Chapitre 24 - Face à face

Izia - La Vague

On n'aime, en définitive, que ses penchants, et non pas ce vers quoi l'on penche. Nietzsche

- Je... Non, non. Lui répliquais-je d'un ton lacéré.

Il pose ses mains sur le bord de la table grise, remplie de nos quatre plateaux et se penche vers nous.

Les filles sont muettes.

- Ok mais il faut vraiment qu'on parle. Donc, on se voit plus tard. Dit-il en se redressant.

Je n'ai qu'une envie : le remballer en beauté.

- Non encore une fois, il faut que toi TU me parles, nuance, il n'y a pas de "on" ici. Moi je n'ai rien à te dire Gauthier.

- Margot ? On va s'expliquer. Me répond-il fermement.

Il tourne les talons et rejoint sa table sur laquelle se trouve Karl et un terminale ES s'appelant Augustin, il me semble.

Karl qui nous regarde, adresse un sourire discret mais inquisiteur à sa copine qui le lui rend par la suite.

Quand Gauthier s'assoit à leur table, nous nous regardons sans rien dire avec les filles.

- Ce mec est étrange. Sérieusement. Lâche Victoire, désabusée de la situation.

- Il n'est pas étrange, il est simplement con. Réplique Sixtine.

Je sais que mes copines attendent ma réaction au tournant.

- C'est un pauvre type. Lâchais-je enfin.
Je n'ai pas envie de le voir et encore moins de lui parler. Il me fait pitié et ose venir me voir ici, devant tout le monde qui sait pour lui et elle, et nous deux, tout en confiance pour qu'on "se parle". Qu'il aille se faire voir par Charlotte.

- Je comprends que tu sois dégoûtée Margot, mais Karl m'a dit que Gauthier était défoncé, il regrette sûrement... Écoute au moins ce qu'il a te dire, laisse-le s'excuser. Propose ma meilleure amie assise en face de moi.

- Euh... s'il s'excuse déjà. Réplique Victoire à ma droite.

- Tu sais quoi ? Écoute toi Margot, si t'as pas envie de lui parler, ne lui parles pas. Si tu veux des explications et que toute cette histoire soit mise au clair, alors va-y et écoute ce qu'il aura à te dire. Propose la réfléchie Sixtine.

- Je verrais. Concluais-je pour mettre fin à cette discussion désagréable.

- Il y a Charlotte. Annonce Victoire en de retournant. Elle se dirige vers la table des mecs.

Colombe et Sixtine se sont retournées car la scène est dans leur dos. Charlotte pose une main sur l'épaule gauche de Gauthier, qui est assis dos à nous et elle lui chuchote quelque chose à l'oreille.

Je crois rêver.

Il ne tourne pas la tête vers elle, je ne peux donc pas voir les traits du visage mais je vois son dos bouger, il lui répond.

Elle perd son sourire au fur et à mesure que les secondes passent mais je la sens néanmoins sûre d'elle.

Je vois du coin de l'œil Colombe s'emparer de son portable dans sa poche de jean et puis ses doigts taper sur l'écran à une vitesse folle.
Quelques secondes après, elle le pose écran à plat sur son plateau.

La scène est finie, Charlotte est partie et la houle qui frappe dans ma tête cesse petit à petit.

Je voudrais des explications mais voir sa bouche qui a embrassé une autre que la mienne ce week-end me dégoûte. Et encore, je ne pense pas à tout le reste de son corps.

Je mange sans faim, et vois Colombe concentrée sur les notifications de son portable pendant tout le repas.
Les filles tentent de me distraire, ayant compris que continuer à analyser et tenter de trouver une solution miracle à cette situation me fatigue.
Elles me parlent de Thanksgiving qu'elles aimeraient fêter cette année ensemble, puisque ce n'est pas une tradition française. Je me dis que c'est une idée cool, nos parents ne seront pas contre et ça ne donnerait un motif de soirée.

Le repas fini, on sort de la cafétéria et sortons sous le parvis pour fumer une cigarette.

Au coin fumeur - enfin cette appellation est offerte gratuitement parce qu'il n'y en a pas au lycée, on a simplement sur le trottoir droit de la sortie de l'établissement - est toujours fréquenté par les mêmes personnes.
Chaque année, au mois de septembre, les anciennes présences d'une génération s'en vont pour laisser place à celles d'une nouvelle.
Cet endroit ne désemplit donc jamais et se remplit d'histoires chaque année.
Le premier mois, on découvre les visages, le mois suivant on les assimile et après ils deviennent nos
compagnons de pause cigarette.

On tisse des liens grâce à elle, n'empêche.

Nous fumons toutes les quatre, bien que Sixtine a décidé de diminuer sa consommation pour arrêter définitivement le 1er janvier prochain, qui se profile petit à petit à l'horizon.

On est avec Aliénor et Valentine, deux secondes toutes mignonnes et très drôles.

Elles nous expliquent qu'elles ont un peu de mal à s'adapter à Saint-Charles parce qu'elles viennent d'un collège très différent de celui de notre lycée - qui a son propre collège - et que les élèves d'ici les effraient un peu avec leurs habitudes bien rodées.
Elles nous schématisent alors les personnes de leur classe, une des deux, Valentine, est super douée pour les mimes et nous fait mourir de rire. Elle imite la blonde pétasse de sa classe qui se croit mieux que tout le monde parce que son père est ambassadeur et sa mère, ancienne mannequin.

