12.Tempêtes


*Média: William*


Il m'a vraiment gonflé l'autre avec son histoire d'espionnage. Evidemment que j'ai l'air suspecte mais ce n'est quand même pas une raison suffisante pour me traiter d'espionne. Et puis avec son petit air condescendant comme s'il valait mieux que moi. S'il me regarde encore une fois de façon aussi méprisante je lui arrache les yeux et je les lui fais bouffer, ça lui fera de l'Omega 3 tient !

Avec toutes les plantes que j'ai ramassées en à peine trente minutes, je pense que j'ai foutu en l'air l'entièreté de l'écosystème de cette forêt. En fait je suis à mi-chemin entre la colère, la frustration et la rancune. C'est très spécial comme mélange et surtout très explosif. Bref, c'est en marmonnant dans ma barbe avec un demi-kilo de plante dans mon petit panier que je rentre vers le château, et par la grande porte cette fois ci, pour bien montrer à l'autre pignouf que je ne suis pas une espionne. Puis sur le chemin, je me dis qu'il existe forcément des plantes que je ne connais pas ici. Déjà parce que je ne connais pas toutes les plantes, c'est une bonne raison et aussi peut-être éventuellement parce que je ne suis pas dans mon monde. Je me stoppe en plein milieu de la route en réfléchissant à ce que je vais faire. Non ce n'est pas une grosse décision que de savoir si je vais voir Siofra maintenant ou si je dépose mes affaires avant mais je m'arrête quand même. Je prends donc la lourde décision d'y aller directement. Avec ma robe trempée de sueur séchée et mes trois tonnes de plantes je vais avoir l'air fine mais tant pis, je prendrais ma douche plus tard, quand je serais encore plus transpirante. Une voix grave me sort de mon état comateux.

-Poussez-vous de là courtisane, vous encombrez encore le chemin.

-Sir William, quelle douce mélopée que le son de votre voix. Je n'en avais décidément pas besoin. Mais ne vous en faites pas, je m'en vais.

-Définitivement ?

-Vous aimeriez bien. En revanche, vous pouvez partir s'il-vous-plait ? J'ai malheureusement l'habitude des altercations avec les paltoquets dans votre genre et j'aimerai bien que cela cesse.

-Un paltoquet, vraiment ? demande-t-il d'un air mi amusé, mi sombre, comme s'il y voyait une provocation.

Bon évidement que c'est une provocation, sinon ce n'est pas très drôle. Et puis c'est lui qui a commencé en insinuant que j'étais un boulet « encore dans son chemin » plus précisément.

-Messire William, ce n'est pas que votre compagnie m'indispose mais en fait si, donc si vous voulez bien m'excuser, je vais partir, j'ai des choses à faire, dis-je en esquissant un pas de côté pour repartir dans la direction du village mais l'ours des cavernes ne l'entend pas de cette oreille.

-Vous avez l'air d'avoir tout ce qu'il faut dans votre panier, il est bien trop rempli.

Je roule des yeux en commençant à me demander où il veut en venir.

-Et comme vous l'avez dit, j'ai seulement l'air d'avoir ce qu'il faut. Seulement il me manque des choses et je vais demander conseil à la guérisseuse du village. A présent si vous le permettez...

-Je vous accompagne, dit-il rapidement en m'emboitant le pas.

-Je vous en prie William, dis-je d'un air las, épargnez-nous cette peine, nous savons tous les deux que vous avez mieux à faire.

-Pas du tout, vous surveiller afin de m'assurer que vous n'êtes pas une espionne est une tâche assez importante, dit-il d'un air suspicieux.

-Mais oui bien sûr, dis-je en levant les yeux au ciel. Et lorsque vous aurez fini de jouer les nourrices, vous pourrez peut-être vous remettre au travail, ajoutais-je avec un grand sourire.

Je le vois respirer lentement, comme pour se calmer, au moins j'arrive à l'emmerder.

-Vous vous rendez compte que le trajet va être particulièrement long pour vous ou pas ?

Comme je m'y attendais il ne répond rien et se contente de regarder au loin d'un air sombre. Mais qu'est-ce qu'il a à se la jouer chevalier mystérieux sérieux, c'est naturel ou il le fait exprès ?

