Chapitre 3
Ma voix est désormais beaucoup plus calme. Je me concentre sur ma respiration pour ne pas m'énerver à nouveau.
— La petite, tu lui as dit pour toi. Tu sais ce qui va arriver. Il va falloir lui effacer la mémoire et tout le tralala et je...enfin tu sais...et...
Encore une fois je perds mes mots. Tel un automate, je commence à faire les cents pas, la main dans mes cheveux châtains.
Adossée à la porte depuis le début, Angie quitte sa place et vient me prendre dans ses bras. Elle passe sa main dans mon dos et me le caresse du bout des doigts. Je niche aussitôt ma tête dans le creux de son cou. Je me laisse transporter par l'odeur si singulière de ma bien-aimée. Même si je refuse de l'admettre, je sais que tout comme Charlie, je rêvais de passer le réveillon avec ma petite famille au complet.
— Nous ne sommes pas obligées de lui effacer la mémoire. me dit-elle avec douceur.
— C'est le Règlement qui le dit, Angie. Toute personne informée de l'identité du « Père Noël » doit en perdre les souvenirs.
— A l'époque tu m'as bien dit que t'étais la fille de Monsieur Noël, non ?
— Oui, mais c'est pas pareil. Je suis, enfin, j'étais la fille du Père Noël et non le Père Noël lui-même. Puis c'était dans des circonstances précises, tu t'apprêtais à reprendre les rênes de la famille, sans aucun jeu de mots. ajouté-je en souriant.
— Je sais, je sais. dit ma brune en continuant ses caresses dans mon dos. Mais je te parlais pas de ça. Tu sais, Charlita peut garder ses souvenirs si elle est...l'apprentie du père noël.
— Tu peux répéter s'il te plait ?
D'un geste brusque, je me défais de son éteinte et fais quelques pas en arrière. Angie me regarde quelques instants sans rien dire, ses yeux verts plantés dans les miens.
— Écoute, le fameux Règlement m'autorise à voir un apprenti. Si Charlie le devient elle pourra savoir qui JE suis...qui TU es...sans avoir à craindre pour ses souvenirs.
— Mais elle n'a que six ans, Angie !
— Et c'est justement à cet âge qu'on choisit les apprentis. C'est d'ailleurs étrange que personne n'en n'ait pris depuis trois générations. En même temps avant leur quinzième anniversaire, ils ne font que s'asseoir dans le traîneau et voir comment on travaille...
— Ce n'est pas de ça que je veux parler...
Le fil de mes idées se perd quand je vois Angie fermer les yeux et souffler. Elle fait ça chaque fois qu'elle sent qu'on va finir par avoir une grosse dispute. Ce n'est sûrement pas ce que je veux pour cette soirée, et elle non plus.
— Tu as lu la lettre qu'elle a rédigée pour noël cette année ? me demande ma fiancée de but en blanc.
Je la regarde l'air hébété, avant de lui répondre avec toute l'évidence du monde.
— Bien sûr que non ! Je l'ai directement envoyée à ton service courrier.
— Je me disais bien.
Son ravissant sourire illuminant son visage, ma belle brune se rapproche de moi. Je me laisse faire quand elle scelle nos lèvres dans un tendre baiser avant de coller son front contre le mien.
— Si Charlie accepte ma proposition, sachant que tu ne peux en aucun cas influencer sa décision, tu n'auras plus à te priver... me murmure Angie.
— Me priver de quoi? dis-je d'une voix fuyante.
— Tu sais très bien mon amour. La fabrique, les rennes, les lutins, Mère Noël...ta mère...
— Mais ils t'ont, toi.
— Je ne suis pas toi. A toi aussi tout ceci te manque. Tu devrais revenir, ne serait-ce que pour la période réglementaire...ça te ferait un bien fou...
Une fois de plus, je me défais de l'étreinte de ma grande brune. Elle a raison sur toute la ligne. C'est affreux d'avoir à reconnaître que la vérité blesse, me blesse. Mes yeux me picotent. Angie a touché une corde un peu trop sensible. Je risque d'éclater, en sanglots comme de colère, si on continue sur cette lancée. Une fois de plus, Angie s'en rend compte. Préférant arrêter les frais, elle s'apprête à quitter la pièce, mais avant de sortir, elle retire un objet de la poche de son pantalon et me le tend. Elle me tourne le dos avant que je ne puisse l'interroger.
— Tu es peut-être sa fille, mais à vouloir à tout prix éviter de faire ses erreurs, tu finiras par en commettre de bien pires. me lance Angie d'un ton neutre avant de quitter définitivement la cuisine.
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