Chapitre 23 - Vent froid et pluie battante
Ibrahim Maalouf - Red & Black Light
Il y a certaines choses que l'on apprend mieux dans le calme et d'autres dans la tempête. Willa Cather
Nous sommes jeudi.
Je suis en voiture en direction du lycée, il doit être 7h45, quelque chose comme ça.
À travers la vitre, je vois la pluie battante qui étouffe Paris et qui cogne contre le verre sur lequel j'appuie ma tête. Mystérieusement, le temps s'accorde avec mon état d'esprit.
Car nous sommes jeudi et cela fait trois jours que Gauthier m'ignore et cette journée s'annonce comme le quatrième d'une longue série.
Je ne sais même pas le pourquoi du comment, mais ce que je ne peux m'empêcher de savoir est que depuis lundi, il ignore jusqu'à mon existence dans ce monde.
Pourtant, dimanche tout allait bien ?
Généralement, les histoires de coeur ne me préoccupent pas tant que ça, les disputes et les froids avec ma famille et mes amis, je ne les supporte pas.
Mais je n'apporte pas autant d'intérêt au domaine sentimental car je le juge vite opprimant et négatif.
Seulement, depuis ce début de semaine, avec cette ignorance incomprise de sa part, je suis déboussolée. Je ne fais qu'y penser. Si encore j'avais le droit au bénéfice de connaître la raison de ce mépris, je pourrais alors culpabiliser ou m'en vouloir pour le motif dont il est question, mais ce serait sûrement trop facile, non non, à la place Gauthier me laisse paître dans un vide.
Et moi qui sait pourtant prendre du recul par rapport à ce genre de situation, là j'en suis incapable.
D'ailleurs, je ne pensais même pas être autant attachée à lui. Bien sûr, on a passé des moments tendres ensemble, mais de là à avoir des sentiments.
Oui, parce que problème, j'ai réalisé que j'éprouve des choses pour lui. Néanmoins, s'il continue de m'ignore comme il le fait, ces émotions vont vite se taire, c'est le côté positif.
Oh et puis merde, il faut que j'arrête de ruminer à cause de ça !
Ce n'est pas ma faute, je n'y suis pour rien et si monsieur a décidé de me rayer de sa vie, et bien tant pis - ou tant mieux - pour lui.
Moi, je fais avec et je continue.
Stop ! J'arrête d'y penser.
La voiture s'arrête près de la grille du lycée.
Je descends en souhaitant une bonne journée à mon chauffeur.
Sous la pluie battante, je me mets à courir jusqu'à la porte principale de l'établissement en tentant de me protéger avec mon écharpe bordeaux griffée The Kooples.
Dans mon lycée, il est important de montrer la marque de chaque chose qui couvre et accessoirise notre corps, histoire de montrer ce que l'on vaut.
Enfin bref, j'entre dans le bâtiment, et n'ayant pas pu consumer ma cigarette matinale journalière, je décide de me diriger vers une des machines à café du lycée du premier étage pour me donner de l'énergie.
Je consulte mon portable et m'aperçois que j'ai deux messages non lus de Colombe.
" - Hé, tu es où ? Je t'ai pas attendue pour fumer dehors avec le temps qu'il fait !
- ??? "
Je lui réponds en me dirigeant vers l'escalier.
Quand j'arrive aux machines, j'ai la chance de voir de bon matin de nombreux groupes cherchant du réconfort dans les boissons chaudes.
Franchement, j'ai plus envie de foncer droit dans le mur que de parler à une seule personne ce matin.
Et pourtant, devinez qui je vois ?
Le groupe de Nathanaël, Arthur, Charles, Victor et Raphaël et bien sûr, cerise sur le gâteau, accompagnés de Karl et Gauthier.
Bordel, mais pourquoi ils traînent avec eux ?!
À la base, les premières et les terminales sont seulement censés se dirent bonjour, et encore.
Mais non, mes amis ont décidé de sympathiser avec les terminales cette année, alors que l'année dernière ils leur adressaient à peine la parole. Super, vraiment super !
Je décide de faire abstraction d'eux, je passe en vitesse à proximité, faisant semblant de ne pas les avoir vu et me tourne vite vers l'une des imposants distributeurs de caféine.
Je choisis de prendre un cappuccino caramel. Un petit nuage de mousse me permettra peut-être de me réjouir en ce début de matinée, et puis à 40 centimes le gobelet, c'est honnête.