Le chemin vers la maison de Siofra continu avec des conversations et des piques du même style. Devant la porte il a l'air particulièrement irrité alors que moi je suis ravie, avec un grand sourire sur le visage. On peut dire que je me suis bien amusée.

La jeune femme nous ouvre doucement la porte, sans doute surprise de voir du monde en cette fin d'après-midi. Lorsqu'elle me reconnait enfin, son regard s'illumine puis s'assombri de nouveau en voyant qui m'accompagne.

-Azylis, quel plaisir de te voir, dit-elle avec sincérité. Messire, ajoute-t-elle froidement à l'égard de William. Entre donc, installe-toi. Tu voulais me voir pour quelque chose en particulier ou juste comme ça ?

-En réalité je voulais quelques conseils, en privé, dis-je en lançant un regard en coin à William.

-Il n'est pas question que je vous laisse avec elle, souillon.

-Diantre mais vous m'emmerdez avec vos suspicions. Nous allons parler de ...choses de dames. Je ne suis pas tout à fait sûre que cela vous intéresse beaucoup.

William me regarde de haut en bas comme pour juger si je dis ou non la vérité.

-De toute façon vous n'avez pas vraiment le choix. Je ne pense pas qu'Armand soit très satisfait que vous me soupçonniez encore alors qu'il vous a demandé d'arrêter.

Je le vois souffler lentement de mécontentement pendant que je demande à Siofra de nous emmener dans une pièce plus tranquille.

-Alors ? demande-t-elle une fois que nous sommes seules. De quoi voulais-tu me parler ?

-En fait, j'ai eu disons...un différend avec un homme un peu trop entreprenant au château. Tu ne connaîtrais pas des plantes pouvant...l'incommoder.

-Pour lui rappeler d'une certaine manière de garder ses mains à leur place c'est ça ? dit-elle avec un sourire complice.

-C'est un peu ça. J'ai entendu dire qu'il aimait beaucoup la compagnie des dames. Disons une plante provocant l'impuissance et éventuellement une bonne colique encombrante.

Siofra fouilla un peu dans la pièce et sorti un bocal rempli de plantes rouges et bleus. Elles étaient plutôt chatoyantes mais aussi très belles. Les feuilles avaient l'air d'avoir une texture mousseuse et douce et sur la tige se trouvait de petites billes noirs brillantes.

-La Dyade, cette plante peut guérir les otites mais si on la faire bouillir trop longtemps, elle provoque l'impuissance chez l'homme pour plusieurs jours. Il faut la faire bouillir environ vingt minutes pour obtenir cet effet. En revanche, ingéré cru, elle entraîne de violentes diarrhées. A manipuler avec précaution donc, n'est-ce pas ? dit-elle d'un air amusé et complice.

-Merci Siofra, c'est exactement ce qu'il me fallait.

-Puis-je tout de même te demander ce que t'as fait cet homme pour mériter un tel châtiment ? Tu ne m'as pas beaucoup renseignée.

-Lorsque je dis qu'il a été insistant c'est un euphémisme...heureusement j'ai pu m'enfuir avant que cela ne devienne encore plus grave mais j'aimerai marquer sa mémoire pour qu'il ne recommence jamais.

D'un regard plein de sens, elle me prend doucement dans ses bras dans une étreinte réconfortante. Je souffle un bon coup, heureuse de ce soutient, puis me détache de ses bras en prenant les plantes qu'elle avait posé sur le côté. Je les mets dans mon panier puis nous sortons de la pièce pour rejoindre l'autre ours curieux.

Ce dernier nous attend bien sagement, assis sur une chaise, les bras croisés sur sa poitrine et la mine sombre comme si un danger pouvait surgir à tout instant. En l'occurrence moi, enfin je crois surtout qu'il était frustré de ne pas être venu avec moi dans cette pièce.

-Merci encore pour tes conseils Siofra, je reviendrai te voir bientôt je pense, dis-je avec un sourire doux.

