8 | partie 2
— Oh ! lâcha le jeune bigleux, la mâchoire étirée sous le coup de la consternation.
L'onomatopée grave s'était échappée naturellement de sa bouche, qui formait un « O » parfait. Comme s'il avait toujours su que ce n'était pas un oiseau. Pourtant, Faustin n'écarquillait pas les yeux, mais le résultat n'en était pas loin : il restait étonné par la présence de cette chauve-souris. Le soleil était encore là, au-dessus de leurs têtes, même si son ubiquité faiblissait à mesure que le temps continuait son petit bonhomme de chemin. Et le plus important : l'éclat du jour éclairait toujours l'extérieur. Pourquoi diable cette bestiole nocturne volerait-elle alors que le soir se faisait encore désirer ?
Faustin décida de sauter l'étape des questions pour passer directement à celle du secourisme. D'une grande douceur, il saisit le minuscule être recouvert de poils clairs, qui tenait à peu près avec ses ailes dans la paume de sa main. De l'autre, Faustin soutint sa nuque inerte à l'aide de trois doigts. Il dépassa lentement la baie vitrée, puis installa le noctule sur le lit deux-places. Le rouquin se pencha pour vérifier si elle respirait ; son abdomen de demi-portion se soulevait et s'abaissait à un rythme régulier. Vivante, seulement assommée.
Le YouTubeur se hâta d'éteindre toutes les lumières dans la chambre et la salle d'eau, avant de fermer les rideaux. L'épais tissu ébène atténuait la clarté de fin d'après-midi, plongeant la salle dans une obscurité clairement insuffisante pour une chauve-souris.
À l'inverse, cette brusque baisse de nitescence – artificielle ou non – contraria Faustin, qui avait mal aux yeux. Les paupières mis-closes, il se dirigea tant bien que mal vers sa valise, posée près d'une table et d'une chaise dans un coin. À côté du bagage, une sacoche de taille moyenne gisait au sol. Il l'empoigna et rejoignit la couette, s'asseyant assez loin de l'accidentée pour ne pas la déranger dans son sommeil pour le moins – il l'espérait – réparateur.
Faustin en sortit un ordinateur portable gris, qu'il déverrouilla sur-le-champ. La luminosité de l'écran lui agressa la rétine. Or, il s'en accommoda. Il se mit ensuite à chercher sur le net, au hasard, tapant frénétiquement sur le clavier, afin de savoir comment on remettait sur pied une pauvre chauve-souris ensuquée.
Malheureusement, rien n'était réellement concluant dans l'immédiat. Tout ce qu'on lui conseillait était de simplement la mettre dans une boîte, au frais et auprès d'un abreuvoir improvisé, en contactant de toute urgence le centre de soins spécialisé le plus proche.
Au moment où il mit fin à son investigation, le soleil disparaissait derrière une montagne, au loin, sans se dépêcher à la tâche. Un voile maussade engloutissait pas à pas l'endroit, arrachant à Faustin les dernières onces phosphorescentes de la pièce. Elle sombrait bientôt sous une pluie de charbon qui interdisait toute étincelle diaphane en son sein.
Faustin soupira. Cela le mettrait forcément en retard sur le trajet du retour, mais est-ce qu'il avait le choix ? Bien évidemment que non, sinon sa conscience d'ami des animaux ne s'en remettrait jamais. Et qui sait, peut-être qu'elle irait mieux dès le lendemain, voire dans une ou deux heures à peine. De plus, en s'inquiétant pour elle, cela l'empêchait de broyer du noir et de ressasser les évènements récents en boucle.
Quelque part, Faustin lui était reconnaissant de s'être éclatée contre sa vitre en particulier.
Il lui jeta un bref coup d'œil ; elle était toujours dans les vapes.
— Tiens ? (Il se rapprocha et dévisagea sa constitution lilliputienne.) C'est moi ou t'as... grossi ?
Il ne distinguait plus que son ombre avachie sur le lit, les bras écartés tel un homme attendant ce qu'il nommerait son « sort ». Elle semblait plus volumineuse que tout à l'heure, ayant pris plusieurs centimètres de hauteur et de largeur. Malgré une hésitation subite, Faustin tâta à l'aveuglette le riquiqui ventre poilu afin d'engendrer une quelconque réaction.
Mais rien.
Il finit par rapprocher et tourner la machine vers elle, histoire d'éclairer davantage ce corps frêle avec la blancheur patente de l'écran. Lorsque la lueur l'enveloppa, la chauve-souris entrouvrit sa gueule et retroussa son nez, créant ainsi des plis en dessous de la feuille nasale. Elle dut émettre un ultrason plaintif, car Faustin n'entendit aucun gémissement.
Une chose était sûre : elle avait bel et bien grossi.
Se sentant attaqué par le chatoiement énervant de l'ordinateur, le mammifère bougea à son insu et, dans un élan pittoresque, il roula sur le flan en battant de l'aile. Il essayait sûrement de sauver une pénombre certaine autour de lui pour se dissimuler derrière.
Cependant, dans la précipitation, l'animal dégringola de la couette et disparut dans le néant de la pièce, comme s'il n'avait jamais été là.
À cette vue, le myope se précipita en avant et s'écrasa sur le matelas avec force. Ses hanches heurtèrent l'objet de pointe dans sa course, qui fit un bond ridicule et atterrit bêtement à son tour sur la pièce rembourrée. Courbé par-dessus, le front tacheté du roux dépassait du lit tandis qu'il scrutait le point d'impact de la somnambule ; qu'il aspirait à déceler la même forme qui, quelques secondes auparavant, se prélassait inconsciemment à proximité de lui.