- Margot ? Dis pas bonjour surtout ! Dit une voix avec une tape sur l'épaule.
Je reconnais la voix de Nathanaël.
Je me retourne tout en regardant le temps restant avant la remise de mon café.
- Excuse moi, je suis fatiguée, je t'avais pas vu. Ça va ? Lui dis-je en lui faisant la bise.
- Ça va ça va, c'est vrai que t'as une tête de fatiguée ! La nuit, c'est fait pour dormir tu sais.
- Ahah, je sais. Mais je dors, mais juste un peu mal en ce moment.
- D'où le café dès sept heures cinquante ? C'est pas dans tes habitudes. D'ailleurs, c'est bon, il est prêt ! Me dit-il en pointant du doigt la machine.
Je me retourne et constate qu'il a raison.
- Ah oui, oui voilà, c'est pour ça. Répondis-je vaguement en prenant mon gobelet et en récupérant ma monnaie rendue.
- Bon, il faut que j'y aille. Je suis à l'extérieur dans les labos de sciences et il faut pas que je sois en retard, j'ai contrôle de physique. À toute. Dit-il en regardant sa montre.
- Ok, on se verra peut-être au réfectoire ce midi, good luck ! Tu vas gérer.
- Yes, j'espère. On verra bien mais j'ai pas trop bossé. Bon allez, bisous.
Il s'éloigne.
- Kiss !
Je commence à déguster mon cappuccino en me dirigeant vers ma salle. C'est parti pour deux heures de philosophie. Contrairement à certains de ma classe ça ne me dérange pas, j'aime bien cette matière, le professeur est intéressant et je m'en sors plutôt pas mal.
Quand j'arrive au deuxième étage, j'ai fini mon café et le jette dans la poubelle de ma classe.
Je regarde l'horloge accrochée au mur et constate qu'il est 7h57.
Trois minutes d'avance, ça peut jouer beaucoup. D'où le fait qu'on ne soit que deux dans la salle. Je suis avec Anne-Sophie, plutôt discrète, on perd à ne pas apprendre à la connaître. Je l'ai vraiment connue l'année dernière, j'étais avec elle en enseignement d'exploration car je ne connaissais personne d'autre qu'elle dans ce cours - elle était dans mon collège - et étant donné que nous avons du former les binômes en début d'année...
C'est une fille très intelligente et ouverte d'esprit, le coeur sur la main, c'est un amour. Toutefois, elle n'a pourtant pas beaucoup d'amis, mis à part ses deux éternelles acolytes, Hélène et Jade. Elles forment un drôle de trio ; Anne-Sophie est de taille moyenne, mince aux yeux bleus ; Hélène est blonde, petite avec quelques formes et Jade est une perche avec une belle crinière rousse flamboyante. Chacune se distingue donc facilement des deux autres, leur seul point commun est qu'elles sont toutes les trois adorables. Ce sont les drôles de dames.
Je m'approche vers elle, lui dis bonjour et lui demande comment elle va car elle a une triste mine. Une mine qui révèle réellement de la tristesse, pas comme la mienne qui avoue plutôt de la fatigue. Ses yeux sont rouges et bouffis, elle semble perdue dans un autre monde.
- Ah, euh... oui ça va et toi ? Me demande t-elle poliment.
Elle n'a pas l'air de vouloir beaucoup parler aujourd'hui. Pourtant, ça allait ces derniers jours, à moins que je ne fus trop absorbée par mon ridicule problème amoureux pour voir qu'elle n'avait pas l'air bien. C'est vrai, elle est dans ma classe quand même, j'aurai du le voir.
- Oui, moi ça va. Tu es sûre, tu n'as pas l'air convaincue... Lui répondais-je d'un ton plus bas.
- Ne t'inquiètes pas Margot, ça va je te rassure ! Me sourie t-elle.
- Ok, ok.
Je ne cherche pas à creuser, si elle a un problème et qu'elle ne souhaite pas m'en parler, c'est son choix. Je n'ai pas essayer de lui tirer les vers du nez.
- Mais sache que si tu as besoin, je suis là Anne-So. Ajoutais-je quand même.
Elle me gratifie d'un sourire quand l'horloge annonçant le début des cours retentit.
Je m'installe à mon troisième rang et sort mes affaires. Dans les quelques secondes qui suivent, tous les élèves de la classe s'installent. Sauf les deux absents d'aujourd'hui, César et Yohann.
