13.Douce vengeance

J'entends des coups contre la porte. La bougie s'est éteinte. Les volets sont fermés. Il fait noir. Mes yeux sont rivés sur la bougie. La bougie est éteinte. Il fait noir. Les volets sont fermés. Des coups contre la porte. Encore. C'est peut-être le destin qui vient m'attraper. Ça serait plus paisible. Il y a tant de choses dans ma tête. Je n'ai pas dormi cette nuit. Enfin si la nuit est enfin terminée. La bougie est éteinte. Il fait noir. Tellement d'images dans ma tête. D'horribles images. Je vois la fille de mon rêve. Je me vois moi, mon futur. Et toutes les autres images dont je ne voulais pas me souvenir sont revenues. Comme si je ne voulais pas d'elles mais qu'elles en avaient décidé autrement. Je revois Marius. Je sens ses mains sur mes cuisses. Je sens son regard sur mon corps. Je sens ses lèvres sur mon cou. Je sens la peur, elle est revenue. Plus grande que jamais. Tous mes sens sont en éveils. Tous mes sens se souviennent. Je fixe la bougie. La bougie est éteinte. Il fait si noir. Un filet de lumière s'échappe de la porte et des volets. Des coups contre la porte. Et des cris aussi. Qu'est-ce qui se passe encore.

Je reviens peu à peu à moi. J'entends mon nom. Enfin le nom que j'ai bien voulu donner. J'essaie de répondre. Rien ne sort, pas un son. J'essaie de me lever jusqu'à la bassine d'eau pour me réveiller un peu. Pas question que qui que ce soit me voit dans cet état. Jamais. Et ça ne commencera pas aujourd'hui. Je ne suis pas comme ça, à montrer mes émotions, mes peurs, mes tristesses. Je me débrouille seule. Et j'oubli, du moins pour quelque temps.

Après avoir passé un peu sur mon visage, j'ouvre la porte en prenant un air fatigué, pour faire comme si la personne venait de me réveiller.

—Qu'est-ce qu'il y a ? demandais-je en baillant.

Je vois que c'est un Arthur en panique qui a cogné à ma porte.

—Ah Azylis, tu étais là, dit-il avec un air soulagé. Je te cherche partout depuis ce matin, il faut vite que tu viennes dans la salle à manger, on t'attend.

—Vous m'attendez ? Mais qu'est-ce que...

—Sire Armand t'expliquera, aller viens.

—Euh...d'accord. Mais je dois passer par ma chambre pour me changer d'abord.

—Non, il veut te voir immédiatement, dit-il en me tirant par le bras.

Ça ne m'arrange pas du tout cette affaire. Si je veux faire croire que je me suis endormi en travaillant c'est râpé parce qu'entre les feuilles dans mes cheveux, la boue sur ma robe blanche, le sang au niveau des genoux et le bas de mon vêtement devenu noir, j'ai exactement l'air de ce que je suis : une fille qui a couru dans les bois et sous la pluie. Même Arthur m'a lancé un regard en coin alors qu'il est occupé à me faire courir dans les couloirs.

Dans la salle à manger, beaucoup des habitants sont rassemblés autour de la table et discutent d'un air grave. Arthur cri dans leur direction pour leur dire qu'il m'a trouvé et tous les visages se tournent vers moi comme d'un seul homme et beaucoup d'émotions passent sur leur visage. Comme le soulagement pour la plupart, même si je ne vois pas bien pourquoi, la colère pour d'autres et certains un subtile mélange des deux.

Armand s'approche de moi rapidement et me prend dans ses bras. Bon il faut qu'il se calme un peu là je pense, ça vaudra mieux pour tout le monde. Il s'écarte de moi alors que je gigote et me regarde de haut en bas.

—On te cherche partout depuis ce matin, tu n'étais pas dans ta chambre et comme nous avons eu une légère altercation hier...

—Une légère altercation ? Tu plaisante j'espère ? On s'est bouffés le nez oui !

—Hum...oui enfin toujours est-il que nous avons pensé que peut-être...tu aurais pu...

