Vum Malduhr

–Allez, on avance plus vite ! Hurla Torestrin à l'avant. Ce n'est pas à cette allure là que nous allons arriver à temps !

Durlan n'en pouvait plus. Depuis qu'ils avaient passé la frontière des Terres d'Opales pour passer sur les Terres des nains, Torestrin n'avait de cesse d'accélérer la cadence. Il en avait même laissé tomber sa pipe. Ils marchaient depuis des jours dans les Montagnes de Drumhill, ralentis par les nombreuses tempêtes de neige. Mais tout ceci ne semblait pas déranger le nain qui, heureux de retrouver sa terre natale, semblait être animé par la fierté et ne pas se soucier du temps exécrable.

–Comment est-ce qu'il fait pour marcher aussi vite avec des aussi petites jambes ? Demanda Azlore, essoufflé.

–Je n'en sais rien mais s'il continue comme ça je vais les lui raccourcir encore plus ! S'exclama Murzol en prenant appui sur la roche de la montagne.

Agrippé à la pierre, Durlan tâchait de ne pas regarder de l'autre côté, son regard ne serait accueilli que par le vide, et il serait bien capable de perdre l'équilibre. Sa seule chance de survie s'il venait à tomber serait de se faire rattraper par Olvaar avant de heurter le sol qu'il ne voyait même pas à cette hauteur-là, mais avec les nuages aussi bas et la neige, voilà des jours qu'ils n'avaient pas vu le dragon.

–Foutus nains, grommela l'orque, qu'elle idée de faire des chemins aussi étroits ?

–C'est surtout que nous aurions pu passer par un chemin plus facile d'accès, ajouta Durlan.

En effet, Torestrin, voulant gagner du temps, s'était vanté de connaître une route peu empruntée mais qui leur permettrait d'arriver plus rapidement. Comme personne à part lui ne connaissait réellement les Terres des nains, le petit groupe l'avait suivi, non sans regretter en voyant cette fameuse route.

–Maudit soit-il.

Plus loin devant eux, Torestrin n'éprouvait aucun mal à passer sur ce sentier étroit et sinueux et marchait à une allure beaucoup trop soutenue pour le reste du groupe. Le pied d'un des gardes glissa sur la neige et un autre l'aida de justesse avec un peu de magie.

–Torestrin ! Est-ce que c'est bientôt terminé cet enfer ? S'égosilla Murzol.

–Nous avons presque traversé les montagnes de Drumhill, répondit le nain, mais Vum Malduhr se trouve sous les Monts d'Eatobel, alors dépêchez-vous !

Durlan soupira longuement. Non, cet enfer n'était pas près de se terminer. Il en venait même à regretter les montagnes des Terres d'Opales qui avaient été beaucoup plus clémentes avec eux. Malgré les vêtements chauds que leur avait fourni le roi Jungdu, Durlan avait froid. Ses mains et ses pieds étaient gelés, tout comme son nez qui gouttait, ses oreilles te à peu près toutes les extrémités de son corps. Il n'était définitivement pas fait pour le froid, et avait même peur de perdre un doigt, voire de tomber et s'écraser en bas. Il se mit alors à prier les Dieux pour qu'il ne lui arrive rien de tel.

Après des jours de marche intense dans les montagnes, puisqu'ils avaient dû abandonner leurs montures, ils retrouvèrent enfin le bonheur des plaines. Durlan profita de pouvoir enfin poser la totalité de ses pieds sur une surface plane, sans craindre de tomber dans un ravin. Il s'arrêta quelques instants pour admirer la beauté du paysage qui s'offrait à lui. Les montagnes se découpaient au loin et plus loin encore, de glaciers. Il fut alors bousculé par Nyla qui passa à côté de lui, le sourire aux lèvres.

–Ne traîne pas trop bâtard ! S'exclama-t-elle en le devançant. On ne reviendra pas te chercher.

Il se dépêcha d'arriver à sa hauteur.

–Pas même toi ? Demanda-t-il d'un ton léger.