Concrètement, le jeune homme n'y voyait rien, à part cette obscurité opaque qui commençait à l'agacer. Ses mèches carotte, bien que courtes, lui chatouillaient quand même la peau. Elles se balançaient au gré de ses mouvements. De droite à gauche ; de gauche à droite. Ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il en eut marre :
— Hmph, il fait trop sombre. Où est ce fichu portable ? marmonna-t-il en tâtant les poches arrières de son jean.
Faustin recula et se retourna, désormais de dos. Il balança son bras dans le vide. Au bout de moult tentatives ratées, il parvint à sentir la matière lisse en bois de la table de chevet, dans ce brouillard d'encre, lorsqu'il réussit à la tapoter en quête de son téléphone. Son poignet se heurta à ce qui s'apparentait être la lampe – celle-ci chancela, jouant avec le risque de tomber du meuble, le cliquetis s'accélérant de plus en plus jusqu'à se stopper net. Un rapide éclair douloureux traversa son système nerveux. Il entoura l'articulation et chauffa la zone du cubitus, le regard perdu dans les ténèbres.
Aucun smartphone à disposition. Merde, il doit être là-bas ! se claqua-t-il la langue. Faut que je me grouille, sinon elle risque de se cogner partout. Sachant que « là-bas » désignait l'autre bout de la chambre. Il s'apprêta à se relever.
Faustin imaginait d'ores et déjà s'élancer à travers le logement, enjamber toutes les affaires balancées un peu partout par terre et mettre enfin le grappin sur ce satané cellulaire. Il récupérerait et placerait la chauve-souris dans le carton d'un de ses casse-croûtes – chacun inentamé, d'ailleurs – et dans la douche, seul lieu, ici, que l'on pouvait qualifier de véritablement « humidifié » ; du moins, le rouquin y comptait. Puis, dans une scène digne d'un film disneyen, Faustin l'aiderait une ultime fois, la confiant à des professionnels, et ce serait chargé d'émotions qu'il la quitterait et rentrerait finalement chez lui. Car on s'attachait vite à ces petites bêtes.
Néanmoins, Faustin ne vivait pas dans l'univers de Disney et la réalité lui fut moins plaisante.
Une inhalation ferme et soudaine jaillit de nulle part. Il tressaillit. La main sur la poitrine et étouffant un cri, l'adulte en tomba à la renverse. L'écho de sa boîte crânienne explosée brutalement sur le tapis fit vibrer la cervelle de Faustin et brisa le silence de plomb, occasionnant au passage un autre bruit caverneux, mais moins fort ; c'était le râle des voisins de l'étage inférieur.
— Bordel, quelle journée de merde ! rouspéta-t-il en se rehaussant, le cou engoncé entre les épaules.
Le rouquin se stoppa dans son ascension. Il analysa subitement ce qu'il venait d'entendre. Il n'avait pas rêvé, c'était définitivement le son d'une personne qui aspirait ! Mais une personne ici ? Impossible. Comment serait-elle rentrée ? Par la porte, il l'aurait vu à coup sûr. Et son balcon se situait au troisième palier !
Toutefois, un quintette de dyspnées saccadées tintait à l'autre bout du lit, en face de Faustin, sifflées par une voix humaine. Finalement, il se redressa droit comme un piquet et piquée au vif. Il y avait bien quelqu'un d'autre dans la pièce.
— Quoi ! s'insurgea-t-il, des flammes crépitantes dans les prunelles du YouTubeur. Qu'est-ce qui...
Le reste ne parvint pas à émerger de sa gorge, les lèvres s'étant scellées automatiquement à sa vue.
Il était misérablement baigné par la lumière de l'ordinateur orienté vers lui. Ses cheveux huileux enluminaient de leur gras le relief de son visage fin et en céramique, pendant que ses joues coralliennes s'effaçaient dans l'opacité. Ses spinelles bleus le traversaient, le transperçaient de toutes parts, presque pusillanimes, les sourcils en arabesques boiteuses.
Ce fameux inconnu des bois. Charles.
Ils se rencontraient derechef, pour la seconde fois de la journée qui touchait sans tarder à sa fin. Séparés que par le mobilier duveteux, ils étaient si proches et si loin en même temps. Combien de minutes s'écoulaient lorsqu'ils lorgnaient l'un sur l'autre : une, cinq, dix, vingt ? Aucun ne saurait dire.
Comme une bombe arrivée sans prévenir et attaquant la base ennemie par l'effet de surprise, Charles tendit une paire de gants – sa paire de gants – à Faustin. Le rouquin ne réagit même pas, encore sous le choc de la compagnie imprévue du blond. Ce dernier, non sans trembloter du bec, remarquant l'inaction de son interlocuteur, expliqua :
— Ce... Ce sont les vôtres.
Ce à quoi Faustin répondit :
— Putain de merde.
n. d. a : dédicace à aleiss02 qui doit être comme ça à l'heure actuelle :
Yes, j'aurais plus à la séquestrer pour avoir MON chapitre ! Enfin, pour le moment...
je rigole, je t'apprécie beaucoup, s'il te plaît ne me tue pas :'c
en tout cas, j'avais promis deux chapitres... je n'en ai écrit qu'un, celui que vous êtes en train de lire HAHAHAHAHA.
oui, j'ai grave merdé.
Dansons pour oublier que je suis une merde ~
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