Chapitre 16
Je passai les deux heures de cours en classe, j'écoutais tant bien que mal les discours des différents professeurs, mais je sentais le poids du regard de Félix de temps à autre sur mon dos et ça me déconcentrait. Cléa n'arrangeait rien non plus, elle n'était pas décidée à suivre et elle me racontait comment ses parents l'avaient félicitée pour sa bonne note de la veille. Grâce à ça, elle était levée de punition pour le moment et pouvait venir avec nous cet après midi. J'eus le droit également aux détails de son tout nouveau bonheur avec Corentin. Ce qui me faisait sourire car on aurait vraiment dit une fan girl qui sortait avec son idole.
Alors qu'elle me narrait un moment avec celui qu'elle aimait, je sentais de nouveau le regard de Félix sur moi. Je me demandais pourquoi il me scrutait, et surtout, je me questionnais sur le fait que je sentais ce regard et que ça me rendait toute chose. Je fondais littéralement, j'étais une bouillotte ambulante quand il daignait de m'observer. Cléa me demandait ce que j'avais car à chaque fois mon visage changeait quand il le faisait, ce qui mettait fin à sa contemplation car il pouvait clairement entendre ce que disait Cléa, qui n'était pas du genre discrète. Malgré tout, les heures passèrent plus vite que ce que j'aurais pensé et la cloche annonça la récréation.
J'avais vraiment besoin de prendre l'air, je me sentais oppressée dans cette salle de classe où se côtoyait trente corps chauds et des chauffages fonctionnant à plein régime. Je sortis, un peu avec précipitation toujours en compagnie de ma pipelette de voisine, et rejoignis les filles. Alors que chacune était occupée à discuter ou manger son goûter, je vis Agnès arriver avec un grand sourire sur le visage. Ce dernier nous indiquait qu'il y avait anguilles sous roches, et je ne fus pas la seule à le remarquer.
-Pourquoi es-tu aussi souriante Agnès ? demandais-je suspicieuse.
-Mercedes et Peter sont en train de s'engueuler ! dit-elle en feignant une mine dépitée qui ne trompa personne.
-Non ? Déjà ? s'étonna Cléa.
-Je dois vous raconter ! expliqua Agnès qui en une phrase avait retenu toute l'attention.
-Des potins, des potins !! cria avec enthousiasme Louise.
-En fait, ce matin quand on était dans le rang de notre classe, Mercedes et moi, nous parlions de Loukas ! narra-t-elle d'un air dramatique bien que je voyais une étincelle de satisfaction. Mercedes, comme d'habitude, s'est emballée à son sujet, elle disait qu'il était beau garçon et tout ce qu'elle nous a déjà dit à son propos. Mais Peter était aux toilettes, et il a tout entendu ; les toilettes des garçons se situaient juste à côté de leur classe. Et bien évidement, il a dévisagé Mercedes quand il est sorti. Elle n'a pas pu aller lui expliquer puisque la prof était arrivée. Donc dès que la sonnerie a retenti, elle est partie s'expliquer ! Et là, ça à l'air de chauffer !
-Merde ! dit Irène. S'il y a déjà de l'eau dans le gaz, son couple ne va pas faire long feu.
-Et c'est ce qu'on veut non ? chuchota Lou-Anne à Agnès.
Cette dernière sourit légèrement, bien qu'elle compatissait pour son amie qui ne devait pas se sentir bien. Après cette explication, les filles continuèrent de parler des différentes nouvelles de leurs classes. J'appris que les nouveaux élèves s'étaient assez bien intégrer et qu'ils avaient même une certaine popularité, surtout les garçons à ce que je comprenais. Nous affichions toutes un visage impassible quand le sujet Mercedes venait sur la table, au fond, la plupart d'entre nous savaient que Peter et Mercedes ne resteraient pas longtemps ensemble. Et ça en ravissait plus d'une, moi la première, j'étais une fervente supportrice du couple Agnès-Peter. Encore une fois, les quinze minutes de pause passèrent rapidement, nous ne vîmes pas Mercedes de la récréation mais nous nous doutions que l'affaire n'était pas encore réglée.