–Surtout pas moi, riait-elle.

Il leva les yeux au ciel. Il savait au fond de lui que c'était faux, ou du moins il l'espérait. Avec Nylathria, il était impossible de savoir ce qu'elle pensait réellement. C'est alors que Torestrin se mit à rire d'une manière qui ne lui ressemblait pas.

–Les enfants ! S'exclama-t-il joyeusement. Voici les Monts d'Eatobel ! Allez, nous sommes presque arrivés, plus que deux ou trois jours de marche.

Dans son dos, il entendit Azlore se plaindre.

–Et vous verrez, continua le nain, les nains savent recevoir comme il le faut !

Murzol arriva à sa hauteur et se pencha vers lui.

–Tu parles, murmura-t-il, ils reçoivent comme des nains, avec du charbon, du fer et des haches.

–Tout comme les orques reçoivent avec du sang, rétorqua Nylathria.

La jeune femme lui lança un regard de défi avant de s'avancer pour suivre Torestrin qui s'était déjà remis en marche. Durlan soupira, il avait beaucoup trop mal aux jambes et aux pieds pour faire un pas de plus. Murzol vit son désarroi et lui tapa amicalement l'épaule.

–Allez mon garçon, dis-toi qu'une fois à Vum Malduhr Elecia t'attendra nue devant un bon feu de cheminée.

Même avec ce froid Durlan réussit à rougir et avait soudainement chaud. En voyant sa réaction, l'orque fit résonner son rire gras et se remit en marche à son tour.

–Tout va bien ? Lui demanda la mage Avedelis. Vous êtes tout rouges, êtes-vous malade ?

–Quoi ? Eh bien... non je ne... nous devrions avancer.

Son trouble était palpable. Les paroles de Murzol avait fait surgir les souvenirs de cette nuit qu'il avait passé en compagnie de la jeune femme à Enkawa, de beaux souvenirs, mais il ne souhaitait en aucun cas en parler. Premièrement parce qu'il savait qu'il deviendrait aussi rouge qu'une tomate, qu'il allait bafouiller et perdre tous ses moyens, et deuxièmement parce que Nylathria allait le tuer s'il en parlait. Et puis ce moment ne leur appartenait qu'à eux.

Avedelis le dépassa et Azlore vint à ses côtés. Le jeune homme se remit enfin à marcher.

–Azlore ? Fit-il le plus discrètement possible.

–Oui ?

–Tu n'aurais pas un sort contre la fatigue ou les courbatures ?

Le garçon soupira.

–Malheureusement maître Avedelis refuse que j'utilise la magie. Moi aussi je n'en peux plus, Torestrin va beaucoup trop vite, je ne m'étais pas préparé à autant de marche.

Son regard s'illumina alors et il leva la tête vers Durlan.

–J'ai une idée ! Lança-t-il. Et si on demandait à Nylathria d'utiliser sa magie, elle pourrait peut-être faire quelque chose ! Et puis elle est beaucoup plus douée que moi.

–Tu es fou ou quoi ? Tu la connais, elle se moquera de nous jusqu'à la fin de nos jours pour avoir demandé ça, et en plus c'est certain qu'elle refusera de nous aider en nous parlant de courage et de persévérance. Et puis Murzol ne manquera pas de rire lui aussi, tout comme les gardes et à peu près tout le monde. Je préfère souffrir que subir ça.

L'expression joviale d'Azlore se transforma en moue boudeuse.

–Vivement qu'on arrive, bougonnait-il.

Plus ils avançaient et plus la couche de neige était épaisse, si bien qu'ils marchaient avec plus de difficultés que lorsqu'ils étaient dans les Montagnes de Drumhill. Un vent glacé vint soulever sa cape dont il resserra immédiatement les pans autour de lui. Il donnerait tout ce qu'il a pour un bon feu de camp.

–Ne me dis pas qu'on va devoir passer par là, lança Murzol.

