Chapitre 11

   Je rentrai dans le bâtiment avec ma classe. Nous prîmes nos plateaux repas avant de nous poser sur une table de six comme prévu. Les filles nous rejoignirent peu après et mangeâmes dans un chaos habituel. Le temps du midi avait toujours été mouvementé avec nous toutes réunies. Les blagues qui ne valaient pas un clou fusaient, faisant au moins rire l'une d'entre nous sous les regards désespérés des autres. Bien évidemment nous ne pouvions pas changer notre nature, donc le self était le lieu propice pour parler des potins du moment. Malheureusement, le point négatif à ce paisible moment fut qu'au moment de sortir du bâtiment, mes amies étaient toujours beaucoup plus énervées qu'en arrivant et donc, elles s'imaginaient encore plus d'histoires loufoques quand quelque chose retenait leurs attentions.

   Et cette fois-ci ne fut pas l'exception à la règle. Nous partîmes chercher nos sacs avant d'aller nous installer dans notre coin. Quand je pris le mien, j'eus la drôle impression que quelque chose bougeait dedans, je jetais un coup d'œil, mais tout était à immobile. Je me disais que j'avais encore eu une hallucination et le refermais.

   Pendant que la folie m'atteignait, je n'avais pas vu Lou-Anne qui s'était rapprochée en m'indiquant du regard qu'elle allait partir. Je hochais la tête pour lui confirmer que j'avais compris et lui lançais un sourire qui se voulait être rassurant. Je savais mieux que personne que c'était difficile de se confier. Les filles nous regardaient, partir en direction du panier de basket, et plus précisément vers un petit brun du nom de Sean. Elles semblaient intriguées mais ne nous retinrent pas, et quand elles virent le regard de Lou-Anne, leur perspicacité avait sûrement deviné pourquoi Lou-Anne n'était pas dans son assiette depuis ce matin.

   Ma meilleure amie était plus que tendue, je voyais une barre d'inquiétude se dessiner sur son front. Je lui pris la main, et lui transmis toute la force dont elle aura besoin. Elle plongea son regard dans le mien, un regard anxieux mais en même temps rempli d'espoir et de détermination. Elle voulait savoir, elle voulait passer à autre chose. Je n'avais encore jamais vu ce mélange-là dans ses yeux. Je la lâchai et elle se retourna pour lui faire face. Je restai un peu en retrait pour leur donner un peu d'intimité.

-Sean ! l'interpella-t-elle. Je peux te parler ?

-Oui, bien sûr ! sourit-il.

-Je voulais te demander ; commença-t-elle après que les autres soient partis ; est-ce que... est-que tu m'aimes ?

-Si je t'aimes ? répéta-t-il en perdant son sourire.

-Oui ; bégaya-t-elle anxieuse ; je sais qu'on est plus très proches tous les deux, mais je voulais te dire que... elle s'arrêta et prit une profonde inspiration avant de lâcher d'une traite. Je t'ai toujours aimé, même quand tu étais mon ami, mais je n'osais pas te le dire de peur de briser notre amitié.

-... il resta quelques temps sonné. Je le savais déjà.

-Quoi ?

-Je savais que tu m'aimais, mais je ne voulais pas de ce genre de relation avec toi, c'est pour ça que j'ai coupé les ponts avec toi. Parce que j'en pouvais plus de te voir me regarder comme tu me regardes maintenant ! déclara-t-il. Je ne t'aime pas et je ne pourrais jamais t'aimer, désolé !

-Tu... elle retenait ses larmes.

-Hahaha, elle vient de se prendre un râteau ! T'as trop raison Sean, de toutes façons, elle est trop moche pour toi ! ricana un de ses amis tandis que mon amie baissait la tête, blessée. Venez voir les gars, la chochotte, elle pleure parce qu'elle s'est pris un râteau ; il continua sans que Sean n'intervienne.

   Cette phrase me réveilla douloureusement du moment de flottement dans lequel je me trouvais en me rappelant un mauvais souvenir.

-De toute façon qui pourrait sortir avec une truie pareille ! Ouais c'est ça, va pleurer dans les toilettes ! ricana la voix.

   Je ne pouvais plus rester là, à regarder ma meilleure amie se faire rabaisser par un connard de première. Je ne voyais pas d'où il se mêlait de ce qu'il ne le regardait pas et en plus, Sean ne protestait pas. Il aurait pu juste lui dire, de se la fermer par respect, mais non. Je me rapprochais avec un regard tueur qui fit se taire l'autre garçon.