Je suis sûre à 90% que les deux meilleurs amis sèchent les cours, car dès qu'il y a de la tempête, ils préfèrent se retrouver et jouer à la console. Leurs parents étant très souvent absents, ils ont le même mode de vie et se débrouillent généralement tout seuls, en somme, ils font un peu tout ce qu'ils veulent.
Après les deux heures de philosophie, il y a la récréation de dix minutes chrono et puis on reprend avec deux heures d'économie.
- J'ai vraiment pas envie d'avoir Cricri pendant deux heures là, elle me met les nerfs avec ses réflexions à tous les cours.
Cricri, c'est le surnom donné par Colombe à madame Crimann.
- Elle me gave aussi Colombe, je te rassure. Lui répond Sixtine. Tiens, Victoire arrive.
Victoire arrive en trombe des escaliers - sa classe est située au quatrième étage - avec une tête affolée.
- Les filles ! Nous crie t-elle. Vous ne devinerez jamais ce que j'ai appris tout à l'heure.
- Si on ne peut pas deviner, dis nous directement! Lui rétorque Sixtine.
- Merci de l'accueil Six, je t'aime aussi. Lui répond Victoire, légèrement agacée.
- Bref, vous voyez qui c'est Charlotte Dazind dans ma classe ?
- Son nom me dit quelque chose. Dit Colombe.
- À moi aussi. Vaguement du coup, pourquoi ? Qu'est-ce qu'elle a ? Lui demandais-je intéressée.
- Apparement, y'a eu une soirée dimanche soir au Joli Toit - c'est un bar lounge assez côté de Paris se situant dans le quinzième arrondissement sur un rooftop -.
Enfin, c'est pas apparemment, ça c'est même sur.
Mais apparement, elle aurait embrassé un garçon du groupe des mecs, un qui est en terminale.
Mon coeur manqua un battement.
- Quoi ?! S'exclame Colombe.
Elle aussi a pensé à celui qu'elle aime, Karl.
Et je vois Sixtine se décomposer, alors elle, je donnerais ma main a coupé qu'elle songe à Raphaël.
- Oui ! Je ne sais pas encore de qui il s'agit, c'est Valentine qui m'a dit ça. Ce serait soit Côme, soit Gauthier.
Mon coeur refit un bond.
Colombe se tourna vers mon visage dépité.
Sixtine est celle qui parla pour nous trois.
- C'est une blague ?! Elle le connaissait au moins ? Elle est en quoi cette fille, en seconde, première ? Demanda t-elle sur un ton vif.
- En terminale, en S, sûrement dans leur classe. Enfin d'après les sources de Valentine. Lui répond Victoire, qui a compris que cette nouvelle avait fait l'effet d'une bombe pour chacune de nous trois.
- Ok donc ça vient de "sources" de "sources". Rien n'est sûr, si ça se trouve c'est des conneries. Je me renseignerais auprès de Karl, en attendant, on laisse à cette pauvre fille le bénéfice du doute et on ne va pas au front. Analyse Colombe.
- Oui, sinon je vais encore avoir des problèmes moi ! Panique Victoire.
Je décide enfin à prendre la parole.
- Dans tous les cas, t'auras pas de problème Vic, t'inquiètes pas. En soit, ça nous concerne pas. Mais ceci dit, c'était un bon potin. Plaisantais-je.
Colombe me regarde de travers mais je ne bronche pas.
- Il me reste cinq minutes pour aller me chercher un café avant d'affronter les statistiques de l'Union Européenne depuis 92 pendant deux heures. Qui m'accompagne ? Demande Sixtine.
- Moi, je viens avec toi ! J'ai deux heures de littérature française qui m'attendent. On mange ensemble de midi ? Nous demande la littéraire.
- Yes ! On se rejoins à la cafétéria juste après la sonnerie. Dis-je.
- Ça marche ! Lance Victoire en partant avec Sixtine.
Colombe se retourne vers moi et plante son regard bleu azur dans le mien.
- Ça ne nous concerne pas, t'as dis ?! Tu rigoles là ? Je te rappelle que Gauthier et toi vous vous êtes emballés !
Je manque de m'étouffer quand je me rends compte que les secondes à côté de nous se sont retournés pour nous regarder.
- Baisse d'un ton ! La réprimandais-je.