Sur le chemin du retour, William n'arrête pas de me fixer avec suspicion ce qui me fait lever les yeux au ciel et soupirer. En même temps, je me sens lasse et fatiguée, comme si je flottait au loin. J'entends légèrement la voix de William. Je crois qu'il est encore en train de m'insulter et de me traiter de courtisane opportuniste. Soudain, une atroce douleur me prend à la tête et me fait plier en deux. C'est comme si des marteaux venaient se fracasser sur mon crâne. C'est comme dans le couloir du château. Des flashs me viennent et je vois une femme aux yeux complètement noirs, puis un homme, je vois la flèche venir se planter dans ma gorge, je sens le bois la traverser, la douleur de la mort. Je m'entends suffoquer, pleurer, et j'entends la voix de la jeune fille, ses mots me transpercent et me font peur.

Puis d'un seul coup, tout s'arrête, les coups, la douleur, mais la peur elle reste. Je rend alors compte que je suis à quatre pattes sur le chemin, des larmes coulent sur mes joues et mon nez commence à couler. La pluie commence à se déverser sur nous sans discontinuer et je crois entendre des éclairs au loin. J'essuie tout ça en tentant de me relever. Une main me prend par le bras pour me relever plus rapidement et je me souviens que William est avec moi. Oh purée j'aurais préféré n'importe qui excepté lui. Je relève difficilement la tête et vois qu'il me regarde d'un air mi inquiet, mi suspicieux. Comme s'il ne savait pas s'il devait me croire ou non. Je baisse la tête vers le sol pour éviter son regard et commence à ramasser mon panier qui était tombé dans ce qui est devenu de la boue.

-Si vous pensez pouvoir m'attendrir de la sorte, commence William, vous vous trompez lourdement. Je ne suis pas du genre à compatir à la première soi-disant effusion de larmes.

Je crois que pour l'instant, je n'ai pas la force de riposter. Je me contente de le regarder, les yeux remplis encore de quelques larmes, le regard triste.

-Nous ferions mieux d'y aller, le soleil commence à se coucher, Armand va s'inquiéter, dis-je doucement, d'une voix un peu lasse.

Je pars devant lui sans l'attendre ni même me retourner. La peur est toujours présente en moi, je veux simplement rentrer au plus vite.

La nuit tombe lorsque nous arrivons au château et à l'intérieur, je vois Armand dans le hall près de la porte. Il a l'air un peu inquiet et son visage paraît se détendre lorsqu'il nous aperçoit.

-Je commençais à m'inquiéter de ne pas vous voir revenir.

-Ne t'en fais Armand, je suis juste allé voir Siofra, dis-je avec un faux sourire aux lèvres.

Il ne faut pas qu'il s'inquiète, il deviendrait encore plus intrusif qu'il ne l'est déjà.

Je commence à m'éloigner pour aller prendre un bon bain lorsque William a la bonne idée de prendre la parole.

-Cette petite pimbêche nous a fait une soi-disant effusion de larme, méfie-toi d'elle, ce n'est qu'une intrigante qui ne mérite pas...

-Arrête, le coupais-je sèchement. Je ne vais pas supporter de t'entendre dire plus d'imbécilités.

-Qu'y a-t-il ? Tu as peur que je révèle tes intentions ? Ou alors c'est simplement l'orage qui te terrifie femme.

-Arrête ! criais-je.

C'est ce moment qu'une bourrasque de vent choisi pour s'engouffrer dans la porte et l'ouvrir dans un fracas étonnant. Ce vacarme nous surprend tous, assez pour distraire l'autre abruti. En revanche, sans que je ne puisse l'expliquer, les hommes présents se tournent vers moi. Non mais je rêve, ils n'ont jamais vu une tempête ou quoi.

-Qu'est-ce que vous regardez comme des demeurés là ?

Armand et Ronan qui est apparu, attiré par le bruit sans doute, se regardent comme s'ils avaient une conversation muette. Roh je déteste quand ils font ça. C'est au moins la troisième fois que je les surprends en train de se regarder sans rien dire.

-Hum, commence Armand. C'est-à-dire que..non rien oubli ça.

-Pardon ?! criais-je. Que j'oublie quoi exactement ? Vous n'avez rien dit, vous m'avez juste regardée avec des yeux de merlans frits pour après vous échanger un regard de connivence. Alors qu'est-ce que je suis censée oublier hein ? Le regard de jugement, le silence pesant ou le fait que vous doutez de moi depuis quelques jours mais que vous n'avez pas le courage de m'en parler ?