-Tu te crois drôle peut-être ; dis-je d'une voix glaciale. Je ne vois pas en quoi cette histoire te concerne, et tu oses dire qu'elle est moche ; hurlai-je énervée. Non mais tu t'es vu, tu devrais la trouver belle par rapport à ce que tu es. Et toi ! je dis en accusant de mon regard noir Sean. Tu es vraiment la pire de toutes les ordures, tu pourrais au moins retenir tes potes par respect. Franchement Lou-Anne ne te vaut pas, je te remercie de la faire passer à autre chose. Elle n'aurait jamais été heureuse avec une ordure dans ton genre !

   Je tournai les talons avec Lou-Anne pour se réfugier dans les toilettes où elle pourra évacuer sans être déranger. Je comprenais ce qu'elle vivait, ce n'était pas simple et le seul moyen de se libérer de la peine que l'on a sur le cœur est de pleurer jusqu'à ne plus avoir de larmes. Les garçons étaient vraiment des imbéciles de première, au moins, quand nous avons tourné les talons, j'avais compris que je leurs avais fait peur en entendant leurs remarques à peine chuchotées. Nous entrâmes dans les toilettes, et je l'amenais dans un coin où j'étais sûre que personne ne viendrait nous déranger. Je pris ma meilleure amie dans mes bras, et elle se laissa aller.

-Chuuut ; j'essayai de la réconforter avec une voix douce ; ça va aller, il n'en vaut pas la peine.

-Je sais... me répondit-elle.

-Pourquoi tu pleures alors ? m'étonnais-je.

-Parce que ça fait du bien.

-Ah ok.

-Désolée...

-C'est vrai que j'ai l'habitude que tu me trempe mon tee-shirt parce que tu as une peine de cœur ! j'ironisai, je la sentis rire contre moi avant que je reprenne mon sérieux. Non mais sérieusement, tu as le droit de pleurer.

   Elle hocha la tête et sécha les dernières larmes qui perlaient dans ses yeux. Elle poussa un soupir de soulagement et me fit un gros câlin avant de me remercier avec un grand sourire.

-Merci.

-C'est à ça que sert une amie ; dis-je.

-Tu es bien plus que ça pour moi ! me répondit-elle.

-Arrête tu vas me faire pleurer ; je ris.

-Ah bah non, ton tee-shirt est déjà trempé ; rigola-t-elle en me renvoyant ma blague.

   Nous rîmes un bon coup et cela me mit du baume au cœur de voir que ça ne l'avait pas tant atteint que ça. Elle semblait plus soulagée que triste. A mon avis, elle ne voulait pas une réponse positive mais simplement une réponse pour qu'elle puisse enfin tourner la page. Nous sortîmes des toilettes pour rejoindre les filles qui semblaient toutes inquiètes pour ma meilleure amie.

-Bah quoi ? Vous avez vu un fantôme ? blagua Lou-Anne en détendant immédiatement l'atmosphère.

   Un soupir de soulagement se fit entendre, si Lou-Anne blaguait cela signifiait que tout allait bien même si elles savaient qu'au fond elle était blessée. Mais elle voulait se montrer forte pour prouver à l'autre imbécile et à elle-même que cela ne l'atteignait pas. Les filles prirent en charge de la faire rire pour panser peu à peu sa blessure. Je vis au loin Félix et son groupe qui allaient sous le préau, je me souvins que je devais aller leur parler. Je m'excusai auprès des filles et partis en leur direction. Pendant tout le long du trajet, je sentis les regards suspicieux de mes amies qui se demandaient qui je pouvais bien aller voir.

  Quand j'arrivais sous le porche, le groupe que je recherchais était assis sur un banc. Enfin Loukas et Emma était assis tandis que Félix était debout devant eux. Ils discutaient. Je m'approchais doucement pour ne pas les surprendre, Loukas fut le premier à me voir. Puis les deux autres suivirent son regard, je reçus un regard noir d'Emma et un autre en total contradiction du brun.

-Salut ! je leur fis.

-Salut ; me répondit Loukas.

-Je ne sais pas si Félix vous a dit.

-Si si t'inquiète, il nous a prévenus ; me sourit gentiment le blond.

-Bon alors commençons, explique-nous d'où vient ton cadenas ? me demanda Félix.

-Et bien, je l'ai eu pour mon anniversaire de ma grand-mère. Je ne sais pas d'où il vient parce que je n'ai pas vu ma grand-mère pour lui demander.

-D'accord, puis-je le voir ? me demanda avec calme Loukas.

-Bien sûr ! j'acquiesçai en le décrochant pour lui tendre. Et d'où vient ton pendentif Emma ?

-Je l'ai reçu de ma mère. C'est un pendentif que nous recevons de mère en fille depuis des générations ; me dit-elle assez sèchement.

-Et la première génération remonte à quand ? je questionnais impressionnée.

