Chapitre 3


Prochain bus dans 20 minutes, je décide d'attendre près du parking des profs. Personne ne se permettra de venir m'emmerder ici, trop risqué.

Oui mais voilà, je n'ai pas prévue qu'un professeur pouvait aussi venir m'emmerder.

   - M.Park.

Il n'y a qu'un seul prof capable d'être polie et intimidant à la fois. Je me crispe malgré moi au son de sa voix, si les professeurs s'y mettent aussi je ne vais pas m'en sortir.

Qu'est-ce qu'il me veut encore ?

   - Vous avez loupé votre bus ? Me demande t-il sans moquerie.

La politesse voudrait que je me retourne et que je lui réponde mais si je fais ça, il va voir que quelque chose ne va pas.

Si un prof venait à savoir pour le harcèlement ce serait pire que tout.

Je l'ignore superbement mais il continue. 

   - J'ai bien réfléchis à votre demande de remise à niveau, je serais disposer à... 

Il s'arrête visiblement irrité que je l'ignore alors qu'il me propose son aide.

   - M. Park je vous parle, insiste t-il.

Mais je sais très bien que tu me parles !

Et je suis littéralement en train de pleurer de joie à l'intérieur là. Il ne se rend pas compte à quel point ça va m'aider, et à quel point ça me remotive.

Mais merde c'est pas le moment !

Il pose une main sur mon épaule pour me faire réagir et commence à me faire gentiment pivoter vers lui.

Je panique et réagis un peu trop vivement en me dégageant d'un coup sec d'épaule. Je m'en veux vraiment de lui faire ça alors que pour une fois il est sympa avec moi.

Je ne dis toujours rien par peur que ma voix trahisse une quelconque émotion et qu'il s'inquiète encore plus.

Un autre prof se serait vexé et commencerait à me faire une leçon sur la politesse.

Mais M.Kim pose ses deux mains sur mes épaules tels des serres et me fait me retourner tellement vite que j'en ai la tête qui tourne pendant une seconde.

Immédiatement nos regards se croisent, le mien globuleux de surprise et le sien froid comme le calme avant la tempête.

Je vois qu'il remarque le rouge de ma joue, puis ses yeux s'attarde sur ma nuque avant de revenir plonger dans les miens.

Il fronce les sourcils, pourtant il semble moins énervé déjà.

   - Qui t'a fait ça ? demande t-il.

Il m'a tutoyé ! Attends...

Ça veut dire quoi ? Qu'il prend la situation au sérieux ? Que je suis foutu ?

Je flippe là, je préfère quand il met de la distance entre nous. Je ne veux pas être tutoyé par un mec que je n'apprécie pas et qui n'en pense pas moins.

Je me dégage vivement de sa poigne et me remets dos à lui.

   - Ce n'est rien, je souffle de manière pas très convaincante.

   - Ce n'est pas ce que j'ai demandé, me fait-il remarquer.

Sans le voir je sais qu'il fronce encore les sourcils.

Il peut aller se brosser, je ne lui dirais pas qui m'a fait ça un point c'est tout. Si ça s'ébruite ça risque d'arriver aux oreilles de mon frère.

J'ai peur de sa réaction et j'ai aussi peur qu'il m'en veuille de le lui avoir caché. On ne se cache rien d'habitude.

Je n'ai pas non plus envie que des profs tombent sur ces photos... je ne le supporterais pas. Je préfère encore prendre une autre raclé.

   - Ça n'a pas d'importance, j'esquive en tapotant du pied avec impatience.

Combien de temps encore avant que le bus n'arrive ? 12 minutes.

Une éternité.

   - Quelqu'un t'a agressé ? On ta volé tes affaires ? Hasarde t-il.

Il n'a pas l'air inquiet ni surpris.

Jimin la victime... peut-être que les profs ont cette image de moi aussi ?

Ce serait le pompon !

Je reste muet, perdue dans mes pensées. Depuis que je suis tout petit on me dit toujours que j'ai la tête ailleurs.

Je me souviens qu'une fois un prof de sport en primaire m'avait demandé de faire un truc sensé être simple : un tir au but.

J'avais foiré, je foire toujours. Il avait suffit d'une simple remarque de la part d'un de mes camarades qui avait chuchoté que j'allais rater.

Je suis sûr que s'il l'avait fermé j'aurais réussi.

Notre prof avait alors regardé celui de l'équipe adverse qui n'avait pas compris pourquoi personne ne semblait surprit par mon échec.

   - C'est Jimin, il est comme ça, avait-il répondu.

Encore aujourd'hui je ne comprends pas ce qu'il entendait par là mais je sais que ce n'était pas un compliment.