- Sa mère est peut-être ancienne mannequin, mais elle, elle n'a pas hérité des gènes donc elle ferait mieux de se taire Igor Bogdanov ! Se moque t-elle.

Ces filles me font penser à Victoire, qui est, elle aussi, la première pour se foutre des personnes maniérées et superficielles. D'ailleurs Colombe en prend parfois pour son grade avec elle.

Nous jetons nos mégots et saluons les deux secondes en leur souhaitant bon courage pour le cours de sport sous la pluie et en plus en compagnie de Miss Bogdanov.

On remonte en cours et je prie pour que le cours soit intéressant, qu'il passe vite et que je puisse le plus rapidement possible rentrer chez moi et m'installer confortablement sous ma couette.

Le cours d'histoire passa effectivement à une vitesse monstrueuse. Je finis à quinze heures trente aujourd'hui.

En sortant du lycée ma cigarette à la main, je cherche en vain mon briquet dans mon sac. Introuvable.

- Putain, il est où ?

Je râle. Le vent froid me glace le visage.

- Tiens. Me tend une main avec au bout de ses doigts un zippo.

Je lève les yeux et vois la personne qui était la dernière sur ma liste de personne à croiser aujourd'hui.

Je baisse les yeux vers mon sac.

- Non merci, je vais le trouver.

Je continue à marcher.

- Pourquoi tu fais la fière ? J'ai un briquet et t'en cherches un, prend-le et écoute moi cinq minutes en même temps.

Je demande un briquet à un groupe de seconde, allume ma cigarette et les remercie puis continue mon chemin.

- J'ai pas fini les cours moi, donc je vais pas continuer à te marcher après pendant vingt minutes alors écoute moi. Me lâche Gauthier.

- J'en ai rien à foutre de ce que tu as à me dire, il recommence à pleuvoir donc t'écouter te justifier en attrapant froid, non merci !

Il me saisit le bras et me colla contre le mur le plus proche de nous qui est protégé par un petit toit.

- Là, t'es au sec donc, même si t'as pas envie de me répondre, tu m'écoutes et s'il te plaît, ne me coupe pas. Dit-il.

- Va-y, je suis prête pour ta tirade Don Juan.

J'en profite pour sortir mes petites références culturelles et le casser en même temps.

- Ok, bon... tu sais déjà ce qu'il s'est passé. Ça a fuité.

- "Ça a fuité" ? Pardon ? Parce que tu pensais vraiment que ça n'allait pas se savoir, t'es con ma parole ou quoi ?!

Je ne peux me retenir de m'insulter, j'ai déjà envie de l'étrangler mais alors s'il en rajoute...

- Ne me parle pas comme ça Margot.

- J'ai le droit de te parler comme je veux après ce que tu m'as fait !

- Et je t'ai fait quoi au juste ? On a jamais été ensemble je te rappelle, je veux juste t'expliquer ce qu'il s'est passé avant que tu te mettes à me haïr de toutes tes forces.

Son ton cinglant me cloue sur place, je le laisse continuer.

- Alors voilà, dimanche soir, Charles m'a appelé pour me prévenir d'un petit event sur un rooftop de Paris. J'ai accepté. Je suis arrivée à la soirée, j'étais crevé parce qu'on était sortis tous les deux la veille et le matin on a brunché avec ma cousine.

- Merci d'insinuer que je n'ai pas de mémoire et que je ne m'en rappelle pas.  Bref, fais vite, je veux que cette conversation devienne un souvenir le plus rapidement possible.

- Mais putain, me coupe pas ! J'ai pas bu mais j'ai pas mal fumé dimanche. J'ai un peu pensé à nous, aux conneries que t'as vu de mon père et je me suis dis que tirer une croix sur toi était la meilleure chose à faire. Et puis il y avait des filles qui nous draguaient, les gars et moi... Charlotte m'a bien chauffé, je crois même qu'elle m'aime... Merde on s'en fou de ça, mais oui on a couché ensemble si tu souhaitais la confirmation.

Mon coeur vole en mille éclats.

C'était donc bien vrai, j'y croyais mais une partie de moi niait toujours la vérité.

Ce garçon m'a invité au restaurant, j'ai brunché avec sa cousine et lui le lendemain et le soir, il s'éclate avec une autre ! Mais qui de normalement constitué agit comme tel ?

- Je la voulais pas mais merci de cette incroyable transparence, j'espère que t'as bien pris ton pied. T'aurais pu me prévenir que tu me rayais de te vie.

- Je voulais t'en parler en face.

- Mais avant, tu t'en es tapé une autre ! T'es vraiment un génie. Salut Gauthier.

- C'est tout ?

Quand sa question touche à sa fin, je suis déjà à deux pas de lui.

Je n'avais pas remarqué mais la pluie s'est remise à battre durement.
Le coup de grâce au spectacle.

Je rentre à pied, trempée pour trempée, je ne suis plus à ça près.
Et au moins, peut-être que grâce à elle, les passants confondront les gouttes qui tombent sur mon visage avec les larmes qui y coulent.

Voici la fin de cette 24eme partie avec beaucoup de retard je sais...
Je m'excuse mais j'espère que vous apprécierez ce chapitre tout autant quand même !  :)

Julianne

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