Après s'être séparées pour rejoindre nos classes, Cléa et moi montions dans notre classe pour aller en cours d'initiation à la philosophie, c'était une option obligatoire que nous avions tous choisi dans la classe, c'était d'ailleurs la raison qui faisait qu'on était dans la même classe. Malheureusement, c'était le cours le plus ennuyant de tous les cours que j'avais pu expérimenter. Mon seul lot de consolation était que j'étais avec Cléa qui savait combler cet ennui.
Toutefois, j'avais oublié un léger détail, Cléa sortait désormais avec Corentin et, comme nous devions travailler avec des personnes de notre colonne, elle ne se priva pas de rejoindre son petit-ami. Ce que je comprenais, c'était le seul cours où elle pouvait être avec lui, je n'allais pas l'empêcher. Je regardais autour de moi, pour jauger les groupes qui se formaient et qui il resterait. Manon, ma voisine de derrière, et Valens étaient meilleurs amis depuis qu'ils étaient petits alors ils se mirent ensemble. Léa et Alicia, les sœurs inséparables en formaient un autre. J'observais, à la recherche de la dernière personne qui était libre et je rencontrais le regard de Félix, qui semblait chercher la même chose que moi. Je lui souris et m'approchais de lui, nous n'avions pas vraiment le choix, mais celui-ci ne me déplaisait pas vraiment.
-Je crois qu'on a pas vraiment le choix ! je fis en souriant.
-Je crois aussi ! Mais ce choix ne me déplaît pas ! ajouta-t-il en me souriant à son tour.
-Pour être honnête, il ne me déplaît pas non plus ! je ris en m'asseyant à ses côtés car Corentin avait pris ma place.
-Très bien, le thème du jour sur lequel vous allez travailler est l' « Amour » ! annonça la prof. Montrez-moi ce que veut dire « aimer » pour vous !
Dans mon for intérieur, c'était la panique. L'amour n'a jamais franchement été mon sujet préféré. J'aimais le voir dans les romans, les films, chez mes amies, mais quand il s'agissait de parler de mon ressenti, de mauvais souvenirs remontaient. Je soufflais profondément avant de prendre une feuille pour commencer à noter. Je vis Félix qui réfléchissait.
-Je pense qu'il faudrait commencer par définir ce qu'est l'amour ! dit-il.
-C'est une bonne idée ! lâchais-je avant de réfléchir. C'est un sentiment.
-Oui, un bon sentiment lié au bonheur, à la joie, euh...au désir... rougit-il. Euh...
-Pas qu'au bonheur, il peut aussi être lié à la douleur, à la haine, à la peine, au chagrin... continuais-je le regard vide et l'esprit noir de souvenirs, avant de voir la tête de Félix qui me regardait avec inquiétude. Désolée, tu as raison, majoritairement au bonheur, que dirais-tu de... la tendresse ?
-Hum oui ; souffla-t-il visiblement troublé par mes paroles. Tu as dû en vivre des choses pour dire de telles choses.
-Euh...oui, excuse-moi ; je fis en baissant la tête, honteuse de m'être laissée emportée par le flot de mes sentiments.
-C'est moi qui m'excuse, on n'aurait peut-être pas dû aborder la chose comme ça ! me sourit-il. Mais je veux ajouter que ça peut être un nouveau départ ! ajouta le brun avec conviction.
-Un nouveau départ ? demandais-je curieuse car il m'était difficile de croire en cette définition.
-Oui, il permet de réparer les cœurs pour qu'ils puissent recommencer à aimer et oublier le mal qu'il a vécu ! déclara-il en me regardant dans les yeux.
-C'est beau ! le flattais-je en détournant le regard.
-Oh tu trouves ? Merci alors ! rougit Félix qui se grattait la nuque de gêne.
-Bon retranscrivons cela ! annonçais-je.
-Je t'en prie, tu écris mieux que moi ! rit-il.
-Ca marche !
-Je dirais aussi que c'est un moyen de s'évader ! dit-il en regardant le plafond avec un air malicieux.
À l'entente de cette phrase, j'eus l'impression d'avoir déjà entendu ces mots. Je me souvenais alors de la phrase qu'il m'avait dite quand il m'avait ramenée vers les filles, il était aussi question d'évasion. Y avait-il un rapport entre ce qu'il me disait présentement et ce qu'il m'avait dit plus tôt ? Je sentais mon cœur battre plus rapidement. Serait-il en train de sous-entendre qu'il ressent de l'amour pour moi ?