Je commence à partir en furie dans ma chambre alors qu'Armand essai de me retenir.

-Azylis attend ce n'est pas...

-Ce n'est pas ce que je crois c'est ça ? Armand tu pensais vraiment que je n'avais pas remarqué les réunions secrètes où mon nom est cité, les regards en coin lorsque vous êtes ensemble ou encore les discussions de couloirs ? Et oui je suis au courant pour vos soi-disant rassemblements secrets parce que vous êtes des gros glands pas discrets pour un sou. La prochaine fois que vous voulez comploter contre quelqu'un, ayez au moins la décence de le faire discrètement.

Dehors, la tempête a autant de rage que moi et les éclairs n'arrêtent pas d'éclater, aussi sourds et soudains que ma colère refoulée.

Les raisons de ma colère continuent de se regarder entre elles, mais cette fois avec plus de gêne. Mais aussi avec la même conversation silencieuse de tout à l'heure. Non ils se foutent de moi là.

-Non mais je rêve là, vous voyez, vous continuez à le faire. Putain je n'arrive pas à croire que celui qui m'a le moins blesser ce soir c'est l'autre face d'anchois, criais-je en pointant William du doigt. Vous êtes vraiment une belle bande d'imbéciles. Revenez me voir lorsque vous serez décidés à tout m'expliquer.

Sur ce, je tourne les talons et monte les marches au plus vite. En montant je croise le regard de Marius qui me donne des frissons dans le dos. J'avale difficilement ma salive et cours de plus belle dans les escaliers.

Une fois dans ma chambre, je tente tant bien que mal de reprendre une respiration lente. Je commence à me déshabiller pour aller me laver. Après cette journée je suis pleine d'eau, de sueur, d'herbe et de boue. Bonjour le mélange. Posé sur mon lit, je vois le panier de plantes. J'ai encore oublié de le déposer à l'herboristerie. Journée pourri dis donc, il ne manquerait plus que je fasse de nouveau des cauchemars cette nuit.

Je commence à somnoler dans mon bain lorsqu'un grincement de porte me réveille. Oh purée si c'est un des garçons je vais me le faire là, ils n'ont pas compris le message de ce soir je crois.

Je me dépêche de sortir de la bassine et de m'enrouler dans une serviette, cachée par le paravent. Je sors de derrière ma seule protection, prête à casser les pieds de la personne qui ose me déranger mais ce n'est pas un grand gaillard que je vois dans ma chambre mais bien une petite fille toute blanche.

-Azylis ! crie-t-elle en se jetant dans mes bras.

-Oh ma petite Blodwyn, murmurais-je en la serrant fort dans mes bras, me donnant la chaleur dont j'ai grandement besoin aujourd'hui.

-Je dois te montrer quelque chose, me dit-elle d'un air joyeux.

-Où ça ? demandais-je, curieuse.

-Dans la forêt, dit-elle comme une évidence.

-Mais pourquoi faire ?

-Bah, aller voir le sorcier évidemment.

Evidemment.

-Blodwyn...je ne sais pas si c'est une très bonne idée. Il fait nuit et il y a une tempête dehors.

-Plus maintenant regarde, dit-elle en pointant la fenêtre.

Effectivement, plus une seule goutte de pluie ne tombe sur l'herbe mouillée, et le vent, si fort avant ma petite sieste, est tombé.

Je n'ose pas vraiment lui dire que je n'ai pas tellement envie de sortir à cause de ce qui s'est passé sur le chemin. C'est ridicule, ce n'était que les réminiscences de mon rêve. Bon aller Morrighan, surmonte cette peur, tu peux le faire.

-Bon attend Blodwyn quand même, il faut que je m'habille, c'est mieux.

En effet je suis toujours en serviette et à moitié mouillée.

Nous sortons de ma chambre en toute discrétion, je n'ai pas envie d'attirer l'attention sur nous et de toute façon je n'ai pas non plus envie de voir du monde.

