Chapitre 19

- C'est moi ! avait annoncé Jo, un large sourire aux lèvres, en franchissant les portes du manoir.

Amalia avait passé sa tête par le cadre d'une des nombreuses portes qui bordaient le couloir délabré. Elle l'avait salué sur un ton enjoué, accompagné d'un signe de main, et l'avait enjointe à la rejoindre.

Un sourire émerveillé avait animé le visage de la jeune femme lorsqu'elle rentra dans la cuisine. Celle-ci était d'une propreté éclatante. Ses murs étaient recouverts d'azulejos finement dessiné, comme elle n'avait jamais pu en voir que sur les photos de Lisbonne ou de Porto. Elle avait refermé la porte derrière elle, et avait remarqué que le bouton de la porte était lui aussi fait de la céramique la plus fine. Les murs de la pièce étaient bordés de petits bacs où s'étendaient aromates, quelques plans de légumes et de petits arbres – des orangers et des citronniers reconnut Jo.

- Je n'aurais jamais cru que cette vieille bâtisse puisse être si belle... avait soufflé Johanna.

- Et encore, avait dit Amalia. Je ne peux faire circuler la magie que dans trois pièces en étant seule. Lorsque ma famille entière vivait ici, toutes les pièces avaient leur charme, leur univers. C'était une véritable fenêtre sur le monde.

Elle s'était approchée avec une bouilloire fumante et une assiette qui débordait de crêpes.

- J'espère que tu as faim, lui avait-elle souri. Ça n'a pas été trop difficile de te libérer ?

- Me libérer ? Vous plaisantez ? Je m'ennuie comme un rat mort d'habitude ! Pouvoir démissionner du café et prendre un break de la fac pour partir à la recherche d'un objet magique, ça au moins c'est excitant !

- Et votre famille ?

Le sourire de Johanna était devenu plus crispé. Sa famille, ce n'était pas le plus dérangeant. Elle était quelque peu troublée par le regard que lui avait lancé Tia lorsqu'elle était partie. Son amie la remercierait plus tard, elle le savait, mais elle n'avait pu qu'avoir un pincement au cœur en la voyant si peinée de la voir s'en aller.

- Ça ira, avait affirmé Jo sur un ton catégorique.

Amalia avait hoché la tête en lui servant une tasse de thé. Une fois cela fait, elle avait essuyé ses mains sur son tablier et était allé chercher un tube qu'elle avait entreposé près de la porte. Elle avait fait de la place sur le reste de la table en bois gravée de symboles sur ses bords, et avait sorti du cylindre de carton une carte. En s'approchant pour mieux l'observer, Jo se rendit compte qu'elle n'était pas faite de papier, mais d'une peau. Un véritable vélin, voilà ce qu'elle avait sous les yeux. Comme ceux dont elle avait si souvent lu la description dans ses livres. Son cœur battait fort alors qu'elle parcourait des doigts la surface du précieux document.

Amalia avait souri en voyant les lumières qui dansaient dans les prunelles de Jo. Comme pour les aviver encore un peu plus, elle avait passé sa propre main par-dessus le vélin. Aussitôt, les lignes s'étaient élevées au-dessus de la carte, formant en 3D devant elle les reliefs, les villes, les vallées et les cours d'eau qui y étaient représentés. Jo avait poussé un cri émerveillé, portant ses doigts à sa bouche. Elle était rendue muette par la beauté de la projection.

- Bon évidemment, la carte est un peu datée. Ça doit faire un moment que ma famille n'a pas eu besoin d'aller chercher un artéfact en dehors du manoir... Mais normalement, le médaillon devrait se trouver ici, avait indiqué Amalia en pointant un territoire au-dessous de laquelle dansaient des lettres. Ce serait génial si on avait un moyen de savoir à quoi correspond ce territoire aujourd'hui.

Elle avait lancé un regard pénétrant à Johanna, qui en l'interceptant s'était hâtée de reprendre ses esprits.

- Ah oui ! avait-elle dit en sortant son téléphone. Est-ce que vous auriez un nom par hasard ?

Amalia ne lui avait pas posé de question sur l'étrange petite tablette lumineuse qu'elle tenait. Elle avait déjà vu Tiana s'en servir, et avait compris qu'il s'agissait d'un objet de grande valeur. Sans aucun doute, la télévision et la radio avait évolué depuis son époque, et avait fini par donner cet étrange artéfact.

- Austrasie, avait prononcé difficilement Amalia. Vous m'excuserez, la netteté de la carte dépend de ma capacité à me concentrer, je vais essayer d'obtenir un nom de ville. Mais ce doit être dans cette région.

Johanna avait tapé le nom dans google maps, espérant que celui-ci comprendrait le latin. Peine perdue : si ce n'était un arrêt de bus, aucune ville ne possédait ce nom. Elle passa rapidement sur google : internet devait bien avoir la réponse quelque part. Elle avait raison : rapidement son écran lui présenta le territoire d'Austrasie comme un ancien royaume regroupant la Champagne, la Lorraine, l'Alsace, une petite partie de la Belgique et des actuels Pays-Bas ainsi qu'un petit bout d'Allemagne.

- C'est vaste, avait dit Johanna, s'imaginant déjà devoir sillonner tout ce territoire pour trouver une toute petite médaille.

Elle voyait tous les efforts que mettait Amalia pour tenter d'éclaircir la carte. Malgré tout, celle-ci demeurait floue et incertaine. Si elle était belle, elle était presque inutilisable. L'encre s'était effacée par endroit, et la projection n'était parce qu'un amas de lignes brouillées, certes très artistiques, mais qui n'indiquait pas grand-chose.

- Ça ne sert à rien, avait soufflé Amalia.

Elle avait relâché ses efforts, et la projection s'était éteinte, retombant sur le vélin.

- Si seulement j'étais plus douée, avait murmuré la magicienne. Arsène aurait réussi lui...

- Ce n'est pas grave ! lui avait dit Johanna. On va s'en sortir sans.

En voyant la mine abattue de la sorcière, elle comprit que ses encouragements étaient bien peu de choses par rapport à l'image qu'avait Amalia d'elle-même. Elle tenta malgré tout de rassembler tout son enthousiasme.

- Il doit bien y avoir autre chose que cette vieille carte non ? Un autre indice ?

- Non, pas vraiment, avait dit tristement Amalia. Ma famille ne s'est presque jamais servie de cette relique – à quoi bon, le médaillon ne marche qu'une fois par personne. Le seul endroit où sa cachette a été consigné, c'est dans cette vieille carte que je ne suis même pas capable de lire.

Johanna s'était assise, pensive, son téléphone à la main. La famille d'Amalia pouvait avoir caché le médaillon n'importe où. Il leur fallait un moyen de déterminer où.

- Votre famille ne s'est jamais servie de cette relique ?

- Si, bien sûr, avait dit Amalia. En fait, c'est un de mes ancêtres qui l'a emportée avec lui lorsqu'il a quitté le manoir.

- Et cet ancêtre, il habitait où ?

- Il s'est exilé de la famille après un différend... avait répondu Amalia. Dans mes souvenirs, il était parti à Nancy. Mais rien ne sert d'aller là-bas : il y a peu de chance que le médaillon soit resté caché au même endroit pendant des siècles non ?

- Si on n'essaie pas, avait affirmé Johanna après un silence, on ne saura jamais.


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