1.

    Rym

Du haut de l'appartement, les yeux rivés vers la rue silencieuse, je laissais, encore une fois, les bouffées de fumée de tabac raccourcir mon temps de vie. J'imagine que c'était un défi avec moi-même. La fumée me tuera avant la folie. Mon impression du calme de l'heure tardive fut trahie par le bruit du moteur d'une voiture remplie d'adolescents qui n'avaient guère l'allure d'avoir fini leur soirée. Ils rièrent, brandissant leur boisson comme si celle-ci était un trophée. Je soupirai doucement. La voiture passa devant ma fenêtre, puis leurs exclamations disparurent dans la noirceur au loin. Je pris une dernière bouffée de mon "tueur" puis le laissai tomber lassement sur la route en bas du balcon. Je devais sûrement faire honte a l'histoire. Laisser un bout de cigarette sur un chemin ayant fait passer des millions de personnes reconnues. Mon questionnement trahissait quelque peu mon indifférence. Je décendis du cadre de la fenêtre, qui, je l'avouai, n'était pas très comfortable, et m'avancai près du miroir. Dans celui-ci, je fus surprise de voir que mon maquillage sombre avait tenu toute la journée. J'avais du noir jusqu'au mileu de mes joues, et mes yeux avaient l'air de ceux d'une prostituée de quatre-vingt ans. Je me fixai pendant plusieurs secondes puis je détournai les yeux. J'observai mon lit, puis renoncai a acquérir quelques heures de sommeil. J'attrapai ma veste puis verrouillai la porte de la chambre dans un simple petit clic. Je doutais que cette serrure tiendrait à une tentative de vol, mais à quoi bon s'inquiéter, je n'avais presque rien, encore moins quelque chose de valeur. J'arpentai le long couloir orné de vieux cadres au fini mat et aux coins rongés. Arrivée au bout du couloir, je poussai d'un grand coup la porte des escaliers de secours. Les petites marches en métal crissaient sous le poids de mon corps. Je sillonnai des rues interminables en titubant un peu. J'avais besoin de penser, de m'évader. Comme si je ne l'avais pas assez fait, en m'enfuyant dans cette ville, dans ce quartier, bien trop beau pour que j'habite.

    Après de longues minutes  à ruminer mes sombres pensées, la plage se dressait devant moi. Je retirai mes chaussures et plongeai mes pieds dans le sable frais. J'aurais aimé que ce soit la pleine lune, mon excursion nocturne aurait l'air encore plus clichée. Je m'accroupis dans le sable, observant le croissant de lune parfait devant la mer déferlante. Je me demandai si les histoires que lisais petite étaient vraies, que c'était un homme qui cachait la lune tous les soirs a l'aide d'un long voile noir. Qui sait. Je rivai mes yeux sur les vagues. Pourquoi tant de gens avaient peur d'être engloutis pas celles-ci? Était-ce parce que cette force de la nature n'était pas contrôlable? La société était faite pour convertir les gens en obsédés du contrôle. Pour ma part, je les trouvais seulement belles. Elles coulaient sur le sable, comme si elles suivaient une inlassable danse. Elles se butaient les unes sur les autres, s'engloutissant, formant un tourment déferlant. Pas tous les tourments sont signe de laideur, je devrais le savoir. Je me couchai dans le sable, mes yeux braqués vers le ciel. Je m'habituai apres quelques instants au noir étoilé et ma vision trembla. C'était une belle nuit, aucuns nuages ne vinrent empêcher ma quête d'une chaine d'étoiles connue. Malheureusement pour moi, je n'avais jamais rien appris en astronomie.

    Au loin à ma droite, l'ouverture d'un porte laissa échapper un faisceau de l'éclairage néon d'un club et je vis un homme en sortir. Les sandales dans une main, la bière dans l'autre, il était le cliché parfait du Français en vacances. Mon calme fut interromput par la peur qui m'envahit quand je remarquai qu'il marchait en ma direction. Je me relevai sur mes coudes rapidement. Il me fit un léger sourire faussé par la quantité d'alcool qu'il avait pris. Il s'approcha de moi en titubant. L'homme s'exclama, en se penchant légèrement vers moi :« Alors, que fais tu seule sur le bord de la plage ce soir?» Je soupirai doucement, mais il l'entendit. Il ricana un tout petit peu de sa voix grave.
—J'essayais d'avoir un peu de calme, dis-je sur un ton détaché. Il n'y en a pas beaucoup proche de chez moi, mais merci de l'avoir gâché à présent.
Il me fixa longtemps de ses yeux inquisiteurs puis me lança, quelque peu méprisant:
— Qui dans son sain esprit voudrait avoir du calme un samedi soir d'été?
Je riai un peu. S'il savait.
— Je ne suis pas quelqu'un de sain esprit, dis-je sans l'ombre de comédie.
Il arrêta de sourire soudainement, comme s'il eut peur, puis riva ses yeux vitreux vers les vagues, esquissant un léger sourire.
— Personne ne l'est réellement de toute façon, lança t-il en se retournant vers moi. En tout cas, mon nom c'est Gabriel.
Il étira sa main vers moi, comme s'il voulait que la prenne. Je la pris doucement et la serrai.
— Mon nom c'est Rym, dis-je.

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