Ils étaient face à un sombre tunnel creusé directement dans la montagne. Le vent soufflait tellement fort à l'intérieur qu'il avait y avait fait s'élever des milliers de voix. Durlan en avait la chair de poule.

–Tu veux passer par où ? Répliqua Torestrin. C'est le chemin le plus court et le plus sécurisé.

–Tu nous avais dit la même chose il y a quelques jours et on a faillit tous mourir, fit remarquer Durlan.

–Ne commencez pas à faire vos femmes, sans vouloir vous offenser Elecia et Avedelis.

Alors que le nain s'engouffrait dans le tunnel, les autres se regardaient en espérant que l'un d'eux fasse le premier pas.

–Allons, venez ! Cria Torestrin.

Sa voix résonna et s'ajouta au sifflement aigu du vent.

–Il veut vraiment notre mort, ce n'est pas possible autrement, lança Murzol. J'espère au moins qu'on sera payés à la fin !

L'orque avança sans aucune confiance en lui, regardant tout autour de lui. Torestrin attendait, une torche à la main, et semblait s'impatienter.

–Ne fais pas cette tête, fit Nylathria à son attention, je serai pour te secourir au moindre danger.

–Tu cherches réellement à me rassurer ? Parce que je sais que tu partiras sans moi pour sauver ta peau.

–J'espère que tu cours vite alors !

Le reste du groupe entra dans le tunnel, allumant d'autres torches pour y voir plus clair, et suivi Torestrin qui semblait connaître cet endroit comme sa poche. Le tunnel donnait sur des galeries. Ils entrèrent dans l'une d'elle, tournèrent deux fois à droite, à gauche, continuèrent tout droit pendant un long moment pour reprendre à droite. Seul, Durlan se serait perdu à coup sûr.

–Il s'agissait de mines autrefois, expliqua Torestrin, mais elles ont été abandonnées lorsque le filon a été épuisé. Aujourd'hui, elles sont habitées par des sauvages alors faîtes attention à vous, la moindre ombre peut être suspecte.

Durlan eut du mal à avaler sa salive et se mit à psychoter. IL regardait tout autour de lui, cherchant à savoir à qui appartenait toutes ces ombres. Heureusement, il ne s'agissait que celles de ses compagnons mais il restait à l'affût du moindre bruit suspect. Il ne manquerait plus qu'ils se fassent attaquer.

Le soir venu, ils installèrent leur camp au carrefour de plusieurs galeries et purent enfin allumer un feu. Durlan se précipita de s'installer devant, captant toute la chaleur possible. Le vent ne cessait de faire danser frénétiquement les flammes si bien que le jeune homme eût peur qu'elles ne s'éteignent. Après un repas bien mérité, ils tombèrent tous de fatigue, excepté Torestrin qui semblait encore assez énergique pour mener la garde et alimenter le feu.

Ils reprirent la route le lendemain assez rapidement. Même avec une bonne nuit de sommeil, les courbatures de Durlan étaient restées et ses pieds semblaient toujours être en bouillie. Il espérait simplement que le chemin jusqu'à la capitale ne s'éterniserait pas plus.

Il leur fallu deux jours supplémentaires pour passer sous les Monts d'Eatobel pour passer de l'autre côté, longer les montagnes qui, de ce côté-ci, étaient moins enneigées, et arriver à Vum Malduhr. Ou du moins, ce que Torestrin avait qualifié comme étant la ville. Le reste du groupé s'était regardé, inquiet. Ils n'avaient devant eux que des marches en pierre et une large porte sculptée à même la roche. Deux immenses statues de guerriers à la longue barbe l'encerclaient, hache à la main. Torestrin monta rapidement les marches et se planta devant la porte. Il prononça quelques mots en Stuuzda, la langue maternelle des nains, des runes s'illuminèrent et la porte, dans une longue plainte, s'ouvrit à eux.

–Comment font les visiteurs d'autres races pour rentrer ? Demanda Azlore. Ou même ceux qui ne parlent pas le Stuuzda ?

–Ils frappent, répondit simplement le nain.