Qu'est-ce que j'y peux si Gauthier a été voir une autre fille ? Rien, et d'ailleurs il n'y a pas de doute. C'est bien Gauthier, et non pas Côme qui a été avec Charlotte parce que depuis le début de la semaine, il m'ignore complètement.
- Ça t'en es pas sûre. Mais dans tous les cas, si ça nous concerne !
- Il n'y a pas l'ombre d'un doute Colombe, je te dis que c'est lui et tu sais pertinemment que j'ai raison. Allez viens, ça va sonner, on va dans la classe.
- Je te connais comme si je t'avais faite Margot, je sais que ça te fait du mal. Tu peux me le dire.
- Je m'en fou, il fait ce qu'il veut, on est pas et on a jamais été ensemble à ce que je sache !
- Très bien, j'ai compris. J'en parlerais à Karl pour être sûre, pour ne pas trop qu'on s'avance. Tranche Colombe en sortant son téléphone de sa poche.
Elle commence à pianoter sur son clavier.
- Tu envoies un message à qui ?
- À Karl, histoire d'être fixées.
La cloche sonne et on s'installe à nos tables de classe.
Pendant le cours de Crimann, mon voisin de classe m'indique que Colombe m'appelle en chuchotant.
Je me retourne et vois ma meilleure amie, au quatrième rang de l'autre côté de la salle qui me fait des signes.
Je comprends rien à ce qu'elle veut me dire. Elle me fait des gestes incompréhensibles qui n'ont aucun sens.
Puis elle sort son portable discrètement de sa poche de jean, le point du doigt et me chuchote qu'elle a enfin la réponse à la question de tout à l'heure.
Je hoche la tête et retourne à écouter le cours.
Je suis sûre que c'est Gauthier, de toute façon je ne vois pas Côme le faire, il n'a pas l'air du genre à draguer des filles en soirée, après, peut-être que je me trompe. Mais je reste persuadée qu'il s'agit de Gauthier, c'est comme si je le pressentais.
Colombe me saute presque dessus quand le cours se finit.
- On va au self et je t'explique tout. M'annonce t-elle pendant que Sixtine nous rejoins.
J'acquiesce et entame la marche vers le self.
Je n'ai même pas ouvert son message, mais tout le schéma se fait déjà dans ma tête avec sa phrase.
On retrouve Victoire dans la file pour prendre son plateau et on grille donc quelques places. Il y a beaucoup de bruit, on s'entend à peine. Compréhensible, quand il pleut, tout le monde mange au chaud.
- J'ai du nouveau les filles ! Annonce Victoire dans le brouhaha collectif.
- Moi aussi, Karl m'a tout dit. On en parle à table. S'exclame Colombe.
Installées à table avec nos plateaux remplis de bonnes choses - aujourd'hui ils nous ont gâtés au lycée - on entame le débat.
Colombe prends une longue inspiration et s'élance dans sa réponse.
J'ai peur.
- Ok alors, j'ai eu confirmation, c'est effectivement bien Gauthier qui a été avec Charlotte dimanche soir. Elle lui aurait fait des avances, lui, ayant bu, serait rentré dans la combine, tout le monde les a vus, Karl était là donc c'est une source sûre. Ensuite, un peu plus tard dans la nuit, elle lui aurait proposé d'aller dormir chez elle...
- Et ? Demandais-je en tentant de paraître impassible.
- Il a accepté. Nous avoue t-elle.
- Ils ont donc bien couché ensemble ! Quelle belle conne.
Merci Sixtine d'exprimer à voix haute ce que je n'arrive pas à formuler dans mon esprit.
Le monde autour de moi semble s'effondrer, je tente tant bien que mal de prendre des distances avec ce que vient de dire Colombe, mais j'ai du mal, j'en prends un coup. Je commence à avoir mal au rentre.
Et comme si cela ne faisait pas, il est là.
Mais quand je dis qu'il est là, c'est vraiment LÀ, ICI. Il est à l'autre bout de la table, nous juge du regard une par une et finit par planter ses yeux dans les miens.
- Margot, je peux te parler ? Prononce t-il d'une voix ferme.
Se signe ici le 23ème chapitre, j'espère de tout coeur qu'il vous aura plu ! N'hésitez pas à me laisser des avis, qu'ils soient positifs ou négatifs, je prends !
Merci beaucoup, vous êtes géniaux !
Julianne.
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