Bien emmitouflées dans nos capes et nos fourrures, nous arrivons enfin à la porte de la liberté. Il y avait encore du monde dans le château et nous avons dû nous planquer à chaque fois qu'on entendait un bruit. Je dépose mon panier et planque bien les plantes. Je n'ai pas envie que des importuns viennent déranger mes affaires. J'ai aussi évidemment pensé à prendre mon épée. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber dans cette forêt.

Enfin dehors, nous avançons doucement et sans torches pour ne pas alerter la garde.

Nous marchons pendant environ quinze minutes avant d'apercevoir les rochers dans lesquels nous nous étions réfugiées Blodwyn et moi. Ainsi c'est là que le vieux se cache. La petite grotte est éclairée par des dizaines de bougies et certaines d'entre elles forment un cercle à l'intérieur duquel se trouve assit un vieil homme.

-Je vous attendais jeune femme, dit-il d'un air mystérieux pendant que Blodwyn court dans ses bras le rejoindre.

Mes yeux roulent dans leur orbite d'agacement.

-Sérieusement ? Les bougies, la forêt, l'annonce mystérieuse...vous n'avez pas trouvé mieux comme introduction ? C'est vraiment trop cliché pour moi ça, arrête ton char vieille branche.

Ses yeux s'arrondissent en deux soucoupes et c'est limite s'il ne s'arrête pas de respirer sous le coup de l'étonnement alors que moi je suis en train lutter pour ne pas exploser de rire.

-Ne soyez pas étonné pour si peu voyons.

-C'est-à-dire que...je n'ai pas pour habitude de recevoir de tel...

-Bon, le coupais-je. Je vais tout de suite vous prévenir, ça vaudra mieux, oui je suis tout le temps comme cela. Et si vous voulez me dire quelque chose, soyez direct, je n'aime pas les ronds de jambes.

Le sorcier semble avoir repris ses esprits et affiche une mine plus que sérieuse. Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

-Tout ceci ne fait partie d'une quelconque cérémonie pour vous impressionner. J'aimerai simplement être sûr de moi et vous montrer quelque chose.

-Etre sûr de quoi s'il-vous plait ? Je ne vous ai jamais vu.

-Mais moi, oui, répond-il d'un air énigmatique.

Non mais sérieusement, « mais moi, oui ». Et après il dit qu'il ne fait pas de mise en scène. Et mon cul c'est du poulet aussi ?

-Approchez, reprend-il.

Malgré mes critiques, je m'approche de lui, entre dans le cercle créé par les bougies puis, lorsqu'il me fait signe, je m'assoie en face de lui par terre.

Je le vois fermer les yeux et prendre quelques herbes et autres choses de ce genre.

-Et donc, que vouliez-vous me montrer ? demandais-je.

Le vieux sorcier ne daigne même pas lever ses yeux vers moi et continue de faire ses petites affaires.

-Non mais vous n'allez pas me mettre un vent en plus !

Toujours rien. Blasée, j'abandonne et me contente de le regarder faire. Blodwyn nous observe timidement sur le côté, en dehors du cercle. Je me perds dans la contemplation des bougies et des herbes en train de brûler devant moi lorsque je vois la main du vieil homme tendue vers moi. Je la prends sans hésiter et plonge mon regard dans celui de mon interlocuteur. Sans que je ne sache pourquoi, il semble contrarié. Comme s'il s'attendait à autre chose.

-Elle n'est pas prête Blodwyn, pourquoi l'as-tu amenée ?

-Eh ne lui parlez pas comme ça, ce n'est pas sa faute, ce n'est qu'une enfant.

Le sorcier ne semble même pas m'écouter, encore un qui m'exaspère.

Soudain, il pointe Blodwyn du doigt et celle-ci se transforme en un petit feu follet.

-Mais vous êtes dingue ! m'écriais-je en me levant.

-Je lui ai juste rendu son apparence naturelle, ne t'en fais pas.

Je me rassieds donc sagement tout en fixant le petit feu dansant devant moi. Blodwyn...

-Je vais tout de même te montrer ce que tu dois voir. Bois ça, dit-il en tendant un verre noir avec un liquide bleuté à l'intérieur.

-Non mais je ne vais pas boire ça, je ne vous connais même pas, et si vous me droguiez.