La réponse, bien qu'évidente, fit rire Murzol et ne sembla pas contenter l'apprenti mage.

–Par contre vous ferez attention, les nains n'apprécient pas beaucoup les étrangers, les prévint Torestrin. Surtout les magiciens et les elfes. Les orques encore moins. Les humains cela peut passer, si tu ne parles pas trop Durlan.

–Pour résumer, les nains n'aiment personne, lança Murzol.

–Tais-toi donc, nous sommes certainement surveillés.

Durlan regarda tout autour de lui dans l'espoir de voir quelques gardes autour d'eux, mais il n'y avait définitivement personne.

Ils traversèrent un interminable couloir aux dimensions disproportionnées, surtout pour des nains, couloir parsemé de stalagmites et stalactites et dont les parois étaient taillées dans la montagne elle-même. Ce couloir menait à un immense pont en pierre gardé par des soldats qui, à la seconde où ils virent les étrangers, sortirent les armes et se mirent en position d'attaque.

–Qui êtes-vous étrangers ? Demanda l'un. Comment avez-vous fait pour passer la grande porte ?

–Je suis Torestrin Silvermaul, fils de Bommurum. Je suis accompagné de la princesse Nylathria Balsandoral, fille de l'empereur Eroan troisième du nom. Nous venons au nom du roi Jungdu Manriwa de l'Opale et de l'empereur Castien Balsandoral.

–Balsandoral ? Fit un autre garde. Qu'est-ce qu'une elfe fait ici ? Ne sont-ils pas censés être éteints.

–Il faut croire que les Dieux ont été cléments avec nous, s'avança Nylathria. J'ai besoin de voir le grand roi Murdrek, j'ai un message important pour Sa Majesté que je dois délivrer moi-même.

Les gardes la regardèrent de haut en bas avec une expression de dégoût. Il était connu que les nains n'appréciaient pas les autres races, c'était par ailleurs la raison pour laquelle l'entrée de leurs cités était aussi difficile d'accès pour les étrangers.

–Qui sont les autres ? Demanda le soldat de droite.

–Durlan Vecralon fils de la princesse Gweirith de l'Aube, répondit Nylathria. La mage Avedelis de l'Ordre des druides et son apprenti Azlore, Murzol fils de Murzol et quatre de mes gardes royaux.

Le garde renifla bruyamment.

–Un orque, grommela-t-il en crachant, des magiciens, des elfes et un bâtard recherché. On vous fait passer si vous nous laissez l'humain.

Durlan se tendit immédiatement. La jeune femme fit quelques pas en avant et se planta devant le soldat, le surplombant de toute sa hauteur.

–Le bâtard est sous ma protection, fit-elle calmement, osez le toucher et je vous fais passer par-dessus ce pont.

Le nain ne bougea pas et gardait son regard rivé dans celui de Nyla.

–Il suffit, intervint l'autre garde, on va vous faire passer mais vous devrez abandonner vos armes avant d'entrer dans la salle du trône.

–Je vous remercie.

Suivant les deux soldats, dont l'un n'était absolument pas ravi de les faire entrer dans leur cité, ils traversèrent le pont. Au bout de celui-ci s'élevaient deux tours de gardes remplie de soldats qui les regardèrent passer d'un œil fade, puis une immense muraille se dressa devant eux. L'un des gardes frappa cinq coups bien distincts et, du haut de cet immense mur, une sentinelle sorti la tête.

–Qui a-t-il ? S'exclama le nain. Qui sont-ils ?

–Il y a une princesse elfe qui désire voir le grand roi !

–Une princesse elfe ? C'est quoi cette blague encore ? Bon, on ouvre. LA POOORTE !