Pourquoi personne ne croit en moi ?

Je ne suis pas si nul que ça.

Enfin je crois...

   - Très bien, je ne peux pas te forcer à me le dire. En revanche on va à l'infirmerie et tout de suite, déclare M.Kim en me sortant de mes songes.

Quoi ? Sûrement pas !

De nouveau il tente de m'attraper le bras, mais cette fois je l'esquive en faisant un pas en avant.

   - Je vais rater mon bus, je lui explique toujours en lui tournant le dos avec entêtement.

Je ne peux qu'imaginer son expression, sûrement un mélange de « il se fout de moi là ? » et de « j'en ai rien à faire de ton bus ».

J'ai déjà raté le dernier, si je prends l'autre je vais arriver en retard à la maison après que Jin soit rentré du travail. Il faut que je mette du fond de teint sur ma joue avant qu'il ne me voit. Et si je suis en retard il va poser des questions et je ne sais pas mentir.

   - Tu saignes, me fait remarquer M.Kim en pointant du doigt ma nuque.

   - Quoi ? Je demande surpris avant de porter une main à mon cou.

Une fine goutte de sang a fait son chemin le long de ma nuque depuis le lobe de mon oreille. Taehyung a dû m'arracher ma boucle d'oreille dans la bataille, je ne l'ai même pas senti.

L'adrénaline sûrement.

Mais ça fait un mal de chien maintenant que je m'en rends compte, comme une douleur sourde qui se réveille doucement mais sûrement.

   - C'est rien ça, j'ai arraché ma boucle d'oreille sans le faire exprès.

Je crois que le vrai problème quand j'essaye de mentir, c'est que mes mensonges sont tout simplement merdiques.

Je ferme les yeux en priant pour qu'il n'insiste pas. J'arrive à sentir sa présence derrière moi, j'entends ses chaussures grincer sur les graviers alors qu'il prend appuie sur son autre jambe et le froissement de sa veste quand il croise les bras.

Il doit encore penser que je le prends pour un con.

Il va insister, c'est obligé.

   - Très bien M. Park, je ne poserais pas de questions.

Hein ? Pour de vrai ?

Je l'aurais cru du genre chiant à ne pas lâcher l'affaire, mais je ne vais pas me plaindre.

A moins que ce ne soit un stratagème pour me faire parler ? C'est peine perdue, j'ai déjà retourné le problème dans ma tête des centaines de fois lors de mes insomnies.

Si j'en parle à un adulte, il y a un risque pour qu'on ne me croit pas et que je passe de victime à coupable.

Il y a un risque que Jin l'apprenne.

Et enfin, pire que tout, il y a un risque que personne ne fasse rien et je préfère encore m'imaginer qu'on m'aiderait, si je demandais, que de faire face à la réalité que tout le monde s'en fiche peut-être.

   - Demain vous aurez des exercices en plus à faire, alors j'espère que vous êtes prêt à vous reprendre en main, me dit-il en recommençant à me vouvoyer l'air de rien.

Mais cette fois, je n'ai pas l'impression qu'il me prend de haut.

J'ai presque l'impression qu'il y a une forme de respect derrière, il remet de la distance entre nous et me laisse respirer. Il respecte le fait que je n'ai pas envie d'en parler.

Je me retourne d'un coup le sourire aux lèvres.

   - Vous allez vraiment me donner des cours de rattrapage ? Je lui demande pour être sûr.

Et aussi parce que là je suis trop content.

Je me fais la promesse intérieure de ne pas louper un seul de ses cours à partir de maintenant. C'est le moment de me reprendre en main !

On me donne une chance, une opportunité et je ne vais pas la laisser filer.

   - Pas des cours, des exercices, précise t-il en s'allumant une cigarette d'un air irrité.

Il y a une différence entre cours et exercice ? C'est en s'exerçant qu'on apprend pour moi c'est du pareil au même.

Je suis tellement content que j'en oublie presque ma douleur à l'estomac, tout d'un coup même le harcèlement et la violence dont je suis victime me paraissent surmontables.

Je vais tout faire pour que M.Kim m'apprécie même si je ne l'aime pas trop. Plus on aura une bonne relation, plus il sera enclin à m'aider !

Je vais l'avoir à l'usure.

Je m'apprête à monter dans le bus mais je me retourne à mi-chemin sur les marches pour faire coucou à mon nouveau professeur préféré qui me regarde comme si j'étais un déséquilibré.

   - A demain Monsieur Kim ! Je m'exclame joyeusement.

Je le vois qui en laisse presque tomber sa clope devant mon changement radical d'attitude.


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