond de son regard, je percevais une hésitation et une lueur de tendresse. J'espérais seulement que tout ces sentiments ne m'étaient pas adressé, je n'aurais pas pu supporter de lui briser le cœur et de trahir Agnès.

-C'est à propos d'Agnès... il avoua. Elle... elle m'aime n'est-ce pas ?

   Je soupirais, heureusement pour mon compte, je m'étais trompée. Le maelstrom d'émotions qui tourbillonnaient dans son regard était pour mon amie et non pour moi.

-Je pense que c'est clair à présent ; je lui souris.

   Je repensais à mon amie aux cheveux couleur blé grillé. Sa tirade face à Mercedes avait tout d'une déclaration implicite aux yeux de Peter. Elle l'avait défendu bec et ongles contre la tigresse à la tignasse blanche. Il était certain que ça n'allait pas passer inaperçu au brun qui faisait chavirer son cœur.

-Je vais être honnête avec toi ; il commença avant de réfléchir à ce qu'il allait dire. Je ne pense pas que je vais me remettre avec quelqu'un de sitôt. J'ai eu mon lot de drames. Si tu pouvais lui...

-Je te coupe, je ne jouerais pas les intermédiaires sur ce coup là ! Je comprends parfaitement que tu ne vas pas te remettre en couple directement ! C'est normal, mais je refuse qu'Agnès se prenne un râteau alors que vous n'avez même pas un semblant de relation !

-Mais je ne vais pas me mettre avec elle ! il s'exclama.

-Je ne te demande pas ça, voyons ! Je sais qu'Agnès rêverait d'être en couple avec toi, mais si tu ne ressens rien, elle serait déçue. Et visiblement pour le moment ce n'est pas le cas, et c'est normal, tu ne la connais pas ! j'expliquais.

-Je ne vois pas où tu veux en venir ! il m'avouait.

-Essaie au moins de la connaître avant de juger qu'elle n'a aucunes chances ! Tu peux juste devenir son ami et voir où ça te mène, ça ne t'engage à rien. Et au pire, si tu ne ressens toujours rien, ce que je déplorerais, tu auras gagné une amie !

-C'est tordu ton truc ! Et puis, je vais pas arrivé comme une fleur et dire « Salut, je veux devenir ton ami ! ».

-Ce serait drôle tu me diras ! je ris. Non, j'ai mieux. Quand tu auras tout régler, tu viendras dire que tu étais en embuscade et qu'on t'a ouvert les yeux sur ses agissements. Ainsi tu auras fait un pas vers une potentielle amitié avec nous et donc elle.

   Je le vis soupirer de nouveau, mais son regard semblait y voir plus clair. Il pétillait de soulagement comme s'il voyait le bout du tunnel et laissait derrière lui la tempête qu'était Mercedes.

-Ok, je ferais ça ! il me dit.

-De toutes façons, quelques uns de tes potes sortent avec mes copines donc tu nous verras souvent ! je fis remarquer.

-Ça va, il n'y a qu'Oliver qui sort avec Juliette dans votre groupe !

-Pour le moment ! je lui souris avant de me lever. Désolée, c'est mon arrêt ! A la prochaine.

   Je le laissai méditer sur mes dernières paroles, en les disant j'avais songé à Louise qui allait sûrement vivre quelque chose avec Gaspard. Mais je ne voulais pas me montrer trop présomptueuse en disant qu'ils allaient forcément finir ensemble. J'avais beau connaître par cœur Gaspard, grâce à mes nombreuses observations, je n'arrivais toujours pas à savoir quand une fille lui plaisait.

   Je rentrais, l'esprit perdu dans mes pensées. Mes fairies volaient autour de moi en discutant d'une chorégraphie qu'à penser Lou avant de se faire gronder par Luna, à cause de la naïveté de ses paroles. Stella, fidèle à elle-même, regardait sa paire de chaussure avant de décréter qu'elles avaient grand besoin d'un relooking plus à la mode.

   Je m'étais surprise à aimer leur présence, bien que quand j'étais à l'école, elles étaient la plupart du temps avec les fairies d'Emma à explorer et fomenter des plans dans leur coin, ce qui faisait que je ne les voyais pas de la journée. Le soir, j'appréciais les voir se chamailler et me raconter ce qu'elles avaient fait dans la journée. Je me détendais et souriais de plus belle en regardant le ciel bleu hivernal.

   Je passais le reste de ma soirée à faire mes devoirs puis à converser avec ma famille qui était au complète avec la venue surprise de ma sœur. Après un copieux repas et des questions gênantes sur ma vie sentimental, je mis mon pyjama et regagnais mon lit comme une bienheureuse. Avant de m'endormir, je discutais avec mes petites fairies, que je considérais comme des petites sœurs, puis je m'endormis, épuisée par cette journée intense.

To be continued ...

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