Chapitre 10

C'était une lumière bleu vif. De celle que l'on ne voyait que sur un écran. Un bleu qui ne semblait pas tout à fait appartenir à notre réalité. Avant que Tiana ait le temps de réaliser ce qu'il se passait, Amalia était devant sa vitre. D'un geste imprécis, elle avait dévié le rayon à la dernière minute, le projetant vers lampadaire non loin. Celui-ci avait disparu avec un pop sonore, comme dissout. Tiana entendait au travers du double vitrage la jeune femme se confondre en excuses – pour changer. Mais ce n'était plus elle qui accaparait son attention. C'était l'origine du rayon qui avait failli toucher la voiture de la mère de Jo.

Un homme – du moins Tia le présumait à sa carrure – tout vêtu de noir, un masque de démon japonais masquant son visage, et qui avait encore les mains fumantes. Un homme qui flottait dans les airs au-dessus de la route, face à Amalia. Et qui lui avait l'air de parfaitement maîtriser ses pouvoirs.

- Dément... avait soufflé Jo, fascinée par la scène.

- Jo, démarre, avait ordonné Tia à son amie.

- Attends tu rigoles, et le const...

- Démarre !

Tiana l'avait tirée à l'intérieur de l'habitacle, et devant son air catastrophé, Jo avait cédé. Elle n'avait pas pris la peine d'attacher sa ceinture qu'elles roulaient de nouveau à toute allure sur l'autoroute presque déserte. J'avais blêmi en voyant que l'homme en noir s'était lancé à notre poursuite.

- Jo accélère ! lui avait hurlé Tia. Il nous suit !

- Je... Je peux pas ! avait répondu son amie. J'ai déjà le pied au plancher !

Soudain, une voiture était apparue devant les deux amies. Puis deux. Puis des dizaines. Le bouchon dont parlait Johanna plus tôt était devant nous. Pourquoi maintenant ? Jo avait poussé un cri. Elle avait freiné de toutes ses forces, propulsant le corps des deux amis contre leurs sièges. Mais c'était trop tard. Elles arrivaient trop vite. Bien trop vite. Tia avait fermé les yeux, attendant le choc. Cette fois, c'était fini. Il ne restait plus qu'à prier.

Une seconde s'était écoulée. Puis une deuxième. Puis trois. Rien ne se passait. La jeune femme avait rouvert les yeux. Devant la voiture se tenait Amalia, un livre ouvert dans sa main droite, sa main gauche tendue vers le ciel, le visage tordu par l'effort. Le temps était comme suspendu. La voiture s'était stoppée en plein mouvement. Johanna s'était tournée vers son amie.

- Qu'est... Qu'est-ce qu'il se passe ? avait-elle demandée, aussi sonnée que Tia.

- Je sais pas. Mais sortons vite de là, lui avait suggérée cette dernière d'une voix blanche.

Les deux amies s'étaient littéralement ruées en dehors de l'habitacle. Amalia avait rabaissé son bras en les voyant sortir, mais rien ne s'était produit. Les voitures étaient restées figées. En regardant derrière elle, Tia avait vu que l'homme qui les poursuivait avait disparu.

- Je ne sais pas combien de temps le temps va rester arrêté, avait lancé Amalia. Vite, venez m'aider à tourner la voiture le plus que l'on peut !

Tia avait regardé Jo, tétanisée. Elle ne voulait plus s'approcher de ce véhicule infernal. Son amie avait serré les poings et émit un râle. Jo avait fait un mouvement vers le véhicule ; Tia l'avait retenu.

- Attend Jo ! C'est... C'est peut-être dangereux.

- Reste là ma belle. Juste le temps que je change la trajectoire de la voiture. Elle a raison ta sorcière : il faut la bouger pour qu'elle aille atterrir dans les barrières de sécurité et pas dans les voitures de devant.

Avant que Tiana ait pu réagir, son amie s'était dirigée vers la voiture, sans une once de peur dans le regard. Tiana regarda Jo, se demandant si elle allait réellement rester là à ne rien faire pendant que son amie prenait tous les risques. Non, il fallait qu'elle bouge, qu'elle aille les aider à pousser la voiture, elle le savait. Mordillant son pouce, elle s'était à son tour approchée prudemment du véhicule. Jo se tenait côté conducteur, orientant le volant pour dévier la voiture vers la glissière, tandis qu'Amalia poussait l'arrière de la voiture avec difficulté. Tia avait dégluti, puis était venue se placer à ses côtés pour pousser la voiture. Elle l'avait regardé avec surprise, mais la jeune femme avait ignoré son regard.

- Merci... avait-elle soufflé.

Un long silence pesant s'était installé. Tiana tentait de se maîtriser pour ne pas immédiatement s'enfuir, loin de cette femme, loin de ces évènements qu'elle ne comprenait pas.

- Ma famille a des ennemis, avait soufflé Amalia, la gorge visiblement serrée. Les personnes qui ont des pouvoirs restent cachées... Normalement. Mais les différentes familles qui en possèdent se livrent une guerre sans merci.

Tia n'écoutait ses explications que d'une oreille. Dès que la voiture fut totalement en face de la barrière, loin de tout danger, elle s'écartait brusquement d'elle et se plaçait de l'autre côté de la rambarde. Elle voulait partir le plus loin possible, mais sans voiture, ça risquait d'être compliqué. Tiana remontait donc l'autoroute, les bras croisés, marchant à petits pas pressés, ne sachant même pas vraiment où elle allait.

- Eh ! Mais tu vas où comme ça ? lui avait demandé Jo, à bout de souffle.

- Loin ! Loin de tout ça ! Je veux plus la voir ! avait-dit Tia en désignant Amalia.

- Mais... On ne va pas rentrer chez toi à pied ! Il faut qu'on attende la police !

- Ah ouai ? Et tu vas leur dire quoi aux flics ? Ah pardon je vous ai appelé pour un accrochage mais en fait entre temps je me suis fait attaquée par un timbré qui tire des rayons lasers et maintenant ma voiture est dans le fossé ! Oopsi !

Jo l'avait rattrapé en trottinant.

- Ecoute Tiana on devrait...

- Non Jo, lui avais-je répondu sur un ton sec. Tu ne m'as pas écoutée tout à l'heure quand je t'ai dit que cette femme me faisait peur et me suivait probablement. A un moment donné, je ne sais plus dans quelle langue te dire que... Te dire que...

Sous le trop-plein d'émotions, Tiana s'était soudain mise à sangloter sans pouvoir se retenir. Johanna avait voulu poser sa main sur son épaule mais elle s'en était dégagée.

- Je... Je voulais juste voir ma mère...

- Je sais, avait dit Jo. Je suis désolée.

Elle l'avait prise dans ses bras, et cette fois Tia n'avait pas résisté. Au même moment un crissement de pneu les avait fait relever la tête : le temps avait repris son cours et la pauvre Audi de la mère de Johanna avait traversé le garde-fou pour atterrir dans le fossé en contre bas. Tia remarqua à ce moment-là qu'Amalia en avait profité pour filer à l'anglaise.

Un automobiliste s'était arrêté sur la bande d'arrêt d'urgence, éberlué, demandant à plein poumon si tout allait bien. Les deux amies s'étaient dirigées vers lui pour le rassurer, et elles savaient qu'elles se posaient la même question : qu'est ce qu'elles allaient bien pouvoir raconter pour expliquer tout ça ?


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top