—M'enfuir loin d'ici pour ne plus voir vos sales tronches ? Oui en effet ça aurait pu être envisageable. Et ça l'est toujours. Donc vous ne m'avez pas vu dans mon lit et vous avez tout de suite pensé que je m'étais enfui, c'est ça ?

Un peu honteux, certains acquissent lentement.

—Et pendant tout ce temps, pas un seul d'entre vous n'a pensé que je pourrai éventuellement, par le plus grand des hasards, être dans mon infirmerie. Pas un seul ? Vous êtes idiots ou vous l'avez exprès bon sang. Vous êtes d'abord allé voir dans les endroits que j'aime le moins c'est ça ?

Je soupire longuement, la journée n'a pas encore tout à fait commencé et je suis déjà fatiguée.

—Il y a un autre problème, dit Armand. Blodwyn aussi a disparu.

Je ferme doucement les yeux en essayant de ne pas pleurer.

—Non elle n'a pas disparu.

—Tu sais où elle est ? demande Ronan qui n'avait pas parlé jusque-là.

—Elle est...disons...retournée à son apparence habituelle.

—Comment ça ?

—Elle est redevenu un feu-follet Ronan. Elle est repartie dans la forêt, dis-je d'une voix calme.

—Et cela ne fait rien ? Tu restes là ? commence à s'énerver Ronan en s'avançant vers moi.

—Je t'interdit de dire que cela ne fait rien, répondais-je durement en pointant l'index vers son torse.

J'avais sous-estimé l'affection que Ronan portait à Blodwyn. Je savais qu'il l'aimait beaucoup mais je ne l'ai jamais vu réagir avec autant de véhémence. Seulement il n'a pas le droit de dire que ça ne me fait rien, cette petite me manque déjà terriblement. Je ferme les yeux pour faire passer le chagrin qui monte.

—Si vous avez toutes les informations que vous vouliez, je vais retourner dans ma chambre et ne plus en sortir de la journée, dis-je en soupirant, fatiguée.

—Attend ! Où es-tu allé cette nuit ? Tu as l'air...

—Misérable ? Je sais, ne t'en fais pas Armand je vais bien je suis juste sortie un peu mais il pleuvait donc je suis dans un sale état, rien de plus. Pas la peine de t'inquiéter pour soulager ta conscience.

Je sais que ce que je dis est peut-être faux et dur mais sincèrement je ne suis pas d'humeur à faire des efforts pour paraître gentille et agréable alors que c'est parfaitement faux. En tout cas ça à l'air au moins d'en affecter un de nous deux entre Armand et moi.

—Qu'y va-t-il encore ? Un de tes plans douteux que je compromets ?

—Armand je suis désolée, mais je suis encore énervée et bouleversée à cause d'hier alors...laisse-moi seule s'il te plait, ou du moins n'essaie pas de venir me parler.

Bizarrement alors que Armand a l'air déçu, William a plus l'air contrarié ce qui me surprend. Ne pas venir me parler je pensais que ça lui ferait plutôt plaisir. Qu'est-ce qu'il manigance lui alors. Je lève intérieurement les yeux au ciel en me retenant de ne pas le faire devant tous puis je me dépêche de rejoindre ma chambre afin de prendre un bain bien mérité et de changer mes vêtements.

Alors que je suis dans mon bain, les images d'hier me reviennent et j'ai l'impression de me noyer dans le flot d'émotions qu'elles me procurent. Même s malheureusement ce ne sont pas de bonnes émotions. Plutôt celles qui vous prennent à la gorge et vous enfonce à tout jamais dans le néant sans aucune chance de vous en sortir. Je me lève d'un seul coup de ma baignoire et m'habille à toute vitesse, il faut que je m'occupe et j'ai des choses à faire, ça tombe bien.

