DEUX
Cela faisait quelques jours qu'Alma était rentrée chez elle. Quelques jours d'enfer, à se redécouvrir, à s'observer dans le miroir et à détester son reflet.
La foudre s'était abattue sur elle, dans le sens littéral du terme, et depuis elle se haïssait. Son corps était partiellement recouvert de cicatrices ressemblant à des éclairs, les figures de Lichtenberg. Les médecins avaient été formels, ces dernières disparaîtraient rapidement, mais presque quatre jours après l'accident, elles étaient toujours là, comme un douloureux rappel.
Ce que détestait Alma par-dessus tout, c'est cette impression constante d'étouffer. Comme si le feu qui l'animait était en train de s'éteindre, ne laissant qu'une épaisse fumée désagréable envahir son corps.
Sylvain passait la voir régulièrement, voulant s'assurer qu'elle aille bien, ne voulant pas la laisser seule. Pourtant Alma ne s'était jamais sentie aussi seule que depuis son accident. Parce qu'absolument personne ne pouvait comprendre ce qu'elle avait vécu. L'orage grondait, les éclairs éclairaient l'appartement d'Alma à intervalle régulier. La jeune femme, assise dans son sofa ne regardait que d'un seul œil ce spectacle naturel. Elle s'était emmitouflée dans un plaid, une tasse de thé à la main, une cigarette dans l'autre, observant la pluie ruisseler sur les carreaux. Son appartement était plongé dans le noir, dès que la foudre frappait, la lumière faisait apparaître la fumée de la cigarette de la jeune femme. Tout était calme, trop calme pour que cela soit normal. Et Alma sentit l'angoisse la prendre au corps, parce qu'encore une fois, le bruit de l'orage était fort, proche, comme une piqûre de rappel.
Alma ne pouvait s'empêcher de soupirer, les éclairs s'enchaînaient, donnant à l'appartement de la jeune femme cette luminosité si particulière. Puis le tonnerre gronda, faisant sursauter la brune. Les plombs sautèrent, laissant l'appartement dans le noir le plus intense. Alma sentit les larmes lui monter aux yeux. Jamais elle n'avait eu aussi peur, ses oreilles sifflaient, ses tympans percés à cause de l'accident la faisait souffrir à chaque fois que le son était trop fort.
Le courant revint, la lumière vacilla avant de revenir définitivement. Alma finit par écraser le mégot de sa cigarette dans le cendrier avant de lancer un regard à sa tasse vide. Elle soupira avant de se lever de son canapé et de se diriger vers la cuisine, le récipient dans ses mains, elle remit de l'eau chaude et un nouveau sachet de thé. Et encore une fois, son regard brumeux se tourna vers l'extérieur, se plongeant dans les éclairs transperçant. Pas un bruit autre que celui du tonnerre grondant ne venait la déranger dans sa contemplation, et tout à coup, quelques coups furent donnés à la porte d'entrée, faisant sursauter la jeune femme. Elle se tourna vers l'entrée de son appartement, avançant à tâtons avant de poser son œil sur le judas pour essayer d'apercevoir qui venait la voir. Un sourire naquit sur ses lèvres, ce n'était autre que Sylvain, et elle savait pertinemment la raison de sa venue. L'orage.
Alors, Alma ouvrit la porte, laissant ses flammes intérieures se raviver face au sourire du brun. La faisant, encore une fois, se consumer face à ce tableau digne d'un grand peintre.
« Je suis venu dès que j'ai entendu les premiers grondements.
— T'étais pas obligé tu sais. »
La voix d'Alma n'était qu'un murmure, elle ne savait pas vraiment si elle devait être heureuse de voir Sylvain s'inquiéter pour elle ou si elle devait continuer à se morfondre parce qu'il voyait encore une fois l'étendu des dégâts de l'accident. De son seul œil encore valide, elle appuya son sourire gêné avant de le faire entrer dans l'appartement. Parce que son cœur, lui, brûlait de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres. Le jeune homme se débarrassa de son manteau, de ses chaussures et partit rapidement ouvrir une fenêtre pour évacuer la fumée des cigarettes enchaînées par la brune.
Alma baissa la tête, elle était ridicule, s'empoisonnant pour étouffer tout ce qu'elle ressentait. La jeune femme prit le cendrier pour le vider dans la poubelle et rangea son paquet de cigarettes. Sylvain s'approcha d'elle, l'attirant dans ses bras, lui embrassant délicatement la tempe. Il la balança doucement, comme pour la bercer et calmer ses angoisses. Parce que le jeune homme savait pertinemment que la brune était angoissée, anxieuse, face à l'orage grondant au-dessus de la ville.
Et Alma sembla se consumer encore une fois, laissant son cœur brûler sous l'amour qu'elle portait à Sylvain.
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