Quelques secondes plus tard, la lourde porte s'ouvrit, tirée par des soldats, et claqua derrière eux lorsqu'ils furent entrés. La cité de Vum Malduhr était la capitale des Terres des nains et c'était là que résidait le grand roi, Murdrek Kraghelm fils de Grudrorlim. La ville était séparée en deux par un gouffre dont on pouvait atteindre le fond par des cages et des marches bancales en bois et qui donnait accès aux mines. Les bâtiments s'enfonçaient dans la roche et ne semblaient ne faire qu'une avec la montagne. Quand aux rues, ce n'était que de larges tunnels éclairés de quelques torches. Tous les nains qu'ils croisaient se retournaient sur leur passage. La plupart d'entre eux n'avaient jamais quitté la ville et n'avaient jamais vu d'étrangers.

–Lesquels sont des femmes à ton avis ? Murmura Murzol en se penchant vers lui et en regardant tout autour d'eux.

–Parce qu'il est censé y avoir des femmes là-dedans ? L'interrogea Durlan.

–Fermez-la tous les deux, gronda Nylathria, j'ai envie de sortir vivante de ce trou.

Devant le regard noir de la jeune femme, les deux hommes se redressèrent et continuèrent à marcher en silence. Azlore était totalement fasciné par les seaux et les caisses de minerai qui remontaient du gouffre par des poulies, et il se fit remettre de nombreuses fois sur le chemin par Avedelis qui le tirait nonchalamment vers elle.

Ils arrivèrent enfin au palais, dont la façade avait été taillées directement dans la pierre et dont l'entrée était décorée de nombreuses runes et d'immenses statues de guerriers, semblables à celles de la porte extérieure. Les soldats qui la gardaient reprirent la relèvent afin que ceux qui les avaient accompagnés jusqu'ici puissent retourner à leur poste.

L'intérieur du château était sombre et même les quelques torches accrochées au mur et suspendues au plafond n'arrivaient pas à le rendre plus chaleureux Tout était de pierre, gris, froid et morne. La salle du trône était tout en longueur et s'avérait être un pont donnant sur un gouffre qui, visiblement, avait été autrefois le cœur d'un volcan. Le sol était craquelé et Durlan se surprit à prier pour qu'il ne cède pas.

En face d'eux, un trône aussi large que haut se dessinait et avait, de gravé sur le dossier, l'emblème des Terres des nains. De nombreux étendards tapissaient les murs et des soldats nains étaient disposés un peu partout, de façon irrégulière. On était loin de la discipline de l'Aube ou de l'Opale. Le grand roi Murdrek était assis nonchalamment sur son trône, regardant les étrangers d'un œil mauvais. Il portait de lourdes fourrures sombres, son immense nez prenait la moitié de son visage, l'autre étant occupée par ses sourcils et sa longue barbe hirsute décorée d'anneaux en métal.

Arrivés en bas des marches, les étrangers s'agenouillèrent devant le souverain peu avenant.

–Des elfes reviennent d'entre les morts et viennent me déranger jusque dans ma montagne, lança froidement le roi de sa voix grave et portante.

–Je suis la princesse Nylathria Balsandoral, commença la jeune femme, fille et dernière héritière de l'empereur Eroan et Guerrière du dragon. J'ai fait ce long voyage jusqu'à vous pour...

–Je sais, la coupa le souverain, on me l'a dit. Vous venez des Terres d'Opale, pourquoi être venus jusqu'ici pour me déranger alors que vous auriez pu aller voir le roi Tholmeck dans les montagnes de Drumhill ?

–Parce qu'il m'aurait dit d'aller vous voir, vous êtes le grand roi après tout, il n'a aucun pouvoir sur ce que je m'apprête à vous demander.

Murdrek regarda la jeune femme un instant, jouant avec sa barbe.

–Et que comptez-vous me demander ? L'interrogea-t-il.

–Un ennemi menace le peuple des humains, le même qui a tenté d'éteindre ma race il y a plus de deux cent ans. Les elfes se battront à leur côté pour venger tous ceux des nôtres qui sont morts mais malheureusement, ils ne sont pas assez nombreux. J'ai vu l'ennemi de mes propres yeux et je sais que seuls, les humains ne pourront pas le vaincre. Alors si aujourd'hui je me présente à vous c'est pour vous demander votre aide.