En même temps, c'est toujours ce que j'ai fait. S'occuper l'esprit pour ne plus penser aux choses tristes, aux problèmes. Ça me donne l'illusion de ne pas en avoir, jamais. Et quand j'ai fini tout ce que j'avais à faire, la pire chose qui pourrait se produire arrive, je pense. Penser n'aura jamais été aussi dur. Et même si je continue de m'occuper les mains, tout reviens. Et les sentiments, les peurs et doutes accumulés jusque-là reviennent tous en même temps. Mais je ne sais pas faire autrement, au moins comme ça je suis plus souvent heureuse, enfin c'est ce que je me dis. Même quand je semble heureuse j'ai toujours cette petite boule au fond de moi et cette voix qui me parle et qui me dit que tout cela n'est qu'une illusion, qu'une façade et que ce monde n'est pas fait pour moi. Quand j'étais petite, je fermais les yeux très fort en me disant qu'avec un peu de chance je pourrai être transporté dans un autre monde, un monde qui me correspondra mieux au lieu de celui-ci où j'ai constamment l'impression de ne pas être à ma place. Et maintenant c'est fait, j'ai fermé les yeux et je me suis réveillé dans un autre monde, et pourtant la boule est toujours là et la voix est plus forte que jamais.

Je claque mes joues pour reprendre mes esprits, c'est vraiment pas le moment pour déprimer. Et il me semble que j'ai un poison à préparer moi. Cette réflexion m'arrache un léger sourire, ce rustre ne va avoir que ce qu'il mérite. Cette infâme pourriture, je vais lui faire regretter d'être venu au monde. Vu le caractère de cet insecte, je pense que ce que j'ai prévu pour lui sera parfait, cet orgueilleux petit rat va connaître les instants les plus honteux de sa vie. D'abord auprès des guerriers avec une ou deux coliques imprévues, puis avec les dames du village lorsqu'elles constateront que notre beau héros national n'est pas capable de bander dur. Je sais, ça peut arriver à tout le monde et ce n'est pas bien de s'en moquer. Chez moi je pense que j'aurai simplement rassuré le bonhomme et blâmé le fait qu'on attende des hommes qu'ils soient toujours prêt pour le sexe etc, mais là c'est un peu différent, si je ne peux pas me battre contre cette idée dans ce monde, autant m'en servir, du moins pour cette fois.

Bon assez discuter, logiquement ça ne prendra pas très longtemps, enfin pas si longtemps que ça. Je peux finir les deux pour ce soir, et peut-être même pour ce midi.

Je me précipite vers mon herboristerie. Qu'est-ce qu'avait dit Siofra déjà ? Cru pour une diarrhée et cuite vingt minutes pour l'impuissance il me semble.

Je sors de ma tanière, une fiole dans chaque main. Comment est-ce que je vais lui faire ingérer ça sans me faire prendre ? Je vais faire un tour aux cuisines voir s'il n'y a pas une possibilité.

Bon, qu'est-ce que je sais sur ses habitudes alimentaires ? Il mange la même chose que tout le monde il me semble, à moins que...

J'entre tranquillement dans la salle à manger, près de la longue table. Certains hommes sont déjà attablés et parlent entre eux. Je regarde rapidement si Marius est lui aussi en train de manger. En effet, je vois sa sale tête blonde au milieu des autres et il a déjà commencé son assiette. Soudain, je le vois se lever et sortir de la pièce. J'en profite alors pour me mettre à sa place en faisant mine de parler à son voisin. En même temps, je me penche discrètement au-dessus de la table pour cacher son dans laquelle je j'ajoute mes chers ingrédients. Je retourne m'asseoir autre part avant que le propriétaire de la place ne revienne et commence à manger à mon tour. De là où je me trouve, je peux parfaitement voir Marius, même si je ne suis pas totalement en face de lui.

Le voilà qui réapparaît, l'air de rien. Je lève mon regard vers lui sans trop m'attarder, il ne faudrait pas éveiller les soupçons quand même. Le bougre mange pendant plusieurs minutes sans que rien ne se passe. Puis d'un coup, son visage changea de couleur et il devint aussi livide qu'un cadavre avant de se lever en courant vers l'extérieur. Les autres se lancent des regards non pas inquiets mais plus intrigués. Avec un peu de chance quelqu'un l'entendra dans son...inconfort et avec beaucoup de chance il n'atteindra pas les latrines à temps, mais bon ça...je peux toujours rêver. Ensuite j'espère que des rumeurs se répandront. Au pire j'aurai toujours la satisfaction personnelle de savoir ce qu'il se passe.

