Chapitre 6 - Cocktail explosif
Car c'est ainsi que nous allons, barques luttant contre un courant qui nous ramène sans cesse vers le passé.
Francis Scott Fitzgerald
Je suis assise sur les marches du péron de l'aile gauche de l'immense bâtisse. J'attends je ne sais quoi, un miracle, peut-être.
En réalité, j'ai surtout croisé mes parents qui m'ont interdit de partir avant 14 heures. La politesse, la bienséance. Alors je préfère me la jouer mélodramatique et faire comme si j'attendais un je-ne-sais-quoi magique et miraculeux.
J'observe alors les personnes se trouvant dans les parcs extérieurs. J'ai toujours aimé observer les gens, leur façon d'être, de se comporter, de dire ou non le fond de leur pensées, de mentir ou de sur-jouer leur émotions et leurs ressentis.
J'ai dans mon viseur un jeune couple en train de fricoter. La fille, d'une blondeur éclatante est habillée d'une robe mi-longue fleurie lui donnant un air très pur et le garçon en costume a perdu sa veste, ne se trouvant plus qu'en chemise et cravate que la fille tente de défaire depuis déjà cinq minutes. Elle semble éprise, lui, au contrario paraît plus intéressé par ses attributs de femme que par elle-même. Je vois également deux vieils hommes discutant d'un sujet qui m'a l'air sérieux, assez animé et puis finalement des enfants jouant à chat, un peu plus loin.
Ah, l'enfance, cette innocence candide et cette confiance toujours présente. On a nous-même joué ici il me semble, avec Colombe, Nathanaël, Paul et Mathilde. Le club des cinq, nous appelions-nous. Mathilde est partie vivre en Nouvelle-Zélande l'année dernière avec sa mère, ses parents ont divorcé. Ce fut un drame pour tout le monde, ils semblaient si heureux... Mais nous ne savons jamais ce qu'il se passe dans l'arrière du décor, Mathilde en a terriblement souffert. Cet événement l'a changée, son sourire n'étant désormais plus aussi éclatant qu'avant et ses yeux plein de malice ayant perdu de leur clarté. Même s'il n'y a pas eu que ça.
- Margot ?
Quelqu'un me sort de mes pensées.
- Tu fais quoi ici toute seule ? Je reconnais la voix douce de Nathanaël.
Il se tient derrière moi, les mains dans les poches de son bas de costume, les cheveux ébouriffés par le vent soufflant et les yeux baissés vers moi.
- Rien, rien, j'attends juste 14 heures et Colombe pour pouvoir partir.
- Tu veux déjà partir ? Au fait, bravo pour ta gentille déclaration à De Villiers. Il a fait le fier mais je crois que ça l'a un peu atteint finalement, il n'a pas l'habitude de se faire rembarrer comme ça, et surtout pas en public. M'avoue t-il en s'esclaffant.
- Tu m'étonnes. Bien fait pour lui, il ne l'a pas manquée. rigolais-je. Tu le connais d'où ?
- C'est un ami d'enfance de mon cousin, j'ai déjà fait quelques soirées poker avec avant son départ en Angleterre.
- Ah.
- Et je voulais aussi te dire que je suis désolé pour tout ce qu'il s'est passé entre nous...
Sa phrase laisse place à un froid entre nous. On n'a jamais abordé le sujet depuis notre séparation.
- Enfin, tu vois de quoi je parle... rajoute t-il voyant que je ne réponds pas.
- C'est pas grave Nath. On a fait une erreur c'est tout. C'est surtout ce qu'on était avant qui me manque mais comme je me dis, ce n'est pas grave, il y a largement pire dans la vie. Et au passage, tous mes vœux de bonheur avec Louise. Vous le méritez. Dis-je en souriant pendant que je me relève.
Je dois bien avouer que ça m'a fait un pincement au cœur de lui dire ça, je lui ai dit que ce n'était pas grave mais il me manque terriblement malgré tout. Je n'ai pas été surprise quand j'ai appris - merci Colombe - pour Louise et lui. J'avais compris depuis quelques temps que cette fille en première avait des vues sur lui. Ils sont tous les deux dans le club de volley du lycée et quand j'allais voir Nathanaël à ses match, j'ai vite remarqué la petite rousse qui lui souriait timidement. Puis, ils ont tous les deux participé au stage d'été du club et les cours intensifs ont donc fait le reste.
Aller Margot, reprends toi et souris.
Je le vis également sourire, il murmura un "merci" tout bas mais je peux observer une pointe de tristesse dans l'éclat de ses iris vertes. Il fit demi-tour. Je remonte alors les quelques marches en pierre et ouvre la porte faite de carreaux et de bois de chêne avant lui. Je lui souris et lui dit de passer devant moi. Il me rend mon sourire puis disparaît dans la salle bondée.
