Chapitre 13 - Le passé remonte à la surface
Ils ne s'aiment pas, ils l'ont dit, ce qu'ils aiment, c'est le fait d'aimer. Analyse à propos de Tristan et Iseult.
Alors que j'entreprends de pianoter le numéro de Colombe dans le taxi, je suis interrompue par un appel de ma mère.
- Allo Margot ?
Sa voix claire parvient jusqu'à mes oreilles.
- Oui ? demandais-je sans réel intérêt.
- Cet après-midi, match de polo chez les Kryposis. m'annonce t-elle.
- Cet après-midi ? Mais...
- Pas d'excuses jeune fille, je t'attends à treize heures à la maison. Ou alors à treize heures trente chez Marie-Claude et Philip. À tout à l'heure. s'exclame ma mère.
- À la maison. À tout à l'heure. Lui répondis-je simplement.
Génial.
Un super brunch, un lendemain de soirée.
De surcroît, sous un soleil cuisant.
J'en suis ravie d'avance.
Moi qui voulais me reposer calmement, travailler sur mes cours et faire mes devoirs et bien c'est raté.
Des heures de sommeil en moins s'annoncent donc pour cette nuit.
J'arrive devant ma demeure environ quinze minutes plus tard, après les bouchons dus aux heures matinales et les grognements incessants du chauffeur.
Je dis bonjour à ma mère qui est dans le salon et prends la peine d'aller voir mon frère dans sa chambre.
Je toque à la porte.
- Edgar, je peux entrer ?
Pas de réponse.
- Ed, t'es là ?
- Euh ouais, attends. Rentre pas maintenant, je fais un truc. dit-il d'une intonation faible.
Mais qu'est-ce qu'il fait ?
Il est bizarre.
Tant pis, je rentre dans sa chambre.
J'entre et vois l'écran de l'ordinateur portable de ma mère, sur le bureau de mon petit frère de 12 ans.
Ouvert sur un site normalement réservé aux adultes et surtout interdits aux jeunes.
- Mais Edgar, tu fous quoi là ? C'est quoi ce site à la con ?! M'énervais-je d'une voix voulue basse pour éviter d'avertir ma mère.
- Bah, euh...
- Laisse, j'ai compris. T'as cinq minutes pour fermer ce site et effacer l'historique. Après on part chez les Kryposis. Dépêche toi !
Je rajoute en me retournant :
- Et Ed, c'est vraiment dégueulasse.
Je l'entends soupirer de gène.
En fermant la porte, je repense à mon petit frère, petit, quand il me demandait encore ce à quoi servait son zizi et s'il allait le perdre et devenir une fille.
Il a bien grandi le petit Edgar Van Dermeulen.
Arrivée dans ma chambre, je file prendre ma douche puis à la sortie se pose le dilemme du « Comment vais-je m'habiller ? »
J'hésite entre une robe à dentelle blanche et un chemisier bleu et blanc.
C'est ce dernier que je choisis.
J'enfile avec un chino bleu marine et mes derbies blanches, accompagnés d'une montre dorée Patek Phillip que je ne mets qu'en de rares occasions - qui sait pourquoi ? -
Je finis ensuite mon maquillage qui est simple mais, sans toute fois, être négligé.
Mes cheveux quant-à eux sècheront à l'air frais.
- Monsieur Edgar, Mademoiselle Van Dermeulen ! Votre mère vous attend. Nous sommes prêts à partir !
Le patriarche de la famille Kryposis est originaire de Grèce.
Phillip, l'heureux père et mari, est un parieur ayant fait fortune aux débuts des années 2000.
Il avait alors été le seul à miser sur un cheval de course débutant - qui ne valait encore rien et qui n'avait même pas encore fait ses preuves - et il a touché le gros lot.
C'est en mai 2008 qu'il rencontre Marie-Claude, à l'hippodrome de Deauville.
M-C - pour les intimes - accompagnait alors son premier mari, Richard Nerville.
En toute honnêteté, le scénario se déroula tel que dans les films.
Le couple qui était alors déjà en froid assistait à la compétition équestre, dans laquelle participait le nouveau poulain de Richard.
Puis les choses se passèrent.
Phillip rencontra et tomba sous le charme de l'amie de maman, et fit tout pour la conquérir. Seulement un mois après la compétition de chevaux, le mariage était fini.