En me dirigeant vers le village, je croise plusieurs soldats chuchotant entre eux suivis juste après d'un éclat de rire. Eclat que j'essaie de ne pas laisser échapper, je ne suis pas censée être au courant. Une fois hors de portant de voix je ne me retiens plus et j'explose de rire en continuant de marcher. Une fois chez Siofra, je toque et entre directement dans sa demeure. Il ne semble n'y avoir personne dans la partie visible de la boutique et je commence donc à regarder les plantes autour de moi en attendant qu'elle revienne.

—Tiens, Azylis, dit une voix au fond de la pièce. J'étais occupée dans l'arrière-boutique. Qu'est-ce qui t'amène ?

—J'aurai besoin que tu me dises comment faire une potion pour dormir, je sens que mes nuits prochaines vont être agitées et j'aimerai bien éviter cela.

—Oh mais bien sûr, je peux t'en donner une faite si tu le souhaite.

—Ah oui merci, j'utiliserai celle-ci pour cette nuit.

Passer quelques heures avec Siofra m'a un peu changé les idées mais je ne parviens toujours pas à m'enlever complétement de la tête ce que j'ai vu. Ses yeux noirs, et tout ce sang. Qu'est-ce qui me fera devenir comme ça, et si en essayant à tout prix d'éviter ce changement, je finissais par l'encourager. Je souffle profondément en essayant de me calmer. C'est vrai quoi, pour l'instant je ne vois vraiment pas ce qui pourrai m'amener à...ça.

La voix d'Armand me sort de mes pensées. Bon sang mais qu'est-ce qu'il me veut ?

—Je sais que tu ne veux pas me parler pour l'instant mais c'est assez important.

Je m'arrête un instant pour l'écouter même si très franchement pour l'instant tout ce que j'ai envie de faire c'est de courir jusque dans mon lit et d'y rester pour toujours.

—J'aimerai que tu me permettes de te faire la cour chère Azylis.

—Pardon !

C'est la fatigue qui me donne des hallucinations c'est ça ?

—Tu m'as bien entendu.

—Non... Je pense que je suis trop fatiguée. Je vais...juste aller me coucher et demain tout ira mieux, dis-je à voix basse comme à moi-même.

J'écarte d'une main Armand, le laissant seul devant les escaliers et je continue mon chemin vers ma chambre. Ce faisant, je croise Rory qui paraît chercher quelqu'un. Soudain, son visage s'éclaire lorsqu'il me voit. Il m'arrête d'une main avant de prendre la parole.

—Dame Azylis, je vous cherchais. J'aimerais vous parler de quelque chose.

Bon, jusque-là c'est bizarre qu'il me vouvoie mais rien de grave.

—...vous courtiser ?

Les derniers mots me sortent de ma mini léthargie. Je crois que je ne veux même pas lui demander de répéter. Je vais passer mon chemin et faire comme si ce moment n'avait jamais existé, voilà c'est bien ça comme plan.

Je passe devant Rory en faisant comme si il n'était pas me venu me parler et j'évite soigneusement de croiser quiconque jusqu'à ma chambre. Une fois en sécurité loin des hallucinations, je m'étale tel un phoque sur le lit avec le plus beau projet jamais fait, dormir jusqu'à en user les draps.


***

L'éternité, c'est depuis ce temps là que je n'ai pas posté mais me revoilà ^^ j'espère que ce nouveau chapitre vous a plu, donnez moi vos impressions. Cette partie n'est pas corrigée donc si y'a des choses mal dites, des fautes ou des incohérences dites le moi.

J'ai fait un rantbook, c'est pratique pour tous les vracs, les infos etc. D'ailleurs j'y ai demandé un truc que je redemande ici: j'aimerai changer le titre de cette histoire alors n'hésitez pas à m'en faire part si vous avez des idées.


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