-Je comprends que tu sois effrayée jeune fille, des choses se passent autour de toi sans que tu les comprennes, et même tes propres rêves semblent te vouloir du mal. Mais ceci pourra t'éclairer sur le futur. Ce breuvage te montrera un futur possible.

Me montrer un futur possible... Et comment sait-il pour mes rêves ? Ah oui, c'est un sorcier. Je suis con aussi. Un futur possible...Bon aller, je suis peut-être inconsciente et stupide pour faire ça mais merde à la fin.

Je lui prends le verre des mains et bois le liquide cul-sec. Woaw c'est...incroyablement dégoutant. Il est conscient du goût que ça a au moins ? Je commence à voir un peu flou mais je le vois également s'approcher et me placer au-dessus d'une grande bassine d'eau. Un peu comme une pensine dans Harry Potter.

Contrairement à ce dernier, je ne plonge pas ma tête dans l'eau mais je vois une silhouette se former sur le reflet. C'est étrange car j'ai l'impression de voir cette ombre dans l'eau et en même temps dans ma tête. Comme si les deux images se superposaient.

La silhouette devient plus claire et je vois qu'il s'agit d'une femme de dos. Ses cheveux sont assez longs et surtout, ils sont très noirs. Noirs comme la nuit. Noirs comme la fille de mon rêve...Au fur et à mesure que je l'observe, je me rends compte que ça ne peut être cette fille, même de dos on peut voir qu'elle est plus grande et elle a l'air plus âgée et plus en chair aussi. Elle n'est pas toute mince et presque maigre comme la fille de mon rêve. Je poursuis mes contemplations en regardant autour d'elle. Ce que je vois commence à me faire peur. Autour de la femme il n'y a que la mort, rien d'autre que la mort et du sang. Je vois justement qu'un filet de sang coule le long de son bras. Devant elle, des hommes sont à genoux et semblent l'implorer. Un vent violent secoue les cheveux de cette terrifiante femme. Elle tend la main vers un des hommes en lui faisant signe d'approcher. Une fois à sa hauteur, elle plaque sa main sur le visage du pauvre homme qui se met soudainement à cracher du sang, puis il tombe au sol, inerte. Un cri de frayeur sort de ma gorge et pourtant je ne me réveille pas, ce n'est pas un rêve. L'immonde femme porte la main pleine de sang à sa bouche et se tourne vers moi, plantant ses yeux dans les miens comme si elle pouvait me voir. La vision du visage de cette femme me terrifie et je me mets à hurler et à me débattre. J'entends vaguement quelqu'un me dire de continuer et des bras me tenir. Cette femme a la peau aussi pâle qu'une poupée de porcelaine, ses cheveux sont noirs comme une nuit effroyable, son visage est éclaboussé de sang et de sa bouche dégouline également un sang rouge et frais. Ses yeux sont entièrement noirs et ses pupilles rouges brillent de colère. Ce visage est d'autant plus terrifiant car je sais à qui il appartient. Ce visage...c'est le mien.


Je me débats, encore plus paniquée que tout à l'heure et je sens quelqu'un me secouer, ce qui me sort de ma transe et met fin à la vision. Je me retrouve en pleurs dans les bras du vieux sorcier. Autour de nous la tempête fait rage et prise de panique, je repousse le vieillard violemment. Transis de peur et de froid, je commence à courir à perdre haleine à travers la forêt direction le château. Je tombe plusieurs fois en me prenant les pieds dans des racines, je ne vois pas bien ou je vais et ce n'est que la lumière de la lune qui parvient à me guider. Enfin, j'aperçois la lueur de quelques torches disposées çà et là. Je me précipite vers la porte sombre menant à mon herboristerie et je claque la porte. Une fois dans le couloir, je me retiens de m'écrouler en pleurs et je me dépêche de m'enfermer dans mon antre pleine de plantes. Je m'installe sur le lit sous les couvertures, une bougie éclairant mon visage plein de terre et je reste ainsi, les genoux contre ma poitrine, les yeux dans le vague. Dehors, j'entends que la tempête continue de se déchaîner, comme à l'intérieur de moi d'ailleurs.


 ***

Voilà le nouveau chapitre, j'espère qu'il vous ^plaira, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ^_^

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