Chapitre 17
NDA : dans une moindre mesure, ce qui est décrit dans ce chapitre n'est pas anodin. Si vous remarquez que quelqu'un commence progressivement à s'isoler, à perdre de l'intérêt pour ce qu'il aimait, à dormir beaucoup, soyez vigilant, ce sont peut-être les symptômes d'une déprime qui mènera éventuellement à long terme à une dépression. En cas de doutes, parlez-en à votre entourage et ne laissez pas la personne seule. Si ça devient sérieux, du genre pensée noire, vous pouvez lui donner ce numéro : et l'inciter à parler avec un psy. Parler, ça peut paraître n'être rien, mais ça sauve des vies.
- Jo n'est pas encore rentrée ?
Tiana aidait Adrienne à la cuisine. Au menu ce soir : spaghetti bolognaise, maison, évidemment. Tiana était en train de préparer les tomates, les épluchant avec soin. Occuper son esprit était devenu vital, et elle courrait partout ces derniers jours. Aller en cours, aider tous ceux qui en avaient besoin, un jour sur deux, prendre le bus pour aller voir sa mère, changer les fleurs de sa chambre et lui parler, revenir, aider Adrienne, Jo ou Charlie avec le repas du soir. Eviter de parler, et surtout, de parler de soi. Ne pas trop réfléchir, être dans le flow de la vie de tous les jours pour éviter d'être entraînée vers le fond. Heureusement, l'ambiance générale de la maison de Jo était plus souvent joyeuse que plombante, et personne ne lui posait de question.
Adrienne avait levé les yeux de la viande hachée qu'elle préparait pour regarder l'immense horloge de la cuisine.
- Tiens, je croyais qu'elle finissait son service à 18 heures aujourd'hui. Peut-être qu'elle est restée pour aider, ça lui arrive parfois. Je ne sais pas comment elle fait pour tout enchaîner.
- Jo est une vraie tornade, mon amour.
C'était Charlie qui venait de répondre. Iel rentrait à peine du travail, les joues encore rosies par le froid, les cheveux mouillés de pluie.
- Eh ben mon cœur, tu as l'air d'avoir pris une sacrée drache ! s'était exclamé Adrienne en essuyant ses mains sur son tablier.
Elle s'était approchée et avait embrassé tendrement saon cher.e et tendre. Tiana les avait regardés avec un sentiment qu'elle n'arrivait pas à décrire. Elle aurait voulu voir ce genre de scène chez elle. Elle aurait voulu que son foyer à elle aussi irradie autant le bonheur. C'était si simple d'être heureux ici, bien plus que chez elle. Des larmes brûlaient ses yeux, donc elle avait détourné le regard pour s'occuper de ses tomates avec un soin tout particulier.
- Tiana ? J'ai quelque chose pour toi.
La jeune femme avait pris une grande inspiration avant de se retourner en affichant son plus grand – et plus faux – sourire. Charlie lui tendait une petite boîte ornée d'une pomme croquée. C'était un téléphone tout neuf.
- Oh il ne fallait pas... avait murmuré Tiana, touchée par cette attention, saisissant le cadeau.
- Mais si, Johanna m'a dit que tu avais cassé le tien. Je me suis permis de prendre ta carte SIM pour la mettre à l'intérieur, j'espère que ça ne t'embête pas ?
- Non, merci beaucoup, avait répété la jeune femme.
Elle avait ouvert la boîte et en avait sorti l'appareil tout neuf. D'une pression, elle l'avait allumée. La jeune femme se rendit soudain compte de combien cet appareil lui avait manqué. Devoir se débrouiller sans pendant près d'un mois avait été compliqué, mais elle n'avait pas assez sur son compte pour s'en payer un, et elle était encore en train de batailler avec la banque de sa mère pour obtenir un accès provisoire à son compte.
- Va le configurer, je vais finir d'aider Adrienne, lui avait dit Charlie sur un ton bienveillant.
Tiana avait acquiescé et s'était défaite de son tablier pour aller s'installer dans un des confortables canapés en cuir du salon. Logée là, elle se connecta à tous ses réseaux sociaux. Des dizaines et des dizaines de notifications lui sautèrent à la figure, tel un angoissant tsunami. Elle répondit aux messages les plus urgents, puis envoya un message sur le groupe de ses amis afin des prévenir qu'elle était de nouveau joignable.