Officiellement, M-C et Philip ne sont ensemble que depuis 11 ans.
Officieusement, 14 ans mais bien évidemment, ça, il ne faut pas le dire, imaginez juste un instant la réaction de son ancien mari. Malgré le fait que ce soit un goujat rajouté d'un coureur de jupons, il l'aimait et a très mal pris le divorce. Enfin, ça n'empêche qu'il est désormais marié à une mannequin brésilienne de 20 ans sa cadette. Fermons la parenthèse.
Mon frère n'ose plus me regarder, il est terriblement mal. Ça se voit à sa manière de se tenir, ses jambes sont crispées et raides, ses mains moites tortillées sous ses cuisses, son regard fuyant et ses joues légèrement plus rouges que d'emblée. A force d'analyser les personnes, il m'est très facile de déceler s'il sont à l'aise ou non, s'il vous font confiance ou s'il vous craignent et surtout, s'ils sont honnêtes ou vous mentent comme un sale rongeur coincé en cage.
C'est mon père qui m'a appris ça, qui m'a donné quelques techniques pour percer les gens à jour. Quand j'étais petite, il me disait que c'était grâce à ces méthodes qu'il réussissait dans le commerce.
Les Kryposis ont - encore - fait les choses en grand aujourd'hui.
Buffets à volonté, multiples serveurs à notre disposition et même salle de jeux destinée aux enfants installée spécialement pour l'événement.
Maman est partie saluer les autres convives, un verre de vin déjà à la main. Ed, j'ai aucune idée de l'endroit où il pourrait être et je crois aussi qu'il n'aurait même pas voulu me le dire en fait, de peur que je ne le dérange à nouveau.
Au loin, j'aperçois le premier fils de Philip, son aîné qu'il a eu avec son ancienne femme.
Alexander Kryposis.
Je l'ai rencontré pour la première fois l'année dernière, aux noces d'étain de son père et de sa belle-mère. Il étudie à Milan, dans une école de sciences-politiques. Une future pointure de la géopolitique mondiale, d'après mon père et des personnes qui s'y connaissent dans ce domaine.
Fiancé à la fille du Duc de Marsala et propriétaire d'un étalon connu dans le monde entier qui le rend connu dans le milieu de l'équitation.
Sauf que, l'été dernier, nous avons eu une aventure, une amourette si puis-je dire.
Il était déjà fiancé à l'époque et il l'est toujours maintenant. Je ne pourrais dire s'il m'a brisé le cœur ou non, car je connaissais d'avance l'issue de cette histoire.
Mais j'avais eu espoir, qu'il quitte sa fiancée et qu'il m'aime.
Ce fut ridicule, j'en conviens.
J'étais plus jeune, il est âgé de deux ans de plus que moi. De plus, sa fiancée est littéralement une bombe, certes, pas dotée d'une grande intelligence mais néanmoins élégante. Je connaissais les conditions, mais je l'ai quand même voulu. Ce n'étais franchement pas classe cet adultère, de ma part ou de sa part.
Mais j'étais amoureuse, et Alexander, triste. Il l'aimait, contraint par son père et son grand-père mais il l'aimait, cela comptait plus que le reste. Sa succession aussi.
Je m'avance vers lui, mes talons me font tanguer sur le gazon fraîchement coupé. Il ne m'a toujours pas aperçue, il est trop absorbé par une conversation avec des anciens professionnels de la finance qui sont désormais à la retraite, mais n'ayant pour autant pas perdu leur goût pour la bourse.
Il se retourne. Nos regards se croisent.
Mais plus rien.
Je ne ressens plus cette électricité qu'il y avait autrefois entre nous.
Autrefois, c'est à dire il y a un peu plus d'un an.
Ses dents blanches m'affichent un sourire des plus sincères, j'arrive à le percevoir.
Je m'avance poliment après qu'il m'ait saluée. Je m'immisce discrètement dans la conversation, prononce quelques anecdotes de mon père, histoire de montrer que j'en sais un peu, malgré le fait que je sois une femme - ils sont assez conservateurs, il faut l'avouer -.
Puis je m'éclipse aussi vite que je suis arrivée.
Tel un coup de vent, comme ce que j'ai été dans sa vie.
Tel que je le serais toujours.
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