En rentrant dans la salle principale, mon regard se pose directement sur Louise, se trouvant au fond de la pièce. Comme si mes yeux avaient tout de suite compris où regarder. Victoire ne m'avait pas menti, elle est jolie, plus que dans mes souvenirs de match. En y regardant de plus près, elle a vraiment une beauté singulière. Ce n'est pas l'une de ces beautés superficielles et vulgaires, oh non, elle est bien plus que naturelle. Ses sourcils sont joliment dessinés et mettent incroyablement en valeurs ses beaux yeux verts. Elle a les mêmes que Nathanaël. Chose que je n'aurais jamais pu avoir. Nouveau pincement au cœur.
Je regarde l'heure. 14 heures, enfin. Tant pis, je pars sans Colombe. Elle trouvera bien un moyen de rentrer. Comme toujours.
Le retour en voiture se fit silencieux, Arthur assis à l'avant ne parla pas, enfin ça ne change pas réellement du quotidien, il n'est généralement pas très bavard.
Arrivée dans ma chambre, je n'ai pas envie d'affronter le silence et les pensées trottant dans ma tête. J'enfile ma vieille écharpe Burberry et pars en direction d'un bar, histoire de noyer ma mélancolie. Une nouvelle fois. Je vais y aller à pied. Envie de marcher, envie de prendre l'air.
Je suis arrivée à l'entrée de l'hôtel Monceau Raffles - dans le 8ème arrondissement, près du parc Monceau. C'est l'hôtel appartenant aux parents de Paul. J'entre et me dirige vers le bar. Ici, ils servent les mineurs. Ça fait leur recette.
Je commande un simple martini.
Une heure plus tard, j'en suis à mon troisième Martini. Je ne parle à personne, si ce n'est aux rares personnes qui sont dans le bar à 17 heures.
- Van Dermeulen ? Déjà au bar à 17 heures ? Tes vieilles habitudes ne changent pas à ce que je vois.
La voix enjôleuse de Paul, que je reconnais immédiatement, me sort de mes songes.
- Mon Paupaul, ça fait tellement longtemps ! Tu m'as tellement manqué. Criais-je presque.
- Ouhla, tu as un peu forcé sur la bouteille toi ! La même chose. Dit-il en s'adressant au barman en jetant un rapide coup de nez à mon verre.
- Où étais-tu passé pendant tout ce temps ? lui reprochais-je.
- Je sais, excuse moi. Comme tu le sais, je me suis lancé dans les affaires avec mon père cet été. Je n'ai pas pu être là à la rentré alors j'ai un peu lâché la vie du lycée et ceux qui s'y trouvent. Mais t'en fais pas, je vais bientôt revenir pour le bon continu de St-Charles. Ça doit être d'un ennui sans moi !
- Ah oui c'est vrai ! Mais tu es allé où ? Tu pourrais donner des nouvelles !
- J'ai un peu fait le tour du monde ces derniers temps, mon père a ouvert des hôtels aux quatre coins du monde. Je suis revenu hier de la Nouvelle-Zélande. Me déclara t-il.
- Oh, tu l'as vue... ? Elle va bien ? demandais-je.
- Non, je l'ai appelée mais elle a refusé que l'on se voie. Je comprends. On ne s'est pas vu depuis que... enfin tu sais. On ne s'est jamais reparlé depuis donc je m'attendais à une réponse négative. M'avoue t-il.
- Je suis désolée... Mais sinon comment se porte ta vie sentimentale ? le questionnais-je.
- Plutôt pas mal. Je teste différentes cultures si tu vois ce que je veux dire. Me déclare t-il avec un clin d'œil.
- Oh je vois. M'exclamais-je en rigolant.
Je vois une nuance voiler son visage. Il ne s'en est jamais remis. Il n'a jamais eu quelqu'un d'autre après Mathilde, enfin je veux dire, quelqu'un avec quelque chose de sérieux. Malgré leur jeune âge, leur amour était passionnel. Il les a détruit, sans compter ce qu'il s'est passé par la suite. Et puis Mathilde s'est installée en Nouvelle-Zélande en suivant sa mère, sans même dire au revoir à Paul. Elle continue sa scolarité là-bas et nous donne quelques nouvelles mais sans plus.
- Allez viens, on monte dans ma suite qet on va boire des magnums à nous en faire exploser la tête. Mettez la note sur mon compte David. Dit-il en s'adressant au barman une nouvelle fois.
Il me prend la main, je le suis en courant jusque dans l'ascenseur. Nous montons dans sa suite, les magnums sont déjà là, sur la table basse, ils nous attendent. Paul fait exploser le bouchon de la bouteille.
Et à ce moment précis, je me sens comme la reine du monde.
En cette soirée de samedi soir, nous sommes les rois du monde. Et nous oublierons tout, encore une fois.
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