-Pff, on ne sait pas vraiment, ma grand-mère m'a dit qu'elle remonterait à une princesse, il y a de ça des siècles, mais elle dit que c'était qu'une invention de nos ancêtres pour rendre le pendentif spécial ; me narra-t-elle avec une expression blasée.

-C'est drôle ce qui est marqué sur ton cadenas ; remarqua Loukas qui le tendait à Félix.

-La fille aux six fées ? médita-t-il avant de se tourner vers Emma.

   Je les vis échanger un regard puis Emma fit un signe négatif de la tête. Je ne comprenais pas ce qu'ils s'étaient dit silencieusement mais j'avais l'impression que l'on me cachait quelque chose. De plus, l'attitude d'Emma me laissait perplexe, pourquoi elle se comportait ainsi avec moi ? Je reportais mon regard sur Félix, qui n'avait rien perdu de leur échange avant de fixer avec intérêt mon collier. Ensuite il leva les yeux vers moi.

-Tu as un don ? me déstabilisa-t-il.

-Euh... je réfléchis sans comprendre le sens dans un premier temps. Oui ! Depuis que j'ai mis ce collier, je peux faire apparaître ce que je veux sur simple demande.

-Pour de vrai ? s'étonna Loukas avec intérêt et je vis Emma se renfrogner.

   Je venais de comprendre pourquoi Emma était froide envers moi, enfin, je pensais comprendre, peut-être que je faisais fausse route.

-Tu peux nous montrer ? s'écria Félix avec excitation.

-Euh... oui ; je fis timidement devant tant d'attention. Je voudrais trois objets qui correspondent à Emma, Félix et Loukas.

Je  claquais  trois  fois  des  doigts  pour  conclure  ce  vœu.  Dans  une infime  lumière  que  je  fus  la  seule  à  voir,  trois  petits  objets  étaient apparus  dans  mes  mains.  Une  petite  bague  brillait  sur  ma  paume, elle  était  en  forme  de  couronne  de  cœur,  je  compris  qu’elle  était destinée  à  Emma.  J’avais  également  un  porte-clefs  avec  un  cœur scintillant  en  pierre  précieuse,  je  souris  en  pensant  que  c’était  très féminin  mais  à  la  fois  mignon.  Sans  savoir  d’où,  je  le  tendis  à Loukas,  il  rougit  en  voyant  le  bijou.  Puis  le  dernier  objet  était  une plume  noire  qui  servait  à  écrire,  elle  était  très  élégante  et  à  la  fois mystérieuse,  comme  Félix.  Je  la  lui  donnais,  il  me  sourit  en  le détaillant  méticuleusement.

-C'est incroyable ; souffla-t-il. Tu peux faire autre chose ?

-Non ; je ris. C'est déjà pas mal je pense.

-Oui c'est vrai, comment as-tu su que tu avais ce don ? me questionna le blond.

-Quand j'ai mis mon pendentif, je me suis comme évanouie et j'ai fais un étrange rêve où je voyais une fille qui te ressemblais, Emma. Je me suis mise à claquer des doigts et des glaces sont apparues ; j'expliquais.

-Tu as vu une fille qui ressemblait à Emma ? répéta le brun.

-Oui, d'ailleurs, je pense que c'était toi, mais il y avait avec elle six petites fées ; je complétais sans préciser que je pensais les avoir vues en vrai, ils m'auraient sûrement prise pour une folle.

-J'ai eu également cette vision quand j'ai mis le cadenas pour la première fois et maintenant que tu le dis, je pense que c'était toi la fille qui y était ; raconta Emma perdue dans ses souvenirs. Mais tu... elle ne finit pas sa phrase.

-Je ? j'insistais.

-Non rien ! s'empressa-t-elle d'ajouter.

-Je pense qu'il y a un lien entre vous deux mais je ne sais pas lequel ; nota Loukas avec sérieux.

-Ce n'est pas une coïncidence que vous vous soyez mutuellement vu dans cette vision et qu'ils vous aient arrivée ce qu'il s'est passé en économie ; justifia le brun.

-D'ailleurs qu'est-ce que tu as ressentis pendant ce moment ? me demanda abruptement Emma.

-Euh... j'avais l'impression que le temps s'était arrêté et que mon cadenas répondait au tien. C'était bizarre, j'avais l'impression que je me vidais de mon énergie et puis j'ai revu la vision que j'avais eu quand j'ai mis mon cadenas.

-Je ressentais la même chose... lâcha la rose.

   Un silence s'installa nous laissant nous rendre compte de l'ampleur de la chose. Nous étions vraisemblablement liées, mais par quel lien ? Je ne comprenais pas pourquoi nous l'étions, je ne connaissais pas cette fille avant qu'elle ne vienne ici. Je ne l'avais jamais vu alors comment mon destin pouvait être lié au sien ? C'était surréaliste.

To be continued...

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