Le petit groupe retenait son souffle, ne sachant pas comment le roi allait réagir. Les nains n'étaient pas vraiment connus pour leur altruisme.

–Et pourquoi je devrais me battre ? Demanda-t-il. Si cet ennemi ne menace que les humains alors je suis hors de danger.

–Jusqu'à ce que la race des humains soit éteinte, répliqua la princesse. Ils se sont attaqués aux elfes, maintenant ce sont les humains et ils ne s'arrêteront certainement pas là. Les suivants devraient être les demi-elfes, puis les nains, les orques, les trolls et les nymphes. J'ignore ce que cherche cet ennemi mais personne n'est en sécurité.

–Et donc le roi Jungdu et l'empereur Castien souhaitent unir toutes les races pour se battre contre cette... menace ?

–C'est cela.

Le roi regarda attentivement le petit groupe assez particulier. Il était rare de voir autant de races mélangées et cohabiter aussi facilement.

–Et vous, princesse, qu'en pensez-vous ?

Tous les regards convergèrent vers la jeune femme qui ne se laissait pas impressionner. Durlan connaissait son avis sur la question, il espérait seulement qu'elle ne gâche pas tout avec ses paroles crues.

–Je pense que c'est stupide, déclara-t-elle.

Si Durlan avait été seul, il se serait frappé le front. Mais s'il ouvrit la bouche, il était certain de se faire rembarrer. Murdrek leva un sourcil et se pencha en avant, visiblement intrigué.

–Vous venez défendre une cause pour laquelle vous ne croyez pas ? Fit-il le sourire aux lèvres.

–J'ai marchandé ma liberté, répondit Nylathria. Je la récupérais si j'effectuais cette mission, avec en prime quelques pièces d'or. Je reste une chasseuse de primes. Si je ne crois pas en cette cause c'est parce que j'ai vu l'ennemi de mes propres yeux. J'ai vu ces trolls et ces orques envahir Gaaldorei, j'entends encore les cors de guerre résonner dans les plaines, et je revois ces elfes noirs commander l'attaquer, ordonner de brûler les villes et notre bois sacré. J'ai vu mon monde s'effondrer à cause de cet ennemi et je ne veux pas revivre cette horreur. Je sais de quoi ils sont capables et je ne suis pas stupide au point d'être suicidaire.

Durlan se mit à sourire en l'entendant dire ce que lui il lui avait dit quelques jours plus tôt.

–Donc c'est perdu d'avance ?

Malgré tout, le grand roi restait intéressé par la demande de la princesse.

–Je ne sais pas, personne ne peut savoir. Peut-être que l'union des races suffira à vaincre les elfes noirs, ou peut-être pas.

–Les elfes noirs vous dites ?

Un nain, jusqu'ici planté à côté du trône, intervint. Il ressemblait énormément au grand roi.

–Excusez mon fils pour se manque d'éducation, lança Murdrek, le bougre ne se présente même pas. Mon fils, le prince Thedrin, son frère ne doit pas être bien loin. Cet idiot a beau manquer d'éducation, il soulève un bon point. Je croyais que les elfes noirs n'était qu'une de vos légendes stupides à vous les elfes.

–Je le pensais jusqu'à ce que j'en vois un de mes propres yeux.

–Et vous avez parlé de trolls et d'orques. Cela signifie-t-il qu'ils sont avec l'ennemi ?

–Beaucoup faisaient partis de nos assaillants, avoua Nylathria, mais tous ne doivent pas être avec lui mais nous ne nous aventurerons pas jusque dans les Terres des orques, je tiens trop à ma vie pour ça.

–Ce qui veut dire que je pourrais tuer quelques orques au passage, déduisit Murdrek, c'est toujours bon à prendre.

À côté de Durlan, Murzol se faisait le plus petit possible, malgré sa taille impressionnante.

–Une audience se tiendra à Irindor, l'informa la princesse, tous les peuples qui souhaiteront se battre devront s'y rendre pour organiser une stratégie.