Je détournai lentement ma tête de ma feuille pour rencontrer son visage et y déceler des indices. Lorsque son visage fût en face du mien, mes yeux plongèrent instantanément dans le vert pomme de ses prunelles pétillantes. J'essayai d'y déceler quelque chose mais le seul sentiment que je pus définir était celui de la malice. Mon cœur battait à une folle allure, mon corps tremblait légèrement, mon souffle qui s'était coupé, repris brusquement son cours pour amener de l'oxygène à mes poumons. Je ne comprenais pas, aucuns indices ne me donnaient confirmation ou réfutation à mes pensées.
L'espace d'un instant, mon esprit s'était déconnecté, et je me surprenais à me dire que cela ne me dérangeait pas de retenter l'amour avec lui. Il semblait être un bon garçon, cependant une voix dans ma tête me disait que Gaspard aussi semblait être un bon garçon avant que je tombe dans son piège. Alors que je m'enfonçais dans les marécages verdoyants de ses yeux, qui contre mon gré, m'emmenaient dans leurs profondeurs, je sentis une claque mentale me frapper et une voix me prévenir. "Tu ne retomberas pas dans le piège, Charline !" Je me ressaisis en mettant fin à ce contact, j'étais bouleversée. J'avais vraiment failli refaire la même erreur qu'il y a cinq ans ? Mais était-ce une erreur ?
J'entendis la professeur nous demander de mettre en commun avec notre colonne mais je ne me sentais pas d'interagir avec les autres, j'étais secouée. Le sentiment que j'avais ressenti était tellement similaire de celui que j'avais ressenti pour Gaspard, mais en même temps si différent, je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Du coin de l'œil, je voyais Félix qui écoutait les paroles de notre professeur et qui répondait au nom de notre groupe lorsqu'il le fallait. Je l'observais faire des gestes simples, et je détaillais le moindre de ses mouvements, la moindre courbe de son corps. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que je pensais qu'il allait exploser. Je ne pouvais pas tomber amoureuse de lui, et pourtant mon corps tout entier me prouvait le contraire. Alors que j'étais retournée à la contemplation de ma feuille pour chercher un sens à mes sentiments, je sentais qu'on me tapotait l'épaule, je me retournais vers Félix, il me dévisageait en attendant visiblement une réaction de ma part, mais j'étais stoïque.
-Charline !?
Je frémis en entendant mon nom sortir de sa bouche, puis je redescendis sur Terre.
-Hein, euh oui ? balbutiais-je étourdie.
-T'es d'accord avec nous ? demanda Cléa.
-Ah euh, oui ! bégayais-je sans savoir de quoi elle parlait.
Ayant ma confirmation, notre groupe retourna travailler. Tous sauf Félix, qui me regardait avec un sourire mi-amusé, mi-inquiet. Il s'amusait du fait que je n'avais rien suivi mais s'inquiétait de ma réaction à ce qu'il avait dit. Je mettais mes doutes sur son objectif de côté et lui souriais pour lui démontrer que tout allait bien. Je le vis se détendre à la vue de mon sourire. Je tentais de suivre ce qu'il se disait mais je perdais vite le fil. Je discutais un peu avec tout le monde, quand je comprenais et que j'avais des idées, mais sinon, je ne faisais que regarder Félix, du coin de l'œil, pour comprendre si je pouvais lui faire confiance ou non. L'heure passa incroyablement vite et la pause fut un soulagement pour mon petit cœur qui ne savait plus où donner de la tête.
Je regagnais ma place pour le cours de mathématiques, un peu à contre cœur. J'étais encore un peu étourdie de ces évènements très peu communs. Lorsque je fus installée, je me rendis compte que j'avais oublié mon cahier sur sa table, alors je me retournai brusquement pour le reprendre mais au lieu de le voir enjoué et souriant comme à son habitude, je croisai un regard peiné. Regard qu'il détourna bien vite lorsqu'il vit ma présence. Je me remis correctement à ma place avec le cahier en main, l'esprit encore plus embrouillé qu'avant. Pourquoi avait-il l'air si triste ? Je me posais une multitude de questions qui restaient sans réponses. Après ceci, le cours se déroula à peu près normalement, même si je n'avais pas écouté grand-chose du cours de mathématique.
To be continued...
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