Le premier à lui répondre fut Colin – qui lui envoya un pavé entier pour lui demander comment elle allait -, puis Adam se manifesta d'un simple pouce en l'air. Mais pas de nouvelles de Johanna. Elle lui renvoya un message pour lui demander quand est-ce qu'elle rentrait. En attendant la réponse de son amie, son pouce commença machinalement à faire défiler son fil d'actualité. C'était assez fascinant de voir qu'elle était partie un mois, et que pourtant, malgré les dizaines de milliers de nouveaux posts, rien de vraiment neuf ne s'était passé.
C'était toujours la même chose. Telle amie qui dessinait bien avait posté une nouvelle illustration aux couleurs chatoyante. Tel ami toujours en voyage à l'autre bout du monde avait posté une photo avec un tag le localisant de l'autre côté du globe. Et puis au milieu de tout ça des recommandations d'inconnus autour des sujets qui l'intéressaient, pour beaucoup parlant de littérature, des nouvelles sorties, de conseils d'écriture... Soudain, elle tomba sur une publication de Colin. Le truc de son meilleur ami, c'était la musique. Particulièrement le piano. Il lui arrivait régulièrement de faire de petits concerts avec son école de musique, comme c'était le cas la semaine précédente. Tia n'était pas venue, bien qu'il l'ait invitée. Octave aurait été là et elle ne voulait pas les déranger.
Elle eut un sourire pincé. Qui elle croyait berner en prétendant que c'était ça qui la dérangeait ?
Elle lika puis s'empressa de continuer à faire défiler les posts. Colin renvoya un nouveau pavé, elle l'ignora, envoyant immédiatement la notification vers le haut. Pas maintenant. Elle n'y arriverait pas. Les petits carrés défilaient devant ses yeux, et soudain l'idée lui traversa l'esprit qu'elle n'avait pas lu depuis plus d'un mois. Ça ne paraissait être rien, pourtant cette réalisation ajouta une pierre de plus au fond de son estomac.
En fait, elle n'avait même pas envie de lire. Ni de quoi que ce soit. C'était comme si sa personnalité s'était vidée de ses couleurs. Et qu'elle tentait en vain de la colorer à nouveau en s'occupant continuellement. L'idée de lire – elle s'en rendit compte avec effarement – lui donnait même un sentiment d'angoisse inexplicable. Lire, c'était risquer de se confronter au bruit dans sa tête. Lire, c'était être seule avec ses pensées, sans bavardage autour. Lire, ça demandait de pouvoir se concentrer, et rien que l'idée appesantissait ses paupières.
Fébrile, elle actualisa une dernière fois sa messagerie dans l'espoir que Jo lui ait répondu, puis elle éteignit l'appareil. Elle devait être fatiguée. Elle se coucherait tôt ce soir. En attendant, ce n'était pas la peine de s'abrutir plus : Charlie ou Adrienne devait avoir besoin d'aide. Et dans le pire des cas, elle avait toujours du travail pour la fac.
Alors que Tiana se relevait du canapé en cuir, la porte d'entrée claqua et un énergique « C'est moi ! » retenti. Tia se précipita vers l'entrée pour voir son amie. Celle-ci était dans un piteux état : ses cheveux étaient aplatis par la pluie, son maquillage avait totalement coulé, lui laissant de longues traînées noires sur les joues et ses vêtements étaient complètement détrempés, lui collant à la peau. Adrienne qui arriva juste derrière Tiana poussa un cri d'effroi.
- Non mais tu t'es vue jeune fille ? avait-elle affectueusement grondé sa fille. On croirait que tu viens de marcher plus d'une heure sous la pluie ! Comment ça se fait que tu ne rentres qu'à cette heure-ci ?
- Je... Heu... avait balbutié Johanna, cherchant une excuse à son état. Mon bus est heu... Tombé en panne ! En plein milieu du centre-ville, tu aurais vu le bazar que ça a causé ! Du coup, je suis revenue à pied.
- Dépêche toi d'aller te sécher avant d'attraper la mort ! l'avait houspillé sa mère en retournant à ses fourneaux.
Johanna avait souri, pas inquiétée le moins du monde par les menaces de sa mère. Elle avait lancé une œillade à Tiana que celle-ci n'avait pas su interpréter, suivi d'un clin d'œil.
- Ta journée s'est bien passée ? lui avait demandé Jo, toute joyeuse.
- Probablement pas aussi bien que la tienne ! avait répondu Tiana en tentant d'imiter son enthousiasme. Qu'est ce qui te met de si bonne humeur ?
- Oh, je crois que je viens de trouver un nouveau travail qui va m'occuper un moment c'est tout, avait répondu Jo sur un ton mystérieux, puis sans plus d'explication, elle s'était ruée vers la salle de bain pour y prendre une douche chaude, un large sourire aux lèvres.
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