–Irindor ? S'étonna le grand roi. Vous voulez m faire me déplacer jusque sur les Terres de l'Aube ? Pourquoi ne pas faire cela ici ?

–Parce que, sauf votre respect Vôtre Majesté, mais Vum Malduhr est presque inaccessible pour une armée, nous perdrions beaucoup trop d'hommes à traverser les montagnes. Et puis le plus grand nombre d'attaques se concentrent sur les Terres de l'Aube, il semble évident que l'ennemi frappera en masse là-bas.

Le souverain grommela et lança un regard vers son fils.

–Je me rendrais à Irindor, déclara-t-il, avec quelques hommes et j'assisterais à l'audience. Mais si je considère que la cause est perdue, je retourne dans ma montagne. En revanche, si j'accepte de me battre, les rois Tholmeck et Norazak arriverons avec le reste de mes forces. Je ne peux vous garantir, Vôtre Altesse, ma présence lors de la bataille, je ne peux vous donner qu'un peut-être.

–Cela me suffira amplement, répondit la jeune femme en lui accordant une légère courbette, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Durlan sentait combien cela lui coûtait de parler ainsi. SI cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait tout envoyé balader.

Le grand roi se leva et descendit les marches.

–Je suppose que vous allez vouloir dormir ici et manger ma nourriture, s'exclama-t-il.

–Simplement une nuit, répondit Torestrin, juste le temps de nous reposer et faire le plein de provisions. Nous partirons demain dès l'aube.

Le roi s'arrêta et regarda longuement le nain avant de se mettre à rire.

–Torestrin Silvermaul ! Lâcha-t-il jovialement. Si je m'attendais à revoir ta face de fils de putain ici ! Qu'est-ce que tu fiches avec des elfes, un bâtard et un orque ?

Il le prit par les épaules et l'embarqua. Le reste du groupe se regardait sans vraiment comprendre. Apparemment, Torestrin leur avait caché qu'il connaissait le grand roi. Mais cela n'étonnait pas tellement Durlan, après tout le nain avait du sang royal, même minime.

–La gamine là avec qui vous avez causé est la meilleure des chasseurs de primes, bien loin de Devon le Sanglant ! Lança Torestrin. Il n'y a pas mieux qu'elle pour rester en vie.

–Jusqu'à ce que je t'étripe, fit la jeune femme d'un ton las.

Les deux nains se tournèrent vers elle et le roi explosa de rire.

–Elle ne se laisse pas faire, ça se voit qu'elle a du sang de dragon ! Allez viens mon ami, allumons une pipe pour ton retour !

Mais il s'arrêta net, coupant leur moment de joie, et se retourna de nouveau vers Nylathria.

–Une dernière chose, ajouta-t-il. Vous avez un dragon, je suppose qu'on vous a demandé de vous battre. Mais puisque vous ne croyez pas en cette cause, le ferez-vous ?

La question était excellente, Durlan se la posait depuis longtemps mais n'avais jamais osé demander à la jeune femme ce qu'il en était, craignant la réponse. Lui voulait se battre pour son peuple, encore fallait-il qu'il le veuille, mais il n'était pas sûr que la princesse le ferait elle aussi. Les lèvres de Nyla s'étirèrent en un fin sourire malicieux.

–J'assisterais comme vous à l'audience mais si je considère cette cause comme véritablement perdue je ne peux vous garantir, Vôtre Majesté, ma présence lors de la bataille. Je ne peux vous donner qu'un peut-être.

Le roi se mit à rire.

–Finalement, les elfes ne sont pas tous des cons, je l'aime bien cette petite. Allez, fêtons cela ! Par contre l'orque, un seul faux pas et je te fais balancer du haut du gouffre.

Murzol se ratatina encore plus, ce qui fit sourire Durlan. Murdrek et Torestrin s'en allèrent joyeusement et le roi sortit d'on ne sait où une pipe.

–Qui aime la pipe ? 

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